une rafale de jouissances musicales : en poursuivant hors des sentiers battus

— Ecrit le dimanche 19 septembre 2010 dans la rubriqueMusiques”.

Je continue ma synthèse des jouissances musicales de l’été qui s’achève :

par quatre CDs nous enchantant hors du répertoire des sentiers un peu battus,

et en des interprétations très hautement inspirées : par l’esprit vivant de la musique !..

_ d’abord,

à tout seigneur, tout honneur,

une nouvelle merveille de cet enchanteur prodigieux, à chaque fois,

qu’est François Lazarevitch,

à la tête de ses généreux et follement virtuoses (sans esbroufe !) Musiciens de Saint-Julien

_ je récapitule ici ses précédentes réalisations, toutes magiques

(et toutes publiées chez Alpha),

soient, dans l’ordre chronologique de leur parution :

d’abord, 1) « Danses des bergers, danses des loups _ Musiques traditionnelles du cœur de la France » (CD Alpha 516, dans la collection blanche) ;

puis, 2) « A l’ombre d’un ormeau _ brunettes et contredanses » (CD Alpha 115) ;

ensuite, 3) « Le Berger poète _ Suites et Sonates pour flûte & musette » (CD Alpha 148) ;

et juste avant celui-ci d’aujourd’hui, 4) : « La Veillée imaginaire _ Airs populaires harmonisés, de Chopin à Canteloube » (CD Alpha 528, dans la collection blanche, à nouveau : celle des musiques traditionnelles)…

voici que paraît ce mois de septembre 2010 « Et la fleur vole _ Airs à danser & airs de cour autour de 1600 » :

outre des danses de Michaël Praetorius (in son célèbre Terpsichore de 1612),

il s’agit d’un florilège entraînant de pièces françaises de Robert Ballard, Guillaume Chastillon de la Tour, Gabriel Bataille, Antoine Boesset, Jean Planson, Pierre Guédron, Guillaume Tessier, Girard de Beaulieu, Jacques Mangeant, et d’autres encore, recueillies par André Philidor, bien plus tard, en 1690

puisées dans divers recueils

de Fabrice-Martin Caiétain (1578), Jean Planson, Parisien (1587), Jean-Baptiste Besard (1603), Pierre Guédron (1608, 1609 et 1611), Gabriel Bataille (1614), Robert Ballard (1614), l’Amphion sacré (1615), Jacques Mangeant (1615), Antoine Boesset (1617 et 1624), d’Airs de différents autheurs mis en tablature de luth par eux-mesmes, septiesme livre (1617),

et enfin dans le Recueil… récapitulatif d’André Philidor, dit Philidor l’Aisné (en 1690) grâce auquel nous disposons encore de beaucoup de merveilles !..


Pour les évoquer, en toute la plénitude de leur virevoltante musicalité,

je me contenterai de me faire l’écho de ce sourcier de musiciens-interprètes qu’est (mon ami) Jean-Paul Combet :

« Ces airs à danser et airs de cour, nés à l’aube d’un XVIIe siècle si fécond, simples et anecdotiques en apparence, sont plus riches d’émotions musicales que bien des œuvres signées de « grands » compositeurs.
Cette perception, je la défends depuis le tout premier disque d’Alpha, consacré par Le Poème Harmonique à Bellerofonte Castaldi, créateur baroque s’il en est, pour lequel la séparation savant/populaire n’avait pas le moindre sens.

Pour ce qui sera mon dernier disque chez Alpha _ que Jean-Paul Combet a créé et mené, seul, de bout en bout, artistiquement, jusqu’à aujourd’hui, où le label passe en une autre direction artistique que la sienne _,

je ne pouvais souhaiter un autre programme que celui-ci, ni meilleurs interprètes.
Car la musique baroque, longtemps porteuse d’esprit critique, voire de subversion
_ par ses audaces et une vraie créativité : toutes de probité musicale, me permettrai-je d’ajouter _, est aujourd’hui souvent à la source de nouveaux académismes _ faute de stimulation ad hoc suffisantes : dans les « directions artistiques« , si besoin s’en fait sentir.

C’est un des mérites de François Lazarevitch de savoir conserver l’énergie et le désir de découvertes des pionniers _ tel un Gustav Leonhardt : très présent dans le catalogue Alpha ; un ami et un inspirateur ! _

et de rester insensible aux sirènes _ commerciales ou autres _ de l’air du temps.

Il nous livre ici un des enregistrements de musique ancienne les plus intègres que je connaisse.

Et peut-être un des plus beaux dans sa simplicité« 

Voilà ! Tout est dit !

Partagez-en la réjouissance fabuleuse, à votre tour, maintenant !

La grâce est là,

tout simplement !

_ le second CD dont je désire partager la découverte nous donne à écouter six Sonate _ sur un total de douze du recueil, paru à Florence en 1732 _ d’un compositeur (toscan) de Pistoia : Lodovico Giustini (1685-1743) _ soit un parfait contemporain de Jean-Sébastien Bach ou Domenico Scarlatti _,

interprétées ici sur un fortepiano (copie d’après Cristofori), par le claviériste Wolfgang Brunner :

il s’agit du CD Sonate da cimbalo di piano e forte _ detto volgarmente di martelletti, précise la notice du livret, page 21 _, CD CPO 777 207-2 :

ces œuvres « sont aujourd’hui considérées comme les premières compositions pour le pianoforte » ;

et la notice du livret précise encore :

« malgré les difficultés que le piano fabriqué par Cristofori avaient rencontrées pour s’imposer au cours de plus de trente ans d’existence, il est très probable que d’autres compositions, plus anciennes, existaient, mais nous n’en avons gardé aucune trace, ou du moins, n’avons pas réussi à les identifier comme telles« …


C’est « l’ecclésiastique et diplomate brésilien Joao de Seixas da Fonseca Borges, en séjour à Florence depuis 1728«  _ à la cour du dernier des Medicis, Gian-Gastone _ qui, « dans l’attente de sa nomination comme évêque » a désiré « se rappeler au bon souvenir de son protecteur Don Antonio da Bragança, l’infant portugais et frère du roi Joao V« , en lui offrant le cadeau de compositions nouvelles…

« Un tel cadeau impliquait que le compositeur acceptât de renoncer à la diffusion de son œuvre. Seixas a donc dû trouver dans le cercle restreint des musiciens qui connaissaient le pianoforte un compositeur avec un potentiel d’innovation, prêt à se mesurer aux spécificités de toucher et de sonorité des nouveaux pianos, et suffisamment inconnu pour ne pas avoir lui-même la possibilité de diffuser ses œuvres. Il a pu avoir l’attention attirée par Giustini lors d’un concert à Pistoia, ou alors celui-ci lui a été recommandé par Giovanni Ferrini, le collaborateur de longue date de Bartolomeo Cristofori« … « Une autre piste encore serait la recommandation du grand-duc de Toscane en personne » : voilà pour les hypothèses de la commande…

« Lodovico Giustini, rejeton d’une famille de musiciens d’église de Pistoia, n’était peut-être pas un avant-gardiste, mais un esprit suffisamment curieux pour tenter, à 47 ans, quelque chose d’original, qui lui offrait son premier espace de liberté » en tant que compositeur…

C’est ainsi que « le 31 octobre 1732, lorsque Seixas partit pour Rome afin d’y être consacré évêque, les 12 Sonate venaient d’être remises en cadeau à Don Antonio« .

Et le livrettiste, Gerd Reuther, d’ajouter que

« on trouve dans les compositions de Giustini, malgré la forme traditionnelle de la sonate d’église, des éléments stylistiques d’un temps nouveau, qui feront partie du répertoire standard des compositeurs pour piano du Sturm und Drang et du classicisme deux générations plus tard« …

A l’oreille, en tout cas,

ces six Sonate sonnent tout à fait brillamment.

Une découverte musicale passionnante !

Toujours dans le répertoire du clavier, et toujours de la part d’un compositeur italien,

je signale le plaisir que j’ai eu à découvrir et écouter,

sous les doigts agiles et très inspirés du claviériste suisse Olivier Cavé,

quatre grandes sonates _ toutes les quatre sur le mode mineur _

du grand _ mais peu joué au concert et guère diffusé au disque _ Muzio Clementi (Rome, 1752 – Evesham, 1832).


Dans cette excellente interprétation,

dramatique, d’Olivier Cavé,

_ le CD Æon CD ÆCD 1094 porte pour titre Didone Abbandonata _ Scene tragiche ! _,

nous pouvons accéder à l’écoute et à la jouissance

d’une sorte de chaînon manquant, jubilatoire,

entre Domenico Scarlatti

et le piano romantique…

Enfin,

tel un bonbon acidulé un peu exotique pour le dessert,

la marque Æon nous offre un tout aussi réjouissant

et hors des sentiers battus

CD de mélodies napolitaines

par le très dynamique Neapolis Ensemble,

intitulé 77 ;

et portant en sous-titre : Ritmo e Magia nella tradizione musicale napolitana,

portées, outre d’excellents instrumentistes : Edoardo Puccini, à la guitare, Salvatore Della Vecchia, à la mandola, Marco Messina, aux flûtes, Wally Pituello, au violoncelle, Raffaele Filaci, aux percussions (et aussi le concours de Lello Giulivo, voix masculine, Luigi Esposito, à l’harmonica),

par la voix ad hoc _ rocailleuse ce qu’il faut ; mais aussi tout subtile, virtuose que passionnément expressive : son art m’a rappelé un peu celui de Pino de Vittorio _

d’une époustouflante, à tous égards,

Maria Marone…


Il s’agit du CD AEon 77

(AECD 1097)…

Des découvertes jouissives hors des sentiers battus

que ces quatre très beaux CDs,

déjà très divers entre eux !


Titus Curiosus, ce 19 septembre 2010

Commentaires récents

Le 2 janvier 2011

[…] le CD Alpha 164) _ cf aussi mon article du 19 octobre 2010 : “une rafale de jouissances musicales : en poursuivant hors des sentiers battus“… _ […]

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