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mar 01 2015

Conférence de Philippe GODDIN à propos de Jean Tauré de Bessat alias Jean Taussat

Conférence donnée par Philippe GODDIN, Président des «Amis de Hergé»
à l’attention des «Pélicans Noirs»
le 3 octobre 2014

*****

 

PH.Goddin

IL ÉTAIT UNE FOIS, À BORDEAUX…

Il s’agit là : d’une vieille histoire, d’un cas exceptionnel, d’un épisode touchant… Il y a quelques temps, je fus étonné de l’appel lancé sur Internet par un Pélican Noir (Erick Descudet) qui aurait aimé contacter un JEAN TAURÉ DE BESSAT… dont il ignorait visiblement le sort. C’est cette histoire très simple et très compliquée que je voudrais vous raconter .

TOUT COMMENCE LE 23 OCTOBRE 1962.
Ce jour-là, un jeune Bordelais, écrit à Hergé :

« Cher Monsieur Hergé,
Il y a douze ans, pour mon septième anniversaire, je recevais « L’Étoile mystérieuse ». Depuis ce temps-là, la passion de l’astronomie n’a fait que croître en moi, et c’est le métier auquel, vraisemblablement, je me destinerai plus tard.
C’est avec cet album que je suis entré dans le monde prestigieux, fantastique, merveilleux de Tintin. Haddock, Tournesol, les Dupondt sont devenus plus que des images. Ce sont de véritables AMIS, des personnages avec lesquels je discute, j’entretiens d’intenses relations. Je les retrouve en moi comme je me retrouve en eux. Le mythe est passé réalité. Et réalité combien enrichissante. D’autres vous ont dit certainement mieux que moi leur admiration…
Mais je ne puis m’empêcher de vous répéter encore combien c’est formidable.
À force, même, il me semble que vous devez en être dépossédé. Vos personnages ont une vie propre. Ils agissent selon leurs caractères, leurs penchants. J’aurais hurlé si, par exemple, le capitaine s’était épris de Bianca.
L’album « Les Bijoux de la Castafiore » est le dernier paru. Ils ont atteint une telle réalité qu’ils SONT en tant que tels, et non plus par vous, mais — et c’est là le merveilleux — grâce à vous.
Vient alors cette véritable déclaration.
J’aime extrêmement le capitaine. Tintin, Tournesol, les Dupondt sont aussi essentiels qu’ils ont pris en moi une place aussi importante que d’excellents camarades.
Le moment est venu de formuler cette supplique. Je voudrais vous demander une faveur. Certes, j’en sens la présomption, mais ce serait si formidable… Dans votre prochaine histoire, ne pourriez-vous pas représenter un personnage quelconque, muet ou — quel bonheur — serrant la main ou parlant au capitaine, et qui soit moi ? Je me permets de vous envoyer quelques photos… Oh ! Je vous en prie ! Acceptez. Ne me refusez pas cette immense joie !
Ce serait si extraordinaire… Je vivrais encore plus intensément DANS ce monde inaccessible au vulgaire, au mal… Je vous en supplie, Monsieur Hergé, acceptez. Vous trouverez cela stupide, trop romantique peut-être, mais si vous saviez ce que cela représenterait pour moi…
J’ai beaucoup de confiance et d’espoir. S’il vous plaît, envoyez-moi deux lignes qui me disent que vous ne me refusez pas… Encore merci… Je vous prie d’accepter toute ma gratitude. Comme si ce n’était pas assez, il ajoute Je suis votre serviteur dévoué et il signe : Jean Tauré de Bessat »

MAIS QUI EST CE JEUNE EXALTÉ ?

On peut déduire de sa lettre que Jean est né en 1943. Il a donc 19 ans lorsqu’il écrit à Hergé.
J’apprendrai plus tard, par son frère, que : en bon disciple du professeur Calys, Jean avait effectivement entrepris des études scientifiques, qu’il pouvait s’enorgueillir de posséder, à 19 ans, deux certificats de licence en astrophysique, qu’il venait, cet été-là, de quitter l’Aveyron (où résidait sa famille)pour poursuivre ses études à l’Université de Bordeaux,et qu’il résidait alors à Talence, chez sa grand-mère paternelle.

LA RÉPONSE D’HERGÉ :
Hergé ne reçoit ce courrier (du 23 octobre) que le 5 novembre. Dès le lendemain, il y répond.

« Cher ami,
Le souhait assez inattendu qu’exprime votre gentille lettre ne m’a paru ni « stupide » ni « trop romantique »…
Tout de même, en passant, je vous demande de songer à la situation où se trouverait le pauvre dessinateur, si la même idée devait venir à quelques centaines de fervents « tintinistes » ou « haddockiens » !
Heureusement pour vous (et heureusement pour moi), le vœu de figurer dans un de mes albums n’est pas du tout courant. D’autres que vous, sans doute, seraient enchantés de serrer la main du capitaine, mais ils n’ont pas assez de spontanéité, de simplicité et d’enthousiasme pour solliciter une « faveur » de ce genre. »

On l’a senti venir : Hergé formule ensuite un accord… mais sous réserve.

« J’ai l’intention de vous l’accorder, lorsque l’occasion s’en présentera. Mais il y a à cela deux conditions : d’abord, que vous sachiez attendre (un an, deux ans, peut-être davantage) sans jamais manifester d’impatience ; ensuite, que ceci soit dès à présent et reste toujours un secret entre vous et moi. Puis-je compter que vous accepterez ces conditions-là ?
Pour le reste, ce que vous me dites de votre amitié pour mes personnages m’a évidemment fait plaisir. Je vous en remercie. Et je vous assure, cher ami, de ma sympathie. Hergé »

JEAN TAURÉ DE BESSAT EXULTE !
Dès la réception, le 8 novembre, il confirme à Hergé qu’il est d’accord de garder le secret.

« Le vocabulaire me fait défaut écrit-il en ce moment où je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance et ma joie.
Merci d’avoir accepté ma demande, cette folie, merci d’y avoir si vite répondu… Comme vous le souhaitez, je vous promets de n’en rien dire à personne. D’ailleurs, vous ne pouvez pas savoir combien cela me ravit de penser qu’entre vous et moi ( !!) il puisse y avoir ce petit secret. D’autre part, aussi longtemps que vous le désirerez, j’attendrai. »

Il écrit « J’attendrai ». Et il attendra…
« Car loin d’être des obstacles, ces deux conditions me réjouissent : de la sorte, j’ai l’impression de « mériter » — si peu, certes ! — cette faveur.
Encore une fois, permettez-moi de vous remercier. »

Et il ajoute ce joli passage, sur lequel je me dois d’attirer votre attention :

« L’alchimiste auquel on eut apporté la pierre philosophale n’aurait pas été plus heureux que moi lorsque j’ai reçu votre aimable réponse. En effet, il s’agit bien d’une véritable transmutation, où, de spectateur, en dehors par conséquent, anonyme, lointain, inconnu, je deviens acteur, je m’intègre grâce à vous dans une nouvelle et merveilleuse existence, dans un autre monde. »
Et il conclut :
« Encore une fois, veuillez accepter tous mes remerciements. Je vous suis très attaché et reconnaissant. »

Et il signe encore une fois : Jean Tauré de Bessat

PROMETTRE EST UNE CHOSE…
TENIR SA PROMESSE EN EST UNE AUTRE

Où en est Hergé en ce mois de novembre 1962 ?
La publication des « Bijoux de la Castafiore » s’est terminée dans le journal Tintin au début septembre. L’album paraîtra au printemps suivant.
Hergé a en tête plusieurs projets : une histoire dans un aéroport, un retour chez les Peaux-Rouges, ce « Thermo-Zéro » qu’il n’avait pu mener à son terme, et, depuis peu, une histoire de détournement d’avion sur fond de guérilla sud-américaine.
Fidel Castro et ses « Barbudos » (barbus) ont pris le pouvoir à Cuba en 1959. Hergé songe à un « Tintin et les Bigotudos » (moustachus). Rivalité des généraux Alcazar et Tapioca.

UNE OPPORTUNITÉ EN 1963 ?
Hergé entreprend des découpages qui prolongent les « Bijoux » : Tapioca au pouvoir au San Theodoros et Alcazar en guerillero, Tintin et Haddock, en escale à Rio, La Castafiore en tournée de récitals en Amérique du Sud,
Les Dupondt qui cherchent à lui remettre son émeraude… Chassés-croisés dans le hall de l’aéroport de Rio. Embarquement… dans une « Caravelle ». Détournement d’avion. Camp de concentration…
Multiples versions avortées.
Voir « Hergé et les Bigotudos » (Casterman, 1990).

UNE OPPORTUNITÉ EN 1964 ?
C’est sans doute au début de l’année 1964 qu’Hergé entreprend le découpage d’une énième version de « Tintin et les Bigotudos ».
Il est à ce point circonspect qu’il développe cette version case par case, sur des feuillets (un demi A4) qu’il numérote et dont il teste les permutations possibles.C’est dans ce contexte qu’on a retrouvé en archives cette esquisse… … où le général Alcazar (moustache) vient de retrouver Tintin et Haddock sur l’aéroport de Tacapolca
dont il s’est emparé avec ses hommes.
Il confie leur sort (hôtes privilégiés) à un de ses officiers… … auquel il se propose de donner… le nom du jeune homme qui demandait à être représenté serrant la main du capitaine.

IL Y A 2 ANS QUE JEAN ATTEND! EN 1965 : CARAMBA, ENCORE RATÉ !
Le temps passe. Hergé demeure indécis. Il commence l’histoire à Moulinsart et y greffe la problématique de l’alcool. Il étudie un autre projet :
En route pour Sydney, l’avion de nos amis rencontre un ouragan… … et fait un atterrissage de fortune sur un ilot où survivent des soldats japonais…
La nouvelle version de « L’Île Noire » le mobilise.
Fin 1965, IL Y A DÉJÀ 3 ANS QUE JEAN ATTEND
Hergé avoue à l’hebdomadaire suisse L’Illustré : L’inspiration n’est pas là. J’ai trois ou quatre scénarios qui attendent…
C‘est alors qu’il entreprend le futur « Vol 714 pour Sydney »…

1966 : LE VOL 714 DÉCOLLE SANS JEAN
Sa publication dans le journal Tintin commence le 27 septembre 1966 ,(20e anniversaire du journal). Hergé n’a pas terminé l’épisode.
Fin 1966, il y a déjà 4 ans que Jean attend…

1967 : LE VOL 714 ARRIVE À BON PORT !
Ce n’est qu’à la fin du récit, qu’Hergé parvient à honorer sa promesse.. Les 3 crayonnés sur lesquels il le représente datent d’août 1967. La publication du récit dans le journal Tintin s’achève le 28 novembre 1967.
IL AURA FALLU 5 ANS POUR QUE LE VŒU DE JEAN SOIT EXAUCÉ
Le 13 décembre 1967, Hergé redémarre TINTIN ET LES BIGOTUDOS

300x168-nEXEt le 14 décembre 1967…

HERGÉ ANNONCE LA NOUVELLE À JEAN
« Cher ami,
En 1962, vous aviez exprimé le souhait de pouvoir serrer la main du capitaine Haddock.
En 1968, sortira l’album VOL 714 POUR SYDNEY où cette poignée de main est représentée (à l’avant-dernière image de la dernière page).
Cette nouvelle histoire ayant déjà paru en feuilleton dans l’hebdomadaire Tintin, où elle s’est récemment terminée, je vous envoie ci-joint la page en question : sorte de « justificatif », attestant que j’ai finalement eu l’occasion de tenir une lointaine promesse… »

Le paragraphe suivant va vous paraître sibyllin…
« Depuis le temps, vos traits ont sans doute changé. Peut-être avez-vous gardé la barbe dont une lettre de vous me signalait l’apparition en 1963. Et puis, moi, je vous ai portraituré comme j’ai pu, d’après photo… Tout cela rend possible que personne ne vous reconnaisse, même pas vous ! »

Entre nous : Hergé ne croyait pas si bien dire…
« Mais c’est l’intention qui comptait, poursuit-il, et si cette intention n’avait pas été on ne peut meilleure, je n’aurais pas fait cette chose que j’ai faite pour la première fois et que je ne referai certainement pas.
À vous l’exclusivité ! Bien amicalement, Hergé »

UNE GÉNÉROSITÉ SANS ÉCHO
Sans réponse à ce courrier, Hergé s’interroge : courrier égaré ? négligence du bénéficiaire ? indifférence d’un enfant gâté qui serait passé à autre chose ? Pour lui, l’histoire s’arrête là.
Mais revenons à sa lettre, car apparemment Hergé savait des choses qu’on ignorait.
Que je vous dise d’abord qu’il avait adressé son courrier… non pas à « Monsieur Jean Tauré de Bessat, rue Thiers 15, à Talence (Gironde) » mais au « Baron Jean Taussat »

IL Y AVAIT DEUX JEAN À TALENCE !
Revenons en arrière. Le 2 décembre 1963, un an après la promesse faite à JEAN TAURÉ DE BESSAT… Hergé reçoit une lettre d’un certain JEAN TAUSSAT…sur un papier à lettres armorié.
JEAN TAUSSAT y rappelle que trois ans plus tôt, en 1960, donc, Hergé lui avait envoyé un dessin de Tintin, dédicacé, qu’il a encadré et exposé dans sa chambre, à Talence, où ses amis peuvent l’admirer. C’est pour une amie qu’il sollicite un nouveau dessin dédicacé, représentant la Castafiore. Hergé s’exécute aussitôt. Naïf ? Abusé par son correspondant ? Certes non !…

HERGÉ N’A PAS ÉTÉ DUPE
Pourquoi ?
Classement alphabétique du courrier : TAUSSAT suit TAURÉ DE BESSAT Même petite écriture, Même papier à lettres, excepté le blason, Et surtout, même adresse !
Hergé ne dissocie pas Tauré de Bessat et Taussat, ce que le vrai Jean ignore.
JEAN TAU(RÉ DE BE)SSAT
Mais voyons le contenu de la lettre que Jean Taussat adressait à Hergé… C’était un an après l’accueil « royal » que Jean Tauré de Bessat avait reçu de lui.

« Cher Monsieur Hergé,
Grand amateur de tout votre prestigieux univers, j’ai eu la joie, il y a trois ans, de recevoir un dessin autographe que vous m’aviez très gentiment envoyé, sur ma demande. Je suis actuellement étudiant à Talence, et beaucoup de mes camarades ont apprécié ce cadeau que vous m’avez fait, et qui trône, encadré, dans ma chambre.
Tintin, le capitaine, Tournesol, nous (…) imprègnent tant que vous seriez amusé de nous entendre parler ou nous appeler. Comme je porte la barbe, mes amis m’ont surnommé Haddock. Tintin, les Dupondt, Tournesol existent tout autant, et de ce fait nous ne jurons qu’en « Saperlipopette » ou « Mille Sabords ». Comme les Anglais, jadis, ne purent croire que Sherlock Holmes était un mythe, il nous est presque impossible d’en venir à cette conclusion quant à vos héros, qui sont aussi les nôtres. (…)
Je voudrais vous prier de m’accorder une faveur. »

Eh oui, le voilà qui recommence, malgré l’honneur qu’Hergé lui a fait !

« Nous avons une amie que, de longue date, nous avons surnommée « La Castafiore ». Une petite réunion en son honneur aura lieu en décembre…
Accepteriez-vous de lui dessiner et dédicacer, comme vous l’aviez fait pour moi, une Castafiore ? Nous vous serions vraiment tous très reconnaissants. Car à l’intérêt folklorique, il y a pour nous la joie d’avoir un dessin de votre main ! »

Serait-ce pour lui-même que Jean cherche à obtenir ce nouveau dessin ? NON : il fournit à Hergé le nom de son amie : Marie-Françoise Jeoffre. Internet : Marie-Françoise Grenie-Jeoffre a publié en 1969 sa thèse de 3e cycle en physique à l’Université de Bordeaux.
Erick Descudet pourrait essayer de retrouver ! Car pour ce qui est de retrouver Jean Taussat, alias Tauré de Bessat… nous arrivons trop tard !
Je vous l’ai indiqué en commençant : il n’est plus de ce monde ! Mais cet aspect-là aussi est intéressant… L’HISTOIRE N’EST PAS FINIE !

ILS ONT FAIT PARLER UN MORT

Hergé est décédé en 1983.
Peut-être s’était-il quelques fois étonné que Jean ne lui ait jamais dit merci de s’être reconnu dans un de ses albums. Six ans après la mort d’Hergé paraît aux éditions Duculot un ouvrage préparé par Édith Allaert et Jacques Bertin, intitulé « Hergé – Correspondance ».
Ils y consacrent un chapitre au cas de Jean T., dont ils ignorent le sort. Titre « Serrer la main du capitaine ». Pour apporter une vraie conclusion à ce chapitre, ils extraient un passage de la lettre de Jean à Hergé du 8 novembre 1962 :

« L’alchimiste auquel on eut apporté la pierre philosophale n’aurait pas été plus heureux que moi lorsque j’ai reçu votre aimable réponse. En effet, il s’agit bien d’une véritable transmutation, où, de spectateur, en dehors par conséquent, anonyme, lointain, inconnu, je deviens acteur, je m’intègre grâce à vous dans une nouvelle et merveilleuse existence, dans un autre monde. »

Une soi-disant réponse qu’ils datent du 17 décembre 1967. Ils ignorent — tout comme Hergé l’ignorait — qu’à cette date-là, l’auteur de ces lignes était effectivement passé « dans un autre monde ». Mais ne nous attardons pas sur cette malhonnêteté intellectuelle.
Le dernier aspect que je voudrais évoquer concerne la famille de Jean.

1996 : LA FAMILLE DE JEAN DÉCOUVRE…
En dépit du comportement ambigu de Jean, son père ROBERT TAUSSAT, président de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, ses frères et sa sœur n’étaient pas dans son secret.
En 1996, Pierre Assouline consacre 19 lignes de sa biographie d’Hergé à « Jean Tauré de Bessat », non sans commettre des erreurs.

« Il faut savoir que depuis longtemps, écrit-il, Hergé trouve régulièrement dans son courrier des lettres de fidèles lui demandant l’incroyable faveur de figurer dans l’une des cases de son prochain album. Tous envoient leur photo, naturellement. »

Où a-t-il été pêcher pareille ineptie ? C’est justement le caractère exceptionnel de la démarche de Jean qui a séduit Hergé !

Qu’importe ! Ouest-France consacre un article à ce « Jean Tauré de Bessat »… Je reçois une lettre d’Alain Taussat, qui m’écrit :
« En 1962, j’avais alors treize ans, mon grand frère, Jean Taussat, âgé de dix-neuf ans, avait écrit à Hergé pour lui demander de figurer, un jour peut-être, dans un de ses albums. Gamin, je ne gardais que le vague souvenir d’une lettre écrite sous un nom différent, et d’une réponse positive d’Hergé. (…) »

C’est alors qu’il m’apprend ce que nous ignorions tous jusqu’alors :
« Fin 1965, mon frère Jean meurt accidentellement, à Talence. »

Et il me livre ces détails émouvants:
« Des années plus tard, j’ai regardé de près les vignettes faisant apparaître des personnages secondaires, dans « Les Bijoux de la Castafiore » et « Vol 714 pour Sydney », mais en vain. Sans doute peu de temps après avoir formulé sa demande au « père » de Tintin, Jean s’était laissé pousser la barbe, qu’il garda jusqu’à son dernier jour. Et c’est ainsi qu’il reste dans mon souvenir. J’ai donc toujours cherché dans les albums un personnage barbu, sans jamais le trouver. J’ai alors pensé que Hergé, pris par d’autres problèmes, n’avait pas eu l’occasion de concrétiser le rêve de mon frère. Vous ne pouvez imaginer l’émotion ressentie à l’évocation du lecteur Jean Tauré de Bessat, de Talence, qui eut l’honneur de serrer la main du capitaine Haddock. C’était lui, c’était mon frère. Et jamais il ne put ressentir la joie de ce rêve réalisé… »

UN DERNIER DÉTAIL…
Après quelques échanges de correspondance avec Alain Taussat, j’allais apprendre que Jean était décédé en nettoyant une arme de collection, une parmi quelques armes à feu et armes blanches anciennes placées sur un tableau décorant un mur de sa chambre à Talence. À l’époque, cela avait bel et bien été considéré comme un accident, l’arme étant très ancienne et réputée hors d’état de fonctionner.
J’allais comprendre -et obtenir confirmation tacite- que Jean s’était très probablement donné la mort. Et, le croiriez-vous ? Ce geste, il l’a accompli le 8 novembre 1965, trois ans JOUR POUR JOUR après avoir appris qu’il pourrait un jour avoir l’insigne privilège de figurer dans un album de Tintin.

Bordeaux, le 3 octobre 2014
Philippe GODDIN

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