Adieu aussi à Christa Ludwig : interprète parfaite…

— Ecrit le mercredi 28 avril 2021 dans la rubriqueMusiques”.

Le même jour que Milva _ samedi 24 avril dernier _, est décédée Christa Ludwig,

une chanteuse lyrique sans défaut.

Voici comment Christian Merlin la salue _ le titre plutôt froid de l’article n’est bien sûr pas de lui _ dans le Figaro :

Décès de la mezzo-soprano Christa Ludwig à l’âge de 93 ans

La cantatrice allemande qui s’est produite sur les scènes les plus prestigieuses du monde pendant près d’un demi-siècle, s’est éteinte samedi.

Christa Ludwig, ici en 1983, était considérée comme la plus grande mezzo-soprano du siècle dernier.
Christa Ludwig, ici en 1983, était considérée comme la plus grande mezzo-soprano du siècle dernier.
Marcello Mencarini/Leemage

« On fait carrière avec sa tête, pas avec sa voix », a dit un jour l’incomparable _ probablement _ Christa Ludwig. À ceci près qu’elle avait les deux ! Avec la mort, à 93 ans, de l’immense mezzo soprano allemande, on a l’impression d’un livre qui se referme : celui d’un certain âge d’or de l’opéra, qui s’est construit après-guerre autour de figures comme Elisabeth Schwarzkopf et Dietrich Fischer-Dieskau, qui furent ses modèles avant d’être ses collègues. Celui aussi d’une conception de son métier où l’éthique artistique _ oui _ passe avant les sirènes de la gloire _ comme c’est juste…

Née à Berlin le 16 mars 1928, elle grandit à Aix-la-Chapelle où ses parents travaillent tous deux à l’Opéra : son père comme administrateur, sa mère comme cantatrice. Sa mezzo-soprano de mère, Eugenie Besalla, fut du reste son premier et son seul professeur, lui donnant encore des conseils alors qu’elle était déjà dans la carrière. En ces années 1930, le directeur musical à Aix-la-Chapelle est un jeune chef du nom de Herbert von Karajan, dont la petite fille ne se doutait pas qu’elle croiserait à nouveau le chemin bien des décennies plus tard.

C’est en 1945 qu’elle se lance dans la carrière vocale. Hésitant entre les tessitures de mezzo et de soprano, elle privilégie d’abord les rôles de mezzo, car ils lui demandent moins d’effort de préparation. Or en cette période où l’Allemagne est encore en ruines et se relève à peine des années noires, l’urgence est de gagner sa vie. Après avoir fait partie de diverses troupes allemandes _ une excellente formation _, elle intègre en 1955 celle de l’Opéra de Vienne _ la meilleure des chances _ qui rouvre dix ans après avoir été détruit par un bombardement. Elle y est recrutée par le chef Karl Böhm qui devient son mentor, et y rencontre son premier mari, le baryton Walter Berry. Vienne lui ouvre les portes de Salzbourg, où elle s’impose immédiatement _ voilà _ comme l’égale de ses aînés Schwarzkopf, Seefried et Fischer-Dieskau, dans des Mozart et des Strauss indémodables _ en effet : sans maniérisme aucun.

Wagnérienne accomplie

À Salzbourg, c’est Karajan qui règne en maître avant de prendre à son tour la direction de l’Opéra de Vienne. Lui aussi est déterminant pour son développement, l’encourageant à faire confiance à son étendue vocale : après tout, elle avait toujours eu l’aigu facile et s’était toujours demandé si elle était mezzo ou soprano. Voici Léonore dans Fidelio (qu’elle enregistre avec Klemperer), la Teinturière dans La Femme sans ombre de Strauss, son rôle préféré, dans lequel Paris l’accueillera en 1972. Cette année-là, elle divorce pour épouser en secondes noces l’acteur français Paul-Emile Deiber, de la Comédie française. Elle aimait notre pays et parlait un français savoureux, avec un humour et un franc-parler qui n’étaient qu’à elle _ Christa Ludwig était très sympathique. Dans l’intervalle, elle était l’invitée du Met depuis 1959, dans les répertoires les plus divers, jusqu’à Verdi, où cette Allemande avait peu de concurrentes. Et si elle ne chanta que deux fois à Bayreuth, elle fut ailleurs une wagnérienne accomplie, dans le registre de mezzo (Ortrud, Brangäne, Kundry). Malgré son aisance dans l’aigu, elle reculera toujours devant le défi d’aborder Isolde, se contentant d’en enregistrer la Mort, avec le troisième de ses grands inspirateurs à la baguette : Leonard Bernstein. Même hésitation face à Elektra. Regret éternel pour le mélomane, mais sagesse de sa part : elle aurait risqué d’écourter sa carrière en mettant sa voix en danger.

Une voix qu’elle a toujours maintenue souple, malléable _ oui _, en alternant ces rôles dramatiques très lourds avec des récitals de lieder avec piano, art de la miniature où elle atteignait un accomplissement tout aussi souverain _ oui. Elle fut l’une des premières à imposer une voix de femme dans le Voyage d’hiver de Schubert, d’ordinaire réservé aux barytons. Aussi à l’aise dans le répertoire allemand qu’italien et même français, elle ne connut qu’une période de crise vocale, à la ménopause, dont elle ne fit pas mystère, avant de retrouver la plénitude de ses moyens jusqu’à ses adieux à la scène en 1994. Une voix pleine, voluptueuse _ oui _, capable de tonner comme de murmurer sans jamais sacrifier la rigueur musicale à l’expressivité _ tout cela est capital. Un modèle indémodable _ tout à fait.

Le charme _ sans maniérisme aucun, donc _ de Christa Ludwig est bien supérieur à celui des interprètes qu’on lui prête pour avoir été des « modèles » ;
et dont elle avait probablement moins qu’eux _ heureusement _ le souci du brillant de la carrière et de la focalisation des projecteurs… 
Écouter ses enregistrements discographiques _ nombreux et disponibles _ est un vrai plaisir permanent ;
sans défauts…

Ce mercredi 28 avril 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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