La casse de l’école (et des humanités) : le regard de Martha Nussbaum dans « Les émotions démocratiques »

— Ecrit le vendredi 16 septembre 2011 dans la rubriqueHistoire, Philo, Rencontres”.

Dans son Les Émotions démocratiques _ comment former le citoyen du XXIe siècle ?,

la philosophe américaine Martha Nussbaum nous propose l’expertise très fine de son expérience des enjeux d’enseignement (et pédagogies ad hoc) aux États-Unis, mais aussi en Inde,

pour porter la lumière sur les liens (très étroits !) existant,

très fondamentalement,

entre formation du citoyen d’une authentique _ et pas simili ! à la mode des populistes haussant la voix et poussant de hauts cris !!! ils ne manquent pas d’air !.. _ démocratie _ à rebours des casses populistes, au service des menées des ultra-libéraux en faveur de la réduction des individus à des réflexes (les plus rapides possible !) à des compulsions d’achat (selon ce qui est (très vite, et le plus possible sans réflexion critique) estimé utile et agréable) primaires… _

et enseignement et pédagogie de la complexité : à destination de tout un chacun s’initiant à l’intelligence du réel, c’est-à-dire, un peu plus précisément, le monde, les autres, les œuvres les mieux humaines…

Et cela, à l’heure de la casse à laquelle se livrent de par le monde, et tout spécialement en France, les serviteurs serviles (et grassement stipendiés ! eux, « ils le valent bien » !) de l’anti-démocratie

au service des réducteurs de tête très efficaces du grand commerce _ cf l’excellent L’Art de réduire les têtes _ sur la nouvelle servitude de l’homme libéré, à l’ère du capitalisme total, de Dany-Robert Dufour _,

à rebours de l’entreprise d’initiation à la compréhension un peu subtile (et vraie !) de la complexité du réel et de l’attention aux autres (que soi et ses petits intérêts bien égoïstes) :

que permet, seule, l’imprégnation _ suivie : avec le temps et les moyens d’attention nécessaires que cela, forcément, implique ! _ aux œuvres,

scientifiques et technologiques, déjà _ non réduites à l’exposé des résumés de quelques résultats : lire ici tout l’œuvre d’Edgar Morin, et les tomes successifs de sa Méthode _,

mais plus encore artistiques et littéraires :

selon une logique (tellement plus subtile !) du qualitatif,

et pas seulement du (misérablement réducteur !) quantitatif.

Logique du qualitatif (des humanités !) seule apte à nous faire accéder à la compréhension des autres (ô frères humains !)…

Voici la quatrième de couverture de ces Émotions démocratiques _ comment former le citoyen du XXIe siècle ?… :

Une crise silencieuse frappe _ et sape grièvement ! au fil du défilé des jours (et de la crétinisation médiatique (et fun) qui l’accompagne) _ aujourd’hui les démocraties du monde. L’éducation se plie aux exigences du marché de l’emploi, de la rentabilité et de la performance, délaissant la littérature, l’histoire, la philosophie et les arts : les humanités. Pour Martha Nussbaum, l’une des plus grandes philosophes américaines, celles-ci ne sont ni un vestige du passé ni un supplément d’âme pour happy few.

Dans ce manifeste original et argumenté, Martha Nussbaum montre comment les humanités nous font accéder à la culture des émotions, à l’« imagination narrative ». C’est grâce à l’empathie que nous sommes capables de nous mettre à la place d’autrui, de nous identifier au « faible » au lieu de le stigmatiser, de développer de la compassion et du respect en lieu et place de l’agressivité et de la peur qui naissent inévitablement de la vulnérabilité, et de défendre l’intérêt commun.

Ce n’est pas à coup de débats d’idées abstraites que s’imposeront l’égalité et la liberté C’est en formant, par le biais des « émotions démocratiques », le citoyen du XXIe siècle.

Selon une démarche assez bien partagée outre-Atlantique, et qui mêle exposé des expériences personnelles singulières de l’auteur _ en particulier aux Êtats-Unis et en Inde _, et analyse théorique et factuelle à dimension d’universalité,

le livre de Martha Nussbaum éclaire excellemment ainsi les enjeux de fond de démocratie et culture des activités tant des créateurs eux-mêmes _ en la puissance effective de leur imaginer se construisant _, que des formateurs des nouvelles générations, afin de donner plein sens à ce qu’est, pour tout homme, une existence vraiment humaine,

et pas simplement une vie réduite à acheter des produits et services de bien peu de valeur, là où cherchent à s’imposer ce qui veut se faire passer pour le très pragmatiquent utile et le très pragmatiquement agréable

Cet article-ci s’inscrit donc, en cette rentrée scolaire (et universitaire), dans la continuité de mon article du 3 septembre : Face à la déculturation : (re-)penser l’école pour apprendre à apprendre à penser (et « bien faire l’homme » !) , sur ces mêmes enjeux civilisationnels !

Et il y a urgence !…


Titus Curiosus, ce 16 septembre 2011

 

Commentaires récents

Posté par Kohnlili
Le 16 septembre 2011

Je crois, cher Curiosus, que nous allons vers des structures mentales qui nous rendront bientôt aussi indéchiffrable à nos descendants qu’à nous-mêmes les archives administratives de Clovis ou que les recueils ecclésiastiques en bas-latin du VIIe siècle. Sans oublier la poésie médiévale, Honoré d’Urfé ou les grands Rhétoriqueurs, ou bien les structures féodales, l’honneur espagnol au XIVe siècle, la musique romaine ou la mythologie maya… . Et ceci est inéluctable. Mille ans s’effondrent. Bof !

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