Posts Tagged ‘Aristote

La « libre inspiration d’après Diderot » du « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret _ ou l’éloge d’un sublime amour vrai : un apport cinématographique magnifique à l’oeuvre de Diderot…

16jan

L’assez étonnant hasard _ eu égard à la série de mes présentes réflexions suivies autour d’Emmanuel Mouret et Denis Diderot ; cf mes tout récents articles des 8, 9, 13 et 15 janvier derniers : « « , « « , «  » et « «   _ de la programmation par Arte, ce jour, lundi 16 janvier 2023, à 13h 35, du film « Mademoiselle de Joncquières« , que j’avais seulement jusqu’ici vu et revu, à ma guise, en DVD,

me donne une magnifique occasion de me pencher davantage, et mieux que je ne l’avais fait jusqu’ici, sur le personnage même de Mademoiselle de Joncquières, telle qu’Emmanuel Mouret nous amène _ avec les yeux, aussi, du marquis des Arcis ! et ce point de vue-là est bien sûr capital ! D’autant que c’est aussi et surtout celui d’Emmanuel Mouret lui-même ; en étant celui qu’il désire, in fine (mais aussi, et c’est capital !, dès les premiers dialogues, de badinage amoureux apparemment très innocent, à l’ouverture de son film, avec les très significatifs – mais on ne s’en rendra vraiment compte que bien plus tard – échanges dont Emmanuel Mouret nous rend témoins – mais y prêtons-nous à ce moment toute l’attention nécessaire, à l’égard de personnages que nous commençons à peine à découvrir alors ? Probablement pas vraiment ! Car ce n’est alors pour nous, en ce tout début de film, qu’un innocent badinage amoureux, en un sublime lumineux parc de château… – entre Madame de La Pommeray et le marquis des Arcis faisant sa cour, sur les responsabilités effectives de ce qui vient déclencher la séduction amoureuse ; soit le dilemme suivant : est-ce bien le marquis qui entreprend délibérément et sciemment d’habiles (et peu honnêtes) manœuvres de séduction à l’égard des nombreuses et successives « victimes«  de son libertinage ?, ainsi que l’en accuse en badinant Madame de La Pommeraye ; ou bien plutôt n’est-ce pas lui qui, tout à fait innocemment (et très honnêtement même), se trouve à son corps défendant, innocemment – il faut y insister – séduit de facto par leurs charmes à elles ?, comme se défend – déjà –très clairement ici le marquis des Arcis – qui ne tombera vraiment amoureux, pour la première, et peut-être unique, fois, que quand il apprendra à connaître vraiment cette Mademoiselle de Joncqières par laquelle Madame de La Pommeraye avait cru vilainement l’abuser… –, mais nous ne sommes pas encore alors, nous spectateurs qui découvrons l’intrigue qui commence tout juste à se mettre en place, vraiment prêts à y accorder toute l’attention nécessaire…), nous faire prendre, nous spectateurs de son film, au moins en considération, sinon absolument le partager ; et cela à la différence du malicieux (et jubilatoire) jeu d’auteur de Diderot, au final volontairement bien plus ambivalent, lui – car, lui, Diderot, auteur, veut insister sur la très effective infinie diversité des points de vue des monades sur le monde : à la Leibniz… ; avec cette conséquence tant éthique que métaphysique que c’est à chacun d’entre nous d’y orienter et faire jouer notre propre libre-arbitre de personne plus ou moins responsable… –, de son « Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis«  _ à la considérer tout du long de sa présence à l’écran,

dès le moment de son apparition, à elle, Mademoiselle de Joncquières, quand la marquise de La Pommeraye, qui l’a « recrutée« , lui fait passer l’épreuve de son « casting » pour le rôle de très jolie mais durablement inflexible « dévote » qu’elle lui destine _ à 32′ 04 du film _ celle qui n’est alors que la fille « d’Aisnon« , une catin de tripot, et jusqu’à son départ avec son époux, et pleinement devenue marquise des Arcis, pour rejoindre pour environ trois années la plus paisible campagne du marquis des Arcis, avant de regagner, rassérénés qu’ils pourront être alors, après ce raisonnable délai d’apaisement des bavardages mondains, leur maison de Paris _ à la minute 100′ de ce film de 105′.

Car jusqu’à ce nouveau regard d’aujourd’hui sur cet extraordinaire film d’Emmanuel Mouret,

mon attention s’était portée en priorité sur les patientes péripéties, centrales il est vrai, de la vengeance de Madame de La Pommeraye à l’égard de son amant, le marquis des Arcis, qui l’avait vilainement bien déçue et profondément blessée en son amour propre _ les réputations des personnes étant assurément puissantes dans le monde – et c’est là aussi un cadre social et moral tout à fait décisif de la situation que nous présente ici en son merveilleux film Emmanuel Mouret : même éloignés de tout (et de presque tous : sauf, pour ce qui concerne Madame de La Pommeraye, de ce bien précieux personnage inventé ici par Emmanuel Mouret par rapport au récit de Diderot, qu’est cette amie-confidente go-between, qui vient de temps en temps lui rapporter, alors qu’elle-même prend bien soin de se tenir retirée en la thébaïde de sa belle campagne, ce qui se bruisse dans Paris, où l’on voit tout… et rapporte tout !) ; en conséquence de quoi les regards du « monde » (mondain !) des autres pèsent de leur non négligeable poids pressant sur la conscience et le choix des actes de la plupart des personnes (qui y cèdent ; y compris donc Madame de La Pommeraye qui fait de ce qu’en dira-t-on l’arme tranchante de sa vengeance ; à part quelques très rares un peu plus indifférents (et surtout finalement résistants au poids de ces normes mondaines-là), tels qu’ici, justement, et le marquis des Arcis, et Mademoiselle de Joncquières, qui se laissent, au final du moins (et là est le retournement décisif de l’intrigue !), moins impressionner pour le choix de leur conduite à tenir par les normes qui ont principalement cours dans le monde, ainsi qu’Emmanuel Mouret le fait très explicitement déclarer, voilà, au marquis des Arcis à sa récente épouse, pour, en un très rapide mot, lui justifier son pardon (pour s’être laissée instrumentaliser en l’infamie ourdie par Madame de La Pommeraye : « Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme ; mais ne croyez pas, monsieur que je sois méchante : je ne le suis pas« , venait-elle de lui signifier… Emmanuel Mouret faisant alors explicitement dire au marquis, à 95′ 47 du déroulé du film, ce que ne lui faisait pas dire Diderot, mais qu’impliquait cependant, bien sûr, l’acte même, fondamental, du pardon de celui-ci envers son épouse : « _ Je ne crois pas que vous soyez méchante. Vous vous êtes laissée entraîner par faiblesse et autorité à un acte infâme. N’est-ce pas par la contrainte que vous m’avez menti et avez consent à cette union ? _ Oui monsieur _ Eh bien, apprenez que ma raison et mes principes ne sont pas ceux de tous mes contemporains : ils répugnent à une union sans inclination » ; c’est-à-dire que lui, marquis des Arcis, savait donc oser ne pas se plier aux normes courantes des autres, et se mettre au-dessus de ces normes communes, en acceptant et assumant pleinement, en conscience lucide et entière liberté, d’avoir fait, en aveugle piégé qu’il était au départ, d’une ancienne catin son épouse : « Levez-vous, lui dit doucement le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…« … Oui, le marquis des Arcis, ainsi que sa désormais épouse, tous deux, savent, à ce sublime héroïque moment-ci, s’extraire, non seulement, bien sûr, de toute la gangue de leur passé, mais du bien lourd poids aussi des normes dominantes et des regards d’enfermement des autres… Ce qui est aussi, au final, ce que Diderot lui-même a voulu lestement et subtilement mettre en valeur en son magnifique récit à rebondissements qu’est ce « Jacques le fataliste et son maître » _ non publié cependant de son vivant, mais seulement laissé au jugement un peu plus distancié de la postérité…

Avec cette conséquence que les dames D’Aisnon, mère et fille

_ un peu trop confondues, au moins d’abord, en un quasi indissociable duo dans leur instrumentalisation terrible par la marquise ; la fille n’étant à son tour presque jusqu’à la fin qu’un docile instrument entre les mains de sa propre mère ; avant, au moment seulement de la décision de son mariage avec le marquis des Arcis, de commencer à regimber enfin, et à faire entendre une voix personnelle sienne ; elle jusqu’alors quasi en permanence muette, et presque toujours les yeux baissés ; la jeune fille ayant alors dû cette fois-là encore s’incliner malgré tout devant sa mère… Une parfaite libre parole sienne ne s’élevant enfin que lors de la confrontation frontale, face au marquis, quelques jours plus tard, celui-ci étant devenu son mari ; un mari qui, de colère et de honte (pour sa réputation ruinée), avait d’abord très précipitamment quitté Paris « sans qu’on sût ce qu’il était devenu« , puis, étant revenu « quinze jours«  plus tard (page 208) à leur domicile, en une sublime scène de vérité, auprès du feu ; et leur union charnelle n’ayant toujours pas été (dans le film, mais pas dans le récit rapporté par Diderot, et cela par profonde délicatesse de l’époux envers son épouse) consommée ; tous détails ayant leur poids sur le sens profond de l’affaire de ce bien « singulier mariage« 

Ainsi dans le récit de l’hôtesse donné par Diderot à la page 174 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître« , voici comment le récit ainsi rapporté nous présente l’idée (et l’identité) des instruments de la vengeance que commence à élaborer et mettre au point Madame de La Pommeraye :  »À force d’y réver, voici ce qui lui vint en idée : Mme de La Pommeraye avait autrefois connue une femme de province (sans précision supplémentaire) qu’un procès (pour quels motifs ? Cela est laissé dans le vague par l’hôtesse qui le rapporte, en absence de davantage de connaissance de tout cela de sa part…) avait appelée à Paris, avec sa fille, jeune, belle et bien élevée (bonne éducation dont les raisons ne sont pas davantage ici précisées ; mais qui auront leur poids dans la présentation que va nous en donner le film…). Elle avait appris que cette femme, ruinée par la perte de son procès (toujours sans précisions…), en avait été réduite à tenir tripot« , nous dirions un bordel…

Nous voyons donc là combien le film d’Emmanuel Mouret donne, par le détail admirable des précisions qu’il vient, et cela tout au long du film, apporter, infiniment plus de consistance, et à l’intrigue même, déjà, mais aussi et surtout au caractère de ce personnage-pivot – voilà ! – qu’est sa Mademoiselle de Joncquières, doublement de noble extraction ici (et par son père duc « de Grimaud« , et par les parents de sa mère : son grand-père baron « Bolinsky » et sa grand-mère « comtesse de Montois« ), que le récit bien plus elliptique, via le récit bousculé de l’hôtesse, de Diderot, n’aidait guère, en effet, à étayer la puissante déclaration finale, à celui qui vient, il y a quinze jours à peine, de devenir son époux, de la toute nouvelle marquise des Arcis, à la page 210 : « Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née (voilà !) digne de vous appartenir«  _,

avec cette implication cruciale qui faisait que les dames D’Aisnon, mère et fille, étaient principalement et surtout de simples instruments de la perfide vengeance de Madame de La Pommeraye d’où la malicieuse remarque que fait dire au maître de Jacques, à la page 212, Diderot, Brecht avant Brecht en quelque sorte :

« Notre hôtesse, vous narrez assez bien ; mais vous n’êtes pas encore profonde dans l’art dramatique. Si vous vouliez que cette jeune fille intéressât _ vos deux auditeurs que sont alors Jacques et son maître, et par suite les lecteurs du conte de l’hôtesse rapporté par Diderot _, il fallait lui donner de la franchise, et nous la montrer victime innocente et forcée de sa mère et de La Pommeraye, il fallait que les traitements les plus cruels l’entrainassent, malgré qu’elle en eût _ davantage forcée, donc _, à concourir à une suite de forfaits continus pendant une année ; il fallait _ vraiment _ préparer ainsi ( voilà ! rendre un peu plus vraisemblable, voire un peu prévisible – et c’est ce travail-là que réussit très finement et admirablement le film d’Emmanuel Mouret –) le raccommodement _ final _ de cette femme avec son mari. Quand on introduit un personnage sur la scène, il faut que son rôle soit un : or je vous demanderai, notre charmante hôtesse, si la fille qui complote avec deux scélératesses est bien la femme supposée que nous avons vue aux pieds de son mari ? Vous avez bien péché contre les règles _ ici celle d’unité d’action _ d’Aristote, d’Horace, de Vida et de Le Bossu.« 

Ce à quoi le délicieux Diderot, qui tire les diverses ficelles de son récit à multiples emboîtements et rebondissements (et c’est bien le réalisme du rendu de la vie, qui, lui, l’intéresse, en son propre art du récit), fait joliment rétorquer du tac au tac à son truculent personnage de l’Hôtesse, pages 212-213 :

« Je ne connais ni bossu, ni droit : je vous ai dit la chose comme elle s’est passée, sans en rien omettre, sans rien y ajouter. Et qui sait ce qui se passait au fond du cœur (voilà !) de cette fille, et si, dans les moments où elle nous paraissait agir le plus lestement, elle n’était pas secrètement dévorée (in pectore, voilà…) de chagrin ? »

Et c’est bien cela, ce « fond du cœur«  gardé « secret«  là, de la jeune fille, que son mutisme, si bien montré (et d’abord si superbement incarné par le jeu très fin des acteurs) tout au long par les images du film, et sublimé par l’ardente intensité du rebondissement final de la très sincère déclaration contrite à son époux de Mademoiselle de Joncquières devenue marquise des Arcis, ainsi que le très effectif et très beau pardon (envers elle) ainsi que le remords (envers lui-même) de son époux le marquis, si parfaitement évidents à l’image, nous rend in fine si cohérents – voilà ! – en la tension, formidablement incarnée ainsi à l’écran, de leur puissant très haut différenciel dramatique…

C’est en cela qu’Emmanuel Mouret rend merveilleusement bien à l’image l’esprit le plus profond de Diderot : le (un long moment) libertin Marquis des Arcis et la (un peu moins long moment, mais c’est qu’elle est plus jeune que lui) ci-devant catin d’Aisnon mademoiselle de Joncquières (« La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée« , fait déclarer à celle-ci Diderot, à la page 210), en la très pénible épreuve de plus d’une année qu’a imposée à chacun d’eux la très vindicative Madame de La Pommeraye, qui, en leur ayant donné l’incroyable occasion « singulière » de leur improbable rencontre, leur a en réalité offert les circonstances et les moyens paradoxaux (« En vérité, je crois que je ne me repends de rien ; et que cette Pommeraye, au lieu de se venger m’aura rendu un grand service« , fait dire Diderot au marquis des Arcis à la page 211) de se révéler – voilà ! – l’un à l’autre, ainsi qu’à eux-mêmes aussi – mais oui ! –, le plus profond et le plus vrai, jusqu’alors enfoui et pas encore découvert, de leur cœur…

Ayant d’abord consenti à l’acceptation de sa mère de bien vouloir aider, par un sournois jeu de rôles (de catins, extraites de leur tripot, et si bien déguisées plusieurs mois de suite en inflexibles dévotes), Madame de La Pommeraye à piéger le marquis des Arcis afin de lui faire payer cher ce que Madame de La Pommeraye leur présentait comme une inconséquence traîtresse du marquis des Arcis, celle que, de demoiselle Duquênoi chez Diderot, Emmanuel Mouret a transformée, en son film, en Mademoiselle de Jonquières _ dont la mère, aussi, est une fille (apprenons-nous à 86′ 20 du film, par ce qu’en révèle cette mère à Madame de La Pommeraye ; et ces précisons-là, le marquis des Arcis, lui, ne les détiendra pas encore, au moment de son sublime pardon à sa jeune épouse..). née de l’union adultérine, voilà, d’une comtesse (la comtesse de Montois) et d’un baron (le baron Bolinsky) ; elle-même étant, à son tour, fille naturelle d’un duc (le duc de Grimaud) ayant abusé de la naïveté de sa mère, traitreusement trompée d’avoir cru, bien à tort, bernée qu’elle a été, avoir véritablement épousé ce duc, père de son enfant !

Ces divers noms étant absents du texte de Diderot, c’est-à-dire du truculent récit (indirect) de la plantureuse hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, qui n’entrait forcément pas en de  tels détails, n’ayant pas, et pour cause, reçu de témoignage direct de ces dames !.. : précisions bienvenues que permet et offre en revanche le film, en nous donnant, lui, directement accès, à nous spectateurs, à la parole de chacun des personnages de l’intrigue de ce « saugrenu«  et « singulier » (ces qualificatifs sont donnés par Diderot à la page 146, par l’hôtesse, puis par le maître de Jacques) mariage, dont s’enchante délicieusement à narrer les péripéties à rebondissements la truculente hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, que nous fait écouter, en nous tenant à son tour en haleine, nous ses lecteurs, Diderot ; récitante intermédiaireet indirecte que le film d’Emmanuel Mouret peut et doit, lui, se permettre d’effacer… _

Mademoiselle de Joncquières, donc, finit par proclamer _ d’abord auprès de sa mère, peu avant le mariage auquel elle se trouve acculée contre son gré et auquel elle accepte à contre-cœur, de consentir, se plier ; puis devant celui que la cérémonie qui vient d’avoir eu lieu a transformé en son mari (même si, et cela seulement dans le film, mais pas dans le récit de l’hôtesse et donc de Diderot, la délicatesse – en acte – du marquis des Arcis a repoussé le moment d’en faire, dans le lit désormais conjugal, charnellement sa femme), après ce qui devient dans le film d’Emmanuel Mouret, d’abord, une tentative de suicide (en s’étant jetée dans la Seine), puis une tentative de fuite (elle a été rattrapée) hors du domicile désormais conjugal : péripéties non présentes dans le récit de l’hôtesse chez Diderot (ni, a fortiori, à ce degré de tragique qui est celui du film..) ; actes tragiques qui viennent renforcer notre évidence de spectateurs de la profondeur des convictions de fond de Mademoiselle de Joncquières ; et que reconnaît alors, très vite, quasi immédiatement, dans le récit de l’hôtesse et de Diderot, comme dans le film d’Emmanuel Mouret, son mari le marquis des Arcis, touché au cœur quasi sur le champ, là, par ce que lui déclare là sa maintenant épouse, et qui, non seulement la désire plus que jamais, mais bien mieux encore l’aime profondément vraiment… _ sa profonde détestation du mensonge, et le très haut _ sublime ? _ souci de la dignité à reconquérir _ ou plutôt déjà reconquise, là, immédiatement aux yeux de son désormais époux, le marquis : sublimes, tous deux, ils se font, dés cet instant (proprement magique !), l’un à l’autre et mutuellemment, entière confiance ! _ de sa personne ;

que sait aussi lui reconnaître alors, donc, et pleinement, absolument, son maridéjà chez Diderot, mais très vite, et peut-être sans assez de détails, aux pages 210-211 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître » _ comme viennent encore le reconnaître implicitement les remarques adventices finales de Diderot _ – en auteur soucieux de répondre à d’éventuelles objections d’insuffisance de vraisemblance de son récit – à propos du caractère un peu trop rapide et elliptique de son propre récit, et se permettant d’intervenir, lui, aux pages 214 à 216, une fois achevé le récit rapporté par lui de l’hôtesse : « Et vous croyez lecteur que l’apologie de Mme de la Pommeraye est plus difficile à faire ? Permettez donc que je m’en occupe _ intervient-il alors, et à son tour, après avoir donné la parole – déjà critique à l’égard de la partialité du récit de l’hôtesse – au maître de Jacques juste auparavant, aux pages 212 à 213  _ un moment« , intervient en effet en son récit Diderot, à la page 214 ; pour conclure son plaidoyer envers le point de vue de Madame de La Pommeraye ainsi, à la page 216 : « Si le premier mouvement (de ressentiment et volonté de se venger) des autres est court, celui de Mme de La Pommeraye et des femmes de son caractère est long. Leur âme reste quelquefois toute leur vie comme au premier moment de l’injure ; et quel inconvénient, quelle injustice y a-t-il à cela ? Je n’y vois que des trahisons moins communes ; et j’approuverais fort une loi qui condamnerait aux courtisanes celui qui aurait séduit et abandonné une honnête femme : l’homme commun aux femmes communes.« _ ;

mais de tels détails _ peut-être pas assez précisés par Diderot au fur et à mesure de son écriture alerte et volontiers désinvolte, mais c’est par profond souci de réalisme auprès de ses lecteurs !, dans ce que lui, Diderot, vient rapporter du récit déjà bousculé de l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf à ses deux interlocuteurs que sont ses hôtes de passage Jacques et son maître _, les très belles images rouges _ et le jeu parfaitement sobre et retenu de ces parfaits acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer _ de cette sublime décisive séquence viennent fort heureusement les éclairer  :

 

« Levez-vous, lui dit doucement _ et tout est, en effet, éminemment doux dans ces images décisives du film… _ le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans _ soi-même _ le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse _ les deux étant absolument liés _, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…«  ;

le film montrant magnifiquement tout cela par le jeu retenu, sobre, mais sublimement clair des deux acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer ; Emmanuel Mouret pouvant se permettre, de sa toujours très délicate élégance, de shunter le geste conclusif (« Embrassez-moi« ) de cette fondamentale séquence de mutuelle reconnaissance de dignité, et amour vrai, des deux époux…

Et qu’on relise alors ici ce que Diderot fait dire _ toujours en rapportant, ne l’oublions jamais, le récit volontairement un peu bousculé et précipité de l’hôtesse à ses deux interlocuteurs à l’auberge où celle-ci les reçoit _ immédiatement auparavant, page 210, à la toute récente épousée du marquis des Arcis :

« Je ne suis pas encore digne _ au moment même où cette déclaration même vient révéler et fait immédiatement reconnaître aussi cette dignité-là, profonde et fondamentale, de sa personne ! _ que vous vous rapprochiez de moi ; attendez, laissez-moi seulement l’espoir du pardon _ et ce pardon est immédiat !.. Tenez-moi loin de vous _ ce ne sera pas pour longtemps : l’instant même de la réponse et du geste sublimes de son mari : « Embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous« , pages 210-211… _ ; vous verrez ma conduite ; vous la jugerez _ et l’accord profond entre eux est alors instantané _ : trop heureuse mille fois, trop heureuse si vous daignez quelquefois m’appeler ! Marquez-moi le recoin obscur de votre maison où vous permettez que j’habite ; j’y resterai sans murmure. Ah ! si je pouvais m’arracher le nom et le titre qu’on m’a fait usurper, et mourir après ; à l’instant vous seriez satisfait ! Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme _ voilà ! _ ; mais ne croyez pas, monsieur, que je sois méchante ; je ne le suis pas _ non, elle ne l’est en effet pas _, puisque je n’ai pas balancé à paraître devant vous quand vous m’avez appelée, et que j’ose à présent lever les yeux sur vous et vous parler. Ah ! si vous pouviez lire au fond de mon cœur _ et voilà qu’à l’instant même le marquis, son mari, lit on ne peut plus clairement en son cœur !.. _, et voir combien mes fautes passées sont loin de moi ; combien les mœurs de mes pareilles me sont étrangères ! La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée _ voilà ! La rédemption, par l’amour vrai du marquis qui admire son épouse, a eu lieu _ Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née digne de l’honneur _ voilà ! _ de vous appartenir. Ah ! s’il m’eût été libre de vous voir, il n’y avait qu’un mot à dire, et je crois que j’en aurais eu le courage. Monsieur, disposez de moi comme il vous plaira ; faites entrer vos gens : qu’ils me dépouillent, qu’ils me jettent la nuit dans la rue : je souscris à tout. Quel que soit le sort que vous me préparez, je m’y soumets : le fond d’une campagne, l’obscurité d’un cloître pour me dérober à jamais à vos yeux : parlez, et j’y vais. Votre bonheur n’est point perdu sans ressources, et vous pouvez m’oublier…« .

…surrise

C’est donc le parti de l’événement éminemment surprenant _ et bouleversant _ de la découverte de la très effective réalité bousculante, totalement imprévue et absolument impréparée _ une surprise ! _, d’un pur et tout à fait sincère amour _ honnête, digne et _ vrai, qui survient _ telle une mutuelle résilience réalisée réciproquement… _ d’une rencontre machiavéliquement machinée, au départ, contre eux deux,

que,

ici, pour cette ancienne catin forcée qu’avait été jusqu’alors Mademoiselle de Joncquières, « la ci-devant d’Aisnon« , et pour ce libertin avéré qu’avait été jusqu’alors le marquis des Arcis _ et de même, encore, qu’en chacun des autres films, au-delà des apparences délicieuses d’un virevoltant (ou parfois, aussi, maladroit) marivaudage, d’Emmanuel Mouret _,  prend ici on ne peut plus décidément parti Emmanuel Mouret.

Tel est donc, à mes yeux, le principal apport du film « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret, à l' »Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis« , extraite du « Jacques le fataliste et son maître » de Denis Diderot.

Bravo !

Le résultat de cette « libre adaptation » _ comme l’indique à la volée, sur une superbe musique pour cet instrument rare qu’est le pantaléon, de Johann-Georg Reutter (Vienne, 6 avril 1708 – Vienne, 11 mars 1772), le très beau générique (rouge) d’ouverture du film : un pizzicato à ré-écouter ici par le magique dulcimer de Margit Übellacker et l’ensemble La Gioia Armonica, dirigé par Jürgen Banholzer (en le CD Ramée 1302 : ce très beau CD fait partie de ma discothèque personnelle) : une musique merveilleusement appropriée à la sublime délicatesse du film _ du texte de Diderot par l’art du cinéma d’Emmanuel Mouret

est tout simplement magnifique.

Délectez-vous-en !

Ce lundi 16 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Barack Obama : le réalisme de la probité (ou l' »audace d’espérer ») : une « refondation » _ et peut-être pas pour l’Amérique seulement…

25jan

Un intéressant _ mais aussi (un peu) ambigü ! _ article (de Christophe De Voogd) sur le riche site de NonFiction, le 20 janvier :

« Cicéron « speechwriter » d’Obama ? : l’éloquence revient à la Maison-Blanche« 
[mardi 20 janvier 2009 – 18:00]


lui-même d’après l’article _ important, pionnier ! _ de Charlotte Higgins « The new Cicero« 
(sous-titré : « Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed,
but one of their most interesting aspects is the enormous debt they owe to the oratory of the Romans
« )
dans The Guardian du 26 novembre :


Ou : quand l’art oratoire antique aide à comprendre pourquoi _ à éclaircir, cependant : quelle est la position, in fine, de l’auteur de l’article ? _ le nouveau président américain a été élu : une étude en règle du « style obamien » _ un objet d’analyse plus qu’intéressant !!! Tel est, en effet, le « chapeau » de l’article de Christophe De Voogd, sur la page de NonFiction…

Voici donc, tout d’abord, l’article de Christophe De Voogd

_ surligné et « farci », selon ma coutume sur ce blog, de mes commentaires (parfois critiques)

Même si l’adresse inaugurale _ d' »inauguration » de son mandat présidentiel, plutôt ! _ du nouveau président américain ne constitue pas, à première vue

_ surtout pour qui a eu le tort (comme moi-même, aussi) de le suivre en direct traduit en français sur une des chaînes de la télévision française, plutôt que de l’écouter « directement » sur CNN, par exemple (et maintenant sur You Tube) :

et l’anglais de Barack Obama est admirable de netteté comme de force ! si puissante est l' »actio » d’abord de sa voix… _,

son meilleur discours,

elle confirme qu’avec Barack Obama, l’éloquence fait son grand retour à la Maison-Blanche
après des décennies de « communication » et d’appauvrissement du discours présidentiel américain

_ statistiquement analysé par Elvin Lim dans « The Anti-intellectual Presidency« .

De fait, l’arsenal rhétorique d’Obama
_ servi de plus par des qualités (élégance, voix, gestuelle
_ oui ! _) décisives à l’actio  (certes !) de l’orateur _
a de quoi impressionner.


On retrouve, peu ou prou, les mêmes caractéristiques dans tous ses grands discours,
depuis celui de la convention démocrate de 2004 _ le 27 juillet, à Boston ; cf « L’Audace d’espérer » ; qui investissait John Kerry… _, qui a lancé sa carrière nationale,
jusqu’à son Victory speech du 4 novembre _ 2008 _,
en passant par le plaidoyer d’anthologie pour la réconciliation interraciale à Philadelphie en mars dernier _ le 18 mars _
et le discours de Berlin sur les relations États-Unis/Europe en août _ en fait le 24 juillet 2008…

Et même le discours d’investiture du 20 janvier _ 2009 _, nous le verrons, s’intègre parfaitement dans ce « style obamien »,
dont la richesse _ quand « le style, c’est l’homme même » (dixit Buffon en son « Traité du style« ) !.. _ fait du 44ème président des États-Unis un « nouveau Cicéron«  (Charlotte Higgins dans The Guardian du 26 novembre) _ mais pas seulement « en paroles » ; l’enjeu est profond ! intègrant rien moins qu’une « vision » de civilisation…


L’abondance des figures utilisées est un premier signe de cette richesse _ de la pensée, et pas rien que de la forme : une poiesis (et grande !) y est à l’œuvre ! _ : allitérations, anaphores (répétitions initiales d’une phrase à l’autre), antithèses, rythmes ternaires, questions et précautions oratoires, concessions, dialogisme (échange imaginé avec des interlocuteurs absents), ainsi qu’un goût prononcé pour la métonymie, détail qui frappe l’imaginaire _ ou plutôt la pensée même mise en mouvement ! rien des voies pernicieuses des faux fuyants (à impasses…) romantiques ! ou des manœuvres trompeuses des « communiquants » qui florissent de par le monde depuis trop longtemps ! _ bien plus que le concept générique ou l’idée abstraite : pour parler d’écologie, par exemple, point de chiffres, ni de considérations savantes sur le réchauffement climatique, mais une évocation concrète : « tandis que nous parlons, des voitures à Boston et des usines à Beijing font fondre la calotte glaciaire dans l’Arctique, réduisent le littoral sur l’Atlantique, et amènent la sècheresse dans les fermes, du Kansas au Kenya » (discours de Berlin).

Le jeu subtil sur les trois registres aristotéliciens du discours est une autre force du style obamien :

importance de l’ethos, c’est-à-dire du caractère _ ou de l’identité (personnelle et riche des éléments qui la constituent et « composent »), en son « génie » propre (et singulier) _ de l’orateur lui-même, qui aime _ mais sans narcissisme (mal venu, lui !), ni incitation insidieuse à mêler improprement projections (sur) et identifications (à) un autre (malsainement idolâtré) à l’image de soi _ souligner les différentes facettes _ ou sources abondées _ de sa personnalité (à commencer par sa double origine ethnique) ; et recourt de façon systématique au « storytelling » personnel _ aux usages souvent ambigüs et malsains : quand ils ne recherchent que de trompeuses projections faussement identificatives ! sur le modèle des « stars » ; cf le livre d’Edgar Morin : « Les Stars« … _ :

ainsi dans presque tous ses discours, la saga _ est-ce donc de cela qu’il s’y agit ?.. non ! _ de son père kenyan.

Le pathos, le ressort affectif, est l’autre registre majeur d’Obama,
incarné par un appel systématique _ une recette, donc, pour l’auteur de l’article ?.. _ aux valeurs et aux mythologies _ est-ce vraiment le terme adéquat ? non ! _ identitaires : liberté, bonheur, foi, pères fondateurs, etc… _ s’agit-il donc là de « mythes » ? j’espère bien que non !!! ne pas confondre avec les contrefaçons de bien des politiciens et praticiens de la « com' » ; en France, pour commencer… _ ;

là encore le procédé _ le « geste » rhétorique est-il nécessairement un « procédé » : « truqueur » et mensonger ? _ du « storytelling » à fonction métonymique est roi :

ainsi, le 20 janvier, pour évoquer _ superficiellement ?.. _ l’esprit de sacrifice, il met en avant les soldats « morts à Concord, Gettysburg, en Normandie et à Khe Shan » ;

ou, pour illustrer l’indispensable _ pour qui ? serait-ce là quelque trait d’ironie ?.. surtout quand tant d’autres l’estiment fort « dispensable » !.. _ solidarité citoyenne : « C’est la gentillesse de ceux qui accueillent _ ah ! l’hospitalité ! _ un étranger lorsque les digues sont rompues, c’est l’altruisme _ au temps (thatchérien, reaganien, etc…) de l’utilitarisme réaliste (égoïste ; et haineux : pour le concurrent ; ou l’autre, tout-court ! matiné, il est vrai, d’une « larme » _ mesurée, cependant : dosée au plus juste ! _ de « compassionnel »…) _ des travailleurs qui préfèrent _ par « socialisme » ?.. Obama s’en est vu accuser (par McCain)… _ réduire leurs heures de travail _ et les partager ; cf la « loi » (si aisément vilipendée et brocardée par certains) des « 35 heures » !!! chez nous _ plutôt que de voir son ami perdre son emploi » ; etc…

Quant au logos, l’appel à la raison,

il est également présent,

notamment à travers l’utilisation _ cardinale selon Aristote (in sa « Rhétorique« … : un « basique » !..) _ de l’enthymême (ou syllogisme oratoire) fondé sur  l’analogie : « Si nous avons pu créer l’OTAN pour faire plier l’Union soviétique, nous pouvons nous retrouver dans un partenariat nouveau et global pour démanteler les réseaux qui ont frappé à Madrid et à Amman«  (discours de Berlin).

Mais le plus intéressant _ et le plus ingénieux (oui !..) _ se trouve sans doute dans la façon dont Obama mêle les trois registres :

l’émotion est toujours sollicitée dans l’ethos :

ainsi lorsqu’il souligne l’humilité et l’humanité _ vraies _ de ses grands-parents (des deux côtés !) ;

inversement, les passages les plus affectifs sont soigneusement ponctués de connecteurs logiques (« c’est pourquoi« , « donc« ).

L’on est également frappé par la rigueur de la construction de discours souvent très longs,
dont les différents moments sont savamment _ comment le prendre ? _ reliés par des relations d’analogie et des images récurrentes :

« les ponts » _ à construire _ et les « murs » _ à abattre _ (discours de Berlin),

le long « voyage » de l’Amérique (20 janvier) _ ne sont-ce là que « figures de style » ? ou axes et sources vives d’un (grand) projet politique démocratique ? Qu’en pense Christophe De Voogd, l’auteur de cet article ?

Par ailleurs, jouant _ le mot n’est pas, lui non plus, tout à fait sans ambivalence ; si l’on n’est pas un Donald Winnicott ; ou un Noam Chomsky : et voilà, au passage de mon « commentaire », quelqu’un qui serait passionnant à lire sur ce sujet précis-là de la « rhétorique de Barack Obama » (indépendamment de sa contribution vidéo très intéressante ! dans Le Monde du 16 janvier dernier : « Noam Chomsky : regard critique sur l’Amérique« ) _ sur la structure classique de l’exposition (exorde, narration, thèse, péroraison),

Barack Obama sait prendre les libertés du virtuose _ de l’art oratoire ; avec sa « sprezzatura«  ; lire là-dessus la méditation raffinée de cet art (de s’adresser, avec égard, à l’autre) de Baldassare Castiglione : « Le Livre du courtisan » ; en lieux éminemment policés, en effet… _ :

départs in medias res (dans le vif du sujet), digressions nombreuses, et longues exhortations.

Ce dernier trait est aussi typique d’un style fortement marqué par les prédicateurs noirs américains ;

c’est également le cas de la pratique obamienne _ en public, bien sûr : le discours parlé s’adresse aux autres qui y répondent _ du « call and response« ,

illustrée par le fameux « yes we can« , repris en chœur par le public.

N’est-ce pas encore la référence biblique qui inspire le message central du discours de Berlin :

le passage de l’ »ancienne Alliance » de la guerre froide à la « nouvelle Alliance » contre les périls de notre monde ?

Et n’est-ce pas encore elle que l’on retrouve le 20 janvier, dans le slogan _ mais est-ce bien cela (et rien que cela), un « slogan » (manipulateur = persuasif) ? N’est-ce pas, tout au contraire, et on ne peut davantage fondamentalement, le projet fondateur même ? l’axe porteur (!) de toute la politique de Barack Obama ?.. et qui vient de rencontrer la confiance des électeurs le 4 novembre ?.. Attention aux contresens d’interprétation !.. _ de la « refondation de l’Amérique » (« remaking America« ) _ « refondation » : un concept décisif : s’y méprendre serait terrible !.. _, illustrée par la référence répétée _ mais ce n’est pas là pure incantation langagière : thaumaturgique, magicienne ! _ à la fondation du pays, et l’analogie entre deux « hivers d’épreuves« , celui surmonté en son temps par George Washington et celui que nous connaissons aujourd’hui ?

Cette réactivation constante de l’origine _ comme sol de confiance où prendre l’appui puissant de l’action à accomplir _, ce renouvellement du pacte primordial _ voilà l’important : un pacte politique profondément (et authentiquement, lui _ je veux dire pas mensongèrement ; pas « idéologiquement » _ démocratique !!! _, cette relecture des « actes fondateurs », est une thématique centrale _ la source de l’élan ; et le fond de la légitimité ! _ d’Obama. Dans l’aventure biblique du peuple américain, il ne propose rien moins qu’un « Nouveau Testament _ mais laïque (pas « fondamentaliste religieux ») ! _ de la Liberté » _ avec ses conditions effectives _ « à remettre intact aux générations futures« …

A vrai dire, son deuxième speechwriter, aux côtés de Cicéron, pourrait bien être… Jésus-Christ !

On le voit, l’unité d’inspiration _ et la cohérence (de l’élan, donc) _, d’un discours l’autre, est frappante _ mais cette « inspiration »-là n’est pas purement formelle, ou « rhétorique » : de surface ; c’est une poiesis en acte, venant droit d’un fond fécond et profond… Pareille générosité et élégance ne trompent pas : nous voici aux antipodes des cliquetis et scintillements à paillettes des camelots bonimenteurs de boulevards…


Dès lors, l’on peut mesurer précisément les différences entre les discours du candidat et la première allocution _ « d’inauguration » _ du président. Elles tiennent tout simplement au contexte _ en effet !

Contrairement à l’adage,

tout bon discours est en effet un « discours de circonstances«  _ mais oui… : à l’écoute (authentique) de qui le reçoit ; et peut y répondre (ou pas)… quand il s’agit d’un peu plus que de déclencher des réflexes (d’achat, consommation ou vote) !.. Or celles-ci ont changé radicalement.

Désormais doté de la légitimité morale _ et ce n’est pas rien ! surtout comparé à des exemples (d’absence de générosité) ; certains qui nous sont plus proches… _ et de l’autorité légale (sans parler des sondages de rêve !),

Barack Obama n’a plus besoin de développer le registre de l’ethos : les Américains sont convaincus de ses qualités. Lui, qui avait tant développé dans sa campagne le caractère improbable (« unlikely« ) de sa candidature, pour retourner l’argument en sa faveur (n’était-il pas _ lui, Barack Hussein Obama _ aussi improbable que le « rêve américain«  lui-même ?) a désormais _ au fauteuil de Président dans le salon ovale de la Maison-Blanche _ cause gagnée _ mais l’ambition n’est pas, ici, seulement d' »occuper » le poste et « jouir » de sa fonction ; mais bien d’accomplir ce qui a été très clairement proposé ; et qui est, en cette occurrence-ci, de « construire« , et non de « détruire » _ ainsi qu’il l’a très littéralement énoncé : « sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire » ! _ ; d' »unir » le peuple, et non pas de le « diviser » (pour régner)…

D’où dans le processus d’énonciation,

après une rapide captation de bienveillance _ acquise, elle aussi (la bienveillance), ce jour-là (le 20 janvier 2009) ; et à ce moment (intense)-là (de midi) _,

la quasi-disparition _ déjà auparavant… _ du « je » et l’omniprésence _ authentique, ici ; pas « de majesté » pseudo, ou plutôt de facto, monarchique ! (versaillaise…, dirions-nous, nous, Français !) _ du « nous » : chef incontesté du « we-group » national, le (nouveau) président peut _ de facto et de juris, en même temps ! _ parler au nom de tous _ « en vérité » (en son cas) !..

D’où également la structure beaucoup plus classique _ « attique » ? « ionienne » ? _ de l’ensemble

qui sied à la dignité présidentielle _ désormais : mais la personne qui parle vient-elle, elle-même, de « changer » ? ne s’agit-il pour elle, comme c’est le cas pour bien d’autres, que d’un « job » (de 4 ou 8 ans, pour lui ; de 7 ou 5 ans, pour ces autres-là…) ?..


Demeure pourtant, constante chez Obama, la grande variété des destinataires _ bien réels, en leur variété en effet ! et pas seulement « ciblés » au plus juste… _ du discours :

le peuple américain dans toutes _ oui _ ses composantes bien sûr, « Union » oblige _ mais en quel sens : « oblige » de fait (électoralement ?) ; ou « oblige » de droit ? ; on peut s’interroger sur les arrières-pensées de l’auteur de l’article… ; en tout cas, Barack Obama est un peu mieux placé (que d’autres à un tel poste), par son parcours personnel, non seulement au sein des États-Unis, mais de par le monde, pour un peu moins oublier certains (que ces autres _ carrément exclueurs ! eux !.. _ à de tels postes…) _ ;

mais aussi de nombreux interlocuteurs _ vraiment ! fin de l’uni-latéralisme !.. _ étrangers :

alliés traditionnels _ Barack Obama est remarquable par sa capacité réellement supérieure d' »écouter » ! _,
mais aussi Musulmans auxquels on tend la main ;
dictateurs
de tout poil et terroristes que l’on met en garde.

Demeurent les très nombreux appels à l’action et au devoir (« must« ), que l’on attend d’un homme qui doit « tracer la route » _ métaphore centrale ; qui est donc parfaitement choisie _ en effet !

Demeure aussi _ trait essentiel du bon orateur _ la grande clarté de la thèse et du message (« le monde a changé et nous devons _ pragmatiquement, ici : Obama est un « réaliste » ; mais avec la probité, lui ! _ changer avec lui« _ même si ce n’est pas là la raison première de ce « devoir »-là de changement… _ ) _ ainsi que de la « vision » !..

Demeure enfin cette conviction impressionnante _ de puissance ! _, cette « probité » _ la base (solide) de toute son action ; son sens porteur ; et qui suscite une vraie profonde confiance ! _, à laquelle, nous rappelle Aristote, « le discours emprunte je dirai presque sa plus grande force de persuasion » _ pas seulement de facto.

Et ce point, capital, aurait assurément mérité d’être (bien davantage) développé dans cet article riche d’enseignements de Christophe De Voogd.

* À lire également sur nonfiction.fr :

– Nicole Bacharan : « Les Noirs américains : Des champs de coton à la Maison Blanche » (Panama), par Benoît Thirion.

– Nicole Bacharan : « Le petit livre des élections américaines » (Panama), par Benoît Thirion.

– Sylvie Laurent : « Homérique Amérique » (Seuil), par Alice Béja.

– L’entretien de Sylvie Laurent, par Alice Béja.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Henri Verdier.

– Barack Obama : « De la race en Amérique » (Grasset), par Balaji Mani.

– Andrew Gelman : « Red state, blue state, rich state, poor state : Why Americans Vote The Way They Do » (Princeton University Press), par Clémentine Gallot.

– L’entretien d’Andrew Gelman, par Clémentine Gallot.

– Justin Vaïsse : « Histoire du néoconservatisme aux États-Unis » (Odile Jacob), par Adrien Degeorges.

Et voici maintenant l’article de départ (du fort intéressant _ et parfois ambigu, voire carrément contestable ! nous l’avons aperçu…) « papier » de Christophe De Voogd dans NonFiction du 20 janvier, donc) :

le travail perspicace et fouillé de Charlotte Higgins, « The new Cicero« , dans The Guardian du 26 novembre :

The new Cicero

D’abord, le « chapeau » de l’article, du Guardian :

Barack Obama’s speeches are much admired and endlessly analysed, but,

says Charlotte Higgins,

one of their most interesting aspects is the enormous debt _ voilà _ they owe to the oratory of the Romans.

Puis l’article lui-même de Charlotte Higgins :

In the run-up to the US presidential election,

the online magazine Slate ran a series of dictionary definitions of « Obamaisms« .

One ran thus :
« Barocrates. An obscure Greek philosopher who pioneered a method of teaching in which sensitive topics are first posed as questions then evaded« 
_ « Barocrates« , par Chris Wilson, le 23 juin 2008, sur Slate…

There were other digs at Barack Obama that alluded to ancient Greece and Rome. When he accepted the Democratic party nomination _ à Denver, le 28 août 2008 _, he did so before a stagey backdrop of doric columns. Republicans said this betrayed delusions of grandeur : this was a temple out of which Obama would emerge like a self-styled Greek god. (Steve Bell also discerned a Romanness in the image, and drew Obama for this paper as a toga-ed emperor.) In fact, the resonance of those pillars was much more complicated than the Republicans would have it. They recalled the White House, which itself summoned up visual echoes of the Roman republic, on whose constitution that of the US is based. They recalled the Lincoln Memorial, before which Martin Luther King delivered his « I have a dream » speech. They recalled the building on which the Lincoln Memorial is based _ the Parthenon. By drawing us symbolically to Athens, we were located at the very birthplace of democracy.

Here’s the thing : to understand the next four years of American politics, you are going to need to understand something of the politics of ancient Greece and Rome.

There have been many controversial aspects to this presidential election, but one thing is uncontroversial : that Obama’s skill as an orator has been one of the most important factors _ perhaps the most important factor _ in his victory. The sheer numbers of people who have heard him speak live set him apart from his rivals _ and, indeed, recall the politics of ancient Athens, where the public speech given to ordinary voters was the motor of politics, and where the art of rhetoric matured alongside democracy.

Obama has bucked the trend of recent presidents _ not excluding Bill Clinton _ for dumbing down speeches. Elvin T. Lim’s book « The Anti-Intellectual Presidency : The Decline of Presidential Rhetoric from George Washington to George W Bush« , submits presidential oratory to statistical analysis. He concludes that 100 years ago speeches were pitched at college reading level. Now they are at 8th grade. Obama’s speeches, by contrast, flatter their audience.

His best speeches are adroit literary creations, rich,

like those doric _ ou plutôt ioniennes, voire corinthiennes ? la distinction n’est pas superficielle… _ columns with allusion,

his turn of phrase consciously evoking lines by Lincoln and King,

by Woody Guthrie and Sam Cooke.

Though he has speechwriters, he does much of the work himself  : Jon Favreau, the 27-year-old who heads Obama’s speechwriting team, has said that his job is like being « Ted Williams’s batting coach« .

James Wood, professor of the practice of literary criticism at Harvard, has already performed a close-reading exercise on the victory speech _ le 4 (ou plutôt 5 novembre, avant l’aube, à Grant Park), à Chicago _ for the New Yorker _ voici cet article : « Victory Speech« , le 17 novembre. Can you imagine the same being done of a George Bush speech ?

More than once, the adjective that has been deployed to describe Obama’s oratorical skill is « Ciceronian« . Cicero, the outstanding Roman politician of the late republic, was certainly the greatest orator of his time, and one of the greatest in history. A fierce defender of the republican constitution, his criticism of Mark Antony _ cf le sublime « Jules Cesar » de Shakespeare (en 1599) ; et le film, magnifique, avec l’interprétation mémorable de Marc-Antoine par Marlon Brando, de Mankiewicz (en 1953) _ got him murdered in 43 before Jesus-Christ _ sur le meurtre de Cicéron, le 7 décembre 43 avant-Jésus-Christ, peu avant d’atteindre le port de Formies, lire la description terrible qu’en donne l’ »Histoire de Rome » de Tite-Live (« Ab Vrbe Condita« , CXX), qui nous a été transmise par Sénèque le Rhéteur (« Suasoriae« , VI, 17)…

During the Roman republic (and in ancient Athens) politics was oratory. In Athens, questions such as whether or not to declare war on an enemy state, were decided by the entire electorate (or however many bothered to turn up) in open debate. Oratory was the supreme political skill, on whose mastery power depended.

Unsurprisingly, then, oratory was highly organised and rigorously analysed. The Greeks and Romans, in short, knew all the rhetorical tricks, and they put a name to most of them.

It turns out that Obama knows them, too.

One of the best known of Cicero’s techniques is his use of series of three to emphasise points : the tricolon. The most enduring example of a Latin tricolon is not Cicero’s, but Caesar’s « Veni, vidi, vici » _ I came, I saw, I conquered. Obama uses tricola freely. Here’s an example : « Tonight, we gather to affirm the greatness of our nation, not because of the height of our skyscrapers, or the power of our military, or the size of our economy … »

In this passage, from the 2004 Democratic convention speech, Obama is also using the technique of « praeteritio«  _ drawing attention to a subject by not discussing it. He is discounting the height of America’s skyscrapers etc, but in so doing reminds us of their importance.


One of my favourites among Obama’s tricks was his use of the phrase « a young preacher from Georgia« , when accepting the Democratic nomination this August ; he did not name Martin Luther King. The term for the technique is « antonomasia ». One example from Cicero is the way he refers to Phoenix, Achilles’ mentor in the Iliad, as « senior magister » _ « the aged teacher« . In both cases, it sets up an intimacy between speaker and audience, the flattering idea that we all know what we are talking about without need for further exposition. It humanises the character _ King was just an ordinary young man, once. Referring to Georgia by name localises the reference _ Obama likes to use the specifics to American place to ground the winged sweep of his rhetoric _ just as in his November 4 speech : « Our campaign … began in the backyards of Des Moines and the living rooms of Concord and the front porches of Charleston« , which, of course, is also another tricolon.

Obama’s favourite tricks of the trade, it appears, are the related anaphora and epiphora.

Anaphora is the repetition of a phrase at the start of a sentence. Again, from November 4 : « It’s the answer told by lines that stretched around schools … It’s the answer spoken by young and old … It’s the answer … »

Epiphora does the same, but at the end of a sentence. From the same speech (yet another tricolon) : « She lives to see them stand out and speak up and reach for the ballot. Yes we can. » The phrase « Yes we can » completes the next five paragraphs.

That « Yes we can » refrain might more readily summon up the call-and-response preaching of the American church than classical rhetoric. And, of course, Obama has been influenced by his time in the congregations of powerfully effective preachers.

But James Davidson, reader in ancient history at the University of Warwick, points out that preaching itself originates in ancient Greece. « The tradition of classical oratory was central to the early church, when rhetoric was one of the most important parts of education. Through sermons, the church captured the rhetorical tradition of the ancients. America has preserved that, particularly in the black church. »

It is not just in the intricacies of speechifying that Obama recalls Cicero.

Like Cicero, Obama is a lawyer.

Like Cicero, Obama is a writer of enormous accomplishment _ « Dreams From My Father«  _ « Les Rêves de mon père » _, Obama’s first book, will surely _ en effet… _ enter the American literary canon _ c’est un chef d’oeuvre !


Like Cicero, Obama is a « novus homo«  _ the Latin phrase means « new man » in the sense of self-made.

Like Cicero, Obama entered politics without family backing (compare Clinton)

or a military record (compare John McCain).

Roman tradition dictated you had both.

The compensatory talent Obama shares with Cicero, says Catherine Steel, professor of classics at the University of Glasgow, is a skill at « setting up a genealogy of forebears _ not biological forebears, but intellectual forebears. For Cicero, it was Licinius Crassus, Scipio Aemilianus and Cato the Elder. For Obama, it is Lincoln, Roosevelt and King. »

Steel also points out how Obama’s oratory conforms to the tripartite ideal laid down by Aristotle,

who stated that good rhetoric should consist of pathos, logos and ethos _ emotion, argument and character.

It is in the projection of ethos that Obama particularly excels.

Take this resounding passage :

« I am the son of a black man from Kenya and a white woman from Kansas. I was raised with the help of a white grandfather who survived a Depression to serve in Patton’s army during World War II and a white grandmother who worked on a bomber assembly line at Fort Leavenworth while he was overseas. I’ve gone to some of the best schools in America and lived in one of the world’s poorest nations. » He manages to convey the sense that not only can he revive the American dream, but that he personally embodies _ actually, in some sense, is (tout à fait !) _ the American dream.

In English, when we use the word « rhetoric« , it is generally preceded by the word « empty« . Rhetoric has a bad reputation _ issue de la tradition socratico- (cf « Gorgias« ) platonicienne.

McCain warned lest an electorate be « deceived by an eloquent but empty call for change« .

Waspishly, (Hillary) Clinton noted, « You campaign in poetry, you govern in prose.« 

The Athenians, too, knew the dangers of a populace’s being swept along _ cf aussi « la République«  de Platon _ by a persuasive, but unscrupulous demagogue (and they invented the word).

And it was the Roman politician Cato _ though it could have been McCain _ who said « Rem tene, verba sequentur« . If you hold on to the facts, the words will follow.

Cicero was well aware of the problem. In his book « On The Orator » _ « De L’orateur«  _, he argues that real eloquence can be acquired only if the speaker has attained the highest state of knowledge _ « otherwise what he says is just an empty and ridiculous swirl of verbiage« .

The true orator _ et pas manipulateur démagogue _ is one whose practice of citizenship _ authentiquement républicaine et démocratique ! _ embodies _ oui : « incarne » et « porte »… _ a civic ideal _ whose rhetoric, far from empty, is the deliberate, rational, careful organiser of ideas and argument _ oui ! _ that propels the state forward _ avec progrès (authentique ; pas dans la langue-de-bois brillamment mise en relief par George Orwell en son « 1984« , en 1948 ; où sont baptisées « réformes » les « casses » et régressions réactionnaires, en tous genres)… safely and wisely.

This is clearly what Obama, too, is aiming to embody : his project
_ oui ! _ is to unite rhetoric, thought and action in a new politics that eschews _ sans tromperie politicienne de bas étage, ici ! _ narrow bipartisanship.
...
Can Obama’s words translate into deeds ?


The presidency of George Bush provided plenty of evidence that a man who has problems with his prepositions
may also struggle to govern well
_ comme c’est excellemment diagnostiqué…

We can only hope _ avec réalisme et pragmatisme _ that Obama’s presidency proves that opposite.

Charlotte Higgins is the author of « It’s All Greek To Me: From Homer to the Hippocratic Oath, How Ancient Greece Has Shaped Our World » (Short Books).

Un passionnant article ; qui nous donne aussi bien à penser
autour des pratiques de « communication »

en France aussi _ tels les Guaino et le staff de l’Elysée, peut-être… _,

par rapport à l’action politique ; et à l’aune de critères de légitimité (et pas seulement légalité) démocratique…

Avec Barack Obama,
le monde vient de changer
et de « réel »
et de « réalisme »,

pouvons-nous raisonnablement penser…

Puissent les citoyens français, eux aussi,
ne pas trop tarder à en prendre assez clairement conscience !
et à mettre leurs actes et leur pratique _ de citoyens d’une démocratie _ en cohérence avec cela,

en conséquence…

C’est en tout au cas un tel espoir

_ « l’audace d’espérer« , a dit Barack Obama à la convention démocrate de Boston le 27 juillet 2004 ; cf aussi son livre : « L’Audace d’espérer«  _

que j’ose personnellement formuler…

Titus Curiosus, ce 25 janvier 2009


Post-scriptum :

Recevant ce matin un envoi d’articles de Marianne Massin _ l’auteur de l’excellent « La Pensée vive » _,

je remarque, en exergue à son article « Enjeux philosophiques d’une approche stylistique de l’œuvre d’art« , ces bien opportunes citations de Proust :

« Le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de techniques mais de vision » _ dans « Le Temps retrouvé » ; à la page 289 de l’édition GF-Flammarion, en 1986, précise la note…

Et : « Quand j’ai écrit un pastiche _ détestable, d’ailleurs _ de Flaubert, je ne m’étais pas demandé si le chant que j’entendais en moi _ l’expression, autour du mot « chant« , est bien intéressante… _ tenait à la répétition des imparfaits ou des participes présents. sans cela je n’aurais jamais pu le transcrire » _ dans « A propos du style de Flaubert« , in « Chroniques« , aux pages 204-205, dans l’édition Gallimard de 1927 …

Soit le cadeau d’une merveilleuse conclusion à l’interrogation et l’analyse de ce que peut bien être le « style obamien«  _ et pas seulement celui de ses discours…

Voici donc la réponse quant à ce qu’est le fond du « style » :

Vision (d’artiste) et élan, à la source (= l’inspiration active) ;

avec, à l’arrivée (après l’œuvre qui les exprime, cette vision et cet élan conjoints),

ce qu' »en fruits », cette vision-élan donne, prodigue : c’est l’affaire, alors, de l' »acte æsthétique«  _ comme le dégage si attentivement, subtilement et justement Baldine Saint-Girons, en son « Acte esthétique« , précisément _ de la « réception » tout active de tous ceux qui vont bien vouloir « s’y exposer » ; et qui doit être éminemment « inspirée », à son tour ; mais l’œuvre y aide, pousse, encourage, en donnant pas mal de son « enthousiasme » (en son éclat, à elle) à qui veut bien jouer si peu que ce soit son jeu (à elle, l’œuvre, donc _ jeu dont l’artiste lui-même n’est qu’un maillon, bienveillant, lui aussi…


Soit une articulation-connexion (ou « rencontre ») si peu probable en sa beauté (de « connexions » tellement aléatoires, donc),

qu’elle peut ressortir aussi du registre _ j’ose le prononcer _ de la grâce

_ mais pas seulement : elle a aussi et d’abord, cette « articulation-connexion »(ou « rencontre ») de choses, de dispositifs (de lieu et de temps), d’actes, de regards de personnes, peu probable ;

elle a aussi et d’abord des conditions éminemment concrètes, éducatives, économiques, culturelles

(celles que dégage l’acuité d’analyse du « Partage du sensible » de Jacques Rancière) _

qui sont bien de l’ordre et de la responsabilité éminentes aussi, quelque part et à quelque moment, du Politique.

Barack Obama semble tout particulièrement sensible à la positivité de ces « connexions sensibles »-là…

C’est une chance _ à ne pas manquer ; mais savoir saisir : tout passe si vite _ et pour l’Amérique ; et pour le monde…

Une dernière (autre) chose encore :

ce matin, toujours,

sur l’excellent site « 24 heures Philo« ,

cet article-ci : « Obama et le réveil d’un peuple«  par Patrice Nganang…

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur