Enchantement ébloui du nouveau Hélène Cixous : le délicieux, effrayant et hilarant tout à la fois, et justissime d’écriture, « Et la mère pond vite un dernier oeuf »…

— Ecrit le dimanche 10 novembre 2024 dans la rubriqueLittératures”.

Spécialement adressé à mon nom à l’adresse de mon libraire préféré, et avec dédicace « pour Francis Lippa grand lecteur de cœur, Hélène avec Haya et Isha« , et déposé, m’attendant, au rayon Musique,

le tout nouveau Hélène Cixous, « Et la mère pond vite un dernier œuf« , se révèle à nouveau et immédiatement, dés les trois premiers chapitres _ « L’an 2021 nuit« , « La vie est une chasse » et « Je n’ai pas été en c. c.« … _ que je viens de commencer à lire avec jubilation ce dimanche, d’un enchantement absolu…

De nouveau, cette merveilleuse intelligence si aiguë et justissime ô combien ! jointe à un style éblouissant et à surprises constantes, d’une page à l’autre, d’une ligne à l’autre, d’un mot _  joué, très souvent, en son « rêvoir« … _ à l’autre…

Je ne peux m’empêcher de m’empresser de le signaler tout de suite, dès la lecture, déjà, de la page 29 _ puisque c’est là que j’en suis, pour l’heure, en ma toute première lecture de ce nouvel opus (vite ou pas vite ?) « pondu » par Hélènee Cixous : d’autres lectures-relectures suivront, bien sûr, afin de poursuivre et continuer encore, toujours un pas de plus plus loin, et parfaire, à notre tour, en notre jouissif exercice du lire, la joie infiniment renouvelée des déchiffrages des multiples cryptages de cet écrire poursuivi, en chacun de ses livres, tellement suivis ou plus exactement entre-suivis, l’un après l’autre, et plus encore l’un avec l’autre (ainsi faut-il vraiment tout lire ! et on ne le regrettera fichtrement pas !..) en un opus in fine unique, comme pour Montaigne ou pour Proust, d’Hélène Cixous, au nombre desquels cryptages ceux de l’Inconscient follement joueur, malin, ludique, avec lequel l’autrice joue aussi et d’abord elle-même en son fécond « rêvoir« , après en être elle-même consubstantiellement jouée, en ses rêves nocturnes qu’elle reprend et amplifie de sa propre imageance, en cet actif-passif et follement éclairant « rêvoir« , donc, auquel, de livre en livre, Hélène Cixous se livre,, en la jouissance peu banale, et même réellement extra-ordinaire, du propre plaisir, au présent constamment activé et jubilatoirement ré-activé, de son si passionnant écrire et ré-écrire, à son écritoire fidèle, et en la reprise-lecture-ré-écriture retissée, telle la Pénélope d’Ulysse, de ses anciens cahiers d’écrire ardemment ainsi relus et re-fouillés, et autres carnets de bord, emplis de noms de parents et cousins Jonas (d’Osnabrûck), d’Eve Klein, sa chère et si dynamique mère, infiniment présente et archi-fidèlement revenante, elle même si joueuse et infatigable voyageuse-marcheuse-arpenteuse de par le monde entier, jusqu’en Australie et Nouvelle-Zélande, toujours avec son inusable sac-à-dos et chaussée de ses inusables godasses de marche, et cela jusqu’en son ultime vieillesse de centenaire (Strasbourg, 14 octobre 1910 – Paris, 1er juillet 2013)… : « tant qu’il y aura de l’encre et du papier« , dirait notre cher Montaigne, ainsi que la force et l’énergie d’un souffle de vie, tellement positive : soit les « pulsions de vie » arquées face à la « pulsion de mort« , dirait Freud, pour ce qu’il en est de cette folle fécondissime et géniale énergie d’écrire, et cette fois-ci en ce tellement réjouissant jouissif « Et la mère pond vite un dernier œuf » d’Hélène Cixous (Oran, 5 juin 1937)… _ sur les 137 pages que compte ce livre si délicieux et effrayant tout à la fois de vérité, et suprêmement hilarant, aussi, forcément, face au constat hallucinant des catastrophes qui ne manquent pas de se succéder, à la fois identiques et à la fois autres, chaque fois particulières _ et même singulières _, clamés, de temps en temps _ Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Paul Celan, Vann Nath (page 25), Primo Levi (page 26), et aussi Piotr Rawicz, et puis Imre Kertész, Edith Bruck, etc. _, d’une langue de témoin à une autre langue de témoin de ces successives répétitives catastrophes, et nous tomber dessus, au coin de maintes rues, emportant et mordant et accablant tant et tant de malencontreuses proies qui n’en ont pas échappé _ quand d’autres, qui, eux, ont réussi, comme miraculeusement, à s’en sortir, en gardent pourtant à vie, sans rémission ni guérison jamais, de permanentes cicatrices-séquelles toujours à vif… _ , au passage de leur folie, dans les tourbillons sauvages barbares diablement malins de l’Histoire mondiale, qui n’en sont certes pas, et à jamais, à un vilain tour de cochon près…

« La vie est une chasse, dis-je.

Je suis un lièvre. Pas grand. Je dévale la longue pente blanche à toute vitesse. Si une neige, elle n’est pas froide, ou bien je ne la sens pas. À toute vitesse une grosse pintade me poursuit pour me mettre à mort. La pente est raide. Elle a ses limites. Même si je cours comme l’éclair, il n’y a nulle part où se cacher. Je me retourne, je suis en bas, je suis acculée, je vois l’ennemi, fondre bientôt sur moi. Un dernier recours : terrifier l’ennemi. Il me faudrait un pistolet, l’abattre, je n’ai pas d’arme, ou bien pousser un tel cri qu’il soit épouvanté. Mais les lièvres n’ont pas de voix. Seulement un rêve de cri. Faute de cri, je me brandis moi-même, je deviens petit, noir, dur comme une balle, je vise, puisse l’ennemi me prendre pour une arme, mais pour l’instant l’animal qui charge ne semble pas me voir changée en munition, je n’ai plus d’espace, la distance entre nous diminue, je suis au bord du rêve, au bas de la page je vois ma fin, s’approcher, c’est une grosse pintade grise.

Fin du lièvre. Reste le livre. » , page 14.

Ce dimanche 10 novembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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