Admirer le pénultime chef d’oeuvre, en apothéose, en 1750, de Haendel : la « Theodora » de Maxim Emelyanichev et l’excellent Il Pomo d’Oro
L’un des derniers chefs d’œuvre, en forme d’apothéose mystique, sublime, de tout l’œuvre, très vaste, de George Frideric Handel (Halle, 1685 – Londres, 1759), est son oratorio, créé le 16 mars 1750, « Theodora« .
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L’excellent Ensemble baroque Il Pomo d’Oro, vient, sous la remarquable direction du chef Maxim Emelyanichev, d’en donner une superbe interprétation, en un coffret Erato 5054197177910 de 3 CDs,
qui fera date.
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Voici le tout à fait notable commentaire que vient d’en donner, sur le site Discophilia, et sous l’intitulé « Torrents de plaisirs, fruits de délices : une nouvelle version de référence pour « Theodora » de Haendel« , Bénédicte Palaux-Simonnet :
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« Torrents de plaisirs, fruits de délices », une nouvelle version de référence pour Theodora de Haendel
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George Frederic Haendel (1685-1759) : Theodora. John Chest, Valens ; Paul-Antoine Benos-Djian, Didymus ; Michaël Spyres, Septimus ; Lisette Oropesa, Theodora ; Joyce DiDonato, Irene ; Massimo Lombardi, A Messenger. Il Pomo d’Oro, Maxim Emelyanychev. 2022. Livret en anglais, français, allemand. Texte chanté en anglais. 3 CD Erato. 5054197177910
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Avec cet oratorio, assez tardif _ un des derniers, en 1750, avant « Jephta« , en 1752… _ dans sa prolifique carrière, Haendel, âgé de 64 ans, se mesure au ciel et aux enfers dans une fresque grandiose évoquant aussi bien _ mais oui _ la transparence angélique _ d’une extatique douceur… _ d’un Fra Angelico que la puissance charnelle du Bernin ou de celle de Michel Ange _ absolument.
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« Torrents de plaisir, fruits de délices » chantent -à juste titre- les chœurs, à la fin de la troisième partie.
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Pourtant, le récit du martyre _ voilà ! _ de la jeune Theodora lors des persécutions de l’empereur romain Dioclétien (en 304) ne s’associe pas spontanément à l’image d’une jouissance effrénée ! Le compositeur en était d’ailleurs si conscient qu’il prévoyait avec humour que « Les Juifs ne viendront pas parce que c’est une histoire chrétienne, les dames non plus parce que le sujet est vertueux. ».
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Lors de la soirée donnée au Théâtre des Champs-Élysées il y a un an, étape d’une tournée triomphale, nous avions déjà évoqué les abîmes, les passions et la splendeur d’une version exceptionnellement distribuée et dirigée.
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L’enregistrement répond de cette réussite. Certains détails ressortent plus vivement, d’autres s’estompent : ainsi d’accents charnus, presque âpres (Joyce di Donato ou Paul-Antoine Bénos-Djian), ou des fluctuations de la texture chorale. Mais, plus que tout, ce sont l’intensité, l’équilibre et l’instantanéité de l’investissement musical qui s’imposent _ voilà.
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A l’image de la Chapelle Sixtine, la vision _ héroïco-mystique _ se révèle en ses dimensions multiples : la plus vaste comme la plus minuscule. Car chaque air, chaque vocalise, chaque fugue dégage isolément tant de beauté intrinsèque qu’on serait tenté -comme Faust- de la retenir au passage.
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Néanmoins, en dépit de ses proportions -ou peut-être à cause d’elles ?-, cette « architecture en mouvement » invite moins à la contemplation qu’elle n’emporte dans le courant d’une dynamique aussi concrète que fondamentale -celle propre à l’art baroque (parfois absente d’autres versions) _ à la Bernin, en effet. Et Haendel a aussi vécu un assez long moment à Rome…
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Propulsion ascendante proche de l’extase, telle l’invocation aux anges d’Irène : « Defend her, Heav’n. Let angels spread / Their viewless tents around her bed. » (II, 5).
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A la tête de l’ensemble Il Pomo d’Oro, le jeune chef Maxim Emelyanychev déroule, avec un tact rythmique et une écoute fusionnelle sans faiblesse, cette épopée du cosmos et des âmes _ voilà _ jusqu’à la victoire _ spirituelle _ finale : « love is stronger far than death ».
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Parmi les moments remarquables qu’il faudrait citer tous, retenons l’air de Dydimus (Antoine Bénos-Djian) « Sweet rose and lily » précédé d’un récitatif très soigné qui culmine lorsqu’il s’unit à Theodora (Lisette Oropesa) dans le duo « I hope again to meet on Earth/ But sure shall meet in Heav’n ». Qu’admirer le plus ? -la complémentarité des registres et des timbres, les arabesques entremêlées bercées par l’orchestre – Plus que tout, la pure et profonde sensibilité qui transporte « ailleurs ».
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A marquer d’une pierre blanche dans la discographie de l’auteur du Messie.
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Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10
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Bénédicte Palaux Simonnet
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Une interprétation à la hauteur du vrai ravissement que doit donner l’œuvre…
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Ce lundi 26 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa