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mai 15 2015

Pourquoi j’ai choisi « Tintin au pays des Soviets » par Benoît de Premorel

TintinActuelSovietsLe choix de l’album de Tintin au pays des Soviets s’imposait ! C’est en effet l’album inaugural d’Hergé ; c’est un album qu’il faut redécouvrir ! C’est, comme on le sait, un album qui a fait l’objet d’opprobre pendant 70 ans – opprobre dont nous verrons qu’elle était injuste et injustifiée…

Le 4 janvier 1929 le supplément pour la jeunesse du journal le Vingtième siècle, Le Petit  » XX ème  » annonce le départ pour  » le pays des Soviets  » du reporter Tintin. L’aventure commence en réalité le 10 janvier 1929 sur le qui d’une gare, probablement la gare du Nord à BRUXELLES. A peine sorti de son pays, Tintin, à bord de l’Express International qui se dirige vers Moscou est la cible d’un terrible attentat : Une bombe a explosé dans le compartiment voisin du sien. Tintin est accusé, arrêté, s’évade en s’emparant d’une moto (avec side-car pour ne pas abandonner son chien) et s’enfuit. Traqué par la Police, il s’empare par ruse de la Mercedes de ses poursuivants …
Philippe GODDIN, dessinateur et ancien professeur d’art plastique, qui a été pendant dix ans Secrétaire général à la Fondation Hergé nous explique comment, en une dizaine de planches, le ton est donné d’emblée : « Les aventures de Tintin seront animées, burlesques et pleines d’humour « :  » Au commencement étaient le mouvement et le bruit « … Ces aventures seront d’autant plus passionnantes qu’elles s’expriment d’emblée dans la dualité : Réalistes dans leur documentation, non réalistes dans leurs péripéties.
Dès cette première aventure, nous découvrons aussi celui qui sera le fidèle et unique compagnon de Tintin (jusqu’à l’apparition du Capitaine Haddock dans le Crabe aux Pinces d’Or, 8 albums plus tard).

Philippe GODDIN décrit Milou comme un  » humanoïde zoomorphe « , une caractéristique qui fait de lui un véritable acteur, car Milou pense, il pense même beaucoup, mais il ne parle pas, sinon dans sa tête, pour émettre des remarques, voire des plaisanteries impertinentes qui resteront désespérément sans écho.
En fait, Tintin et Milou n’arrêtent pas de se parler, mais ils ne conversent jamais. Milou se parle presque toujours à lui-même et Tintin ne réagit jamais aux propos de son compagnon, mais seulement aux événements « .
Tintin et l’URSS
L‘ouvrage qui inspira Hergé,  » Moscou sans voiles « , est signé d’un certain Joseph Douillet qui serait en réalité un témoin russe usant d’un pseudonyme. La précision, parfois méticuleuse des lieux décrits et des détails rapportés, ainsi que les détails d’un long emprisonnement ont un parfum de vérité qui mérite l’attention rapportent ceux qui se sont penchés sur ce livre qui inspira Hergé.
Mais il y eut à l’époque des esprits chagrins, non pour dénoncer le fond de la caricature, mais pour faire le reproche à Hergé de l’avoir tracée. L’album était une  » mauvaise action « ,  » une faute « , il aurait été mis à l’index s’il n’était devenu introuvable.

Et pourtant…
Hélène CARRERE D’ENCAUSSE rappelle qu’en cette année 1929, les communistes au pouvoir en Russie sont très à la mode :  » Des esprits brillants nommés Aragon, Romain Rolland, Welles et combien d’autres s’en vont sur place le constater et reviennent enthousiasmés, jurant que le paradis sur terre existe bel et bien, chez les Soviets… Ils l’écrivent partout !  »
Tintin voit en un clin d’œil un étonnant pays des Soviets : Les usines que l’on fait admirer aux étrangers ne sont que des décors derrière lesquels un malheureux paysan fait brûler des bottes de pailles pour en faire fumer les cheminées.
Le peuple-roi vote et Tintin, éberlué, voit des  » camarades « , demander à la foule en la menaçant avec une arme:  » Qui donc se déclare contre cette liste ?  » La formule et la conclusion,  » la liste est adoptée à l’unanimité  » feront partie, des années plus tard, du mode de décision d’un certain Staline. Mais Tintin l’a déjà inventée !
C’est d’ailleurs le seul album dans lequel on voit Tintin s’atteler à son travail de reporter et écrire un long article dans sa chambre d’hôtel, dont il se demande  » s’il a fait assez de copies « .

Rien ne manque à son reportage écrit Hélène CARRERE D’ENCAUSSE, ni la découverte de la délation généralisée, ni celle de la toute-puissante Guépéou, ni les ressorts économiques du système – tout arracher au peuple pour l’exporter et enrichir l’Etat – ni la terreur, ni surtout l’utilisation systématique des visiteurs étrangers de toutes catégories transformés habilement en propagandistes systématiques du miracle accompli par les Soviets. « L’honneur d’Hergé est d’avoir fait partie du tout petit groupe d’esprits lucides qui voulaient dire la vérité. Trop en avance sur son temps, il paya de soixante-dix ans d’interdit d’avoir cru que le malheur d’un peuple comptait plus que les illusions et l’aveuglement des intellectuels. D’avoir pensé aussi que l’humour pouvait être une manière efficace de véhiculer la vérité « .

Et en conclusion, elle nous dit :  » Tintin (= Hergé) aura bien mérité de trouver une petite place dans la cohorte des graves soviétologues qui, beaucoup plus tard, tenteront à leur tour de faire triompher la vérité « .

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