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Le défi réussi de renouveler vraiment l’interprétation de Bach : l’exemple d’intimité parfaitement réalisée du CD des « Sonatae a Viola da Gamba et Cembalo Obligato » d’Andrea De Carlo et Luca Guglielmi…

18jan

C’est, ce jeudi 18 janvier 2024, l’article « Paysagé » de Jean-Charles Hoffelé sur son passionnant site Discophilia,

qui m’a fait découvrir l’existence du CD « Sonatae a Viola da Gamba et Cembalo Obligato – Johann Sebastian Bach » _ à écouter ici… _ du gambiste Andrea De Carlo et du claviériste Luca Guglielmi,

le tout à fait remarquable CD Finaline Classics FL 72415.

PAYSAGÉ

Les trois Sonates pour cet instrument que Bach, destinant ses Suites au tout jeune violoncelle, ne considérait pas pour obsolète, la viole de gambe _ voilà donc cet einstrument expréssément choisi ici par Bach… _, héros du Grand Siècle français dont il goûtait tant les compositeurs, sont les chefs-d’œuvre intimes _ un terme assurément crucial… _ les plus touchants coulés de cette plume intarissable _ qui est celle du Cantor de Leipzig : ces Sonates ont été vraisemblablement composées à Leipzig au tournant des années 1730-1740, d’après les recherches les plus récentes des musicologues (cf Richard D. P. Jones (2013) « The Creative Development of Johann Sebastian Bach, Volume II : 1717–1750 : Music to Delight the Spirit« . Oxford University Press)…

Andrea de Carlo _ né à Rome en 1963 _ et Luca Guglielmi _ né à Turin en 1977 _ les paysagent, le second touchant le clavecin pour la 2e (le sublime Michael Mietke du château de Charlottenbourg), un orgue signé Gottfried Silbermann pour la 3e ou pour la Sonate en sol majeur un pianoforte du même facteur, ensemble plaçant entre chaque Sonate Introitus et Postludium, ou au seul clavier, clavecin puis orgue, deux Préludes.

Le dialogue entre la viole si chantante d’Andrea de Carlo (superbe copie d’une Pellegrino Michel signée Sergio Marcello Gregorat) et son claviériste est plus épanoui face au clavecin pour la Sonate en ré majeur, si sereinement déployée, qu’avec l’orgue choisi pour la Sonate en sol mineur, comme si une distance les dépareillait parfois, surtout lorsque leurs lignes sont parallèles.

La mariage avec le pianoforte est savoureux _ voilà. Comme il nous change le visage sonore de la Sonate en sol majeur ! Soudain plus intime encore, quasiment de la musique « domestique » _ voilà : pour soi ; et pas pour le concert ; écoutez ici le sublime Andante de cette Sonate BWV 1027 sous les doigts d’Andrea De Carlo et Luca Guglielmi… _, perle d’un disque attachant _ oui… _ que tout amoureux des trois opus ne voudra pas laisser de côté.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach(1685-1750)


An Wasserflüssen Babylon, BWV 653 (version pour viole de gambe et orgue)
Sonate pour clavecin obligé et viole de gambe No. 3 en sol mineur, BWV 1029 (version avec orgue)
Partita pour clavier No. 4 en ré majeur, BWV 828 (extrait : IV. Sarabande)
Sonate pour clavecin obligé et viole de gambe No. 2 en ré majeur,
BWV 1028

Variations Goldberg, BWV 988 – Aria
Sonate pour clavecin obligé et viole de gambe No. 1 en sol majeur,
BWV 1027 (version avec pianoforte)

Prélude et Fugue en sol mineur, BWV 885 – Prélude (Das wohltemperierte Klavier II)
Sonate pour flûte et clavecin en la majeur, BWV 1032 (extrait : II. Largo e dolce ; version pour viole de gambe et orgue)

Andrea de Carlo, viole de gambe
Luca Guglielmi, clavecin, orgue, pianoforte

Un album du label Fineline Classics FL72415

Photo à la une : le musicien Andrea de Carlo – Photo : © Cristina Rezzi

Renouveler de façon touchante l’interprétation du répertoire musical déjà bien couru de pas mal d’interprètes, parfois brillants,

est un défi pour chaque nouvelle génération de musiciens-interprètes _ dans le numéro 729 de janvier 2024 du magazine Diapason, à la page 75, de ce beau CD Fineline 72415 d’Andrea De Carlo et Luca Guglielmi, le critique Jean-Philippe Pucek écrit  : « L’audace et la qualité de la proposition méritent l’attention des amateurs du Cantor. Pour eux, le détour s’impose. Les autres retourneront, pour les sonates, entre autres, à Jordi Savall et Ton Koopman (EMI, puis Alia Vox le CD AV 9812 a été enregistré à Cardona en janvier 2000 _) ou Lucile Boulanger et Arnaud De Pasquale (Alpha _ 161, enregistré en 2012 _, Diapason Découverte)« 

Voici aussi ce que Jean-Christophe Pucek écrit en particulier de l’interprétation d’Andrea De Carlo et Luca Guglielmi de la Sonate BWV 1027 n°1, en sol majeur« Dès l’ Adagio de la BWV 1027 _ écoutez ici  _, le timbre chaleureux de la viole et la clarté mate du clavier fusionnent à merveille : portés par un élan commun, les deux partenaires s’écoutent, se répondent, comme en témoigne l’allure parfaite de l’Allegro ma non tanto _ écoutez ici. La profondeur qu’atteint le sentiment  dans l’Andante _ écoutez-ici _ laisse pantois » _ oui, absolument ! ; et voici aussi de quoi écouter l’Allegretto moderato final de cette Sonate BWV 1027, par Andrea De Carlo et Luca Guglielmi

Et voilà qui fait rédécouvrir vraiment à l’oreille des mélomanes des œuvres qu’ils pensaient assez bien connaître pourtant jusqu’alors…

Ce jeudi 18 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Merveilleux Antoine Tamestit, altiste : dans les (dansantes comme jamais !) Sonates pour viole de gambe et clavecin de Johann Sebastian Bach

04sept

La carrière discographique d’Antoine Tamestit, altiste,

est jalonnée, et avec une très remarquable constance, d’exaltantes réussites !

Quelle merveilleuse musicalité !

Après de plus que lumineuses _ un pur bonheur !Variations Goldberg

magnifiquement transposées _ tout danse ! dans la grâce du jeu entrelacé de ces cordes… _ en Sonates en trio, au sein du Trio Zimmermann _ dans l’exceptionnel CSAD Bis 2347 ; cf mon dithyrambique article du 9 mai dernier : _,

Antoine Tamestit nous offre aujourd’hui

de superlatives _ dansantes comme jamais à ce point ! _  Sonates pour viole de gambe et clavecin,

les Sonates BWV 1027-1028-1029 de Johann Sebastian Bach,

à l’alto,

avec, au clavecin, le parfait Masato Suzuki.

N’oublions pas que

le jeu étourdissant de la transposition

est au cœur vibrant de vie _ et d’envol vers le ciel _ du Baroque !

À se damner de plaisir…

Une grâce absolue !


Ce mercredi 4 septembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Froberger, ou la musique même, par le Duo Coloquintes : Alice Julien-Laferrière, violon, et Mathilde Vialle, viole de gambe _ un pur enchantement

08juil

Au sommet de la musicalité,

Johann Jacob Froberger (Stuttgart, 1616 – Héricourt, 1667).

Johann-Jacob Froberger est un sublime claviériste

_ à l’égal, mais en un tout autre genre, bien sûr, d’un Domenico Scarlatti !

Dans ce CD intitulé Froberger en tête à tête _ le CD Son An Ero 06 _,

le Duo Coloquintes,

constitué de la violoniste Alice Julien-Laferrière et de la gambiste Mathilde Vialle

_ merveilleuses de poésie ! _,

nous offre une interprétation miraculeuse de poésie _ de précision et finesse _

d’œuvres interprétées en duo _ violon et viole de gambe, sans basse continue _ de Froberger (6)

et quelques contemporains _ ainsi que quelques pièces (4) demeurées anonymes _,

tels que Johann Christoff Zieglern (2), Matthias Kelz, Carl Bruegel, Christoph Bernhardt et Johann Jacob Walther.

Cette interprétation et cette musique

sont un enchantement absolu.

Qui y résisterait ?


Ce lundi 8 juillet 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Admirable « Regina Bastarda : The virtuoso viola da gamba in Italy around 1600″, par Paolo Pandolfo et La Pedrina

19mai

Comme pour poursuivre l’enchantement du CD que j’ai célébré hier même

_  _,

voici ce jour la grâce du CD

de Paolo Pandolfo, à la viola bastarda, et de La Pedrina,

soient les chanteurs Gabriel Jubin, Paolo Borgonovo, Matthias Deger, Raitis Grigalis et Matteo Bellotto,

sous la direction de Francesco Saverio Pedrini,

Regina Bastarda _ The virtuoso viola di gamba in Italy around 1600

_ soit le CD Glossa GCD 922519 _,

qui nous offre un florilège de variations virtuoses _ avec diminutions _ sur la viola bastarda

de divers compositeurs

_ Oratio Bassani, Francesco Rognoni, Riccardo Rognoni, Diego Ortiz, Aurelio Virgiliano et Vincenzo Bonizzi _

de chansons et madrigaux

d’autres compositeurs leurs contemporains

_ Giovanni Pierluigi da Palestrina, Cipriano de Rore, Girolamo dalla Casa, Thomas Crecquillon, Pierre Sandrin, Orlando di Lasso et Adrian Willaert _

en Italie,

au tournant de la Renaissance et du pré-Baroque.

C’est à nouveau une splendeur

d’un ravissement _ d’une très grande intimité _ rare.

La nuit en est illuminée.

Ce dimanche 19 mai 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Tombeau pour un luthier : Pierre Jaquier, de Cucuron

22jan

Un très bel hommage à un luthier disparu _en 2010 _,

Pierre Jaquier, de Cucuron ; 

par Cécile Glaenzer, sur le site de Res Musica :

Et pour Joël Dehais,

ami violiste,

et fervent de ses rencontres de Cucuron.

PIERRE JAQUIER, TOMBEAU POUR UN LUTHIER

Artistes, Artistes divers, Portraits

La parole est donnée à des facteurs de piano, d’orgue, de clavecin ou encore des luthiers et tout autre artisan « de l’ombre ». Sous la forme d’anecdotes, de réflexion sur le métier, ou de confidences imaginaires d’artisans célèbres dans l’histoire de la musique, ResMusica choisit de les mettre en lumière. Pour accéder au dossier complet : Les confidences d’artisans de la musique


CaptureParti en 2010, Pierre Jaquier était un luthier mondialement reconnu pour son immense talent. Véritable esprit encyclopédique, il puisait l’inspiration de son art à la source d’une profonde spiritualité chrétienne.

Des centaines de violes de gambe sont nées entre les mains de Pierre Jaquier. Ses instruments, sans oublier ceux de la famille des violons, se retrouvent au sein des orchestres baroques du monde entier. Et l’atelier de Cucuron, dans le Vaucluse, où il s’était installé depuis 1990, a vu défiler les plus grands musiciens venus faire régler leurs instruments à archet. Pour le grand public, c’est le film Tous les matins du monde d’Alain Corneau qui a révélé la viole de gambe, cet instrument-roi du XVIIe siècle. Pierre Jaquier fut le luthier qui a construit pour ce film les violes de M. de Sainte-Colombe et de Marin Marais.

L’atelier des Quatre Couronnés

Certains lieux privés sont des lieux sacrés, des lieux où souffle l’Esprit. Ainsi, l’atelier de lutherie de Pierre Jaquier est de ces lieux habités, où le visiteur est immédiatement saisi par un sentiment de transcendance. Une grande pièce lumineuse, très haute de plafond. La lumière zénithale tombe directement sur l’établi. Au sol, des milliers de petits cubes de bois debout disposés en spirale forment une mosaïque monochrome. Au centre de l’atelier, un large pilier cylindrique autour duquel s’enroule l’hélice d’un escalier de bois, permet d’accéder à une mezzanine aux rayonnages remplis de livres, de plans, d’esquisses et de pièces de bois sculptées. Sur la poutre maîtresse qui soutient l’ensemble, le luthier a gravé des versets du Psaume 103, en latin : «  Omnia a te expectant ut des illis escam in tempore. Dante te illis, colligent. Aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate. Emittes spiritum tuum, et creabuntur et renovabis faciem terrae »(1).  On pense à la librairie de Montaigne _ voilà. Aucun outil ne traine, tous soigneusement rangés dans de beaux placards de bois remplis de centaines de petits tiroirs. La pièce des vernis est à part, qui évoque l’antre de l’alchimiste avec ses rayonnages de fioles alignées.

Du bois, des outils, de la lumière : ce sont là les éléments du sacré. Ce n’est pas un hasard si Pierre Jaquier a voulu une bénédiction pour son atelier au moment de son inauguration, comme on bénit un orgue, comme on dédicace un autel. Pour cet artisan à la spiritualité si profonde, l’établi était une forme d’autel, et l’ensemble de ses gestes s’apparentait à une liturgie _ oui. Il se sentait proche de la Règle de Saint Benoît, qui donne une si belle place au travail : « Pour Benoit, si la prière est le premier travail des moines, le travail est aussi une prière. », nous dit-il dans un texte inédit consacré à la place du travail manuel dans la Bible. C’est au cours de la cérémonie de bénédiction de l’atelier par le curé de Cucuron que le luthier Luc Breton a procédé à la remise du tablier à Pierre Jaquier, geste solennel qui relevait autrefois du magistère de l’église. Grand connaisseur de la tradition, Luc Breton fait référence à cette cérémonie dans un article paru dans la revue Connaissance des religions * : « La remise du tablier appartenait à l’Église. Elle y a renoncé à partir de la fin du XVIIe ; cette cérémonie a subsisté seulement sous une forme édulcorée, avec le scapulaire de Saint Joseph notamment. Le tablier ressemble à l’étole du prêtre ; il porte une croix au niveau de la nuque, on baise cette croix avant de passer le tablier autour du cou. Son tracé est particulier : il est en forme de trapèze que l’on peut subdiviser en trois séries superposées de trois carrés, soit neuf carrés, auxquels il faut ajouter un dixième carré supplémentaire en haut, au niveau de la poitrine. Cela donne au tablier une forme ascendante, avec un point de fuite en haut et une croix inscrite dedans. Le tablier est d’une importance capitale, car c’est une représentation du monde, que l’on peut comparer au plan de l’église dans lequel le ciel est une demi-sphère posée sur un cube (…). La remise du tablier se faisait dans le cadre du métier, en présence des dignitaires du métier, avec la bénédiction du clergé. »

L’atelier de Pierre Jaquier est placé sous le patronage des « Quatre Couronnés » _ à Rome, l’église des Quattro Coronatti s’élève entre Saint-Clément et Saint-Jean-de-Latran, sur les pentes dominant à l’est le Colisée. Dans le même texte déjà cité, il nous rappelle qui sont ces saints oubliés : « Les Quatre Couronnés sont cinq : Claudius, Castorius, Simpronianus et Nicostratus, auxquels s’ajoute Simplicius, converti un peu plus tard. Ils étaient sculpteurs en Pannonie, dans les carrières de Dioclétien _ le constructeur du palais de Split, en Dalmatie _, et maîtrisaient leur art à la perfection au point d’être remarqués par l’empereur qui les fit travailler spécialement pour lui, en particulier le porphyre, le plus dur de tous les marbres _ celui du puissant relief des quatre tétrarques d’un des angles de la façade de Saint-Marc de Venise. Les Quatre couronnés disaient tenir le secret de leur incroyable maîtrise technique dans le fait qu’ils appliquaient à la lettre le précepte de l’Apôtre Paul : Quoi que vous fassiez, faites-le au nom du Seigneur Jésus. Lorsque Simplicius, dont le fer se brisait régulièrement sur le marbre, l’eut fait tremper par Claudius, à sa question devant la qualité nouvelle de l’outil, ce dernier répond : Tu t’étonnes, frère, de la trempe des fers ? C’est le Créateur de toutes choses qui a lui-même renforcé son œuvre. Leur technique ignorait complètement celle des ingénieurs païens et ne connaissait que le nom du Christ ; elle produisait des merveilles qu’aucun autre sculpteur ne pouvait réaliser. Soupçonnés d’être chrétiens, ils reçurent l’ordre d’adorer une statue de vingt-cinq pieds de haut, représentant le soleil avec son quadrige, qu’ils avaient eux-mêmes sculptée et que Dioclétien avait fait placer dans un temple. Ils s’y refusèrent en déclarant : Nous n’adorons jamais l’œuvre de nos mains. Ils refusèrent également de sculpter une statue d’Esculape, ce qui leur valu la couronne du martyre. »

On reconnaît l’artisan à ses copeaux

L’épreuve de la maladie a été pour Pierre Jaquier une ultime source d’enrichissement. Tous ceux, très nombreux, qui l’ont côtoyé durant ces longs mois où la maladie dégénérative semblait détruire inéluctablement son corps, tous ont ressenti cette force morale qui l’habitait, cette paix intérieure. « Vivre avec une telle maladie, c’est comme être enfermé dans un sous-marin : on est relié par un tuyau à la surface pour respirer. Si je remonte à la surface, je trouve l’agitation, les soucis ; mais il est possible d’aller au plus profond pour trouver le calme (…). Comme je ne peux me déplacer horizontalement, il me reste à rechercher au fond de moi-même ma vérité, en descendant dans mon espace intérieur, espace qui est beaucoup plus grand qu’on ne l’imagine », témoignait-il en juin 2010, dans le bulletin de l’Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique (A.R.S.L.A.).

En homme de foi, Pierre Jaquier s’est préparé à « la Rencontre ». Pour cela, il lui a fallu faire l’expérience du lâcher-prise, du dépouillement. Il en parlait volontiers aux amis qui lui rendaient visite. « Lâcher prise, ce n’est rien d’autre qu’ouvrir ses mains, ouvrir son cœur. » Il lui a d’abord fallu accueillir la maladie en lui, jusqu’à en faire une compagne de vie. « Ce chemin-là, c’est un véritable pèlerinage », disait-il. Sur ce chemin, nourri par la Parole, il avançait d’un pas ferme et assuré. En l’entendant évoquer le dépouillement auquel le travail sur lui-même le conduisait, on ne pouvait qu’être frappé de la similitude avec le travail du luthier qui rabote une table d’harmonie ; copeau après copeau, pour ôter au bois toute la matière qui l’encombre, jusqu’à le rendre résonnant à la perfection. Après avoir façonné  tant d’instruments magnifiques, le luthier, à travers sa maladie, s’est laissé lui-même façonner. Et pour pousser plus loin encore la métaphore des copeaux, nous laisserons la parole à Pierre Jaquier lui-même, en guise de conclusion. Toujours dans ce même texte inédit, il fait référence à Eloi, « autre artisan inscrit au nombre des saints ». Orfèvre de renom, il est appelé à réaliser un trône d’or pour le roi Clotaire, qui lui fournit la quantité de métal précieux nécessaire. Or, l’artisan livrera au roi deux trônes, le deuxième fait avec les chutes et rognures d’or du premier. « C’est le mystère de l’incarnation qui est illustré par le respect de la matière et des déchets dans lesquels on peut lire la forme en creux. On reconnaît l’artisan à ses copeaux, dit-on dans les ateliers, et cette sentence rapportée au Dieu créateur de toutes choses se prête à d’infinies variations sur la création divine, sa mise en œuvre, sa conduite jusqu’à l’achèvement et la signification ou l’usage de ses débris. »

* « De l’art du trait à l’art de la musique. Pratiquer et transmettre le métier de luthier », entretien de Philippe Faure avec Luc Breton in « Connaissance des religions » n°69-70.

Crédits photographiques : © Patrick Le Galloudec

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