« Two Lovers » _ ou de l' »humanité » vraie du « care » dans le regard cinématographique de James Gray
Sur le bouleversant film « Two lovers » de James Gray, sur les écrans français depuis mercredi 19 novembre ;
et son « usage » sublime du « care » :
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Je sors ébloui et ravi de la première séance (de 11 heures) du 4ème film de James Gray : « Two lovers«
_ ou quelque chose, pour moi, comme « du care« :
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après trois œuvres déjà impressionnantes (de beauté) dans le genre « polar » de ce « très grand » James Gray : « Little Odessa« , en 1994 ; « The Yards« , en 2000 ; et « We own the night » (ou, en français, « La nuit nous appartient« , il y a tout juste un an), en 2007…
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Déjà le titre
_ en dépit qu’au générique (celui de la v. o.) le titre « Two lovers« suive immédiatement les noms des deux « premiers » interprètes : Joaquin Phœnix et Gwyneth Paltrow ; s’agirait-il donc, quant à ces « two lovers« , des deux personnages _ Léonard, Michelle _ que ces deux acteurs-là, ainsi mis en relief, incarnent ?.. _,
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déjà le titre _ « Two lovers« _, donc,
est ambigü ;
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même si l’amour est d’abord, le plus visiblement _ bien sûr ! _, une relation duelle
(de deux corps…) ;
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car dans ces relations _ plurielles ! _ d’amour-là, dans ce film-ci, « Two lovers« , de James Gray,
la relation n’est,
apparait-il ici
_ et davantage, pourrait-on, donc, dire, que jamais ! : sublimement !!! _ ;
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la relation n’est
jamais, en aucun de ces (divers) cas d’amour-là (de ce film), simplement
et uniment
duelle…
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Pareille « ambiguïté« ,
si telle ambiguïté il y a bien
_ ou complexité de quelque chose comme une ambivalence au cœur même de l’amour, ou du désir (amoureux), éprouvé _ ;
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pareille complexité (d’ambivalence) et ambiguïté
est-elle,
même,
profondément voulue _ jusqu’à en faire le cœur battant du titre de son film-œuvre _ ;
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profondément voulue, donc, par l’auteur,
l’immense artiste qu’est James Gray ?..
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Il nous faut, nous
_ chacun des « spectateurs« (actifs
cf sur ce qu’est
« être vaiment » « spectator »
et « L’Acte esthétique« , de Baldine Saint-Girons ;
et « Homo spectator« , de Marie-José Mondzain) _;
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il nous faut nous y interroger :
car c’est d’abord à cette énigme (fondamentale !)-là
de la relation (d’amour) entre deux êtres « humains« : « non-inhumains« , veux-je dire
_ cf Bernard Stiegler en son « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » ;
je reviens toujours, forcément, aux mêmes fondamentaux de ma réflexion æsthétique _ et « humaniste » !.. : les deux sont viscéralement liés, conjoints ! ;
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que ce film « tendre »
vient frontalement
et en _ et par _ son immense et terrible douceur _ à distance océanique du mélo !!! _
sublimement _ Baldine… _ nous confronter…
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Nous sommes confrontés, tout en douceur et délicatesse, à,
et profondément émus, touchés et complètement remués et retournés, par
les permanentes ambivalences de l' »humain » le plus authentique, en cette ambivalente complexité même (de l’amour vrai), qu’il _ nous _ faut, en effet, nous _ « spectateurs » _, « assumer » : comme assez rarement au cinéma,
en une véritable (modeste en même temps, et sans esbroufe) « œuvre » (d’art) cinématographique.
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De même que les personnages, eux aussi _ (l’amant _ the « lover« ) Léonard, (l’amante _ the « lover« ) Sandra, (l’amante _ the « lover« ) Michelle _, évoluent, changent, se métamorphosent,
à la fois lentement, quasi insensiblement, sans manœuvre brutale (= esbroufe) de la caméra, ni changement grossier (= vulgarité) du décor _ même si on change (et magnifiquement) de « quartier » (de New-York :
ô combien amoureusement la ville de James Gray est-elle ici filmée par cet enfant de Brighton Beach, à Coney Island, qu’est James Gray !) _,
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tout est doux, tout se déploie sans brusquerie aucune, ni coup de revolver, pour une fois,
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et sous le choc des « accidents » _ contingents _ qui les effleurent, touchent, blessent, jettent à terre, et, même, à l’occasion, presque les noient,
littéralement,
ces « personnages »…
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qui ont
_ ou/et connaissent, ainsi :
et il leur faut un minimum de temps, forcément, pour essayer de « s’en remettre » _
leurs chutes de tension _ dé-préssurisation _, là, à terre…
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Le personnage de Léonard Kraditor _ qu’incarne « magiquement », et magistralement dans sa quintessence (sublime) d' »humanité » !.. ; quel « acteur » !.. ;
en ses métamorphoses physiques,
de la balourdise la plus traînante (et courbure de dos, juste ce qu’il faut, pataude),
à la grâce de la lumière, et de la danse, et de l’éclat _ de diamant _ de son regard, perçant et « droit »sous le velours d’un voile infinie de tristesse,
un plus qu' »évident » Joaquin Phœnix _ ;
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le personnage de Léonard Kraditor, donc,
un trentenaire célibataire qui vit, loge, habite et travaille chez « papa et maman »,
est partagé,
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sans compter la toute première fiancée partie, enfuie
_ présente en forme de photo encadrée au chevet de son lit, dans sa chambre _,
qu’il n’a pas pu
_ pour raison médicale (leurs enfants auraient été « porteurs malades » d’une maladie dont ces deux fiancés-là étaient et sont « porteurs sains ») _ ;
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sans compter, donc, la toute première fiancée qu’il n’a pas pu
épouser ;
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qui l’a quitté et mis au désespoir
en s’enfuyant,
et sans que, pour jamais, il puisse la « re-joindre »
…
_ d’où plusieurs tentatives de suicide
dont celle par noyade en ouverture, sublime, du film
_ tranquillement alentie :
juste avant, le convoyeur (de la blanchisserie paternelle, nous le découvrirons un peu plus tard) laisse glisser à terre, sur le ponton, ou pont-passerelle, l’étui à vêtements (nettoyés à sec) qu’il était chargé, donc, de convoyer à un client de la blanchisserie : se lit par dessus le porte-manteau du vêtement nettoyé : « we love _ avec un gros cœur rouge _ our customers« … _
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dont celle par noyade en ouverture, donc,
du film, de depuis un ponton, ou un pont-passerelle, pour piétons : la scène, dans la douceur moite d’un crépuscule d’automne new-yorkais, est proprement « magique » ! ;
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en plus de s’être tailladé les veines du poignet gauche ;
et de divers séjours à l’hôpital pour « troubles bi-polaires« … ;
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le personnage de Léonard Kraditor, donc, est partagé
entre deux femmes qu’il aime
_ et aime aussi physiquenent, charnellement (à l’écran, dans ce que nous donne à voir, ou nous montre, de l’intimité ;
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(sur cette « intimité » du personnage de Léonard,
je pense ici au magnifique « La Privation de l’intime » de Michaël Foessel ;
cf mon article « La pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » ;
ainsi qu’au très beau « Amitier » de Gilles Tiberghien :
cf mon article « L’acte d' »amitier » : pour une anthropologie fondamentale (du sujet actant)« ) ;
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dans ce que nous donne à voir de l' »intimité »
_ = « des liens à » (d’autres sujets _ et non « objets » _ humains), nous a excellemment montré Michaël Foessel _,
de Léonard
et des autres _ au moins deux, si l’on en croit le titre : « Two lovers » _ des « lovers in love« ,
la caméra pudique
_ toujours superbe de puissance autant que de délicatesse, quant à ce qui secoue physiquement ces amants… _
du magnifique James Gray) :
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la brune Sandra Cohen
_ qu’incarne l’excellente, toute de sobriété attentive et tendre (« care« ), Vinessa Shaw _
qui l’a « remarqué », lui, Léonard, à la boutique (de blanchisserie-teinturerie) où il traîne tant bien que mal sa dégingandée carcasse (et promène erratiquement, sans se fixer sur grand chose, ses yeux de velours) ;
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et à laquelle il plaît (déjà) bien… ;
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et que les deux familles (les Kraditor et les Cohen _ professionnellement alliés : en voie d’association) voudraient (bien) lui voir épouser ;
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et Michelle, une intrigante superbe « voisine » blonde, tout récemment installée _ par un (riche) amant marié _, de l’autre côté de la cour de l’immeuble (de briques de couleur ocre) ;
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tandis que ce personnage de Michelle
_ qu’incarne (avec beaucoup, beaucoup d’élégance, et de charme, et jamais trace d’hystérie) Gwyneth Paltrow _
ne parvient pas, « de son côté », à quitter
l’homme marié
_ riche, et d’une génération plus âgée que la sienne (ce dernier, Ronald Blatt, confie à Léonard qu’il a lui-même un fils _ d’une trentaine d’années, vraisemblablement, lui aussi _ qui lui ressemble étrangement, en son allure quelque peu « empruntée »… _) ;
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ne parvient pas à quitter l’homme marié, donc,
qui lui-même ne se décide décidément pas à quitter sa (propre) femme-épouse
pour épouser (et vivre complètement avec) sa maîtresse,
qu’il vient,
quand débute le film,
d’installer (faire aménager), donc, dans le quartier _ un peu délabré : Brighton Beach, sur Coney Island, à New-York _ où habite encore sa propre mère âgée…
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Soit un portrait d' »humanité »,
notamment, et d’abord, de Léonard _ qu’incarne si magistralement Joaquin Phœnix (Chapeau !) ;
et de Sandra _ splendidement attentive et bienveillante (ou le « care » :
Sandra offre à Léonard une paire de gants protecteurs),
en ce qu’en donne la très belle, elle aussi, et non transparente, Vinessa Shaw ;
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sans oublier la figure extraordinairement attentive de la mère, Ruth Kraditor, portée par une radieusement sobre et belle (et aimante) Isabella Rossellini
_ fille d’Ingrid Bergmann et Roberto Rossellini ;
à la formidable « humaine » présence…
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Soit une œuvre (de cinéma) majeure _ sublime, oui ! _ de James Gray, que ce « Two lovers« ,
sur ce qui demeure, encore, un peu, de plus « humain » _ si vulnérable _ dans notre humanité de plus en plus inattentive (= « in-humaine« , barbare)…
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Titus Curiosus, le 21 novembre 2008