Un très réussi « San Marco di Venezia », par l’ensemble Les Traversées baroques

— Ecrit le jeudi 26 juillet 2018 dans la rubriqueHistoire, Musiques”.

Un très réussi CD San Marco di Venezia, (CD Accent ACC 24345)

par Les Traversées baroques,

avec au programme des œuvres de

Giovanni Bassano (1551 – 1617),

Giovanni Gabrieli (1557 – 1612),

Andrea Gabrieli (1532/33 – 1585)

& Claudio Merulo (1533 – 1604).

Voici le compte-rendu qu’en donnait il y a deux jours, le site Res Musica,

sous le titre Les Joyaux de l’Âge d’Or de la Musique de la Renaissance à Venise,

sous la plume de Maciej Chiżyński :

« San Marco di Venezia – The Golden Age ».

Œuvres de : Giovanni Bassano (1551-1617) ; Giovanni Bassano (1551-1617) / Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594) ; Giovanni Gabrieli (1557-1612) ; Andrea Gabrieli (1532/33-1585) ; Claudio Merulo (1533-1604).

Les Traversées Baroques : Anne Magouët et Capucine Keller, sopranos ; Paulin Bündgen et Pascal Bertin, altos ; Hugues Primard et Vincent Bouchot, ténors ; Renaud Delaigue, basse ; Judith Paquier et Sarah Dubus, cornets à bouquin ; Claire McIntyre, Abel Rohrbach et James Wigfull, sacqueboutes ; Monika Fischaleck, basson ; Laurent Stewart, orgue ; direction : Étienne Meyer.

1 CD Accent.

Enregistré en juillet 2017 en l’église Saint-Martin de Hoff à Sarrebourg (pièces pour voix et instruments à vents) et en octobre 2017 en l’église « del Santissimo Corpo di Cristo » de Valvasone en Italie (pièces pour orgue seul).

Textes de présentation en anglais, allemand et français, de Denis Morrier.

Durée : 71:30

San Marco di VeneziaPour leur nouveau disque, les Traversées Baroques proposent un fascinant panorama de la musique de la Renaissance italienne, en nous emmenant dans un voyage imaginaire à la basilique Saint-Marc de Venise, où furent vraisemblablement créées, ou du moins exécutées, les œuvres à partir desquelles ce programme est construit.

Si la conception du projet n’est pas innovante dans la mesure où d’autres réalisations semblables à celle-ci ont déjà vu le jour – que ce soit sous la direction de Paul McCreesh ou, plus récemment, de Robert Hollingworth – cet album est unique, et ce, non seulement par le choix du répertoire, mais aussi par l’impact dramatique qui résulte de l’ordonnancement du programme qu’il offre. Les Traversées Baroques abordent ici des partitions plus ou moins connues, élaborées par des artistes ayant eu affaire à ladite basilique. Pour la plupart d’entre eux, comme les Gabrieli et Giovanni Bassano, ce rapport est évident. Pour d’autres, moins, notamment pour Claudio Merulo qui en 1584 quitta Venise, en abandonnant son poste du premier organiste de Saint-Marc (fonction de musique comptant alors parmi les plus prestigieuses d’Italie), et dont les Canzoni ne furent éditées que dans les années 1590, ce qui ne signifie pas, bien évidemment, qu’elles n’avaient pas été écrites à l’époque où cet instrumentiste vivait dans la « Cité des Eaux ». Il est de nos jours difficile de préciser quand elles ont réellement été composées. Et il est plus difficile encore de déterminer quand le bouquet d’œuvres réunies ici a pu être joué dans cet assemblage. Deux hypothèses sont envisageables à ce sujet : soit à la fin du XVIe siècle, soit au début du siècle suivant, mais sans doute quelque part à la charnière de la Renaissance et du Baroque (le motet Confitebor tibi Domine de Giovanni Gabrieli, également gravé sur ce disque, n’a été publié pour la première fois qu’en 1615). Cette deuxième supposition nous paraît, cependant, un peu moins probable car le stile moderno, dont Claudio Monteverdi – maître de chapelle à la basilique à partir de 1613 – était un vulgarisateur de premier plan, aura bientôt commencé à occuper une position dominante par rapport à la prima prattica dont les pages interprétées témoignent.

Pour ce qui est des exécutions données par les Traversées Baroques, nous sommes saisis par l’élégance du style et l’opulence sonore permettant de redécouvrir les splendeurs de l’âge d’or de la musique de la Renaissance tardive. À l’écoute du disque, notre attention ne faiblit pas, car ce programme est varié du point de vue de l’effectif des interprètes, ainsi que du caractère et de la dramaturgie des œuvres qu’ils abordent. C’est de cette façon que nous nous délectons aussi bien des morceaux dont l’exécution est arrangée pour voix et instruments (comme par exemple Vox Domini à 10 voix de ) que des compositions façonnées pour un petit ensemble instrumental (Canzon terza du même Gabrieli) ou pour orgue seul (trois Canzoni alla francese de ). Dès le début, on constate que les chanteurs sont sélectionnés avec soin, dans le sens où leur expression et leur sensibilité s’harmonisent entre elles en se complétant en termes de couleurs. Même pour l’émission vocale des contre-ténors, jamais forcée ou tubée, qui apparaissent ici en guise d’altos féminins afin de nous charmer par la finesse des timbres, ce qui n’est pas toujours le cas pour ce type de voix dans la musique sacrée, bien que leur participation soit pleinement justifiée car les falsettistes ne se produisaient jadis que dans les églises. Étienne Meyer, à la tête de la phalange, propose des tempi amples, stables et nobles (sans excès de lenteur), aptes à soutenir sinon à inspirer les solistes en vue d’élargir leur palette de nuances expressives et de rendre leur richesse émotive encore plus touchante, quoique relativement simple et modeste. Pour certaines pièces, ceux-ci se voient doublés par les vents qui, au reste, sont parfois les seuls à réaliser d’autres voix. Pour les instrumentistes, nous apprécions l’apport des cornets et des sacqueboutes dans ce répertoire, principalement pour la beauté et la plasticité des sons qu’ils produisent, aux teintes doucement ombragées, mais aussi vibrantes et perlées, voire cristallines.

En ce qui concerne les trois pièces d’orgue, dont la lecture est assurée par Laurent Stewart, elles ont été enregistrées à Valvasone en Italie sur l’instrument historique construit par Vincenzo Colombi en 1533. Étant donné que celui-ci a bâti, dans les mêmes années, un orgue un peu similaire, mais qui n’existe plus, dans la basilique Saint-Marc, ce choix s’avère plus que judicieux, d’autant plus qu’il s’agit d’ensembles de tuyaux dans un état parfait, et avec des sonorités lumineuses et chatoyantes pastel, qui conviennent particulièrement bien à cette musique.

Voici un très bon disque que devraient se procurer les amateurs de la musique de la Renaissance. La prise de son est pure et convenablement équilibrée. Pour les pièces d’orgue, l’espace étant plus limité, on entend une grande variété de détails, également le bruit de soufflets.

Ce jeudi 26 juillet 2018, Titus Curiosus – Francis -Lippa

 

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