Approfondir la jouissance de la mélodie « Nahandove » qui ouvre les « Chansons madécasses » de Maurice Ravel…
Louée soit la passionnante séance du « Labo du chanteur » de Thomas Dolié avant-hier samedi,
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à laquelle j’ai consacré mon article détaillé d’hier dimanche 12 mai « Un passionnant et intense « Labo du chanteur » (= travail de mise en place d’une interprétation musicale) de Thomas Dolié, baryton, avec Stéphane Trébuchet au piano, autour des deux premières « Chansons madécasses » (1925) de Maurice Ravel : une assez singulière beauté à attraper…« ,
et qui m’a si heureusement permis de prêter enfin toute l’attention qu’elle mérite à cette sublime mélodie « Nahandove » qui ouvre de sa si bouleversante sensualité le recueil des 3 « Chansons madécasses » (en 1925-26), cet absolu chef d’œuvre,
que j’avais jusqu’ici, assez étrangement, négligé, à la différence
des 3 mélodies _ « Asie« , « La Flûte enchantée » et « L’Indifférent » _ de « Shéhérazade » (en 1903),
des 5 mélodies _ « Le Paon« , « Le Grillon« , « Le Cygne« , « Le Martin-pêcheur » et « La Pintade » _ des « Histoires naturelles » (en 1906),
des 3 mélodies _ « Soupir« , « Placet futile » et « Surgi de la croupe et du bond » _ des « Poèmes de Mallarmé » (en 1913),
ou des 3 mélodies _ « Chanson romanesque« , « Chanson épique » et « Chanson à boire » _ de « Don Quichotte à Dulcinée » (en 1932-33),
ces recueils aussi sublimes les uns que les autres, en la différence de leur très forte géniale singularité, chaque fois,
que je connaissais et appréciais mieux jusqu’ici :
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faute de cette attention extrêmement détaillée que nous a fait partager le magnifique travail patient de mise en place de ce « Labo du chanteur« …
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Grâce soit ainsi rendue à Thomas Dolié _ et à Stéphane Trébuchet, au piano _ de nous avoir ainsi permis de pénétrer d’un peu plus près, et surtout plus profondément, en le détail de ses arcanes, la splendide teneur poétique et musicale vraiment extraordinaire de cette bouleversante et géniale « Nahandove« …
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Je voudrais aussi citer au passage l’exergue magnifique _ de Jean Cocteau, en son « Le Secret professionnel« … _ que Marcel Marnat a placé en en-tête de son merveilleux « Maurice Ravel« , en 1986 :
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« Aidé par les musiciens, je pourrais éblouir les lecteurs crédules. Mais, outre que les musiciens, tiennent les articles de techniciens pour incompréhensibles, je ne suis pas technicien et cherche avant tout à me faire bien comprendre. « On ne peut aimer une musique, me disait M. Marnold, sans savoir à fond le contrepoint et l’harmonie. » C’est prétendre qu’on ne peut jouir d’un arbre sans connaître la nature de ses fibres, d’un plat sans être cuisinier« .
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Voilà.
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Mais écouter les musiciens éclairer leur composition, ou ici interprétation, de l’expérience partagée, ainsi que de l’explicitation tatonnante, de leur très précis et très patient travail de « mise en place« , et cela jusqu’au résultat final lui aussi donné à partager, en bout de course, et reçu par notre propre écoute un peu plus et un peu mieux alors éclairée et jouissive _ et elle-même, cette écoute ainsi mieux attentive, un peu mieux elle-même ainsi « mise en place« par toute cette riche et complexe expérience, peu à peu, lentement et aussi par éclairs soudains de conscience, assimilée et ingérée, et partagée, c’est important et même crucial : écouter devenant alors presque, restons bien sûr et forcément modestes !, l’équivalent amateur et passionné, un rang en dessous tout de même, ne nous leurrons pas !, d’un métier (celui de musicien professionnel) lui-même en perpétuel chantier et progrès (work in progress) ; l’affaire d’une vie assez longue pour s’enrichir, step by step, de ces divers progrès musicaux-là… _ par une telle séance de « Labo du chanteur« , comme celle de ce samedi,
grandit aussi, en commençant par les considéables infimes progrès de précision d’attention de notre écoute, la jouissance éprouvée au résultat final, devenu évident et fluide, de leur efficace et très beau travail de musiciens, comme miraculeusement effacé alors des stigmates et traces de leurs patients et continus très exigeants efforts de dépassement d’eux-mêmes, en cette performance ainsi partagée avec nous, qui les avons, jouissivement aussi, écoutés servir le mieux possible, en nous l’offrant ainsi, au final de la séance, l’œuvre elle-même, ici « Nahandove« , ce chef d’œuvre _ mal connu encore _ du compositeur, ici Maurice Ravel…
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Et le travail sur la musique, tant celui de réalisation de la part des interprètes, que celui d’écoute de la part des mélomanes, va bien sûr se poursuivre, il n’est jamais achevé : l’un comme l’autre constituant un perpétuel, infini, et profond, très heureux chantier ; vital même, par-delà les péripéties en tous sens d’une vie, de nos vies : à dimension rien moins que d’éternité…
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Ce lundi 13 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
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