Pour élargir notre connaissance des compositeurs du temps de la Shoah

— Ecrit le mardi 21 septembre 2021 dans la rubriqueHistoire, Musiques”.

Ce jour, sur le site de ResMusica,

Jean-Christophe Le Toquin ouvre notre connaissance des compositeurs du temps de la Shoah,

par un article « Cinq destins  de compositeurs juifs du XXe siècle« , consacré à un passionnant CD intitulé « Jewish destinies« , un CD KMI (Karusel Music International), proposé par le chef d’orchestre Amaury du Clausel..

Cinq destins de compositeurs juifs du XXe siècle par Amaury du Closel

Avec l’album Destins juifs, Amaury du Closel poursuit son travail de défense et de reconnaissance _ voilà _ des compositeurs du XXᵉ siècle marqués par la Shoah. Il fait mouche avec la jeune soprano Erminie Blondel.

Si les œuvres proposées dans cet album ont été composées entre 1912 (le Pierrot Lunaire de Max Kowalski) et 1947 (les Huit chants populaires juifs de Simon Laks) et dépassent donc les circonstances historiques de la persécution nazie, c’est bien la Shoah qui fait le lien entre les cinq compositeurs réunis ici. Elle a bouleversé leur destin, par l’enfermement, pour les uns l’exil, pour les autres la mort. Deux ont payé le prix ultime, Viktor Ullmann et Ilse Weber assassinés en 1944 à Auschwitz. Louis Saguer, musicien allemand engagé politiquement auprès des communistes, a fui Berlin pour Paris en 1933. Il ne fut pas déporté par les nazis, mais interné en 1939 par les autorités françaises, avant d’être naturalisé français en 1947.

Dans la lignée de son engagement depuis 2003 avec son initiative des Voix Étouffées, Amaury du Closel remet en lumière ces compositeurs sinon oubliés, du moins méconnus. Et pourtant, elle est belle leur musique _ oui.

Qui connaît le Pierrot lunaire de Max Kowalski, composé la même année 1912 que celui, fameux, d’Arnold Schoenberg ? Schoenberg le connaissait et ne dédaignait pas ce cycle plus court – 12 poèmes contre 21 – à l’esthétique certainement moins avant-gardiste, mais qui dégage un vrai parfum fin de siècle avec une pointe d’humour. Les deux Pierrot juxtaposés composeraient une belle affiche de concert !

Les Cuatro cánticas Sefardíes ou Quatre chants populaires judéo-espagnols de Louis Saguer (1935-1936) en langue ladino (parlée dans les Balkans par les descendants des Juifs d’Espagne chassés en 1492 !), les Trois mélodies yiddish de Viktor Ullmann (1944) et les Huit chants populaires juifs de Simon Laks (1947) ont en commun d’avoir été écrits en acte de résistance face à la volonté d’extermination, pour que la culture juive (re)vive. Ainsi vont les tentatives de négation et d’extermination, elles aboutissent à revivifier la culture qu’elles oppriment.

Ilse Weber, choisit, elle, un autre moyen de se mettre debout et de nous mettre à genoux : l’extrême simplicité, la dignité, la pudeur. Pour bercer les enfants et qu’ils oublient le camp et leur destin. Quelle force d’âme dans cette douceur ! Il semble que des décennies après leur composition, on n’a pas fini d’apprécier la puissance de ces mélodies qui glissent comme de l’eau.

Dans ce généreux programme de 75 minutes, la soprano Erminie Blondel doit ainsi varier les styles, de la mélodie fin de siècle Mitteleuropa aux chansons populaires séfarades et yiddish, en concluant par les chansons universelles dépourvues de sophistication, émouvantes par le dépouillement. L’expression est toujours juste, jusqu’aux dernières paroles sans accompagnement qui closent le disque et nouent la gorge. C’est un disque qui par son éthique fait écho à l’album _ marquant !Terezín/Theresienstadt par Anne Sofie von Otter (DG). Un enregistrement qui n’apportera pas une gloire brillante à ses auteurs, mais qui durera.

Le livret avec les poèmes tous proposés en langue originale et traduits en français et en anglais, est riche et indispensable.

Lire aussi :

Anne Sofie von Otter : Theresienstadt / Terezín

Terezín/Theresienstadt.

Ilse Weber (1903 – 1944) : Ich wandre durch Theresienstadt, Ade, Kamerad !, Und der Regen rinnt, Wiegala ;

Karel Svenk (1917-1945) : Pod destnikem, Vsechno jde ! (Marche de Terezin).

Adolf Strauss (1902 – 1944) : Ich weiß bestimmt, ich werd Dich wiedersehn !

Anonyme : Terezin-Lied ;

Martin Roman (1910-1996) : Wir reiten auf hözelrnen Pferden ;

Hans Krasa (1899-1944) : Trois mélodies d’après Arthur Rimbaud ;

Carlo Sigmund Taube (1897-1944) : Ein jüdisches Kind ;

Viktor Ullmann (1898-1944) : Beryozkele, Trois Mélodies tirées des Six Sonnets, opus 34 ;

Pavel Haas (1899-1944) : Quatre Chants sur des poésies chinoises ;

Erwin Schulhoff (1894-1942) : Sonate pour violon (1927).

Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano ; Christian Gerhaher, baryton ; Daniel Hope, violon ; Bengt Forsberg, Gerold Huber, piano ; Bebe Risenfors, accordéon, guitare, contrebasse ; Ib Hausmann, clarinette ; Philip Dukes, alto ; Josephine Knight, violoncelle.

1 CD Deutsche Gramophon 477 6546, code barre : 0 2894776546 2.

Enregistré à Berlin en février 2006 et Munich en février 2007.

Notice et textes trilingues en français, anglais, allemand.

Durée : 71:40

 

Jewish destinies.

Louis Saguer (1907-1991) : Cuatro cánticas Sefardíes.

Max Kowalski (1882-1956) : 12 Gedichte nach Pierrot lunaire op. 4.

Simon Laks (1901-1983) : Huit chants populaires juifs (arrangement : Amaury du Closel).

Viktor Ullmann (1898-1944) : Drei jiddische Gesänge op. 53.

Ilse Weber (1903-1944) : Theresienstadt et six autres mélodies.

Erminie Blondel, soprano ; Thomas Tacquet, piano ; Orchestre Les Métamorphoses, direction : Amaury du Closel.

1 CD KMI.

Enregistré en 2018 à l’auditorium Antonin Artaud à Ivry-sur-Seine.

Textes des mélodies en langue originale, anglais et français, notice bilingue.

Durée : 75:03

Ce mardi 21 septembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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