Archives du mois de décembre 2022

Admirer le pénultime chef d’oeuvre, en apothéose, en 1750, de Haendel : la « Theodora » de Maxim Emelyanichev et l’excellent Il Pomo d’Oro

26déc

L’un des derniers chefs d’œuvre, en forme d’apothéose mystique, sublime, de tout l’œuvre, très vaste, de George Frideric Handel (Halle, 1685 – Londres, 1759), est son oratorio, créé le 16 mars 1750, « Theodora« .

L’excellent Ensemble baroque Il Pomo d’Oro, vient, sous la remarquable direction du chef Maxim Emelyanichev, d’en donner une superbe interprétation, en un coffret Erato 5054197177910 de 3 CDs,

qui fera date.

Voici le tout à fait notable commentaire que vient d’en donner, sur le site Discophilia, et sous l’intitulé « Torrents de plaisirs, fruits de délices : une nouvelle version de référence pour « Theodora » de Haendel« , Bénédicte Palaux-Simonnet :

« Torrents de plaisirs, fruits de délices », une nouvelle version de référence pour Theodora de Haendel

LE 24 DÉCEMBRE 2022 par Bénédicte Palaux-Simonnet

George Frederic Haendel (1685-1759) : Theodora. John Chest,  Valens ; Paul-Antoine Benos-Djian, Didymus ; Michaël Spyres, Septimus ;  Lisette Oropesa, Theodora ; Joyce DiDonato, Irene ; Massimo  Lombardi, A Messenger. Il Pomo d’Oro, Maxim Emelyanychev. 2022.  Livret en anglais, français, allemand. Texte chanté en anglais. 3 CD Erato. 5054197177910

Avec cet oratorio, assez tardif _ un des derniers, en 1750, avant « Jephta« , en 1752… _ dans sa prolifique carrière, Haendel, âgé de 64 ans, se mesure au ciel et aux enfers dans une fresque grandiose évoquant aussi bien _ mais oui _ la transparence angélique _ d’une extatique douceur… _ d’un Fra Angelico que la puissance charnelle du Bernin ou de celle de Michel Ange _ absolument.

« Torrents de plaisir, fruits de délices » chantent -à juste titre- les chœurs, à la fin de la troisième partie.

Pourtant, le récit du martyre _ voilà ! _ de la jeune Theodora lors des persécutions de l’empereur romain Dioclétien (en 304) ne s’associe pas spontanément à l’image d’une jouissance effrénée ! Le compositeur en était d’ailleurs si conscient qu’il prévoyait avec humour que « Les Juifs ne viendront pas parce que c’est une histoire chrétienne, les dames non plus parce que le sujet est vertueux. ».

Lors de la soirée donnée au Théâtre des Champs-Élysées il y a un an, étape d’une tournée triomphale, nous avions déjà évoqué les abîmes, les passions et la splendeur d’une version exceptionnellement distribuée et dirigée.

L’enregistrement répond de cette réussite. Certains détails ressortent plus vivement, d’autres s’estompent : ainsi d’accents charnus, presque âpres (Joyce di Donato ou Paul-Antoine Bénos-Djian), ou des fluctuations de la texture chorale. Mais, plus que tout, ce sont l’intensité, l’équilibre et l’instantanéité de l’investissement musical qui s’imposent _ voilà.

..;

A l’image de la Chapelle Sixtine, la vision _ héroïco-mystique _ se révèle en ses dimensions multiples : la plus vaste comme la plus minuscule. Car chaque air, chaque vocalise, chaque fugue dégage isolément tant de beauté intrinsèque qu’on serait tenté -comme Faust- de la retenir au passage.

Néanmoins, en dépit de ses proportions -ou peut-être à cause d’elles ?-, cette « architecture en mouvement » invite moins à la contemplation qu’elle n’emporte dans le courant d’une dynamique aussi concrète que fondamentale -celle propre à l’art baroque (parfois absente d’autres versions) _ à la Bernin, en effet. Et Haendel a aussi vécu un assez long moment à Rome…

Propulsion ascendante proche de l’extase, telle l’invocation aux anges d’Irène : « Defend her, Heav’n. Let angels spread / Their viewless tents around her bed. » (II, 5).

A la tête de l’ensemble Il Pomo d’Oro, le jeune chef Maxim Emelyanychev déroule, avec un tact rythmique et une écoute fusionnelle sans faiblesse, cette épopée du cosmos et des âmes _ voilà _  jusqu’à la victoire _ spirituelle _  finale : « love is stronger far than death ».

Parmi les moments remarquables qu’il faudrait citer tous, retenons l’air de Dydimus (Antoine Bénos-Djian) « Sweet rose and lily » précédé d’un récitatif très soigné qui culmine lorsqu’il s’unit à Theodora (Lisette Oropesa) dans le duo « I hope again to meet on Earth/ But sure shall meet in Heav’n ». Qu’admirer le plus ? -la complémentarité des registres et des timbres, les arabesques entremêlées bercées par l’orchestre  – Plus que tout, la pure et profonde sensibilité qui transporte « ailleurs ».

A marquer d’une pierre blanche dans la discographie de l’auteur du Messie.

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

Bénédicte Palaux Simonnet

Une interprétation à la hauteur du vrai ravissement que doit donner l’œuvre…

Ce lundi 26 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ce que vient nous apprendre (ou pas) le livret militaire de Lucien Durosoir, classe 1898, matricule n° 322 ; et la confrontation de ses données avec ce que révèlent les lettres de Lucien Durosoir adressées à sa mère…

25déc

L’accès au livret militaire de Lucien-Jules-Henri Durosoir,

né à Boulogne-sur-Seine le  5 décembre 1878, fils de feu Léon-Octave Durosoir et Louise-Marguerite Marie, violoniste de profession, et résidant 5 rue de Laborde à Paris 8e, au moment de l’ouverture de ce livret,

vient nous livrer quelques intéressantes informations, en particulier, bien sûr, sur le parcours et la carrière militaires de Lucien Durosoir.

Et d’abord, sur la raison pour laquelle celui-ci, en dépit de son niveau culturel, est demeuré simple soldat (de deuxième classe) durant toute la durée de la guerre _ alors que, par exemple, un André Caplet, lui, né lui aussi en 1878 (le 23 novembre 1878), était sergent… _ : Lucien était « Dispensé – art. 21 – fils unique de veuve » par le conseil de révision…

D’autre part,

je remarque aussi, que le détail donné dans ce document-là des « Services et mutations diverses » de Lucien Durosoir dans « l’armée territoriale _ du 1er novembre 1912 au 1er novembre 1918 _ et dans la réserve « , n’apparaît pas nécessairement mentionné dans la correspondance échangée entre Lucien et sa mère, Louise ; et cela du fait que certaines des  mutations sont, et à plusieurs reprises, intervenues à des moments durant lesquels Lucien ne se trouvait pas au front, mais en permission au domicile familial du 45 rue du Moulin, à Vincennes ; et que le fils n’avait donc pas besoin d’en avertir par courrier écrit sa mère, pour l’informer, et en priorité, du changement d’adresse postale où lui adresser désormais le courrier : les transmissions de ces informations sur ces transferts d’affectation (et d’adresse où le joindre), s’étant faites à la maison, et n’ayant donc pas été mentionnées dans les lettres échangées _ et conservées _ entre le fils et sa mère.

Des lettres qui ont été précieusement _ pour nous qui y avons maintenant ce très précieux accès historiographique ! _ très soigneusement réunies et conservées chez elle, à Vincennes, puis à Bélus, par Louise Durosoir _ décédée à Bélus le 16 décembre 1934 _ ; puis, à Bélus, par son fils Lucien _ décédé à Bélus le 4 décembre 1955 _ ; et maintenant son petit-fils Luc…

Lucien Durosoir (classe 1898, matricule 322), apprenons-nous, en ce livret militaire ouvert en 1898, dispensé de service actif par le conseil de révision en tant que fils unique de veuve, a d’abord été versé dans la réserve de l’armée active le 1er novembre 1902 ; puis dans l’armée territoriale, le 1er novembre 1912. Rappelé à l’activité par décret présidentiel du 2 août 1914, Lucien Durosoir a rejoint le 23e Régiment Territorial d’Infanterie le 30 août 1914, à Cherbourg. Et il a été en activité aux armées du 13 novembre 1914 au 18 février 1919 :

après avoir été affecté au 23e Régiment Territorial d’Infanterie _ à Cherbourg, donc _, le 30 août 1914, il a été ensuite versé au 24e Régiment Territorial d’Infanterie _ au Hâvre, cette fois _, à une date hélas peu lisible sur le document _ ce fut en fait le 7 octobre 1914, apprenons-nous à la page 22 de « The Letters of Lucien and Louise Durosoir«  Et c‘est le 23 juin 1917 qu’il est ensuite passé au 274e Régiment d’Infanteriepuis le 10 octobre 1917, au 74e Régiment d’Infanterie, indique le livret militaire . Et c’est le 18 février 1919, que Lucien Durosoir a été mis en congé illimité de démobilisation ; et a pu rejoindre alors sa mère Louise à leur domicile du 45 rue du Moulin à Vincennes.

Voilà donc ce que nous apprend des services de Lucien Durosoir aux armées durant la « Campagne contre l’Allemagne » ce livret militaire.

Cependant une bien intéressante lettre de Lucien à sa mère datée du 1er mai 1918 (à la page 463), vient apporter un éclairage précieux sur quelques ambiguités _ au moins… _ de ce que recèlent, à la lecture, les rédactions de complément successives, sur son livret militaire, au fur et à mesure des mutations de Lucien, en divers régiments, au regard de ce qu’a écrit Lucien _ et qui nous a été conservé _ dans ses lettres de guerre à sa mère depuis le 4 août 1914. 

Ainsi m’étonnais-je de l’absence d’inscription de la mention sur ce livret militaire de Lucien de son affectation _ pourtant durable : de l’automne 1914 au 23 janvier 2017… _ au 129e régiment d’infanterie !

À la place de la mention de ce 129e régiment d’infanterie, est écrit ceci : « Affecté au 24e Régiment Territorial d’Infanterie« , à une date hélas peu lisible

Alors que, ainsi que l’indique la note de bas de page, page 31, d’Elizabeth Schoonmaker Auld, « Lucien left Le Havre on the 13 » (du mois d’octobre 1914), he was in Villemonble (« in front of Cunault’s home« ) when he wrote this letter (du 14 novembre 1914), and the next day they were near Reims. It was an immediate baptism of fire« …

Et de fait, le surlendemain, le 16 novembre 1914, Lucien _ « Since last night, I’m in the trenches. (…) We’ve been in the  trenches since yesterday« , écrit-il… _ prend soin de bien indiquer à sa mère l’adresse où lui adresser désormais le courrier : « 3rd company, 3rd section, 129th infantry regiment » (à la page 31). 

La question que je me pose est donc celle de la date _ et du lieu : Le Hâvre, au mois d’octobre 1914  ? La région de Reims, dans le département de la Marne, au mois de novembre 1914 ? _ de début de l’affectation de Lucien au 129e régiment d’infanterie

Est-ce le 6 octobre 1914, à son arrivée au Hâvre, en provenance de Cherbourg (et du 23e Régiment Territorial d’Infanterie) ? Mais au Hâvre, Lucien n’est-ce pas au 24e Régiment Territorial d’Infanterie que Lucien a été intégré ?..

Ou bien est-ce plutôt le 14 novembre 1914, à son arrivée, au front et dans les tranchées, dans les environs de Reims ?..

Ou pour le dire autrement, l’affectation de Lucien au 129e Régiment d’Infanterie a-t-elle eu lieu à son arrivée au Hâvre au mois d’octobre 1914 ? Ou bien lors de son transfert dans la Marne, près de Reims, au mois de novembre suivant ?..

En tout cas, voici ce que révèle la lettre du 1er mai 1918 de Lucien à sa mère, qui s’inquiétait d’anomalies dans les mentions d’affectations officielles de son fils à divers régiments (page 463) :

« Here is what must have happened. When the 129th had all those adventures, which you know about _ c’est-à-dire de graves mutineries _, at the beginning of June last year, I was sent to the division. In order to keep me _ en tant que violoniste très prisé des officiers mélomanes ! _, as the 129th was leaving the division, they transferred me to the 274th _ le 23 janvier 1917. Probably the modification of that transfer was not sent to the 129th, so I am still on their list. Recently they must have been reviewing the list and realized that I was not there ans asked the gendarmerie for more information. You gave them the wrong information : since the end of October _ en fait le 10 octobre 1917 _ I am no longer assigned to the 274th. That is when I was again transferred. The 274th was dissolved and the division wanted to keep me _ en tant que violoniste toujours très précieux auprès des officiers mélomanes… _, so I was transferred again, this time to the 74th. (…) You just need to tell them that I belong to the 74th Infantry (CHR), 5th Division, SP93. This little incident is proof of the state of the paperwork here« .

Avec cette conséquence qu’il me semble que la formidable lectrice-éditrice-traductrice qu’est Elizabeth Schoonmaker Auld pourra, lors d’une réédition à venir, par Blackwater Press, de ce monumental travail qu’est ce « Ma Chère Maman, Mon Cher Enfant _ The letters of Lucien and Louise Durosoir 1914 – 1919« , demander que soit repris et corrigé, à la page 22, entre les lettres de Lucien Durosoir des 5 (pages 21-22) et 6 octobre (page 22) 1914, son inter-titre en gros titre :

« On October 6, Lucien and his régiment left the Cherbourg area for Le Havre, a distance about 220 kilometers, where they were attached to the garrison of the 129th Infantry Regiment » ;

car il me semble que c’est bien au 24e Régiment Territorial d’Infanterie, alors stationné dans la région du Hâvre, que Lucien, qui faisait alors « part of 159 from our regiment going to Le Havre » (page 22), « our regiment, the 23rd territorial » (page 5), qui stationnait jusqu’alors dans la région de Cherbourg, a bien alors été transféré ;

et que ce ne sera que le 15 novembre suivant, « at 6:30 p.m. » (lettre du 15 novembre 1914, à la page 31), qu’il rejoindra, au front, dans les tranchées, et sous le feu des « Boches » (« the first trench is barely 400 meters from the German lines« , écrit-il dans sa lettre du 16 novembre 1914, à la page 32), le 129e régiment d’infanterie, positionné alors dans la région de Reims, auquel il avait compris, l’avant-veille, le 13 novembre, sa prochaine affectation : « Just this minute, I was told that I have tonight or tomorrow morning to join, I believe, the 129th near Reims« , en son courrier du 13  novembre (à la page 31)…

C’est à ce genre d’avancée que m’amène le souci méthodique du lecteur curieux et scrupuleux, quasi maniaque de la plus grande justesse possible de vérité, que je suis, de rechercher systématiquement cette plus grande précision possible _ et c’est parfois très difficile, voire impossible ; et je dois alors, au moins provisoirement, renoncer… _, des identités des personnes (qui ?), des lieux (où ?) ainsi que des dates (quand ?) lorsque ceux-ci, identités, lieux et dates, sont seulement évoqués ou floutés dans les récits, les Journaux, et les Correspondances, qui me passionnent…

Car rechercher est effectivement passionnant.

Voilà.

Ce dimanche 25 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir et écouter les sensuelles Chansons d’Ottorino Resphigi (suite)…

24déc

Après le très beau CD Pentatone 5186 872 « Respighi Songs » du ténor Ian Bostridge et la pianiste Saskia Giorgini

_ cf mon article «  » du 26 janvier 2022 _,

voici que le CD Bis SACD 2632 vient nous proposer à son tour un superbe « Crepuscolo _ Songs by Ottorino Respighi« , par le ténor Timothy Fallon, accompagné, au piano, par Ammiel Bushakevitz

_ cf l’article, le 29 août 2022, de Jean-Charles Hoffelé, sur son site Discophilia, intitulé « Le Chant du faune« … _,

afin de mieux parfaire notre découverte de l’œuvre du grand Ottorino Respighi (Bologne, 9 juillet 1879 – Rome, 18 avril 1936) …

LE CHANT DU FAUNE

Ian Bostridge hier _ cf mon article «  » du 26 janvier dernier… _, Timothy Fallon aujourd’hui,

les ténors anglais ou américains sont au disque, depuis l’exemple princeps laissé par Robert Tear qui grava la version avec orchestre de Deità silvane, les seuls défenseurs des merveilles que Respighi leur aura expressément écrites (même si les sopranos se les sont attribuées parfois) avec en tête les timbres, la vocalité spécifique, des grands ténors italiens de son temps.

Pourtant, Timothy Fallon, dont la voix est autrement ample, caractérisée, que les blancheurs magiques de Ian Bostridge, replace idéalement _ voilà _ ce grand bouquet dans le paysage de la mélodie italienne depuis Martucci, conjuguant l’exaltation des sentiments et la sensualité d’une écriture _ oui _ qui se réfugie dans l’imaginaire antique pour mieux exposer son érotisme _ c’est cela.

Admirablement chanté, avec des abandons qui ne sont jamais langueurs, et le feu des mots _ oui _ toujours débordant la ligne vocale, admirablement accompagné aussi par un pianiste qui fond son clavier dans les timbres de son ténor, l’album dore ses paysages et ses apparitions dans une prise de son magnifique, donnant de l’espace pour le grand engloutissement d’In alto mare, une minute saisissante qui rappelle que Respighi fut aussi _ mais oui _ un génie du théâtre lyrique.

Sensualité, vertige, panthéisme s’allient _ voilà _ grâce à ces deux interprètes inspirés par cette atmosphère décadente, quasi D’Annunzienne _ oui _, qui je crois bien est ici saisie, hors Tramonto, pour la première fois.

LE DISQUE DU JOUR

Crepusculo

Ottorino Respighi (1879-1936)


Deità silvane, P. 107
6 Melodie, P. 89 (2 extraits : No. 1. In alto mare ; No. 2. Abbandono)
Contrasto, P. 66
L’ultima ebberezza, P. 8
Stornellatrice, P. 69
5 Canti all’antica, P. 71
Storia breve, P. 52
6 Liriche, Series 1, P. 90 (2 extraits : No. 1. O falce di luna ; No. 6. Pioggia)>
6 Liriche, Series 2, P. 97 (extrait : No. 6. Il giardino)
Lagrime, P. 9
4 Scottish Songs, P. 143
Notturno in E-Flat Major, P. 11
Nebbie, P. 64

Timothy Fallon, ténor
Ammiel Bushakevitz, piano

Un album du label BIS Records BIS 2632

Photo à la une : le ténor américain Timothy Fallon et le pianiste Ammiel Bushakevitz, à droite – Photo : © Kirsten Nijhof

À découvrir, donc,

avec très grand plaisir…

Ce samedi 24 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

De bonnes nouvelles de l’excellent violoncelliste suisse Christian Poltéra : un très réussi CD Bis Joseph Haydn – Paul Hindemith

23déc

Parmi les assez nombreux excellents violoncellistes d’aujourd’hui,

Christian Poltéra déçoit bien rarement.

À preuve,

ce récent CD Bis SACD 2507 « Haydn Cello Concertos in C & D – Hindemith Trauermusik« ,

dans lequel le violoncelliste suisse _ né à Zurich en 1977 _ dirige aussi, de son violoncelle, le Münchener Kammerorchester.

Bien sûr, ce répertoire, bien connu pour sa qualité, compte pas mal de très bonnes interprétations au disque ;

mais la réalisation, justissime, de Christian Poltéra est sans défaut.

Un avis partagé par Pierre-Jean Tribot, sur le site de Crescendo, en date du 22 août 2022,

en un article intitulé « Haydn revisité en perspective par Christian Poltéra« :

Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra

LE 22 AOÛT 2022 par Pierre Jean Tribot

Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violoncelle n°1 en Ut Majeur, Hob.VIIb:1  : Concerto pour violoncelle n°2 en Ré majeur, Hob.VIIB:2 ; Symphonie n°13 en Ré majeur, Hob I:13 (« Adagio« ) ;

Paul Hindemith (1895-1963) : Trauermusik pour violoncelle et orchestre à cordes.

Münchener Kammerorchester, Christian Poltéra.

2021. Livret en anglais, allemand et français. 61’20’.’ BIS-2507.


Le violoncelliste suisse Christian Poltéra poursuit ses pérégrinations à travers le répertoire pour violoncelle _ voilà _ avec une nouvelle étape centrée sur deux piliers du répertoire : les deux concertos de Haydn, mis en perspectives avec la Trauermusik, jouée ici dans sa rare version pour violoncelle, bien moins pratiquée que la version pour alto.

Les concertos pour violoncelle de Haydn comptent parmi les œuvres les plus enregistrées _ en effet _, souvent par des jeunes solistes en quête de notoriété. On pointe trop souvent un concept interprétatif démonstratif et survitaminé qui galvaude en partie l’esprit de ces partitions. Heureusement, avec Christian Poltéra on entre au cœur de l’art de l’interprétation _ voilà. Le musicien impose un climat de musique de chambre (il faut rappeler que l’effectif orchestral est réduit) _ oui _ avec un superbe travail sur les dynamiques, les nuances et les moindres détails des partitions. Haydn scintille ici comme une pierre précieuse dans une _ sereine _ lumière d’été _ oui. Le Münchener Kammerorchester est le partenaire idéal et on apprécie son adaptabilité et sa justesse de ton et de style. Le haut degré technique et la qualité d’écoute mutuelle de ces musiciens font de l’interprétation de ces concertos, une nouvelle référence. Nos oreilles n’avait pas été aussi enthousiastes depuis l’album de Jean-Guihen Queyras pour Harmonia Mundi, il y a déjà près de 20 ans !

Le bonheur est complété par le superbe “Adagio” de la Symphonie n°13 qui met en avant le violoncelle.

Dans Hindemith, le ton est grave, et les musiciens imposent le climat de retenue et de noirceur requis _ c’est sobrement et justement dit. Un CD parfaitement équilibré.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Un CD dont je ne voulais pas me passer, et qu’il m’a fallu commander.

Ce vendredi 23 Décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un nouvel enthousiasmant CD de Zefiro et Alfredo Bernardini : « Grand Tour a Venezia _ Heinichen Lotti Pisendel Veracini Vivaldi Zelenka », le CD Arcana A 534

22déc

Alfredo Bernardini, hautboïste _ je l’avais découvert et admiré vivement lors de Masterclasses, chez Philippe Humeau, à Barbaste _, dirige avec brio, panache, vivacité et élégance son toujours excellent Ensemble : Zefiro.

Et voici que, de Zefiro et Alfredo Bernardini, paraît un nouveau CD Arcana, A 534,

qui nous offre un très beau programme autour des rapports entre la cour de Saxe (et ses musiciens : Pisendel, Heinichen, Zelenka)

et la Cité de Venise (avec Vivaldi, Veracini, Lotti).

 

Voici ce que dit de ce très beau CD, sur le site de Crescendo, Christophe Steyne,

en un article du 17 décembre dernier, intitulé « Influence croisée entre Venise et la cour de Dresde : Zefiro tire un feu d’artifice » :

Influence croisée entre Venise et la Cour de Dresde : Zefiro tire un feu d’artifice !

LE 17 DÉCEMBRE 2022 par Christophe Steyne

Grand Tour a Venezia.

Francesco Maria Veracini (1690-1768) : Ouverture no 6 en sol mineur. Georg Pisendel (1687-1755) : Concerto pour violon no 2 en ré majeur JunP I.7. Antonio Lotti (1667-1740) : Sinfonia de l’opéra Ascanio. Johann David Heinichen (1683-1729) : Concerto pour deux hautbois en mi mineur Seibel 222. Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Ouverture a 7 concertanti en fa majeur ZWV 188. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concerto per l’orchestra di Dresda en sol mineur RV 577.

Zefiro. Alfredo Bernardini, direction et hautbois. Paolo Grazzi, hautbois. Lorenzo Cavasanti, Emiliano Rodolfi, flûte à bec. Alberto Grazzi, basson. Cecilia Bernardini, Claudia Combs, Ayako Matsunaga, Monika Toth, Rossella Croce, Ulrike Fischer, Isotta Grazzi, Matilde Tosetti, violon. Stefano Marcocchi, Teresa Ceccato, alto. Gaetano Nasillo, Sara Bennici, violoncelle. Riccardo Coelati Rama, violone. Francesco Corti, clavecin, positif. Evangelina Mascardi, luth.

Mai 2021. Livret en anglais, français, italien. TT 66’11. Arcana A534

Survivance et prolongement de la peregrinatio academica, le voyage d’initiation que les jeunes gens de l’aristocratie _ d’abord anglaise, puis, plus largement, européenne _ devaient effectuer dans les hauts-lieux de la culture européenne _ en Italie, tout particulièrement… _ contribuait à la formation politique et artistique des élites. C’est dans ce cadre pédagogique que Frédéric-Auguste Ier de Saxe (1670-1733) envoya en 1716 son fils à Venise pour son Cavaliertour, qui dura six mois. L’orchestre de la Cour de Dresde attirait les meilleurs musiciens de l’époque ; Frédéric-Auguste II (1696-1763) en emmena quelques-uns lors de son séjour dans la cité sérénissime, qui accueillait quelques compositeurs natifs (comme Vivaldi ou Lotti) ou de passage (Veracini, né à Florence et devenu organiste de la Basilique San Marco, Heinichen arrivé de Leipzig). Ce brassage marqua les œuvres, tant leur style que leur facture, stimulée par les brillants virtuoses de la Cour saxonne, tel le hautboïste Johann Christian Richter qui inspira au Prete rosso ses créations pour anches les plus ardues _ voilà. Certains compositeurs se plièrent au goût de cette Cour _ polono-saxonne… _, que séduisait le style français. D’autres y furent même ensuite invités, comme Heinichen que le fils ramena avec lui, mais aussi Lotti convié par Auguste le Fort l’année suivante, puis Veracini en 1720.

C’est cet extraordinaire réseau d’échanges et d’émulation qu’illustre le présent album _ voilà _, lançant un pont entre Dresde et Venise, et révélant les influences croisées entre ces deux majeurs foyers artistiques. Parfois sous forme d’hommage revendiqué, ainsi le Concerto per l’orchestra di Dresda où l’auteur des Quatre Saisons exploite un vertigineux laboratoire a molti strumenti (deux flûtes, deux hautbois, basson, cordes) conclu par un impétueux allegro. La même ivresse s’empare de l’étourdissante Folie qui parachève l’Ouverture a 7 concertanti de l’excentrique _ génialissime _ Zelenka, le fantasque Bohémien !

Le programme compte aussi un Concerto pour deux hautbois d’Heinichen, qui abondera le répertoire de la Cour par divers opus poly-instrumentaux, auxquels Reinhard Göbel consacra un remarquable double-album (Archiv, 1992). Le style français prisé par August der Starke est sensible dans la Sinfonia de l’opéra Ascanio ; or l’on s’étonne un peu que ce CD ait choisi celle des six Ouvertures de Veracini qui corresponde le moins à cette dilection. Le Concerto pour violon de son industrieux rival Georg Pisendel (une dissension qui poussa son confrère italien à se défenestrer !) révèle certes la diversité des faveurs musicales en vogue dans la « Florence de l’Elbe », dont témoigne le Gemischter Stil.

Depuis les vinyles de Nikolaus Harnoncourt, la discographie et les concerts viennent périodiquement enrichir l’hommage à cette Hofkapelle qui, jusque la Guerre de Sept ans, put resplendir aux oreilles des Princes-Électeurs de Saxe et souverains de Pologne _ voilà. Un récent _ superbe ! _ CD d’Alexis Kossenko à l’Abbaye de Royaumont _ le CD Aparté AP 258 _ en revigorait le faste par des moyens gargantuesques. Peut-être moins gourmand, d’un trait plus sec qui resserre la trame rythmique et aiguise les lignes, Alfredo Bernardini et son incisif _ oui : ultra-vivant ! _ ensemble Zefiro font ici assaut de tout le zèle imaginable. Des phrasés expressifs quoique drus arment une interprétation aussi précise que chatoyante. Des vertus augurées dans un récital « Dresden » enregistré en novembre 2016 pour le même éditeur _ le CD « Dresde 1720«  Arcana A 438 _, dans une veine chambriste. Tous les coups sont permis pour faire revivre l’éclat et le théâtre _ voilà _ de ces pages. On ne saurait distinguer un pupitre ou un moment tant le travail d’équipe signe un triomphe collectif _ oui, comme il se doit pour ces concerti con  molti istromenti On en sort épaté. La captation dynamique et haute en couleurs _ oui _  achève de nous combler. Admirable de bout en bout _ tout à fait ! Il y a deux ans au Réfectoire des moines, l’attelage Les Ambassadeurs / La Grande Écurie dressait une table de rois. Zefiro tire aujourd’hui le feu d’artifice qui magnifie ce festin.

Son : 9 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

À comparer aussi avec les très récentes étincelantes réussites de Julien Chauvin (et son Concert de la Loge) et Amandine Beyer (et ses Gli Incogniti) en ce même brillantissime répertoire…

Ce jeudi 22 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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