Admirer le pénultime chef d’oeuvre, en apothéose, en 1750, de Haendel : la « Theodora » de Maxim Emelyanichev et l’excellent Il Pomo d’Oro

— Ecrit le lundi 26 décembre 2022 dans la rubriqueHistoire, Musiques”.

L’un des derniers chefs d’œuvre, en forme d’apothéose mystique, sublime, de tout l’œuvre, très vaste, de George Frideric Handel (Halle, 1685 – Londres, 1759), est son oratorio, créé le 16 mars 1750, « Theodora« .

L’excellent Ensemble baroque Il Pomo d’Oro, vient, sous la remarquable direction du chef Maxim Emelyanichev, d’en donner une superbe interprétation, en un coffret Erato 5054197177910 de 3 CDs,

qui fera date.

Voici le tout à fait notable commentaire que vient d’en donner, sur le site Discophilia, et sous l’intitulé « Torrents de plaisirs, fruits de délices : une nouvelle version de référence pour « Theodora » de Haendel« , Bénédicte Palaux-Simonnet :

« Torrents de plaisirs, fruits de délices », une nouvelle version de référence pour Theodora de Haendel

LE 24 DÉCEMBRE 2022 par Bénédicte Palaux-Simonnet

George Frederic Haendel (1685-1759) : Theodora. John Chest,  Valens ; Paul-Antoine Benos-Djian, Didymus ; Michaël Spyres, Septimus ;  Lisette Oropesa, Theodora ; Joyce DiDonato, Irene ; Massimo  Lombardi, A Messenger. Il Pomo d’Oro, Maxim Emelyanychev. 2022.  Livret en anglais, français, allemand. Texte chanté en anglais. 3 CD Erato. 5054197177910

Avec cet oratorio, assez tardif _ un des derniers, en 1750, avant « Jephta« , en 1752… _ dans sa prolifique carrière, Haendel, âgé de 64 ans, se mesure au ciel et aux enfers dans une fresque grandiose évoquant aussi bien _ mais oui _ la transparence angélique _ d’une extatique douceur… _ d’un Fra Angelico que la puissance charnelle du Bernin ou de celle de Michel Ange _ absolument.

« Torrents de plaisir, fruits de délices » chantent -à juste titre- les chœurs, à la fin de la troisième partie.

Pourtant, le récit du martyre _ voilà ! _ de la jeune Theodora lors des persécutions de l’empereur romain Dioclétien (en 304) ne s’associe pas spontanément à l’image d’une jouissance effrénée ! Le compositeur en était d’ailleurs si conscient qu’il prévoyait avec humour que « Les Juifs ne viendront pas parce que c’est une histoire chrétienne, les dames non plus parce que le sujet est vertueux. ».

Lors de la soirée donnée au Théâtre des Champs-Élysées il y a un an, étape d’une tournée triomphale, nous avions déjà évoqué les abîmes, les passions et la splendeur d’une version exceptionnellement distribuée et dirigée.

L’enregistrement répond de cette réussite. Certains détails ressortent plus vivement, d’autres s’estompent : ainsi d’accents charnus, presque âpres (Joyce di Donato ou Paul-Antoine Bénos-Djian), ou des fluctuations de la texture chorale. Mais, plus que tout, ce sont l’intensité, l’équilibre et l’instantanéité de l’investissement musical qui s’imposent _ voilà.

..;

A l’image de la Chapelle Sixtine, la vision _ héroïco-mystique _ se révèle en ses dimensions multiples : la plus vaste comme la plus minuscule. Car chaque air, chaque vocalise, chaque fugue dégage isolément tant de beauté intrinsèque qu’on serait tenté -comme Faust- de la retenir au passage.

Néanmoins, en dépit de ses proportions -ou peut-être à cause d’elles ?-, cette « architecture en mouvement » invite moins à la contemplation qu’elle n’emporte dans le courant d’une dynamique aussi concrète que fondamentale -celle propre à l’art baroque (parfois absente d’autres versions) _ à la Bernin, en effet. Et Haendel a aussi vécu un assez long moment à Rome…

Propulsion ascendante proche de l’extase, telle l’invocation aux anges d’Irène : « Defend her, Heav’n. Let angels spread / Their viewless tents around her bed. » (II, 5).

A la tête de l’ensemble Il Pomo d’Oro, le jeune chef Maxim Emelyanychev déroule, avec un tact rythmique et une écoute fusionnelle sans faiblesse, cette épopée du cosmos et des âmes _ voilà _  jusqu’à la victoire _ spirituelle _  finale : « love is stronger far than death ».

Parmi les moments remarquables qu’il faudrait citer tous, retenons l’air de Dydimus (Antoine Bénos-Djian) « Sweet rose and lily » précédé d’un récitatif très soigné qui culmine lorsqu’il s’unit à Theodora (Lisette Oropesa) dans le duo « I hope again to meet on Earth/ But sure shall meet in Heav’n ». Qu’admirer le plus ? -la complémentarité des registres et des timbres, les arabesques entremêlées bercées par l’orchestre  – Plus que tout, la pure et profonde sensibilité qui transporte « ailleurs ».

A marquer d’une pierre blanche dans la discographie de l’auteur du Messie.

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

Bénédicte Palaux Simonnet

Une interprétation à la hauteur du vrai ravissement que doit donner l’œuvre…

Ce lundi 26 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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