Sabine, 19 ans, est en guerre contre l’ image que reflète son miroir : son nez épaté et ses yeux trop globuleux l’obsèdent depuis toujours. Au point d’avoir fait des économies pour une opération de chirurgie plastique… Le jour où elle rencontre l’irrésistible Ajmal au supermarché, elle n’ose croire à sa chance. Non seulement le jeune homme lui parle, lui sourit mais il lui propose un rendez-vous pour prendre un café. L’histoire s’emballe, Sabine est amoureuse, sur un nuage. Une ombre au tableau : Ajmal est sans-papiers…
J’me sens pas belle est un roman à la construction brillante qui va vous réserver bien des surprises. L’histoire commence alors que les deux tourtereaux sont blottis sous la couette dans le petit appartement qu’ils partagent depuis peu et que la police arrête Ajmal au petit jour. Pas de suspense de ce côté là donc. En revanche, le personnage de Sabine s’étoffe au fil des pages, se précise par des retours sur son passé proche, ses relations avec les personnages secondaires, ses parents, ses amis. «
« C’est la beauté intérieure qui compte » avait dit un jour le père de Sabine pour répondre à une réflexion peu amène de son garçon-boucher à l’humour graveleux. Sans doute est-ce là la morale de l’histoire : à trop se regarder le nombril, n’y perd t-on pas son âme ? Gilles Abier fait passer le message avec subtilité, sans faire de cadeaux à son héroïne qui gagne en crédibilité en étant loin d’être la perfection incarnée du point de vue moral.
Et tout cela sans oublier tout le pan social du roman où Gilles Abier ne vient pas donner de leçon pas plus qu’il ne fait dans les bons sentiments mais dit simplement l’engagement de certains, le racisme de certains autres et les problèmes quotidiens parfois insurmontables rencontrés par les sans-papiers.
Un excellent roman à la petite musique douce-amère qui se lit comme un thriller, d’une traite.