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Ce que l’Air du Froid du « King Arthur » (en 1691) de Henry Purcell (et John Dryden) doit à l’Air des Trembleurs de l' »Isis » (en 1677) de Jean-Baptiste Lully (et Philippe Quinault)…

10mai

Un échange de courriel avec une amie m’a permis, ce mercredi 10 mai, de faire un point sur ce que le célèbre Air du Froid du « King Arthur » (en 1691) _ air popularisé il y a quelques années par une interprétation-adaptation de Klaus Nomi (1944 – 1983), et disponible dans le magnifique enregistrement de John-Eliot Gardiner, avec Stephen Varcoe, en 1985 _ de Henry Purcell (1659 – 1695), sur un livret de John Dryden (1631 – 1700),

doit à l’Air des Trembleurs de l' »Isis » (en 1677) de Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687), sur un livret de Philippe Quinault (1635 – 1688).

En 1995, alors que j’étais « conseiller artisitique de Hugo Reyne et La Simphonie du Marais », 
j’ai été l’auteur à 90% du programme du CD « Un Portrait musical de Jean de La Fontaine » (CD EMI – Virgin, de La Simphonie du Marais) préparé pour les commémorations _ plusieurs concerts et un disque _ du tricentenaire du décès de La Fontaine en 1695.
Et il se trouve que j’avais personnellement tenu à inclure en ce programme autour de la carri§re poétique et musicale de La Fontaine, l’air des Trembleurs de l’ » Isis » de Lully et Quinault, en 1677,
pour illustrer d’une part les péripéties des querelles musico-poétiques entre La Fontaine et Lully,
et surtout afin situer, dans le temps, le « petit opéra », donné à Paris, en 1678 _ et quasi inconnu, non seulement des mélomanes, mais aussi de la plupart des chercheurs _, « Les Amours d’Acis et de Galatée » de Marc-Antoine Charpentier et Jean de La Fontaine,
que j’avais retrouvé et pu reconstituer en partie lors de mes recherches de toute une année pour constituer ce programme de concert et de CD en l’honneur de La Fontaine…
En effet, c’est de cet air des Trembleurs de l’ « Isis » de Lully, en 1677, que le merveilleux Henry Purcell s’est inspiré pour l’air célèbre du Froid de son « King Arthur » en 1691
Purcell, en effet, formé auprès des compositeurs  Pelham Humphrey et John Blow, était très connnaisseur de la musique française de son époque, à la cour des rois Charles II et Jacques II Stuart, qui avaient longtemps longtemps présents à Saint-Germain-en-Laye, au moment du règne de Cromwell…
Et leur sœur étant l’épouse de «  Monsieur », Philippe d’Orléans, le frère du roi, Louis XIV…

Voici donc ici un podcast (de 1’ 48) de cet air extrait de notre CD, enregistré pour EMI en 1995, par La Simphonie du Marais dirigée par Hugo Reyne, intitulé « Un Portrait musical de Jean de La Fontaine »
– les chanteurs en sont Isabelle Desrochers et Bernard Deletré. 
J’étais présent (et vigilant !) aux séances d’enregistrement (par l’excellent Hugues Deschaux), supervisées par l’excellent Nicolas Bartholomée, à l’abbaye Saint-Michel-en-Thiérache, au mois d’août 1995,
dont je garde un souvenir enchanté…
Et le CD est paru, brillamment récompensé, en mars 1996 sous le label Virgin : 7243 5 45229 2 5. 
De ce bel air des Trembleurs d’ » Isis », de Quinault et Lully,
voici les podcasts de deux autres interprétations,
l’une tirée de l’ » Isis » de Lully dirigée par Christophe Rousset à la tête de ses Talens lyriques, en 2019 ;
et l’autre du CD « Lully – Les Divertissements de Versailles », par les Arts Florissants dirigée par William Christie, en 2002.
La confrontation de ces trois interprétations est plus qu’intéressante.
dans lequel j’évoque les circonstances des recherches (et découvertes) liées à ce CD de 1995-96…
Voilà.
Ce mercredi 10 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le répertoire sublime des « Grands Motets » français : une superbe réalisation au disque de trois motets de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711 – 1772) par Gaétan Jarry pour le beau label Château de Versailles Spectacles

15juin

Le label Château de Versailles Spectacles poursuit son très beau travail de réalisation-réactualisation discographique des « Grands Motets » français de Henry Du Mont à Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville

_ pour le volume n°5 de sa collection « Grands Motets » : les volumes précédents ont été consacrés à des « Grands Motets » de Jean-Baptiste Lully (volumes n°1 et n° 4), Pierre Robert (volume n°2) et Jean-Philippe Rameau (volume n°4)… _

par un très réussi premier CD de « Grands Motets » français de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (Narbonne, 25 décembre 1711 – Paris-Belleville, 8 octobre 1772),

soit le CD « Grands Motets » CVS 063 _ comportant les Motets « In exitu Israel » (1753), Dominus regnavit » (1734) et « Cœli enarrant gloriam Dei » (1749)…  _ par Gaétan Jarry à la tête du Chœur et de l’Orchestre Marguerite-Louise

_ sur le travail de celui-ci, cf  mon article du 19 février dernier « « , à propos de son CD des « Grands Motets«  de Jean-Philippe Rameau (CD Château de Versailles Spectacles  CVS 052)… _

qui vient de paraître ce mois de mai 1022.

Entre 1734 et 1753, Mondonville a composé 9 « Grands Motets« ,

ainsi que 12 « Petits Motets« .

Avant cet enthousiasmant CD Château de Versailles Spectacles CVS 063 dirigé par Gaétan Jarry, qui vient tout juste de paraître,

figuraient dans ma discothèque trois CDs, respectivement parus en 1988 pour le label Hyperion, 1997 pour le label Erato, et 1997 encore pour le label Auvidis Astrée, sous les directions

d’Edward Higginsbottom (CD « De Profundis. Venite exultemus » Hyperion CDA66269) _ comportant « Venite Exultemus » et « De Profundis » _,

de William Christie (CD « Grands Motets » Erato 0630-1779-1-2) _ comportant « Dominus Regnavit« , « In exitu Israel » et « De Profundis«  : écouter ce CD ici _

et de Christophe Coin (CD « Grands Motets » Astrée E 8614) _ comportant « Cœli enarrant« , « Venite Exultemus » et « Jubilate Deo« 

Mais je m’aperçois aussi que manque à l’appel, paru, lui, en 2016, le CD Glossa « Grands Motets » de Mondonville, le CD GCD 923508,

par le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra sous la direction de Gÿorgy Vashegyi, qui comporte, lui, « Cantate Domino« , « Magnus Dominus« , « De Profundis » et « Nisi Dominis ædificavit« …

Le 13 juin dernier, sur son site Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé a consacré une excellente chronique, joliment _ et très justement _ intitulée « Stupeur et tremblement« , à ce tout nouveau excellent CD Mondonville par Gaétan Jarry,

article que voici :

STUPEUR ET TREMBLEMENT

Avec ses Motets à grand chœur, Mondonville refermait brillamment _ oui ! en 1753 _ le grand livre du genre _ importantissime, musicalement, ouvert splendidement par Henry Du Mont (1619 – 1684), qui en a composé rien moins que 69, la musique de 26 d’entre eux nous étant accessible…

In exitu Israel _ de 1753 _, par lequel Gaétan Jarry et sa vaillante troupe ouvrent ce que j’espère _ et moi aussi… _ être le premier volume d’une série qui devrait se compléter des six autres motets (et qui sait, des Petits motets _ au nombre de 12 _ où les merveilles _ oui ! _ abondent), est l’un des plus saisissantes _ mais oui ! _ musiques du XVIIIe siècle français, son Intrada impérieuse, ses chœurs d’écho ouvrant les flots, son immense air de ténor (Montes exultaverunt) où Mathias Vidal transfigure _ parfaitement ! _ son chant, quel saisissement, qui trouve dans le geste épique de tous mieux qu’une interprétation, une élévation _ tout à fait : en une admirable douceur… Car Gaétan Jarry, derrière le théâtre pétri d’italianismes, n’oublie jamais la spiritualité du verbe comme celle de la musique _ oui _, donnant leur impact aux deux autres motets.

Le Dominus regnavit _ de 1734  _ imposa Mondonville au public du Concert spirituel et restera l’un de ses plus joués _ en effet… _ dans ses fastes où passe le souvenir du grand style de Delalande, sa roide ardeur est magnifiée par l’élan _ oui _ imprimé ici, alors que le ton plus élégiaque, la ferveur aérienne du Cœli enarrant gloriam Dei _ de 1749 _ fusent dans un arc-en-ciel de couleurs.

Album saisissant _ tout à fait ! _, qui rappelle le génie si singulier que le genre du motet aura imprimé aux audaces de bien des compositeurs, de Pierre Robert, de Madin, de Montigny, de Blanchard, moins connus que ceux de Du Mont, Lully ou Delalande, qui tous auront illustré les psaumes avec art, mais aucun n’y aura osé faire entrer à ce point le théâtre ! Splendeur ! _ oui !

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772)
In exitu Israel (Psaume 113)
Dominus regnavit
Cœli enarrant gloriam Dei

Maïlys de Villoutreys, dessus
Virginie Thomas, dessus
Mathias Vidal, haute-contre
François Joron, taille
Nicholas Scott, taille
David Witczak, basse-taille

Chœur & Orchestre Marguerite Louise
Gaétan Jarry, direction

Un album du label Château de Versailles Spectacles CVS063

Photo à la une : Maurice Quentin de La Tour, Portrait du compositeur – Photo : © DR

Une superbe réalisation musicale, enthousiasmante donc, que ces interprétations-ci de Gaétan Jarry !

Ce mercredi 15 juin 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le revival discographique des joyeux « Paladins » de Jean-Philippe Rameau (2)

31mar

Voici qu’après mon article «  » du 26 février dernier,

ResMusica, sous la plume de Jean-Luc Clairet, publie ce jour une chronique intitulée « Les Paladins de Rameau par la Chapelle harmonique : première intégrale discographique« , consacrée à ce marquant CD du label Château  de Versailles – Spectacles, par la Chapelle harmonique sous la direction de Valentin Tournet…

 

Valentin Tournet parachève le travail commencé par Jean-Claude Malgoire en 1990 (2 CDs Paul Vérany) et poursuivi par Konrad Junghänel en 2010 (2 CDs Coviello Classics) avec cette parution inespérée d’une véritable intégrale (3 CD Château de Versailles Spectacles) de l’avant-dernier opéra de Jean-Philippe Rameau.

« La musique est d’un ennui redoutable. Rameau a paru radoter, et le public lui dit qu’il est temps de dételer. » En 2022, l’on se désolidarise bien évidemment de cette critique de 1760 venue cueillir à chaud la première représentation des Paladins. Heureux fut-il que Rameau ne prît pas la mouche après cet avis assassin à l’endroit du dernier opéra qu’il présenta à son public, car c’eût été priver la postérité des géniales Boréades à venir. Si le succès délaissa bel et bien Les Paladins, supprimé de l’affiche après 15 représentations, ce fut pis pour Les Boréades, jamais représentées _ en effet… _ du vivant de son auteur, où pourtant (piqué au vif ?) il s’était de toute évidence dépassé. Certes, le pénultième opéra n’est pas irrigué de la même eau que l’ultime : pas un numéro des Paladins ne se hisse à la hauteur de l’Air pour les Saisons et les Zéphyrs, de l’Entrée de Polymnie des Boréades. Mais il dégage du déversoir de danses qu’il est une somme de trouvailles orchestrales, une énergie dont la très pop version Christie/Montalvo/Hervieu (DVD Opus Arte) fit une fête mémorable au Châtelet en 2004.

C’est dans ce maelström que plonge le jeune ensemble de Valentin Tournet. L’ambition affichée de sa Chapelle Harmonique (« renouveler l’approche de grandes œuvres… s’intéresser à des versions moins connues ») convainc davantage cette fois qu’à Beaune en 2019 (avec une version révisée, par Rameau soi-même, des Indes Galantes sans l’Entrée des Fleurs). Les Paladins version Tournet (deux heures cinquante au lieu des une heure trois-quarts de Malgoire) sont même plus qu’intégraux, puisque gratifiés de l’addendum de cinq pièces retirées par le compositeur avant la première et de l’Ouverture remplacée consécutivement à l’arrivée à Paris en 1759 de cornistes plus expérimentés. Une prise de son très aérée met en valeur le chœur haut en couleurs, les bois acidulés et joueurs, les cordes veloutées et fougueuses d’une phalange parfois tentée par la précipitation (péché mignon de jeunesse ?), ainsi qu’un arsenal percussif destiné, dixit Valentin Tournet, à « accentuer le caractère dynamique des danses…. une pratique selon toute apparence usuelle à l’époque. »

Les Paladins, en fait une comédie lyrique _ voilà _ , sont la réponse de Rameau à la Querelle des Bouffons (tenants du sérieux de la tragédie lyrique à la française, comme Rameau, versus ceux du bouffe à l’italienne – Rousseau). Le compositeur dijonnais, déjà visionnaire avec sa Platée de 1745, enfonce le clou de son indiscutable protéiformité. Rire ne lui fait pas peur. Choquer non plus : dans ses Paladins, sa version, adaptée par Duplat de Monticourt, du conte de La Fontaine inspiré de l’Arioste Le chien qui secoue de l’argent et des pierreries, le rôle de la fée Manto est confié, comme la plus célèbre des grenouilles, à un chanteur : l’intrigue convenue (un barbon amoureux d’un tendron amoureux d’un bellâtre) se teinte d’une ambiguïté qui interroge forcément lorsque ledit barbon, pour parvenir à ses fins, est contraint de jurer sa foi amoureuse à un homme.

Manto n’apparaît qu’au troisième Acte : de l’Ariette gaye Le Printemps des amants, ou encore le conquérant De ta gravité, Philippe Talbot s’empare avec l’assurance et la musicalité qui sont sa marque. Il aurait pu aussi bien incarner Atis, le jeune premier, attribué à l’impeccable ramiste qu’est une fois encore Mathias Vidal. L’amoureuse de ce dernier est Sandrine Piau, dont la ductilité vocale fait merveille en Argie. Elle délègue la suivante Nérine, qu’elle incarnait au Châtelet, à la pétillante Anne-Catherine Gillet. Nérine préfigure une certaine Blonde mozartienne, comme le garde-chiourme Orcan (impeccable Florian Sempey) un certain Osmin _ de « L’Enlèvement au Sérail« . Complétant cette excellente distribution française, Nahuel di Pierro croque d’une bonhomme noirceur Anselme, le barbon berné par les Paladins.

Moins expérimentés que Christie jadis, moins spectaculaires que Kossenko récemment _ en son superbe « Achante et Céphise« … _, Les Paladins de Tournet imposent la verdeur et l’enthousiasme de la jeunesse. Une jeunesse parfaitement accordée à celle d’un compositeur qui, même sous la surface d’intrigues rebattues, ne radote _ en effet _ jamais.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Les Paladins, comédie lyrique en trois actes sur un livret de Duplat de Monticourt.

Avec : Sandrine Piau, soprano (Argie) ; Florian Sempey, baryton (Orcan) ; Anne-Catherine Gillet, soprano (Nérine) ; Nahuel Di Pierro, basse (Anselme) ; Mathias Vidal, ténor (Atis) ; Philippe Talbot, ténor (Manto) ;

La Chapelle Harmonique, direction : Valentin Tournet.

3 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistrés dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles en décembre 2020.

Livret de 160 pages trilingue (français, anglais et allemand).

Durée totale : 164:59

Ce jeudi 31 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Une excellente surprise discographique ramiste : « Les Paladins », par Valentin Tournet et La Chapelle harmonique : un enregistrement enfin intégral (et parfaitement réussi) …

26fév

C’est avec assez forte _ et excellente ! _ surprise que le public mélomane baroque français vient de découvrir la parution d’un enregistrement discographique enfin complet (!) des « Paladins » de Jean-Philippe Rameau,

une « comédie lyrique » en trois actes créée au Théâtre du Palais-Royal à Paris en 1760.

Le précédent enregistrement _ au Théâtre municipal de Tourcoing en date du mois d’octobre 1990 ; publié en un double CD (ARN 263660, d’une durée de 112′ 16) par Arion en 2006 _ des « Paladins » dont je disposais en ma discothèque, est celui de Jean-Claude Malgoire et la Grande Ecurie et la Chambre du Roy…

Or, voici que, ce mois de février 2022, le très actif label Château de Versailles – Spectacles publie un enthousiasmant triple CD (CVS 054, d’une durée de 160′ 47 ; enregistré dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles au mois de décembre 2020) de ces « Paladins » de Rameau, par Valentin Tournet et La Chapelle Harmonique…

Voici l’article simplement intitulé « Les Paladins » par lequel avant-hier 25 février Jean-Charles Hoffelé s’en est fait l’écho sur son riche _ et décidément nécessaire _ site Discophilia :

LES PALADINS

Lorsque Les Paladins déboulèrent en 2004 sur la scène du Châtelet, avec force hip hop, rames de métro et bestiaire délirant (!), réinventés par William Christie et sa formidable bande, je ronronnais de contentement. Enfin le temps était venu pour l’autre ultime grand ouvrage lyrique de Rameau, dont la postérité aura été effacée par le destin plus tortueux _ dont la représentation entreprise, l’été 1764, a été brutalement interrompue par le décès de Jean-Philippe Rameau, le 12 septembre 1764 ! _ des Boréades. Las, le disque ne suivit pas, seul le spectacle fut documenté par un réjouissant DVD _ Opus Arte, sur la scène du Châtelet en 2004 _, mais Christie coupait un peu _ hélas ! _, scène oblige. Les Paladins en restèrent donc à l’enregistrement pionnier  _ de 1990, il a 32 ans… _ de Jean-Claude Malgoire, parcellaire _ voilà… _, une version plus complète _ sous la direction de Konrad Junghänel, enregistrée à Duisburg en avril 2010 _, parue récemment _ au label Coviello _, s’avérant décevante, malgré un bel Atis _ d’Anders J. Dahlin. Là encore, tout le texte n’y était pas _ trois fois hélas.

Coup de tonnerre, après de brillantes Indes Galantes (j’y reviendrai), Valentin Tournet entraine cette folle comédie-ballet jusqu’à l’ivresse _ cf cette courte vidéo de 2′ 36 Rameau y est prodigieux de verdeur dans son orchestre _ une facette en effet capitale du génie musical de Rameau ! _, le livret assaisonnant une intrigue toute simple d’humour, la piquant d’un ton souvent ironique, autorisant l’octogénaire à faire sa plume aussi légère que brillante _ voilà : d’après un conte leste du toujours délicieux La Fontaine.

L’orchestre des Paladins, avec ses couleurs poivrées _ oui ! _, n’est pas moins stupéfiant _ voilà ! _ que celui des Boréades, ses nombreuses danses _ un facteur bien entendu fondamental du génie de Rameau _ cumulent de savoureuses musettes (c’est la musique même des Paladins, en déguisement de pèlerin, menés par Atis), d’explosifs bruits de guerre. Il faut entendre comment Valentin Tournet emporte tout cela, quelle flamme _ oui ! _, quelle imagination de timbres, de rythmes, il imprime à ses musiciens, instrumentistes et choristes.

Distribution en or pur, mené par l’ardent Atis de Mathias Vidal dans sa meilleure voix, mais comment résister à l’Argie touchante de Sandrine Piau, à la Nérine mutine d’Anne-Catherine Gillet (qui fait entendre une qualité de diction, une couleur typique d’une certaine école de chant française _ et c’est en effet très important ! _ qui par elle perdure _ sur l’impeccable art du chant français d’Anne-Catherine Gillet, cf mon article du 24 octobre 2011 : ), les méchants formidables de Florian Sempey et Nahuel Di Pierro.

Tout cela sera démêlé par la bonne fée Manto, rôle de travesti que Philipe Talbot assume crânement de son ténor rossinien (même si je garde une petite préférence pour celle plus « queer » de François Piolino _ chez Christie en 2004 _), les ultimes danses pourront s’élancer, la fête ne sera pas finie pour autant, Valentin Tournet ajoutant _ en effet, pour 14′ 12 _ en appendice un air de Nérine et quelques pièces d’orchestre retirés avant les représentations de 1760. Abondant livret, note d’intention du chef, article éclairant de Loïc Chahine, intégralités du conte de La Fontaine et du livret de Duplat de Monticourt, décidément Les Paladins ont eu raison d’attendre si longtemps, les voici enfin, irrésistibles !

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Philippe Rameau(1683-1764)


Les Paladins, RCT 51

Sandrine Piau, soprano (Argie)
Anne-Catherine Gillet, soprano (Nérine)
Mathias Vidal, ténor (Atis)
Florian Sempey, baryton (Orcan)
Nahuel Di Pierro, basse (Anselme)
Philippe Talbot (La fée Manto)

La Chapelle Harmonique
Valentin Tournet, direction

Un album de 3 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS054

Photo à la une : le chef d’orchestre Valentin Tournet – Photo : © DR

Ainsi, un _ cruel _ manque discographique ramiste vient-il d’être très heureusement comblé !
Merci à Valentin Tournet… 

 

Ce samedi 26 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

A la redécouverte de compositeurs un peu trop délaissés par notre curiosité : par exemple Jean-Baptiste Senaillé (1687 – 1730)

03jan

À nouveau la critique discographique, sous la plume, cette fois, de l’organiste Frédéric Munoz, et sur le site de ResMusica, vient porter son attention sur le CD assez récent, et plutôt inopportunément intitulé « Générations« , qui proposait à l’audition, et par l’interprétation de l’excellent jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte et le maintenant un peu sur le retour chef-claveciniste William Christie, 4 Sonates pour violon et clavecin de Jean-Baptiste Senaillé (1687 – 1730) et 2 Sonates (plus une Gavotte) pour violon et clavecin de Jean-Marie Leclair (1697 – 1764)…

À ce très intéressant CD Harmonia Mundi HAF 8905292,

j’ai déjà consacré 2 articles :

le 31 mai 2021 ()

et le 16 août 2021 ().

Voici donc cet article de Frédéric Munoz très sobrement intitulé « Sonates de Jean-Baptiste Senaillé et Leclair par Langlois de Swarte et Christie« , paru ce jour même :

Si Jean-Marie Leclair demeure connu des mélomanes, la découverte de Jean-Baptiste Senaillé est ici l’un des grands atouts de cet album, gravé en complicité par Théotime Langlois de Swarte et William Christie.

Le violon baroque français est porté au XVIIIᵉ siècle par la personnalité brillante de Jean-Marie Leclair. Trois sonates _ en fait seulement la Gavotte d’une d’entre elles _ de ce maitre virtuose, au discours futuriste pour son temps, sont proposées ici. Le programme débute avec l’arrangement d’une Gavotte d’une sonate de Jean-Marie Leclair à deux violons, que les artistes nous livrent avec leurs instruments respectifs de manière à la fois impromptue et inédite, à deux voix seulement en un dialogue intime. Le ton est donné avec la certitude d’une complicité entre les deux musiciens qui va se prolonger tout au long du disque.

Comme le font remarquer les interprètes lors de quelques réflexions consignées dans le livret, Jean-Baptiste Senaillé, maitre du violon compose d’une manière qui rappelle quelque peu les périodes passées, à la manière de François Couperin, tout en utilisant _ déjà _ les italianismes qui conviennent si bien au violon baroque. Ce compositeur les avait reçus en Italie _ à Modène _ de son maitre Tomaso Vitali _ 1663 – 1745 ; voilà. Fils de Jean Senaillé, violon du roi, Jean-Baptiste mêle à loisir le style français distillé par Lully tout au long de quatre Sonates choisies parmi les cinq Livres de 10 sonates écrites entre 1710 et 1727 _ voilà. On note chez lui un sens inné de la ligne de basse particulièrement soignée et riche, ce qui ne nécessite pas l’emploi obligatoire d’une basse d’archet en complément du clavecin. Il est bien entendu fort intéressant d’associer ces œuvres à d’autres sonates composées par le grand maitre français du violon que fut _ un peu plus tard _ Jean-Marie Leclair, cadet de Senaillé de 10 ans. Célèbre pour une écriture virtuose et tournée vers l’avenir, à l’image celle de Rameau, Jean-Marie Leclair _ élève, à Turin, de Gian-Battista Somis (1686 – 1763) _ illumine la musique par un élan rythmique sans pareil, lui qui fut au service du roi Louis XV et détenteur d’un violon d’Antonio Stradivari appelé « le noir ».

Théothime Langlois de Swarte a découvert le violon ancien auprès de Patrick Bismuth avant de suivre ses études au CNSM de Paris. Il est membre des Arts florissants depuis 2015. Aux Victoires de la Musique 2020, il représente le violon baroque pour la première fois dans la catégorie « Révélation soliste instrumental ». Dans ces œuvres baroques françaises, il déploie une sonorité fruitée, très colorée grâce à un art du discours déjà d’une grande maturité et un violon ancien de Jacobus Stainer de 1665 qui l’inspire assurément. De plus on est heureux de retrouver William Christie au clavecin, ce qui n’est plus si courant que cela, plus souvent à la tête de son ensemble des Arts florissants. Grand continuiste, il apporte au violoniste une assise puissante doublée d’une complicité sans faille.

Dans une discographie très restreinte _ c’est bien dommage ! _  concernant l’art de Jean-Baptiste Senaillé, cette production apporte un enrichissement certain dans la connaissance de ce musicien injustement et incompréhensiblement oublié _ mais oui.

Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730) : Sonates op. 1 n° 5 et n° 6 ; Sonate op. 4 n° 5 ; Sonate op. 3 n° 10.

Jean-Marie Leclair (1697-1764) : Sonate op. 3 n° 5 (Gavotte) ; Sonate op. 1 n° 5 ; Sonate op. 2 n° 2.

Théotime Langlois de Swarte, violon ; William Christie, clavecin.

1 CD Harmonia Mundi.

Enregistré à Thiré en juin 2020.

Livret en français et en anglais.

Durée : 68:25

Voilà.

Ce lundi 3 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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