Archives du mois de mai 2018

Une très intéressante publication du Palazzetto Bru-Zane : « André Messager, le passeur de siècle »

26mai

Vient de paraître il y a trois jours, en une co-édition Actes-Sud / Palazzetto Bru-Zane,

un très intéressant André Messager, le passeur de siècle, par  Christophe Mirambeau.

Voici aussi le premier article de critique consacré à cet ouvrage,

sur le site classiquenews.com

Voilà un titre mal choisi qui ne rend guère compte de la stature artistique d’un chef impérial (aussi souverain à son époque : il a créé Pelléas et Mélisande de Debussy qui lui avait dédié son opéra !) que méconnu, voire mésestimé aujourd’hui : André Messager (1853 – 1929), dont il faut aussi rétablir la qualité de compositeur pour la scène lyrique. Capable de revivifier un genre avant lui sublimé par Lecocq, Messager illumine véritablement la scène théâtrale par ses ouvrages qui fusionnent légèreté, finesse, élégance : l’opérette lui doit ses plus grands triomphes, en France et en Europe. Le livre édité par Actes Sud _ et le Palazzetto Bru-Zane _  éclaire l’inspiration miraculeuse d’un génie des planches, capable sur des livrets très étroits, de tisser une somptueuse parure lyrique et orchestrale. Ainsi de page en page, sont évoquées, avec force détails, genèse et création des partitions à (très grand) succès de cet « Offenbach »  entre XIXème et XXème siècles : Isoline (1888), La Basoche (1890), Madame Chrysanthème (1893), Miss Dollar (1893), Le Chevalier d’Harmental (1896), Les P’tites Michu (1897, récemment reprises, cf notre agenda en fin d’article), La Montagne enchantée (1897), Véronique (1898), Fortunio (1907), Monsieur Beaucaire (1919), L’Amour masqué (1923), Passionément (1926), Coup de roulis (1928). C’est un itinéraire exceptionnellement fécond (qui demeure indéfectiblement lié à l’histoire de l’Opéra Comique / salle Favart dont il est le chef d’orchestre attitré sous la direction de Albert Carré, à partir de 1898) ; Messager nous laisse un catalogue des mieux inspirés qui impose le respect. Et demande à être réévalué.


Plus qu’un passeur, Messager fut entre les deux siècles (XIXè / XXè), un maestro charismatique, un ardent acteur de la création contemporaine, à l’époque de Saint-Saëns, Massenet, Debussy et Ravel. Sans omettre les Ballets Russes… Ce que soulignent les 16 chapitres de ce texte sérieusement documenté (en particulier riche en anecdotes sur le milieu artistique à Paris et à Londres, car Messager avait aussi des responsabilités au Covent Garden), c’est l’intuition et le goût infaillibles de l’artiste, homme cultivé, monstre de travail, et selon sa sensibilité, admirateur militant des opéras de Wagner (il est à Bayreuth avec Fauré dès 1882) : c’est d’ailleurs grâce à Messager qu’en 1908 – 1909, Paris peut enfin écouter la Tétralogie de Wagner ( après Londres justement) dirigeant Le Crépuscule des Dieux et L’Or du Rhin avec un triomphe qui depuis ne s’est jamais démenti. La passion parisienne pour Wagner est due en grande partie à ce wagnérien capable de comprendre et de jouer le théâtre de Wagner… comme personne (à en lire les témoignages et critiques de l’époque). Le chef semble avoir toutes les qualités : devenu co-directeur de l’Opéra de Paris (Garnier, avec un dénommé Broussan, intriguant de 2ème zone, chargé moins de la question artistique que de gestion administrative), Messager (qui devient aussi directeur de la Société des Concerts) réalise une programmation enfin digne de la maison lyrique, favorisant évidemment Wagner (première Tétralogie, Tristan und Isolde ; et bientôt Parsifal en 1913…), l’opéra français (Faust de Gounod), mais aussi, vision prophétique et d’une modernité inouïe là encore, Hippolyte et Aricie de Rameau (avec le concours de son cher ami Saint-Saëns, ardent défenseur de l’opéra français baroque…).


Alerte, la plume de Christophe Mirambeau dresse un portrait enjoué de cet homme d’exception, dont la liaison houleuse et chaotique avec Mary Garden, créatrice légendaire du rôle de Mélisande, révèle un visage beaucoup moins admirable si l’on en croit le témoignage de l’intéressée. Quoiqu’il en soit, voici un texte majeur pour qui veut mieux connaître le profil artistique du chef compositeur, dans son époque, laquelle est aussi idéalement restituée.

Ce samedi 26 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un superbe siècle, par le violoncelle virtuose de Leonard Elschenbroich

25mai

Leonard Elschenbroich nous offre un magnifique récital de violoncelle, et plus encore de musique !,

avec son extraordinaire CD Onyx Classics ONYX4173, intitulé Siècle,

comportant en son programme, et pour commencer, un transcendant Tout un monde lointain, de Henri Dutilleux,

dont l’écoute nous emporte très haut dans les étoiles…

Ce vendredi 25 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’altérité de la personne de l’autre : pourquoi un tel abîme entre pratique et discours ?..

24mai

A l’occasion du colloque à Bordeaux L’Âge classique dans les fictions du XXIe siècle,

ce matin au Studio Ausone,

deux communications d’universitaires auxquelles j’ai assisté :

La Carte de Tendre dans L’Eveil de Line Papin (2016), par Frédéric Briot ;

La Chine dans La Blessure et la soif  (2009), par Laurence Plazenet.


La communication de Frédéric Briot m’a au moins appris l’existence d’au moins trois Cartes de Tendre au sein de l’œuvre de Madeleine de Scudéry

_ dont la plus célèbre, la seconde, se trouve dans son roman Clélie (10 volumes, publiés de 1654 à 1660) _ ;

alors que l’usage qui est fait de cette fameuse Carte, dite _ de façon bien erronée ! _ « du tendre« ,

est d’un extraordinaire succès à travers les siècles ;

et toujours aujourd’hui…

Il faudrait aussi s’interroger sur le succès, en 1668, des Lettres de la religieuse portugaise,

et du thème des Bérénice de Racine et de Corneille…












La communication de Laurence Plazanet porte, elle, sur son propre roman, La Blessure et la soif, de 2009.

Et nous y apprenons que son goût, ici, pour la très grande estrangeté _ ou estrangèreté ? _ de la Chine (au XVIIe siècle,

au moment très précis de la violente disparition de la dynastie des Ming ; en 1644, Pékin est conquise par les Mandchous)

fonctionne, en la singularité de son imaginaire d’auteur de fictions _ à distinguer de ses fonctions (annexes) d’universitaire, prend-elle bien soin de préciser… _,

comme un analogue de son goût pour l’estrangeté profonde _ et fascinante _ de l’augustinisme _ et du jansénisme de Port Royal _,

exactement au même moment en France (sous la Fronde et ses suites) : de 1648 à 1662…

Et la conférencière de citer comme exemple d’écrivain admiré par elle

en ses méthodes comme en ses goûts d’écriture,

Pascal Quignard _ dont elle a rencontré l’œuvre au moment du film Tous les matins du monde ; avant de la lire goulûment in extenso très vite…

Il se trouve que j’ai moi aussi lu presque tout Quignard,

du moins jusqu’à un certain moment _ celui (2009) du film Villa Amalia

Film et livre m’ont profondément agacé. Le charme était rompu.

Cf mon article du 26 avril 2009 : 

De même que j’ai fini par m’agacer de la thématique (de l’altérité _ sacralisée en paroles _) de François Jullien,

que j’avais fait inviter à de nombreuses reprises chez Mollat et à la Société de Philosophie de Bordeaux,

avant de m’apercevoir de la très profonde cécité _ narcissique ; et en actes… _ à l’autre de cet auteur…

Les yeux se décillent. 

A ma question sur les rapports entre son goût de la passion et le masochisme _ un mot électrique ! _, le sadisme _ qui évoque déjà le raffinement (extatique ! ) de cruauté de certains supplices chinois, au moins dans nos imaginaires… _, la pulsion de mort et les pulsions de vie _ et autres concepts freudiens ! _,

Laurence Plazanet a choisi de botter immédiatement en touche,

en avançant que toute référence postérieure au XVIIème siècle

tombait forcément hors de propos _ pour profond anachronisme ; et incapacité d’approcher la singularité historique et civilisationnelle visée par son approche documentaire extrêmement rigoureuse et poussée, mais aussi fictionnelle… _ pour elle…

Dont acte.

Son dolorisme se trouve ainsi placé comme au-dessus de toute approche, et par conséquent hors d’atteinte.

Dogmatiquement : il n’a pas à être _ confusément et hors de propos _ discuté.

J’ai trouvé cette position archi-romantique…

J’ai relevé aussi l’aveu de la conférencière de sa vive passion des ruptures…

Ah ! bon…

Pour ma part, je préfère Montaigne à Pascal _ et Augustin et l’augustinisme _,

et j’aime la subtilité sobre et infiniment fine de Marivaux.

Ce jeudi 24 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Philip Roth nous a quittés

23mai

Philip Roth nous a quittés.

En un article d’hommage, Mort de Philip Roth : les cinq livres incontournables du romancier,

Le Monde nous propose un premier choix-repérage de moments jugés importants en son œuvre :

Portnoy et son complexe,

Ma Vie d’homme,

Le Théâtre de Sabbath,

La tache,

et Exit le fantôme.

Pour ma part,

outre le merveilleusement désopilant Ma Vie d’homme (My Life as a man !),

je retiendrai aussi 

Patrimoine

et Un Homme.

Ainsi que

Les Faits _ autobiographie d’un romancier.

Qui m’ont, chacun, beaucoup, beaucoup marqué !

Cf aussi cet autre article d’hommage du Monde :

Mort de Philip Roth : la presse américaine salue une « figure prééminente de la littérature du XXe siècle »

Philip Roth : un auteur libre.

Parfaitement politiquement incorrect.

Et donc non nobelisable : ouf !

Jeune _ et non d’jeun !.. _ à jamais : de la jeunesse vraie,

et véridique,

celle qui ne sait pas _ et ne saura définitivement jamais _ vieillir…

De ceux qui auront su se hisser,

du plan du temps et de la vie,

au plan

_ temporel et vital, aussi : forcément !

Merci la vie ! La vie mortelle, celle qui tire au final son chapeau !

Et avec un grand rire (aux larmes !..) _

de l’éternité.

Merci aussi le merveilleux humour vital…

Ce mercredi 23 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un jubilatoire CD de clavecin : les « Pièces de caractère » de Jean-François Dandrieu, par Marouan Mankar-Bennis

22mai

De jeunes générations d’instrumentistes viennent très heureusement re-visiter le répertoire,

et le faire merveilleusement sonner _ et chanter, et danser : pour notre bonheur.

Merveilleusement ; oui, vraiment.

Ainsi ce jour, Marouan Mankar-Bennis, pour un CD Jean-François Dandrieu, intitulé Pièces de caractère, empruntées aux trois Livres (de 1724, 1728 et 1734) de ce musicien (1682-1738) :

le CD L’Encelade ECL 1702.

Parmi les musiciens français de l’Ancien régime _ Louis XIV (1643-1715) , Régence du duc d’Orléans (1715-1723), Louis XV (1723- 1774) _,

Jean-François Dandrieu n’était, jusqu’ici, guère davantage qu’un nom connu de moi, parmi une cinquantaine ou une centaine d’autres _ et dont je possédais déjà plusieurs CDs à son œuvre consacrés.

Rien de lui _ Jean-François Dandrieu, Paris, 1682 – Paris, 17 janvier 1738 _,

et surtout de sa musique _ cf le panorama que détaille un peu déjà l’intéressante notice de wikipédia... _,

n’avait retenu _ distinctement et singulièrement _ mon attention jusqu’ici _ mais je dois aussi en être en partie responsable… 

Et voici qu’aujourd’hui’hui ce CD Pièces de caractère de Marouan 1er _ id est Marouan Mankar-Bennis _, se signale tout à fait singulièrement et très vivement  à mon oreille et à mon plaisir musical…

Dès la première pièce, Prélude (extraite _ et c’est la seule ! _ d’un des trois Livres _ de clavecin _ dits de jeunesse, publiés en 1705),

l’attention est captée, et beaucoup mieux que ça, enlevée, emportée, complètement séduite

par sa jubilation _ pourtant relativement simple : un prélude n’a-t-il pas pour principale fonction de permettre à l’instrumentiste de se faire un peu les doigts ?..

Il faut dire que deux éléments y contribuent puissamment :

la sonorité _ délicieusement luthée _ de l’instrument,

ainsi que le jeu extrêmement délié, et magnifiquement ludique, tout en étant très élégant, de l’interprète, jubilatoire.

Cette double séduction va opérer tout le long d’un programme extrêmement finement élaboré, en ses parties, ses transitions, ou passages surprenants, a contrario. Nous sommes ici conviés à un théâtre de musique _ à la fois très intime et joliment subtil, mais aussi très puissamment expressif (mais sans aspérités, ni brutalités : avec beaucoup d’humour, et parfois un grain de mélancolie, aussi) _ qui se déploie pour notre jubilation tout le long du programme très judicieusement développé ;

et en mêlant les emprunts aux trois Livres _ de clavecin _ de la maturité du compositeur (1724, 1728, 1734).

A partir du troisième tiers des pièces du CD, l’interprète change d’instrument,

troquant l’extraordinaire clavecin flamand d’après Joannet Couchet (du milieu du XVIIe siècle), réalisé par Andreas Linos et Jean-François Brun, en 2014,

pour un clavecin français d’après un modèle du XVIIIe siècle, par Ryo Yoshida, en 1989.

Ce CD L’Encelade _ une marque décidément remarquable !!! _ est un cadeau du ciel :

vous n’oublierez plus les noms de Jean-François Dandrieu,

ni de Marouan Mankar-Bennis.

Et je n’ai rien dit de l’intelligence de la notice, rédigée avec beaucoup de précision et de sensibilité par l’interprète et concepteur de ce si beau programme.

Si bien qu’ayant lu que Marouan a été l’élève de mon amie Elisabeth Joyé _ qui lui a aussi prodigué quelques conseils pour cet enregistrement ! _,

j’ai appelé aussitôt Elisabeth

afin de partager avec elle la joie de ce plaisir de musique française

si merveilleusement servie ici.

Merci, Elisabeth !

Et Bravo Marouan !!!

Ce mardi 22 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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