De _ et autour de (« sur les pas de ») _ Cézanne : avec Rilke ; et Jaccottet

— Ecrit le jeudi 9 octobre 2008 dans la rubriqueArts plastiques, Rencontres, Villes et paysages”.

A propos de deux publications autour de Paul Cézanne :

une « merveille » : les « Lettres sur Cézanne » de Rainer Maria Rilke, traduites _ de l’allemand _ par Philippe Jaccottet (aux Éditions du Seuil, en janvier 1991) ;

et une _ relative _ déception (commandée _ en anglais) : « Hidden in the Shadow of the Master _ The Model-Wives of Cézanne, Monet & Rodin« , par Ruth Butler (à la Yale University Press, en 2008)

D’abord, le récit d’un « génie » _ tel que Rilke _ détaillant

_ et comment !!! « la clairvoyance fervente, la densité et la cohérence« , en dit Philippe Jaccottet en ouverture de sa préface, page 7)_,

à l’automne 1907, à sa jeune épouse, le sculpteur Clara Westhoff, demeurée, elle, loin de Paris, son émerveillement _ « presque chaque jour en vrai pélerin » (dit la Préface de Philippe Jaccottet) _ devant le « travail » des « Cézanne » exposés au « Salon d’automne » ;

et ce que le poète y « découvre », avec l’humilité d’une extrême concentration d’attention, du « travail de création » d’un « génie » tatonnant, lui aussi, mais pinceau à la main, et avec sa palette de couleurs _ se « salissant » copieusement : des photos de 1906 en témoignent ! _, face au(x) motif(s)…

mais « en peinture »…

Ce dialogue patient de deux poïesis, auquel Rilke convie, par la correspondance

_ « dans cette forme de relation à distance, il trouvait la conciliation idéale entre ses exigences de solitude et son besoin de l’autre _ son besoin, aussi, soyons juste, d’aider l’autre » (dit Jaccottet, page 9) _,

son épouse sculptrice,

est littéralement « merveilleux » :

« C’était quelqu’un de raffermi, de fortifié, conscient d’avoir progressé dans son long _ propre _ apprentissage _ de la poésie _

qui allait découvrir, à travers cette première rétrospective Cézanne _ d’octobre 1907 _, une confirmation, vraiment admirable dans sa souveraine plénitude, de son propre choix _ d’artiste créateur _, sur le plan de l’art comme de celui de la vie (qu’il ne pouvait, ni ne voulait séparer) » _ page 11.

La « leçon de  Cézanne« , « est celle de l’objectivité sans limites« 

_ dit Philippe Jaccottet, page 12 :

« Le peintre lui apparaît tel un humble et patient ouvrier, un artisan anonyme,

quelqu’un qui ne laisse pas ses sentiments ou ses idées personnelles interférer dans son travail,

quelqu’un qui ne fait pas de charme, qui ne cherche pas à séduire,

qui ne fait pas non plus de commentaires sur son œuvre« …

(comme c’est remarquablement interprété ! pages 12 et 13).


Et « Cézanne est aussi

quelqu’un qui ne fait pas de différence entre le beau et le laid, le noble et l’ignoble ;

qui accueille avec équanimité _ quelle justesse de Jaccottet ! _ la totalité du réel dans son œuvre » _ page 13.

Et encore : sachant « rester en permanence à l’intérieur de son travail »,

« Cézanne avait pu produire des œuvres parfaitement closes, « miraculeusement absorbées en elles-mêmes », ces œuvres où tout est dans le commerce des couleurs _ mais oui ! _ entre elles

_ là il faut suivre dans leur plus parfait détail

(au sens de « dé-tailler », remarque de détail après remarque de détail, au fil de la plume, comme au fil du regard)

les phrases de Rilke en ces admirables lettres à sa femme _

dans l’échange de la moindre parcelle du tableau avec toutes les autres ;

grâce à quoi la réalité,

toute la réalité,

est à la fois transfigurée

et sauvée dans la peinture«  _ pages 13 et 14…

Quant au livre de Ruth Butler,

c’est ma curiosité envers l’œuvre en train de se faire de Cézanne,

à Aix tout particulièrement

(et au Jas de Bouffan,

et à l’atelier du chemin des Lauves,

et alentours _ au dit « terrain des peintres« , face à la Sainte-Victoire),

qui m’a fait remarquer la mention de la parution de ce livre,

en une édition _ sur le net _ du New-York Times ;

et un questionnement sur la sensualité _ je préfère le dire ainsi _ de Paul Cézanne,

jusqu’aux années 1902-1906,

pour ses « Grandes Baigneuses« 

_ et même « Baigneurs »

(cf le magnifique album « Cézanne en Provence » ;

ainsi que mes articles sur « Cézanne et Aix » :

« Art et tourisme à Aix _ la mise en tourisme des sites cézanniens 1, 2, 3 & 4 « ),

aussi…

Aussi, une « recherche » sur le rôle de l’épouse

_ tardivement épousée : Hortense Fiquet _

de Paul Cézanne en son travail de peinture

(éventuellement comme « muse », inspiratrice, ou _ et surtout (?) _ protectrice

_ cf aussi le rôle de « Nena »,

elle aussi tardivement épousée,

la « protectrice » (romaine) de l’autre grand peintre aixois François-Marius Granet :

je n’avais guère développé ce « pan » de « curiosité » en mon article « Admirable tremblement du temps : Aix-Paris-Rome » sur Granet)

m’avait incité à rechercher à lire ce livre

sur les « Model-Wives« …

Qui demeure, in fine _ las !.. _, assez extérieur

_ c’est-à-dire, en fait, hélas, anecdotique  _

quant au processus poïétique,

sur les traces duquel je m’étais « figuré » (a priori) aller un peu…

l’ouvrage appartenant, probablement, au genre

à la mode, assez ravageuse

_ aux États-Unis, mais ailleurs, maintenant aussi (cf Judith Butler : par exemple, « Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité« …) _

des « gender studies« …

Peu de profit de découverte,

encore moins d’émerveillement

_ ce que j’ose attendre de mes lectures des livres ! _

à sa lecture, a posteriori, donc :

Se plonger, et mille fois, dans les lettres

(somptueuses, tant elles sont éblouissantes de perspicacité _ et en 1907, qui plus est !  _, elles)

de Rilke,

donc…

Jaccottet concluait sa préface, page 14, ainsi :

« Ne nous étonnons pas que Rilke ait su

si bien voir

et si bien dire

l’œuvre de Paul Cézanne »

_ les deux allant, pour lui et avec lui (génialement !), de pair…

Cependant, et à la relecture de cet article-ci,

il n’est sans doute pas facile, pour Ruth Butler, de succéder, à la lecture

ni à Rainer Maria Rilke

_ dont je n’ai presque pas cité d’extrait (des lettres à sa femme, Clara Westhoff) : tout y est admirable de précision (= d’opération de « détail-lage », si j’ose dire) _ ;

ni à Philippe Jaccottet

_ lui aussi (et quel !) poète ! : existe-t-il, « au monde », plus précise (détaillée et vibrante) écriture (du rythme du « faire » ?..) _ ;

et pourtant, son enquête est intéressante

_ sur les conditions de « cohabitation », à Paris, à l’Estaque

(et bientôt Hortense réside, elle, à Marseille, rue de Rome),

et partout ailleurs, en de multiples

(avec combien d’incessants déménagements !)

« résidences » ;

sur les conditions de « cohabitation »

_ et « la vie », « toute la vie » : la vie en général… _

avec un artiste « au travail » :

la « cohabitation » fut particulièrement difficile

pour Paul et Hortense, et très bientôt Paul « junior »,

dans de très pauvres (et très petits, « étroits ») logis ;

l’artiste-créateur ayant « spécifiquement » besoin de concentration, de silence, de lumière,

tant intérieure qu’extérieure,

si tant est qu’elles soient seulement dissociables !.. _ ;

de même que rétrospectivement _ mais elle, Ruth Butler, ne « fouille » pas assez loin _, quand,

« enquêtant »,

elle va rencontrer Philippe Cézanne à propos de ce que son père, Jean-Pierre Cézanne (né en 1918),

ou sa tante, Aline Cézanne (née en 1914),

ont pu recueillir de la bouche de leur père, Paul Cézanne fils (1872-1947), sur Hortense Fiquet-Cézanne (1850-1922)…

L’enquête mérite de se poursuivre bien davantage, me semble-t-il…

Et le temps (des témoins : sollicitant leur mémoire « vive »…) presse…

De même

qu’il n’est pas nécessairement, non plus, « commode »

d’être fils

d’un artiste « génial », travaillé en permanence et en priorité (pour lui) par son « génie » propre, singulier

_ furieux, gourmand, insatiable, gargantuesque _,

à enrichir, certes, mais aussi à protéger, de tout le reste,

y compris d’autres désirs _ sensuels, nous y revenons _ qui vivent, frémissants, à côté (et « sur les bords » même) du désir d' »œuvrer » de l’artiste…

Ainsi, qu’est-ce,

aussi

_ à côté de qu’est-ce qu’être « épouse-modèle », ou « muse » (et « protectrice ») d’artiste ? _,

qu’est-ce

qu’a pu être fils

_ fils de Matisse, pour un Pierre Matisse

(cf le passionnant « Matisse père & fils » de John Russel, aux Éditions de La Martinière, en avril 1999) ;

ou fils de Picasso, pour un Pablito ?.. _ ;

qu’est-ce, donc

_ à côté de « Qu’est-ce qu’être Hortense Fiquet-Cézanne  ? » _,

qu’a pu être

« fils de Cézanne« 

pour un Paul Cézanne le fils (1872-1947) ?..

Il y a là matière à rêver, mener et écrire

d’autres enquêtes

sur « les sentiers« 

_ rives et abords _

« de la création« …

Titus Curiosus, ce 9 octobre

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