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mai 29

Mon grand frère est en Syrie

sister« Little sister« . C’est le petit nom affectueux et tendre qu’Ivan donnait parfois à Léna, de cinq ans sa cadette. Mais ça, c’était avant. Avant que Léna et ses parents ne découvrent aussi stupéfiés qu’horrifiés le visage d’Ivan en gros plan au journal télévisé. Une image que jamais ils n’auraient pu imaginer.

Comment croire en effet que ce garçon sans histoires, parti en stage en Angleterre se retrouve à la une du 20h désigné comme un djihadiste notoirement dangereux, complice de l’exécution d’un journaliste français en Syrie ? Lena grandit dans le souvenir de ce grand frère devenu un étranger, partagée entre un sentiment d’affection qui ne peut s’éteindre et un sentiment de rancune à l’égard de celui qui les a plongés dans un cauchemar quotidien sans même parler de l’incompréhension qui la fait naviguer entre doute et colère. Pour Lena, Ivan est « un traître à ceux qui l’ [ont] toujours aimé » (…), qui abandonne les siens « en semant le malheur derrière lui » , celui qui a « renié ses origines, sa famille et son pays ». Et pourtant, reste en elle l’espoir qu’il ait pu être embrigadé malgré lui.

Lorsque Lena reçoit un message de son frère par l’intermédiaire de Théo qui fut jadis son meilleur ami, la joie se mêle à l’espoir : Ivan est vivant et il veut la voir ! En cachette de ses parents, la jeune fille part pour le lieu de rendez-vous à Cadaquès loin de se douter qu’elle risque de se jeter dans la gueule du loup…

Benoît Severac s’intéresse à ces victimes collatérales du djihadisme que sont les familles des jeunes partis en Syrie. Désorientés, ostracisés, menacés, en proie à la culpabilité et à l’incompréhension, les parents d’Ivan n’ont guère d’espoir de retrouver un fils devenu un étranger. La petite sœur, elle, y croit assez pour entraîner le lecteur dans son sillage à croire qu’une explication ou une rédemption est possible.

Roman à quatre voix comme autant de regards qui prennent différentes mesures des événements, Little sister est un roman qui amène la réflexion sans asséner de réponses toutes faites. Il questionne, s’indigne, constate et donne à s’interroger sur la marche de l’Histoire et l’évolution des valeurs  et de la notion d’engagement. Le personnage de Joan, vieux loup de mer prêt à faire le coup de poing comme au temps du C.N.T* avec ses vieux copains est une vraie trouvaille qui amène du poids au débat d’idées entre le jeune Ivan radicalisé et les vieux républicains espagnols un peu fatigués mais aux valeurs intactes. C’est fort, juste, poignant, subtil et intelligent : tout ce qu’il faut pour un bon roman en somme !

*Confédération Nationale du Travail, organisation anarcho-syndicaliste fondée à Barcelone en 1910

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