Des bruits (de guerre) aux fureurs (de guerre) et aux horreurs (de la guerre)

— Ecrit le samedi 15 novembre 2008 dans la rubriqueMusiques, Rencontres”.

Sur le colloque « La Grande Guerre aujourd’hui : Mémoire(s), Histoire(s)« , à l’Hôtel de Ville d’Agen, le vendredi 14 novembre 2008,

un colloque organisé par l’Académie des Lettres, Sciences et Arts d’Agen & la Société historique des Amis du Vieux Nérac,

avec pour chevilles ouvrières, notamment, David Mastin, Alexandre Lafon et Cécile Piot.

Afin de rencontrer Georgie Durosoir,

musicologue (et belle-fille du compositeur _ grandissime !!! _ Lucien Durosoir, 1878 – 1955)

_ cf mes précédents articles, à propos du CD les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125) : SUBLIMISSIME ! je ne ne le crierai jamais assez fort sur tous les toits du monde !… :

« Musique d’après la guerre »

&

« de la critique musicale, et autres _ de l’ego à l’objet : vers un dialogue » ;

et l’ami Alain Paraillous,

qui m’avait fait l’honneur de m’inviter au colloque qu’il avait organisé en 1998 à Aiguillon, sur le sujet de « la bibliothèque musicale du duc d’Aiguillon« ,

j’ai répondu avec plaisir à l’invitation des organisateurs, et notamment David Mastin,

d’assister à ce colloque _ à l’Hôtel de ville d’Agen _ sur « la Grande Guerre : Mémoire(s) et Histoire(s)«  :

un « sujet » _ si j’ose ainsi m’exprimer !!! _, ainsi qu’un angle de vision (et focalisation du regard), passionnants…

La réalité (de fureur déchaînée : massive et catastrophique au sens le plus plein et destructeur !..) de la guerre est, en effet, redevenue un « sujet », une menace

ainsi que

_ en sa réalité on ne peut plus effective, plus ou moins proche, en son « bruit » (de guerre) d’abord, proche, ou s’approchant de nous : est-il aisé de la « tenir à distance » ?.. non… _ »

une « réalité d’actualité », depuis la chute du mur de Berlin, d’abord, et depuis les attentats du 11 septembre 2001 :

cf d’abord, après 1989, « La Fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama (en 1992) et « Le Choc des civilisations » de Samuel Huntington (en 1993)…

Et ce n’est pas pour rien que le « grand livre » de cette année est, selon mon jugement _ et d’infiniment loin sur la foule de tous les autres, en littérature _, « Zone » de Mathias Enard (publié par Hubert Nyssen aux Éditions Actes-Sud ; et « prix « Novembre »…) :

cf mon (premier : un autre devra suivre…) article : « émerger enfin du choix d’Achille«  ;

suivi de « filiation, guerre, sexe, histoire : la valse plutôt tragique d’Eros et Thanatos _ 1 » ;

le second article de « filiation, guerre, sexe, histoire »

portera précisément sur une nouvelle focalisation sur ce majeur « Zone » de Mathias Enard…

Alors, quelles (premières) impressions,

ce colloque ?

Même si je n’ai écouté que les contributions de la matinée

_ non sans avoir salué à 14 heures Alain Paraillous, j’ai en effet préféré regagner Bordeaux, où m’appelait ma « charge de travail du week-end »…

Voici les titres de ces contributions de, chacune, vingt minutes, de cette matinée (de 10 h à 13 h 15 ) :

D’abord, une première partie de récits et analyses concernant des cas _ plus ou moins représentatifs ou exemplaires, peut-être _ d’individus singuliers :

au premier chef, la (très) forte volonté de témoignage

_ essentiellement par des lettres et cartes postales à leur famille ;

mais aussi par la rédaction (passionnée : dans l’espoir d’une publication _ post-mortem ?) de « carnets » _

des soldats-combattants : certains qui allaient être tués, au front ; d’autres parvenant à survivre, à ces combats de cinq épouvantables années de la Grande-Guerre, entre l’été 14 et l’armistice du 11 novembre 1918 ;

et ensuite, l’analyse des deuils des proches des tués : dans les années, la décennie surtout, qui ont (ou a) suivi le 11 novembre 1918 ;

deuils dont des échos peuvent être encore sensibles en la personne même des intervenants, aujourd’hui…

« Gabriel Bouffies et Léon Laplace, deux poilus du Tarn-et-Garonne, morts pour la France en 1916« , par Monique Biau-Lagard _ petite-fille (par sa mère) de Léon Laplace ; et apparentée (par son mari) à Gabriel Bouffies, mort sans enfant : une enquête à partir de documents demeurés dans les familles ;

la question de la filiation me « travaillant », personnellement…

« La Musique comme survie : les « musiciens du Général » ; et le cas particulier de Lucien Durosoir, violoniste compositeur« , par Georgie Durosoir _ belle fille de Lucien Durosoir (1878 – 1955 : celui-ci s’est marié en 1934, à l’âge de 56 ans ; et a eu alors deux enfants, dont Luc Durosoir, l’époux de Georgie Durosoir) : le violoniste virtuose (international) Lucien Durosoir, pratiquant la musique _ non militaire ! _ auprès du général Mangin, en compagnie d’autres musiciens de très haut niveau : instrumentistes, tel Maurice Maréchal, ou compositeurs, tel André Caplet…


« Le double deuil de guerre des Mauroussel : essai de micro-histoire culturelle« , par David Mastin : le cas d’une famille lot-et-garonnaise de Sainte-Livrade et Laparade, à travers l’expérience du deuil de la mère d’un soldat tué au front, dont le corps n’a pas été retrouvé (le corps _ retrouvé _ de l’oncle de ce dernier ayant été ramené  _ du front _ pour être inhumé à Sainte-Livrade) …

Ensuite, des contributions moins centrées sur des cas individuels, et plus « générales », de la part de (jeunes) doctorants en Histoire :

« Les Gravures comme mémoires du temps de guerre : donner corps à son expérience« , par Marine Branland : une recherche d’abord documentaire, mais non sans (riches) aspects artistiques…

« Le Souvenir de la campagne d’Afrique de l’Est (1914-1918), en Afrique-du-Sud. L’utilisation de la mémoire par les historiens et l’impact des historiens sur la mémoire« , par Anne Samson (étudiante britannique), s’exprimant en anglais (et traduite par un autre intervenant, M. Maurice Cottenceau) : une enquête comportant de fort intéressantes pistes d’analyse et réflexion sur l’historiographie…

« Mémoire et capitale : l’histoire de la Grande Guerre et la spécificité parisienne« , par Elise Julien, un travail sur la spécificité des commémorations parisiennes, par rapport à celles des autres cités de France…

et « Mémoires de gloires et infortunes. Les tirailleurs « sénégalais » au secours de Reims et de la France (1918-2008)« , par Bastien Dez : ce dernier s’est intéressé aux vicissitudes du monument aux morts édifié à Reims en 1924, puis détruit (par la Wermacht) en septembre 1940 ; remplacé par un autre monument (« abstrait »…) en 1963 ; en attendant la « reconstruction » à l’identique (ou quasi) de celui de 1924, décidée par le nouveau Conseil municipal de Reims, et son maire, Adeline Hazan… Un cas extrêmement intéressant, traversé de bien des idéologies, croyances et « mythologies » qui font aussi notre Histoire ; et qu’a commencé à soulever ici pour nous le jeune historien…

J’ai noté, très extérieurement aux enjeux _ seuls importants _ de fond, la « diversité » d’aisance à l’oral de ces jeunes chercheurs au micro, à la tribune _ un effet « négatif » du système scolaire (et éducatif) français, peut-être ; la contribution la plus « aisée » me paraissant aussi sans doute la moins « importante » « en sens » : le souffle _ considérable ! _ de la guerre (et de cette « Grande Guerre« -ci !) en paraissant bien « atténué », comme « étouffé » ; un travail _ même universitaire ! _ d’historien n’est pas rien qu’une habile (ou virtuose) opération « technique » académique…


En tout cas,

le lecteur passionné que je suis

des « Années d’extermination« , de Saul Friedländer,

le second volume de ce chef d’œuvre qu’est « L’Allemagne nazie et les Juifs« ,

avec sa collecte (et analyse) si considérable et admirable (!!!) de témoignages de victimes _ si soucieux, ces victimes menacées, prises dans la tourmente, de laisser à la postérité (qui leur survivrait !) la connaissance des faits, du détail des faits bruts et exactions, si monstrueusement destructeurs (d’eux-mêmes et des leurs), qu’ils subissaient alors _ ;

de même que du « Journal » _ si admirable, lui encore ! en ce qu’il note et conserve (pour la postérité), au quotidien de la survie _ de Victor Klemperer (paru en traduction française aux Éditions du Seuil, en août 2000 : une « base » de toute bibliothèque d’Histoire contemporaine (!) ;

et aussi de l’enquête « Les Disparus«  sur ce que sont, dans les faits (bruts !), devenus les membres disparus de sa famille en Galicie, par Daniel Mendelsohn (le livre est paru en traduction française en septembre 2007) ;

pour ne rien dire de l’enquête se poursuivant en ce moment même, par toute l’immensité territoriale de l’actuelle Ukraine, du Père Patrick Desbois, dont témoigne son très exemplaire « Porteur de mémoires _ sur les traces de la Shoah par balles«  (paru aux Editions Michel Lafon en novembre 2007) ;

ce lecteur d' »Histoire » que je suis,

ne peut qu’être ultra sensible à la prise enfin un peu mieux au sérieux par les Historiens de ce matériau des « témoignages » : à analyser, trier, et faire un objet _ on ne peut plus sérieux et ultra précieux _ de leur propre travail d’établissement, analyse et connaissance des faits !

Les « faits » : à établir et avérer : le B A BA de la procédure historienne…

Merci donc aux organisateurs de ce colloque d’historiens qui s’est tenu hier vendredi 14 novembre 2008 à Agen !


Nous lirons bien attentivement les Actes de ce colloque,

dont la parution imprimée est impatiemment désirée, ainsi que l’a bien sonorement fait entendre hier, en ouverture des contributions, l’un des organisateurs – chevilles-ouvrières de ce colloque, Alexandre Lafon…

Titus Curiosus, ce 15 novembre 2008

Commentaires récents

Le 15 novembre 2008

Ave centurio !
La guerre 14, je n’en ai jamais eu assez. C’est toucher du doigt, du plat ensanglanté de lamain, ce qu’a été la guerre à l’état pur. « Moi mon colon celele que j’préfère… » – celle de 1940 a été entachée de moralisme : ceux qui avaient raison, ceux qui avaient tort. Et ceux qui avaient eu tort ont été vaincus. En 14-18, c’est la guerre à l’état brut, sans personne qui soit plus ou moins justifié. le meurtre pour le meurtre, gratuit. En 40-45, on pouvait avoir une idée de ce pour quoi on mourait. En 14-18, c’était pour obéir aux ordres. Et c’est cela qui fascine encore. Ma famille est pour partie de Verdun, pour partie de Bar-le-Duc. Meusien, avec des apports jurassiens. La guerre est une exaltation de ce qu’il y a de gtrand en l’homme, au sens non pas maléfique ou retors du terme, mais au sens si j’ose dire mortel, mortuaire. Guéhenno disait à peu près « A cet âge où la sève de la vie bouillonne à toute force dans nos veines, nous fûmes contraints de la transformer en venin mortifère, et de nous exterminer les uns les autres. Nous ne nous en serons jamais remis. » Devant les monuments aux morts ( en particulier cette si saisissante statue de la mort squelettique du Mort-Homme, où j’ai vu de mes yeux vus sans oser intervenir une famille pique-niquer avec le transistor en disant : « Paraît qu’ils ont morflé à la guerre par ici, en quelle année déjà ? en 40 ? » – bande de salopards), nous nous découvrons devant les insignes négatifs de notre Grandeur Humaine. La seule prière est alors KYRIE, ELEISON – KYRIE, ELEISON…
Je ne peux jamais parler de la guerre 14 « de sang-froid »…

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