Archives du mois de novembre 2008

« Two Lovers » _ ou de l' »humanité » vraie du « care » dans le regard cinématographique de James Gray

21nov

Sur le bouleversant film « Two lovers » de James Gray, sur les écrans français depuis mercredi 19 novembre ;

et son « usage » sublime du « care » :

Je sors ébloui et ravi de la première séance (de 11 heures) du 4ème film de James Gray : « Two lovers« 

_ ou quelque chose, pour moi, comme « du care«  :

après trois œuvres déjà impressionnantes (de beauté) dans le genre « polar » de ce « très grand » James Gray : « Little Odessa« , en 1994 ; « The Yards« , en 2000 ; et « We own the night » (ou, en français, « La nuit nous appartient« , il y a tout juste un an), en 2007…

Déjà le titre

_ en dépit qu’au générique (celui de la v. o.) le titre « Two lovers«  suive immédiatement les noms des deux « premiers » interprètes : Joaquin Phœnix et Gwyneth Paltrow  ; s’agirait-il donc, quant à ces « two lovers« , des deux personnages _ Léonard, Michelle _ que ces deux acteurs-là, ainsi mis en relief, incarnent ?.. _,


déjà le titre _ « Two lovers« _, donc,

est ambigü ;

même si l’amour est d’abord, le plus visiblement _ bien sûr ! _, une relation duelle

(de deux corps…) ;

car dans ces relations
_ plurielles ! _ d’amour-là, dans ce film-ci, « Two lovers« , de James Gray,
la relation n’est,

apparait-il ici

_ et davantage, pourrait-on, donc, dire, que jamais ! : sublimement !!! _ ;

la relation n’est

jamais, en aucun de ces (divers) cas d’amour-là (de ce film), simplement

et uniment

duelle…

Pareille « ambiguïté« ,

si telle ambiguïté il y a bien

_ ou complexité de quelque chose comme une ambivalence au cœur même de l’amour, ou du désir (amoureux), éprouvé _ ;

pareille complexité (d’ambivalence) et ambiguïté

est-elle,

même,

profondément voulue _ jusqu’à en faire le cœur battant du titre de son film-œuvre _ ;

profondément voulue, donc, par l’auteur,

l’immense artiste qu’est James Gray ?..


Il nous faut, nous

_ chacun des « spectateurs«  (actifs

cf sur ce qu’est

« être vaiment » « spectator »

et « L’Acte esthétique« , de Baldine Saint-Girons ;

et « Homo spectator« , de Marie-José Mondzain) _;

il nous faut nous y interroger :

car c’est d’abord à cette énigme (fondamentale !)-là

de la relation (d’amour) entre deux êtres « humains«  : « non-inhumains« , veux-je dire

_ cf Bernard Stiegler en son « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » ;

je reviens toujours, forcément, aux mêmes fondamentaux de ma réflexion æsthétique _ et « humaniste » !.. : les deux sont viscéralement liés, conjoints ! ;

que ce film « tendre »

vient frontalement

et en _ et par _ son immense et terrible douceur _ à distance océanique du mélo !!! _

sublimement _ Baldine… _ nous confronter…


Nous sommes confrontés, tout en douceur et délicatesse, à,

et profondément émus, touchés et complètement remués et retournés, par
les permanentes ambivalences de l' »humain » le plus authentique, en cette ambivalente complexité même (de l’amour vrai), qu’il _ nous _ faut, en effet, nous _ « spectateurs » _, « assumer » : comme assez rarement au cinéma,
en une véritable (modeste en même temps, et sans esbroufe) « œuvre » (d’art) cinématographique.


De même que les personnages, eux aussi _ (l’amant _ the « lover« ) Léonard, (l’amante _ the « lover« ) Sandra, (l’amante _ the « lover« ) Michelle _, évoluent, changent, se métamorphosent,

à la fois lentement, quasi insensiblement, sans manœuvre brutale (= esbroufe) de la caméra, ni changement grossier (= vulgarité) du décor _ même si on change (et magnifiquement) de « quartier » (de New-York :

ô combien amoureusement la ville de James Gray est-elle ici filmée par cet enfant de Brighton Beach, à Coney Island, qu’est James Gray !) _,

tout est doux, tout se déploie sans brusquerie aucune, ni coup de revolver, pour une fois,

et sous le choc des « accidents » _ contingents _ qui les effleurent, touchent, blessent, jettent à terre, et, même, à l’occasion, presque les noient,

littéralement,

ces « personnages »…


qui ont

_ ou/et connaissent, ainsi :

et il leur faut un minimum de temps, forcément, pour essayer de « s’en remettre » _

leurs chutes de tension _ dé-préssurisation _, là, à terre…

Le personnage de Léonard Kraditor _ qu’incarne « magiquement », et magistralement dans sa quintessence (sublime) d' »humanité » !.. ; quel « acteur » !.. ;

en ses métamorphoses physiques,

de la balourdise la plus traînante (et courbure de dos, juste ce qu’il faut, pataude),

à la grâce de la lumière, et de la danse, et de l’éclat _ de diamant _ de son regard, perçant et « droit »sous le velours d’un voile infinie de tristesse,

un plus qu' »évident » Joaquin Phœnix _ ;

le personnage de Léonard Kraditor, donc,
un trentenaire célibataire qui vit, loge, habite et travaille chez « papa et maman »,
est partagé,

sans compter la toute première fiancée partie, enfuie

_ présente en forme de photo encadrée au chevet de son lit, dans sa chambre _,

qu’il n’a pas pu

_ pour raison médicale (leurs enfants auraient été « porteurs malades » d’une maladie dont ces deux fiancés-là étaient et sont « porteurs sains ») _ ;

sans compter, donc, la toute première fiancée qu’il n’a pas pu

épouser ;

qui l’a quitté et mis au désespoir

en s’enfuyant,

et sans que, pour jamais, il puisse la « re-joindre »

_ d’où plusieurs tentatives de suicide

dont celle par noyade en ouverture, sublime, du film

_ tranquillement alentie :

juste avant, le convoyeur (de la blanchisserie paternelle, nous le découvrirons un peu plus tard) laisse glisser à terre, sur le ponton, ou pont-passerelle, l’étui à vêtements (nettoyés à sec) qu’il était chargé, donc, de convoyer à un client de la blanchisserie : se lit par dessus le porte-manteau du vêtement nettoyé : « we love _ avec un gros cœur rouge _ our customers« … _

dont celle par noyade en ouverture, donc,

du film, de depuis un ponton, ou un pont-passerelle, pour piétons : la scène, dans la douceur moite d’un crépuscule d’automne new-yorkais, est proprement « magique » ! ;

en plus de s’être tailladé les veines du poignet gauche ;
et de divers séjours à l’hôpital pour « troubles bi-polaires« … ;


le personnage de Léonard Kraditor, donc, est partagé

entre deux femmes qu’il aime

_ et aime aussi physiquenent, charnellement (à l’écran, dans ce que nous donne à voir, ou nous montre, de l’intimité ;

(sur cette « intimité » du personnage de Léonard,

je pense ici au magnifique « La Privation de l’intime » de Michaël Foessel ;

cf mon article « La pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie »  ;

ainsi qu’au très beau « Amitier » de Gilles Tiberghien :

cf mon article « L’acte d' »amitier » : pour une anthropologie fondamentale (du sujet actant)« ) ;

dans ce que nous donne à voir de l' »intimité »

_ = « des liens à » (d’autres sujets _ et non « objets » _ humains), nous a excellemment montré Michaël Foessel _,

de Léonard

et des autres _ au moins deux, si l’on en croit le titre : « Two lovers » _ des « lovers in love« ,

la caméra pudique

_ toujours superbe de puissance autant que de délicatesse, quant à ce qui secoue physiquement ces amants… _

du magnifique James Gray) :

la brune Sandra Cohen

_ qu’incarne l’excellente, toute de sobriété attentive et tendre (« care« ), Vinessa Shaw _

qui l’a « remarqué », lui, Léonard, à la boutique (de blanchisserie-teinturerie) où il traîne tant bien que mal sa dégingandée carcasse (et promène erratiquement, sans se fixer sur grand chose, ses yeux de velours) ;

et à laquelle il plaît (déjà) bien… ;

et que les deux familles (les Kraditor et les Cohen _ professionnellement alliés : en voie d’association) voudraient (bien) lui voir épouser ;

et Michelle, une intrigante superbe « voisine » blonde, tout récemment installée _ par un (riche) amant marié _, de l’autre côté de la cour de l’immeuble (de briques de couleur ocre) ;

tandis que ce personnage de Michelle

_ qu’incarne (avec beaucoup, beaucoup d’élégance, et de charme, et jamais trace d’hystérie) Gwyneth Paltrow _

ne parvient pas, « de son côté », à quitter

l’homme marié
_ riche, et d’une génération plus âgée que la sienne
(ce dernier, Ronald Blatt, confie à Léonard qu’il a lui-même un fils _ d’une trentaine d’années, vraisemblablement, lui aussi _ qui lui ressemble étrangement, en son allure quelque peu « empruntée »… _) ;

ne parvient pas à quitter l’homme marié, donc,

qui lui-même ne se décide décidément pas à quitter sa (propre) femme-épouse
pour épouser (et vivre complètement avec) sa maîtresse,
qu’il vient
,
quand débute le film,
d’installer (faire aménager), donc, dans le quartier _ un peu délabré : Brighton Beach, sur Coney Island, à New-York  _ où habite encore sa propre mère âgée…

Soit un portrait d' »humanité »,

notamment, et d’abord, de Léonard _ qu’incarne si magistralement Joaquin Phœnix (Chapeau !) ;

et de Sandra _ splendidement attentive et bienveillante (ou le « care » :

Sandra offre à Léonard une paire de gants protecteurs),

en ce qu’en donne la très belle, elle aussi, et non transparente, Vinessa Shaw ;

sans oublier la figure extraordinairement attentive de la mère, Ruth Kraditor, portée par une radieusement sobre et belle (et aimante) Isabella Rossellini

_ fille d’Ingrid Bergmann et Roberto Rossellini ;

à la formidable « humaine » présence…

Soit une œuvre (de cinéma) majeure _ sublime, oui ! _ de James Gray, que ce « Two lovers« ,

sur ce qui demeure, encore, un peu, de plus « humain » _ si vulnérable _ dans notre humanité de plus en plus inattentive (= « in-humaine« , barbare)…

Titus Curiosus, le 21 novembre 2008

Le suicide d’une philosophe : de la valeur de vérité (et de justice) dans le marigot des (petits) accommodements d’intérêts (4 _ en forme d’apothéose)

20nov

Sur l’épisode n°5

_ « sur la sollicitude des philosophes, et la sollicitude heideggerienne en particulier«  _

d’une série d’articles d’Yves Michaud _ « Un Suicide dans les règles » _,

à propos la (bien) pénible affaire du « suicide d’une philosophe«  suite à sa non-titularisation,

dans des circonstances (universitaires) de formes (on ne peut plus) légales (« dans les règles« ), certes,

mais sans guère de « sollicitude«  (« care » : donc éthique), semble-t-il :

voici, du moins, une nouvelle pièce (d’analyse philosophique _ pointue…) à verser, aujourd’hui, à ce dossier ;

et on ne perdra certes pas son temps à accepter de bien vouloir lire in extenso ce nouvel article d’Yves Michaud en son blog « Traverses » du site de Libération, à la date de ce jour : « Rédigé le 20/11/2008 à 16:54« …

En pleine lecture de l’essai « Le Sexe de la sollicitude » de Fabienne Brugère,

qui le présentera à la Société de Philosophie de Bordeaux, dans les salons Albert-Mollat de la Librairie Mollat _ 15 rue Vital-Carles, à Bordeaux _ mardi prochain, 25 novembre, à 18 heures,

je n’ai donc pu que me trouver « interpellé »

par le sous-titre de ce nouvel « épisode »

de la (très remarquable) analyse michaldienne de ce (bien) pénible « cas » :

« sur la sollicitude des philosophes, et la sollicitude heideggerienne en particulier« , donc…

Dans une forme absolument « désopilante«  (!!!)

qui n’est pas sans rappeler le talent _ ou le génie : déchaîné ! _ du Swift des « Instructions aux domestiques »

(afin de « résoudre » « au mieux » l’assez difficile famine irlandaise _ de son temps, en 1745),

Yves Michaud nous prie, nous, lecteurs, de bien vouloir lui pardonner quelque « excès » d’humour noir » :

l’adjectif « désopilant » est, en effet, employé par l’auteur de cet article (d’anthologie) lui-même, pour l’usage de « Heidegger » que « se permet » _ sans doute en vertu de la « méta-fiction » ! _ un auteur de romans japonais, M. Tsutsui Yasutaka ;

en voici le détail :

« Histoire de sourire dans une affaire sinistre,

je renvoie sur ces quelques points à un roman désopilant du japonais Tsutsui Yasutaka, grand maître de la méta-fiction, « Les cours particuliers du professeur Tadano » _ ce roman, de 1990, est paru en traduction française aux Éditions Stock, en 1996.

Que les Brestois se rassurent, le livre de Yasutaka _ né en 1934 à Ōsaka _ ne se passe pas à l’Université de Bretagne occidentale ; et le professeur Tadano n’y enseigne pas la philosophie allemande !

Dans ce  roman, le professeur Tadano, qui a l’air de s’y connaître en jargon heideggerien authentique _ comment ne pas admirer l’emploi d’un tel terme en pareille occurrence ?!.. _, paraphrase ainsi la pensée du maître :

« Tenez, par exemple, quand on aide les autres, quand on couche avec eux, quand on les trahit, quand on se fait transmettre le virus du sida, tout ça, c’est de la sollicitude dans la terminologie de Heidegger » ;

ou encore :

« L’authenticité, c’est quand l’homme fait face à sa souffrance et à sa peine, qu’il l’assume, sans chercher à lui échapper

en faisant du tourisme de masse ou en se réfugiant dans la bouffe,

bref,

qu’il existe réellement en tant que lui-même. » Fin de la citation du roman japonais.

Yves Michaud s’en excuse un peu plus loin, au final de l’article :

« Qu’on me pardonne, pour finir, mes quelques traits d’humour noir.
D’abord ils soulagent.
Ensuite j’espère bien qu’ils ne dissimulent pas mon sentiment profond : que toute cette histoire fut et demeure strictement
_ l’adverbe aussi est important _ « dégueulasse ». »

Merci…

Et sur le fond, maintenant,

lire tout le détail de l’article sur le site « Traverses » d’Yves Michaud…


Titus Curiosus, ce 20 novembre

« Ce vers quoi s’élance Boutès » ; et la difficulté d’harmoniser les agendas

19nov

A propos de la présentation, hier soir, mardi 18 novembre, de son « Boutès« , paru aux Éditions Galilée le mois d’août dernier, par Pascal Quignard,

dans les salons Albert-Mollat, combles _ on s’asseyait par terre _ ;

ainsi que de la difficulté de concilier les agendas,

afin de venir « rencontrer » écrivains, artistes, philosophes ;

ce petit courrier matinal à Maïalen Lafite _ qui n’était pas disponible ce jeudi soir dernier (« mais merci de m’avoir informée et continuez à le faire !« ) :

« J’ai regretté en effet que, pour difficultés d’agendas, bien des interlocuteurs « possibles » du conférencier
n’aient pu être présents, ce soir-là _ jeudi 13 à la librairie La Machine à Lire _, dans la salle, pour dialoguer un peu sur Montaigne avec un esprit aussi délié, lumineux,
et en grande forme, que Bernard Sève

(à partir de son si pénétrant « Montaigne. Des règles pour l’esprit » _ aux PUF, en novembre 2007) :

Jean Terrel, non plus, n’avait pas pu se libérer

_ il m’a adressé gentiment un petit mot : savoir si Thomas Hobbes (« sur » lequel Jean Terrel vient de publier un plus que « très autorisé » « Hobbes _vies d’un philosophe« , aux Presses universitaires de Rennes) fut lui aussi _ tels Francis Bacon et William Shakespeare _, ou pas, un lecteur de Montaigne, me paraissant plus qu’intéressant !..

A défaut d’avoir pu écouter la conférence de Bernard Sève,

voici _ à lire _ l’article que je lui ai consacré, à cette conférence, sur mon blog

« Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »

et voici, même, le petit mot que m’a adressé, depuis, Bernard Sève lui-même :

Cher Titus,

merci de ton mail si amical.
Je voulais aussi te remercier pour ton accueil chaleureux à Bordeaux.  C’était vraiment un moment très réussi, à la fois amical et intellectuellement riche.

Je regrette un peu de n’avoir pas développé comme je l’aurais voulu mon thème
_ écriture ET pensée de Montaigne _
lors de ma conférence, mais en fait je me suis vite rendu compte que ce serait trop technique.

En gros, j’aurais voulu montrer que chaque « trait d’écriture » de Montaigne (ceux que j’ai rapidement relevés : l’exposition des conditions de production du texte, l’ajout, la copia verborum, la citation, la digression, etc.) est à la fois l’expression du désordre de l’esprit et en même temps une « poétisation » de ce désordre qui permet, en partie, de le juguler.

Je l’ai dit en général, je ne l’ai pas montré en détail (cas par cas), mais je pense que ce n’était pas le lieu.

J’ai un peu envie d’écrire une petite étude sur ce point, mais je ne veux pas non plus « systématiser » Montaigne, ce qui serait à l’opposé de son écriture et de sa sagesse.
Ravi de t’avoir revu,

etc…

Bernard

En effet, le 20 mai 2003, le recevant en les salons Albert-Mollat du 15 rue Vital-Carles, pour présenter au public bordelais, ce très beau livre, déjà, « L’Altération musicale _ ce que la musique apprend au philosophe« , paru aux Éditions du Seuil en août 2002,

la conférence s’était déroulée comme une conversation (jubilatoire, déjà) sur la musique…

Hier soir,
je suis allé écouter « le grand » Pascal Quignard dans les salons Mollat ; la salle était comble
;
et je n’avais pas encore eu le temps, au milieu d’un trop plein d’activités passionnantes
de lire son « Boutès« …

Je n’ai _ personnellement _ pas trouvé l’auteur en (très) grande forme : grippé,
il nous a lu, de sa belle voix grave, pendant vingt minutes, le premier chapitre de « Boutès« , qui ne m’a pas paru « éclatant », comme parfois, voire assez souvent, se révèle l’inspiration de Pascal Quignard…

Surtout sur une question cruciale, et qui le taraude (et « inspire »),
depuis longtemps
: lire là-dessus « Vie secrète« , en plus de « Haine de la musique » et de « La Leçon de musique » ; ainsi que, encore, « Le nom sur le bout de la langue« , et « Rhétorique spéculative« …

Sans « questionneur » (d’un peu de talent, si possible) en face de lui, au micro, à la tribune
_ Dominique Rabaté (qui vient de publier en mars dernier un très riche « Pascal Quignard _ étude de l’œuvre » aux Éditions Bordas) était pourtant présent dans la salle _,
Pascal Quignard n’eut en face de lui que des questions la plupart assez chichiteuses d’un public un peu trop acquis d’avance, et « extatique »,
à l’exception, notamment, et entre (quelques) autres, d’une dame, s’étonnant, fort justement, de l’affirmation que « Boutès » soit (ou serait ?..) le « dernier texte » de Quignard _ dixit lui-même !!! _ sur la musique…

L’auteur a alors répondu avoir « voulu dire« , par là, qu’en ce « Boutès« , il s’était un peu « écarté », par cette réflexion à nouveau « autour de » la musique, de son axe majeur de ces « années dernières »-ci : la méditation de « Dernier royaume« .

Ainsi nous a-t-il annoncé, qu’après « les Ombres errantes » (I), « Sur le jadis » (II), « Abîmes » (III), « Les Paradisiaques » (IV) et « Sordidissimes« (V), parus en 2002 et 2004,
un sixième volume de « Dernier royaume » était, maintenant même, « en chantier »,
et devrait paraître, non pas en janvier prochain, comme le lui a demandé un lecteur (de Pau : universitaire ?) très attentif à _ et averti de _ l’œuvre quignardien,
mais plus tard en cette année prochaine, 2009…

Enfin, j’ai pu échanger quelque mots avec Dominique Rabaté, qui lui non plus n’était pas disponible jeudi 13 novembre dernier _ pour venir écouter Bernard Sève sur l’écriture de Montaigne ;
participant, quant à lui, à un colloque dans la Loire, à Saint-Etienne…

Pour en revenir au « Boutès » de Quignard,
je le lirai jusqu’au bout, pour rechercher ce qu’il apporte, ou pas, de plus à sa confrontation _ toujours magnifiquement courageuse _ à la question de la musique (et à celle de la langue) ;

ainsi qu’à sa confrontation au « féminin » _ et pas au « maternel », comme il les a « distingués », à propos des « sirènes »

(ou « anges carnassiers« , comme il l’a même proféré…) ;

et très pertinemment, un auditeur l’a interrogé sur cette « distinction »…

Le mot (et concept) qui personnellement m’a « arrêté » et « retenu » en ce premier chapitre de « Boutès » lu non « ambrosiennement« , c’est-à-dire non silencieusement

(Saint Augustin racontant avoir vu Saint Ambroise lire sans qu’on entende sa voix, ni que ses lèvres bougent ; d’où l’expression « lecture ambrosienne« )

par Pascal Quignard
est celui d' »acritique« , page 17 :

« la musique de la cithare
_ d’Orphée _ fabriquée de main d’homme
fait obstacle à la puissante sidérante
_ ainsi Pascal Quignard a-t-il lui-même commenté l’étymologie de « désir » : dé-sidérant ! _ du chant animal _ féminin, chez les Sirènes, mamelues : et le détail revient à plusieurs reprises…

Ce que je traduis par chant animal, Apollonios

_ du texte duquel « part » Quignard pour méditer sur Boutès se jetant à la mer pour

(« dans les vagues noirâtres _ en grec « porphyres » _ qui se soulèvent aux abords des premiers rochers de l’île« , est-il dit page 11)

rejoindre l’île aux sirènes _,

Apollonios, donc, l’appelle voix acritique.
Voix « acritique », c’est-à-dire non séparée, indistincte, continue
« 

_ non passée au « tamis » de quelque « crible »…

Et ici encore un auditeur _ cultivé… et écrivain lui-même _ est intervenu avec beaucoup de pertinence, en proposant d’appliquer à cette « perspective » le concept de « sentiment océanique » de Sandor Ferenczi (1873-1933)…


Je poursuis la lecture :
« Aussitôt après, Apollonios ajoute l’adjectif « aigüe ».

Le chant acritique est nécessairement soprano
puisqu’il vient du monde où la vie se développe
« 

_ c’est-à-dire intra-utérin ;
avant l’expulsion qui fera de la femme (charnellement aimée par un homme, « sexué » :
le mot revient à plusieurs reprises, et sous la plume, et dans la voix de Pascal Quignard ; auteur, aussi, de « La Nuit sexuelle« )
une mère…


Et Pascal Quignard précise :

« Le monde où la vie se développe
est le monde uniquement féminin
qui ne connaît pas la mue
_ cf le récit de « Tous les matins du monde » _
comme le monde des hommes la connaît.

Voilà ce vers quoi s’élance Boutès.« 

Bien à vous,

Titus Curiosus, ce 19 novembre 2008

Conversation _ de fond _ avec un philosophe : sans cesse (se) demander « Qu’est ce donc, vraiment, que l’homme ? » Pas un « moyen », mais un sujet ; un (se) construire _ avec d’autres _, pas un utiliser, jeter, détruire

18nov

Petites _ ou élémentaires, basiques (et vraies) _ conversations

avec un (vrai) philosophe,

Michaël Foessel,

l’auteur de « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru ce mois d’octobre aux Éditions du Seuil,

et de l’article « Néolibéralisme versus libéralisme ? » dans le numéro (11) de novembre de la Revue Esprit :”Dans la tourmente (1). Aux sources de la crise financière« .

A l’envoi de mon article (du 11 novembre) sur ce blog-ci, « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« ,

Michaël Foessel a l’amabilité de me répondre, très sobrement, ceci :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Article sur « La Privation de l’intime »
Date : 14 novembre 2008 14:37:08 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Merci beaucoup d’avoir rédigé cet article. Il est à la fois juste et original, mettant parfaitement en lumière les points saillants du livre.

Très cordialement
 »

Michaël Foessel

Je lui réponds alors _ moins sobrement _ ceci :

De :   Titus Curiosus

Objet : Article

Date : 14 novembre 2008 17:31:18 HNEC
À :   Michaël Foessel

« Je suis ravi que ma « proposition de lecture » de « La Privation de l’intime«  ne vous choque pas trop :
c’est un « essai » de lecture et de « compte-rendu » à la fois se voulant assez objectif,
et exprimant aussi un regard, un point de vue _ le mien _ sur votre travail…


Hier soir, au repas qui a suivi la conférence de Bernard Sève sur Montaigne,
pour la Société de philosophie de Bordeaux,
et que Céline Spector et moi-même avons « introduite », « présentée » à la librairie La Machine à Lire,
la conversation (en petit comité) fut très agréable et stimulante (la crise, Obama, le PS, etc…)…
Et nous avons aussi un peu parlé de votre travail…

Je me réjouis de l »actualité » particulière des questions que vous soulevez ;
même si ce sont des questions de fond et de longue haleine…


J’aimerais tant croire que le 4 novembre
« l’espoir vient de changer de camp depuis 30 ans« 
,
ainsi que commençait Laurent Joffrin son éditorial de Libé le 6 novembre…

Pour curiosité, si vous avez du temps _ je suis prolixe, hélas _,
voici l’article sur la conférence de Bernard Sève que j’ai « mitonné » de bon matin,
avant de partir pour 9h 30 à un colloque (sur « la Grande Guerre« ) à Agen, dont je suis de retour à l’instant…
« Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »
Titus Curiosus

Puis :

De :   Titus Curiosus

Objet : Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 15 novembre 2008 17:33:49 HNEC
À :   Michaël Foessel

Cher Michaël,

La librairie Mollat m’a prévenu immédiatement de leur réception du numéro de novembre d’Esprit.

Et je viens de lire vos 2 articles.
Je me permets d’y réagir immédiatement :

au fond, il me semble qu’une priorité pourrait être de faire le point sur les diverses anthropologies possibles
_ y compris, la prise en compte de l’hypothèse de sa radicale absurdité (dans un total artificialisme), d’une part _ il faudrait ici relire « L’Anti-nature » de Clément Rosset, toujours assez fin… ;

et y compris, d’autre part, envisager la position kantienne (et le caractère en partie subordonné de tout « état de fait » vis-à-vis des « impératifs » de l' »exigence rationnelle de droit »…

En tout cas,
réfléchir à une sorte de statut de l’anthropologie…

Nous ne sommes guère loin de la 4ème _ et LA fondamentale ! _ question kantienne : « Qu’est-ce que l’homme ?« 

En tout cas,

la connaissance « historique » des théories empiristes, ainsi que des théories du pragmatisme,

paraît bien utile
pour s’éclairer face,

sinon aux impasses (version pessimiste),

du moins aux (relatifs) changement de mains, de donnes, de jeu,
des divers pouvoirs (et forces) sur le terrain aujourd’hui : version plus optimiste, qui me séduit de prime abord…
Mais je n’y ai pas assez réfléchi.


Voilà quelques pistes que mes ignorances et mon questionnement, par rapport à ma propre culture (avec ses trous) philosophique, me permettent d’esquisser.
Vous semblez beaucoup plus avancé, ne serait-ce que par le terreau des échanges philosophiques que vous pouvez avoir à Paris (ou ailleurs, comme aux Etats-Unis, par exemple ; ou en Allemagne…)…

Merci pour votre grande clarté d’explication.

Comprendre notre présent, l’aménager autant que, à notre échelle, et au milieu d’autres, nous le pouvons,
me paraît une proposition d’action dynamisante…
Et c’est ce dont nous avons maintenant besoin.


Yes, we can ; en France et en Europe aussi…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Sa réponse, magnifique de sobriété :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 17 novembre 2008 17:12:45 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Vous avez raison, c’est bien le statut de l’anthropologie qui est en jeu, et la question de son rapport aux normes.

Ce que j’ai essayé de montrer dans l’article d’Esprit est qu’il faut s’abstenir autant que possible de toute anthropologie normative dès lors que l’on s’occupe de politique.

Une leçon qui est celle de Kant,

mais aussi finalement celle de Montaigne dont vous a parlé Bernard Sève pour qui j’ai beaucoup d’admiration.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler à Bordeaux.

Très cordialement »
Michaël Foessel

Soit l’incessant tranquille et inquiet souci philosophique :


« en _ perpétuel _ éveil« , dirait Bernard Sève

après, et d’après, notre cher Montaigne, en son indispensable « Montaigne. Des règles pour l’esprit » ;

mais aussi la leçon cent fois remise sur le tapis (pédagogique de ses « Propos« )

d’Alain ;

ainsi que de la cohorte défilante, un par un, de tous les philosophes, au fond :

à quoi (nous) « appellent »-ils donc, ceux-ci, les philosophes authentiques,

sinon à « enfin penser »

« de frais »,

et « à nouveaux frais »

_ d’un esprit sans cesse à « r-éveiller » de sa torpeur,

si dangereusement assoupissante ?.. _ ;

« enfin penser » « de frais » le réel

en vérité ?!..


Soit,

je reprends mot à mot les termes mêmes de mon titre pour cet article-ci :

conversation de fond :

sans cesse se demander : « Qu’est-ce donc, vraiment, que l’homme ?« 

Pas rien qu’un moyen, qu’un objet,

pas seulement rien qu’un outil (dans les échanges de services) ;


et jamais, en tout cas, une marchandise

_ ni, a fortiori, de la « chair à canons » _ ;


mais toujours aussi un sujet,

avec un visage ;

un sujet à (se) construire, lui, avec toute l’amplitude d’une riche palette de rapports et liens

_ affectifs (ou « intimes ») _

avec d’autres sujets (et non pas « objets ») ;

en sa liberté, à « se forger » : même si elle n’est certes pas « de fer » !!! _ ;

en _ et par _ tout un art

(et pas une technique ! a fortiori mécanique !)

de ce (se) construire ;

à rebours d’un réducteur _ purement instrumental ! _ « utiliser » ;

et « jeter » et « détruire », comme un rebut et une ordure, après « usage » _ bien « propret » ! _ strictement utilitaire (de l’utilitarisme…)… 

Titus Curiosus, ce 18 novembre 2008

« Philosophie » en rayon et kiosque : pour comprendre que « le réel » d’un coup vient de changer ; et que doit changer vite le « réalisme »

17nov

Sur l’article « Néolibéralisme versus libéralisme ?« , par Michaël Foessel,

dans le numéro (11) de novembre de la Revue Esprit : »Dans la tourmente (1). Aux sources de la crise financière« .

Avec, à suivre, le numéro (12) de décembre d’Esprit,

qui s’intitulera, lui : « Dans la tourmente (2) : Que fait l’Etat ? Que peut l’Etat ?« …


Comprendre « le réel » exige un minimum de recul, et la focalisation (du regard et de l’analyse)

que peut apporter l’éclairage

d’un peu plus loin que le bout du nez

(et que les vessies qui se font prendre pour des lanternes : les idéologies qui occupent massivement en permanence les écrans

des lucarnes médiatiques dans tant de « foyers »)

l’éclairage (avec un minimum de « génie » d’un auteur pertinent) philosophique :

soit le lumineux travail de Michaël Foessel sur ce qui distingue _ et sépare _ le néolibéralisme, triomphant des années Thatcher et Reagan, appuyées, ces années-là (Thatcher, au pouvoir depuis 1979 ; Reagan, depuis 1982) sur la vulgate de Milton Freedman

_ “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel” en 1976, lui ;

cf mon article sur ce blog du 2 novembre dernier : « Sur le réel et le sérieux : le point de Paul Krugman sur l’élection du 4 novembre aux Etat-Unis«  _ ;

sur ce qui distingue _ et sépare _ le néolibéralisme

du libéralisme

_ classique, depuis Locke et Adam Smith…


Michaël Foessel appuie son (affuté) regard analytique sur le travail de 1978-1979

_ on mesure ici l’avance en lucidité du « génie » philosophique (!), pas si fréquent, toutefois ; mais assez mal reconnu, compris, déjà, sur le moment ; puis mal diffusé, alors et depuis, forcément : il secoue tant de cocotiers et de « places occupées », et autres « rentes de situation »… _,

sur le travail de 1978-1979 de Michel Foucault en ses « Cours (ou « séminaire » : semences à planter…) au Collège de France« 

_ une institution exceptionnelle remarquable depuis François Ier !… _

intitulés « Naissance de la biopolitique« ,

publiés conjointement par les Éditions Gallimard et du Seuil, en la collection « Hautes Etudes » en octobre 2004 :

une lecture diablement d’actualité en ce moment de déchaînement de la « tourmente » ; ou de « dedans l’œil » du cyclone ;

en plus d’être puissamment pertinente…

Je liste simplement ici les références que réunit et « lit » pour notre intelligence du présent (et de la tourmente qui nous assaille, en cet unique bateau du « monde mondialisé », désormais) ce remarquablement utile article de Michaël Foessel :

Friedrich A. Hayek (1899-1992) : « La Route de la servitude« , paru en traduction française aux PUF en 1985 ; « Droit, législation, liberté« , aux PUF en décembre 2007 ;

Ludwig von Mises (1881-1973) : « L’Action humaine, traité d’économie (abrégé)« , publié en traduction française aux Belles Lettres en 2004 ; « Le Socialisme« , de 1922, en français à la Librairie de Médicis en 1938… ;

Serge Audier : « Aux origines du libéralisme : le colloque Lippmann« , aux Éditions Le bord de l’eau, en avril 2008 ;

Wendy Brown : « Les habits neufs de la politique mondiale _ Néolibéralisme et néoconservatisme« , paru en traduction français aux Éditions Les Prairies ordinaires en 2008 ;

Christian Laval : « L’Homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme« , aux Éditions Gallimard en avril 2007

Pierre Dardot et Christian Laval : « La Nature du néolibéralisme : un enjeu théorique et politique pour la gauche« , un article dans le numéro 50 _ « Où est passée la gauche française ? » de la Revue « Mouvements« , de juin-août 2007 ;

François Denord : « Néolibéralisme, version française. Histoire d’une idéologie« , aux Éditions Démopolis en novembre 2007 ;

Jean-Pierre Dupuy : « Libéralisme et justice sociale« , aux Éditions Hachette Littératures en 1997 ;

Frédéric Lordon : « L’Intérêt souverain. Essai d’anthropologie politique spinoziste« , aux Éditions de La Découverte en avril 2006 ;

Céline Spector : « Le Spinozisme politique aujourd’hui« , un article de la revue « Esprit », en mai 2007 ;

Christian Lazzeri : « Reconnaissans spinoziste et sociologie critique, Spinoza et Bourdieu« , un article dans le recueil dirigé par Yves Citton et Frédéric Lordon « Spinoza et les sciences sociales« , aux Éditions Amsterdam en février 2008 ;

Carl Schmitt : « La notion de politique« , paru en traduction française aux Éditions Flammarion (collection « Champs »), en 1999.

A lire pour sa gouverne,

en cet « œil du cyclone » de la « tourmente« …

Titus Curiosus, ce 17 novembre 2008

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