Posts Tagged ‘Achante et Céphise

Le revival discographique des joyeux « Paladins » de Jean-Philippe Rameau (2)

31mar

Voici qu’après mon article «  » du 26 février dernier,

ResMusica, sous la plume de Jean-Luc Clairet, publie ce jour une chronique intitulée « Les Paladins de Rameau par la Chapelle harmonique : première intégrale discographique« , consacrée à ce marquant CD du label Château  de Versailles – Spectacles, par la Chapelle harmonique sous la direction de Valentin Tournet…

 

Valentin Tournet parachève le travail commencé par Jean-Claude Malgoire en 1990 (2 CDs Paul Vérany) et poursuivi par Konrad Junghänel en 2010 (2 CDs Coviello Classics) avec cette parution inespérée d’une véritable intégrale (3 CD Château de Versailles Spectacles) de l’avant-dernier opéra de Jean-Philippe Rameau.

« La musique est d’un ennui redoutable. Rameau a paru radoter, et le public lui dit qu’il est temps de dételer. » En 2022, l’on se désolidarise bien évidemment de cette critique de 1760 venue cueillir à chaud la première représentation des Paladins. Heureux fut-il que Rameau ne prît pas la mouche après cet avis assassin à l’endroit du dernier opéra qu’il présenta à son public, car c’eût été priver la postérité des géniales Boréades à venir. Si le succès délaissa bel et bien Les Paladins, supprimé de l’affiche après 15 représentations, ce fut pis pour Les Boréades, jamais représentées _ en effet… _ du vivant de son auteur, où pourtant (piqué au vif ?) il s’était de toute évidence dépassé. Certes, le pénultième opéra n’est pas irrigué de la même eau que l’ultime : pas un numéro des Paladins ne se hisse à la hauteur de l’Air pour les Saisons et les Zéphyrs, de l’Entrée de Polymnie des Boréades. Mais il dégage du déversoir de danses qu’il est une somme de trouvailles orchestrales, une énergie dont la très pop version Christie/Montalvo/Hervieu (DVD Opus Arte) fit une fête mémorable au Châtelet en 2004.

C’est dans ce maelström que plonge le jeune ensemble de Valentin Tournet. L’ambition affichée de sa Chapelle Harmonique (« renouveler l’approche de grandes œuvres… s’intéresser à des versions moins connues ») convainc davantage cette fois qu’à Beaune en 2019 (avec une version révisée, par Rameau soi-même, des Indes Galantes sans l’Entrée des Fleurs). Les Paladins version Tournet (deux heures cinquante au lieu des une heure trois-quarts de Malgoire) sont même plus qu’intégraux, puisque gratifiés de l’addendum de cinq pièces retirées par le compositeur avant la première et de l’Ouverture remplacée consécutivement à l’arrivée à Paris en 1759 de cornistes plus expérimentés. Une prise de son très aérée met en valeur le chœur haut en couleurs, les bois acidulés et joueurs, les cordes veloutées et fougueuses d’une phalange parfois tentée par la précipitation (péché mignon de jeunesse ?), ainsi qu’un arsenal percussif destiné, dixit Valentin Tournet, à « accentuer le caractère dynamique des danses…. une pratique selon toute apparence usuelle à l’époque. »

Les Paladins, en fait une comédie lyrique _ voilà _ , sont la réponse de Rameau à la Querelle des Bouffons (tenants du sérieux de la tragédie lyrique à la française, comme Rameau, versus ceux du bouffe à l’italienne – Rousseau). Le compositeur dijonnais, déjà visionnaire avec sa Platée de 1745, enfonce le clou de son indiscutable protéiformité. Rire ne lui fait pas peur. Choquer non plus : dans ses Paladins, sa version, adaptée par Duplat de Monticourt, du conte de La Fontaine inspiré de l’Arioste Le chien qui secoue de l’argent et des pierreries, le rôle de la fée Manto est confié, comme la plus célèbre des grenouilles, à un chanteur : l’intrigue convenue (un barbon amoureux d’un tendron amoureux d’un bellâtre) se teinte d’une ambiguïté qui interroge forcément lorsque ledit barbon, pour parvenir à ses fins, est contraint de jurer sa foi amoureuse à un homme.

Manto n’apparaît qu’au troisième Acte : de l’Ariette gaye Le Printemps des amants, ou encore le conquérant De ta gravité, Philippe Talbot s’empare avec l’assurance et la musicalité qui sont sa marque. Il aurait pu aussi bien incarner Atis, le jeune premier, attribué à l’impeccable ramiste qu’est une fois encore Mathias Vidal. L’amoureuse de ce dernier est Sandrine Piau, dont la ductilité vocale fait merveille en Argie. Elle délègue la suivante Nérine, qu’elle incarnait au Châtelet, à la pétillante Anne-Catherine Gillet. Nérine préfigure une certaine Blonde mozartienne, comme le garde-chiourme Orcan (impeccable Florian Sempey) un certain Osmin _ de « L’Enlèvement au Sérail« . Complétant cette excellente distribution française, Nahuel di Pierro croque d’une bonhomme noirceur Anselme, le barbon berné par les Paladins.

Moins expérimentés que Christie jadis, moins spectaculaires que Kossenko récemment _ en son superbe « Achante et Céphise« … _, Les Paladins de Tournet imposent la verdeur et l’enthousiasme de la jeunesse. Une jeunesse parfaitement accordée à celle d’un compositeur qui, même sous la surface d’intrigues rebattues, ne radote _ en effet _ jamais.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Les Paladins, comédie lyrique en trois actes sur un livret de Duplat de Monticourt.

Avec : Sandrine Piau, soprano (Argie) ; Florian Sempey, baryton (Orcan) ; Anne-Catherine Gillet, soprano (Nérine) ; Nahuel Di Pierro, basse (Anselme) ; Mathias Vidal, ténor (Atis) ; Philippe Talbot, ténor (Manto) ;

La Chapelle Harmonique, direction : Valentin Tournet.

3 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistrés dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles en décembre 2020.

Livret de 160 pages trilingue (français, anglais et allemand).

Durée totale : 164:59

Ce jeudi 31 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

A propos du répertoire de l’opéra baroque français, de Lully à Rameau et quelques autres : quelques beaux florilèges de scènes et d’airs dans la présente production discographique…

19nov

Ce vendredi 19 novembre 2021,

à mon réveil, où je passe en revue les divers sites de medias d’actualité qui m’intéressent,

 

voici que je découvre cet intéressant article-ci, Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha, de Charlotte Saulneron, sur le site de ResMusica,

qui me permet de faire un retour sur mes propres articles les plus récents à propos de quelques interprétations (discographiques) de ce répertoire baroque français que j’aime tant :

des articles _ plus ou moins développés _ en date des

9 septembre : 

17 septembre 2021 : 

18 octobre 2021 : 

ainsi que celui, en forme d’amorce de discussion avec l’ami Patrick Florentin, en date du

20 octobre 2021 : 

Voici donc cet article d’aujourd’hui, Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha, de Charlotte Saulneron :


Autour des voix baroques de Lully et Rameau pour Alpha

Après avoir mis en lumière Dumesny, haute-contre de Lully, Reinoud van Mechelen, à la fois interprète et directeur de l’ensemble A Nocte Temporis, propose Jéliote. De son côté, Véronique Gens revient au sein du répertoire baroque qui l’a fait connaître après son triptyque autour de la musique française du XIXᵉ siècle.

On pourrait se dire qu’en mettant face à face le nouvel enregistrement « Passion » de Véronique Gens accompagné de l’ensemble Les Surprises, et celui de Reinoud van Mechelenet son ensemble A Nocte Temporis, intitulé « Jéliote, haute-contre de Rameau », on perpétue l’éternelle querelle des Lullystes et des Ramistes, avec la tragédie lyrique au centre de cette controverse esthétique qui démarra à la première moitié du XVIIIᵉ siècle.

Reconnaissons-le, le genre _ de la tragédie lyrique _ est naturellement une composante essentielle de ces deux propositions discographiques du Centre de musique baroque de Versailles : qu’il s’agisse d’un « opéra imaginaire » pour la soprano, élaboré par Louis-Noël Bestion de Camboulas autour d’extraits de tragédies lyriques de Lully et de ces compositeurs qui se firent connaître après sa mort, soit Pascal Collasse (1649-1709), Henry Desmarets (1661-1741) et Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) ; ou d’un parcours artistique retracé autour d’un interprète comme Reinoud van Mechelen le propose avec le chanteur lyrique Pierre Jéliote (1713-1797), qui inspira Rameau, mais aussi François Rebel (1701-1775), François Francœur (1698-1787), Jean-Marie Leclair (1697-1764) ou encore Pierre-Montan Berton (1727-1780) – un air composé par le chanteur Pierre Jélyotte est également présenté dans ce disque.

Mais finalement, et tel que le retrace Benoît Dratwicki (directeur artistique du CMBV), auteur des notices de présentation de ces deux disques, le programme pour Véronique Gens tourne autour de deux interprètes majeures de leur époque : « la » Saint Christophe, qui enchaîna les grands rôles de reines, de mères, de magiciennes et de divinités à l’Opéra entre 1675 et 1682 ; et « la » Le Rochois, qui lui succéda et enchaîna les triomphes à partir de 1683. Ce n’est donc pas des programmes autour de compositeurs, mais bien la volonté de faire entendre à l’auditeur des scènes emblématiques _ voilà ! _ tirées du répertoire de trois chanteurs phares _ oui… _ de la période baroque _ pour lesquelles scènes et pour lesquels chanteurs il s’agit de trouver des interprètes le plus idéalement adéquats possible aujourd’hui…

Pour ce faire, Alpha a naturellement choisi le fleuron du chant baroque français de la scène lyrique actuelle. Véronique Gens et Reinoud van Mechelen partagent un amour du verbe _ oui, et c’est capital : hic Rhodus, hic saltus… _ qui semble incommensurable au regard de la qualité – superbe – de la prosodie de la soprano, et de la clarté – idéale – d’émission du haute-contre _ voilà qui est dit. Pour ce dernier, le défi est double puisqu’à la tête de l’ensemble A Nocte temporis, il sait également séduire par une dynamique constamment renouvelée, mais surtout une palette de couleurs d’une belle finesse _ en effet… De son côté, Luis-Noël Bestion de Camboulas n’est pas en reste avec l’ensemble Les Surprises : par les couleurs également, riches, mais aussi par une cohésion d’ensemble qui donne toute la force à ces pages musicales, renforcée par les Chantres du CMBV qui ne manquent ni d’ampleur dans chaque incarnation _ car tel est le défi d’interprétation à réaliser… _, ni de précision technique dans leurs interventions précises.

Le choix de l’un, soit cinq actes retraçant les émois _ d’où le titre « Passion » du CD _ les plus fabuleux de deux interprètes féminines (« L’appel des enfers », « Malheureuse mère », « Cruel Amour », «Tranquille sommeil, funeste mort », « Médée furieuse »), et le choix de l’autre, de retracer chronologiquement une carrière artistique en quatre étapes (« Les débuts en deuxième plan 1733-1741 », « La percée, les premiers rôles 1741-1750 », « La fin à l’Opéra 1750-1755 », « Un retour à le cour 1762-1765 »), permet de proposer une alternance d’airs plus ou moins connus _ ou cruellement méconnus de nous (et de notre défaut de curiosité)… _, alimentant l’intérêt musical de l’auditeur par la diversité des propositions impulsée par cette ligne éditoriale d’une programmation musicale exaltante _ mais oui !!! _, tout comme l’interprétation vocale et orchestrale qui la porte. Deux merveilles ! _ l’une davantage que l’autre, cependant ;

cf les nuances de mon appréciation, telle que je l’ai confiée à l’ami Patrick Florentin en mon article, un peu synoptique, du 20 octobre dernier :

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : extraits d’Amadis LWV 63, de Proserpine LWV 58, d’Atys LWV 53, du Ballet du Temple de la Paix LWV 69, du Ballet de la Naissance de Vénus LWV 27, du Bourgeois gentilhomme LWV 43, d’Armide LWV 71, de Persée LWV 60, du Triomphe de l’amour LWV 59 et d’Alceste LWV 50.

Pascal Collasse (1649-1709) : extraits d’Achille et Polyxène, de Thétis et Pélée.

Henry Desmarets (1661-1741) : extraits de Circé et de la Diane de Fontainebleau.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : extraits de Médée H 491.

Véronique Gens, soprano ;

Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, direction : Olivier Schneebeli ;

Ensemble les Surprises, direction : Louis-Noël Bestion de Camboulas.

1 CD Alpha.

Enregistré en novembre 2020 à l’Arsenal Cité Musicale de Metz.

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 57:12

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : extraits d’Hippolyte et Aricie RCT 43, de Dardanus RCT 35, de Platée RCT 53, du Temple de la Gloire RCT 59, de Castor et Pollux RCT 32 et des Boréades RCT 31.

François Colin de Blamont (1690-1760) : extrait des Fêtes Grecques et romaines.

François Rebel (1701-1775) et François Francœur (1698-1787) : extrait de Scanderberg.

Charles-Louis Mion (1698-1775) : extrait de Nitétis.

Pierre de Jéliote (1713-1797) : extrait de Zélisca.

Jean-Marie Leclair (1697-1764) : extrait de Scylla et Glaucus.

Antoine Dauvergne (1713-1797) : extrait des Amours de Tempé.

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) : extraits de Daphnis et Alcimadure op. 9.

Pierre-Montant Berton (1727-1780) : extrait d’Erosine.

Jean-Benjamin de La Borde (1734-1794) : extrait d’Ismène et Isménias.

A Nocte Temporis ; direction et haute-contre : Reinoud van Mechelen.

1 CD Alpha.

Enregistré en septembre 2020 à Amuz (Anvers).

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée : 78:51

 

Voilà un point un peu utile sur ce meveilleux répertoire encore trop tristement négligé des divers chainons de la production opéra tique et discographique, tout particulièrement en France…

Même si la réalisation d’un CD de florilège d’airs ou de scènes semble, bien évidemment, un peu plus à la portée des moyens des productions discographiques que de ceux des réalisations scéniques d’opéras complets…

Et je ne veux pas manquer de saluer ici, au passage, et avant d’y consacrer bientôt un article spécifique,

le double CD _ Erato 0190296693946 _ vraiment superbe (!) de l’Achante et Céphise, ou la Sympathie, Pastorale héroïque en trois actes de Jean-Philippe Rameau, sur un livret de Jean-François Marmontel (créée en 1751),  par Les Ambassadeurs et La Grande Ecurie, sous la direction, très enlevée et raffinée, comme il se doit, d’Alexis Kossenko :

une réalisation discographique que m’avait chaleureusement recommandée, il y a un mois, le très éminent ramiste qu’est l’ami Patrick Florentin…

Cf déjà ici cette très brève vidéo de 2′ 30 de la loure de l’Entrée des suivants du Génie, de l’acte I, scène 6, de cet Achante et Céphise de Rameau, enregistrée au Concergebouw de Bruges, par les Ambassadeurs sous la direction d’Alexis Kossenko…

Ou aussi cette vidéo de l’intégrale de l’œuvre, par les Ambassadeurs et Alexis Kossenko, enregistrée au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris…

Ainsi voilà enfin rendu accessible aux oreilles des mélomanes qui en étaient privés depuis 1750 un fort bel ouvrage de Rameau, d’une durée d’un peu plus de deux heures de merveilleuse musique

Ce vendredi 19 Novembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur