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L’événement du splendide Don Giovanni, à Salzbourg 2021, de Teodor Currentzis et Romeo Castelluci…

14août

En confirmation de mon article du dimanche 8 août dernier ,

qui qualifiait cette production salzbourgeoise à la fois d' »événement » et d' »absolument splendide« ,  et proposait d’accéder par la vidéo aux 3h 41′ de ce magnifique spectacle,

je découvre ce samedi, sur le site de ResMusica et la signature de Dominique Adrian, un excellent article intitulé À Salzbourg, le choc Don Giovanni,

qui détaille avec une parfaite justesse, en particulier, sur le détail des prestations des divers chanteurs, et leurs incarnations respectives des divers personnages de ce dramma giocoso, les qualités de cette très marquante production d’opéra.

Le voici, donc :

À Salzbourg, le choc Don Giovanni

Teodor Currentzis et Romeo Castellucci construisent ensemble une lecture forte et exigeante _ oui _ au cœur _ oui _ du Don Giovanni de Mozart _ qui n’a jamais aussi magnifiquement lisible ! Tant dans sa continuité, parfaitement fluide, qu’en son détail, merveilleusement éclairé ! Quel régal tant musical que visuel…

Après les trilogies Da Ponte exsangues signées successivement par Claus Guth (2006-2011), où seules les Noces avaient un intérêt, et Sven Eric Bechtolf (2013-2016), le Festival de Salzbourg avait bien besoin de remettre sur le métier le cœur de la production opératique de l’enfant du pays. Il ne pouvait pas le faire avec plus d’éclat _ oui ! _ que par ce Don Giovanni singulier et puissant _ oui ! Il marque ! _, et on peut espérer qu’il restera longtemps présent au répertoire du festival. Plus que la distribution, ce sont les deux maîtres d’œuvre principaux du spectacle qui font naître cette réussite _ oui, c’est parfaitement juste.

Teodor Currentzis est la star mozartienne du festival depuis la première année de la direction de Markus Hinterhäuser en 2017, et une Clemenza di Tito qui avait ému le public salzbourgeois. Déjà connue par un enregistrement de 2015, son interprétation trouve tout son sens à la scène. Les tempi, bien sûr, ne sont ceux d’aucune tradition, et Currentzis n’entend pas en faire une vérité absolue ; la tendance générale est rapide, parfois un peu trop pour le bien des chanteurs, mais il sait aussi ralentir _ oui. Le récitatif d’Elvira In quagli eccessi est pris très lentement : ce n’est certes pas conforme à la partition, mais c’est juste émotionnellement _ oui _, comme un gros plan qui révèle l’âme du personnage. _ voilà. Le travail de Currentzis ne se limite pas à des questions de tempo qu’on peut toujours contester à loisir : quoi de plus passionnant que cet art de creuser chaque phrase, de chercher une transparence parfaite _ c’est tout à fait cela _ qui révèle à chaque instant des détails dont on avait toujours su qu’ils étaient là mais jamais vraiment consciemment entendus ? Son extraordinaire orchestre, où de nombreux solistes internationaux viennent rejoindre une troupe majoritairement russe, permet toutes les audaces, ne recule devant aucun détail _ sans jamais rien alourdir… _, et réagit au quart de tour aux moindres inflexions de la direction : les spectateurs auront du mal, après une telle performance, à retourner à la routine des grandes maisons d’opéra _ probablement.

Profusion de symboles et vrai théâtre

Cette fois, ce n’est pas Peter Sellars qui est à ses côtés, mais Romeo Castellucci, qui à son habitude signe aussi bien la mise en scène que les décors, costumes et lumières. Dès l’Ouverture, un bouc, une jeune fille nue _ oui _ : la scène mythologique, les symboles archaïques abondent chez Castellucci, et il présente à la fin de l’opéra les survivants comme les corps inertes des victimes de Pompei _ en effet _ : des humains face à _ et définitivement figés par _ la catastrophe _ survenue. Les symboles surabondent dans ce spectacle, mais il y une bonne nouvelle : contrairement à beaucoup d’autres de ses travaux (dont sa Salome salzbourgeoise), ils ne sont pas cette fois un frein au théâtre. La scène initiale, dans le silence (ou plutôt dans les commentaires intempestifs d’une partie du public), illustre la problématique religieuse dont il ne se défait pas _ en effet _ : des ouvriers entrent dans une église pour en retirer tous les symboles religieux, statues, crucifix, tableaux _ et c’est fondamental… Déjà,plus d’un siècle plus tôt, le Dom Juan de Molière procédait ainsi par rapport au Don Juan tenorio de Tirso de Molina…

Pour Castellucci, Don Giovanni est le diable, non pas le mal absolu, mais le double négatif de Dieu, celui qui vient détruire _ oui : malicieusement… _ ce que son double a créé. Les réjouissances nuptiales de Zerlina et Masetto à l’acte I sont une sorte d’Arcadie, de paradis originel ; il suffit que Don Giovanni pénètre la scène pour que les invités recouvrent leurs blancs costumes d’un bleu et se retrouvent au travail. Les pommes deviennent alors produits de consommation alors qu’elles étaient jusque là symboles sensuels, pommes du paradis terrestre, pommes d’or des Hespérides. À la fin de l’acte I, la liberté _ voilà ! _ invoquée par Don Giovanni n’est pas une promesse d’accomplissement individuel, c’est un appel au chaos _ oui : par le débridement fou des désirs…. Castellucci mène la danse au gré des transformations du décor unique, souvent couvert par un voile qui l’abstrait, avec un sens du rythme épatant _ c’est très juste ! _, une capacité à prendre chaque scène pour ce qu’elle est _ oui _ sans perdre _ jamais _ la conception d’ensemble _ et c’est très important _ : le spectacle _ en sa parfaite et très réjouissante fluidité _ est extrêmement divertissant tout en prenant au sérieux chaque strate de cette œuvre si riche _ oui.

Au second acte, ce sont les femmes qui mènent la danse. Castellucci invite sur scène une bonne centaine de « femmes de Salzbourg », de tous âges et de toute origine, parfois victimes désignées du séducteur, mais de plus en plus muettes accusatrices d’un monde _ qui advient _ dont Don Giovanni est le révélateur _ oui, celui de désirs débridés, dont apparaît bien clairement la litanie développée de divers instruments de violence (une panoplie très variée d’armes…) qui accompagnent leurs conflits… Le sacré revient bien à l’occasion, avec un crucifix inversé et noir, et plus encore avec la présence du commandeur indiquée _ seulement _ par de simples lumières. Don Giovanni meurt _ lentement foudroyé _ seul en scène, séparé de son seul compagnon Leporello par un voile infranchissable : le destructeur lui-même finit par être dévoré par son œuvre _ de destruction _, mais on ne saurait dire _ certes… _ si c’est une bonne chose _ et tous et chacun d’hésiter…

Quant aux chanteurs, leur grande qualité est leur intégration _ oui _ dans le double projet _ parfaitement unifié _ du chef et du metteur en scène. On aimerait un peu plus de chair _ oui ! _ et un peu plus de volume _ aussi _ pour le rôle-titre (Davide Luciani) _ l’incarnation est en effet pâlichonne, surtout dans le premier acte, d’ailleurs… _, et même _ à un bien moindre degré cependant _ pour Vito Priante en Leporello _ dont la plus grande prestance lui aurait permis d’intrepréter plutôt Don Giovanni _ ; on aimerait surtout un autre Commandeur que le pâle Mika Kares, aussi loin des attentes qu’il y a quelques semaines en roi Marke à Munich. C’est à Michael Spyres, en Ottavio nettement comique dans son désir vain _ mais c’est le livret qui le programme ainsi _ de bien faire, qu’il revient de sauver _ très brillamment musicalement ! _ l’honneur masculin _ oui ! _ dans cette distribution ; les dames, elles, sont tout de même plus satisfaisantes _ oui. Nadezhda Pavlova est une habituée du travail avec Currentzis (elle a entre autres été sa Traviata), et cela s’entend, mais son Non mi dir chanté à la limite du souffle n’est pas très loin de la rupture. Beaucoup plus émouvante est Federica Lombardi _ excellente _ en Elvira, dont Castellucci fait la représentante de l’ordre établi. La distribution est couronnée _ oui ! _ par une Zerlina rayonnante _ c’est vrai _, aussi en voix qu’en verve scénique, Anna Lucia Richter : elle seule crée l’événement ici _ probablement… ; mais l’engagement scénique des divers chanteurs est, lui, excellent ! Romeo Castellucci a su les diriger…

On aurait aimé une distribution plus brillante _ musicalement, peut-être _, c’est certain, mais l’opéra, ce ne sont pas d’abord les chanteurs : c’est d’abord l’œuvre _ voilà ! _, dont les chanteurs sont les serviteurs _ on ne saurait mieux dire... Grâce à une mise en scène créatrice, riche et maîtrisée _ oui ! d’une très grande lisibilité, et sans nulle épaisseur ; et surtout merveilleuse d’engagement de chacun des personnages… _, grâce à un chef qui va _ musicalement _ au fond des choses _ oui _, le festival de Salzbourg assume ici fièrement sa mission _ oui.

Crédits photographiques : © SF / Ruth Waltz (photo 1) ; Monika Rittershaus (photos 2 et 3).

Salzbourg. Grosses Festspielhaus. 10-VIII-2021.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Don Giovanni, opéra en deux actes sur un livret de Lorenzo da Ponte.

Mise en scène, décors, costumes, lumières : Romeo Castellucci ; chorégraphie : Cindy van Acker.

Avec : Davide Luciano (Don Giovanni) ; Mika Kares (Il Commendatore) ; Nadezhda Pavlova (Donna Anna) ; Michael Spyres (Don Ottavio) ; Federica Lombardi (Donna Elvira) ; Vito Priante (Leporello) ; David Steffens (Masetto) ; Anna Lucia Richter (Zerlina) ;

MusicAeterna Choir ; MusicAeterna Orchestra ;

direction : Teodor Currentzis.

Voilà qui est parfaitement bien rendu…

Ce samedi 14 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le souffle de la philosophe sur le monde : un appel fort de Thérèse Delpech (dans le Monde)

22nov

« Le déclin de l’Occident » : un texte fort de la philosophe Thérèse Delpech, ce matin sur le site du Monde ; et qui nous rappelle l’urgente nécessité de telles « mises en perspective«  _ civilisationnelles _, dans un univers médiatique atomisé en misérables micro-considérations, équivalant à un épais brouillard, par son insistant, répété, obstiné rideau de fumée, au fil des jours… et pour quels misérables profits de si peu nombreux (qui, de plus, se croient très malins : « après nous, le déluge ! » ; ou « la France… ton café fout le camp !« , dirent, en leur temps, rapporte-t-on, deux des maîtresses de Louis XV) ?!..

Voici l’article,

assorti, selon ma coutume, de quelque farcissures de mon cru : en forme d’amorce de « dialogue« 


« Le déclin de l’Occident« , par Thérèse Delpech

LE MONDE | 21.11.09 | 13h40  •  Mis à jour le 21.11.09 | 13h40

Le « thème«  _ oui ! et ce n’est pas une problématique ; cf le distinguo nécessaire (!) d’Elie During en sa conférence au CAPC le 7 avril 2009 (cf mon article) _ du « déclin de l’Occident » est utilisé de plus en plus fréquemment _ idéologiquement !.. _ par ceux qui cultivent à son égard ressentiment, désir de revanche, ou franche hostilité : c’est le cas de la Russie, dont tous les Occidentaux cultivés intègrent pourtant le génie artistique dans le patrimoine occidental ; de la Chine, qui attend son moment historique avec une impatience qu’elle a du mal à dissimuler ; ou du régime de Téhéran, dépositaire autoproclamé d’une mission d’expansion de l’islam dans le monde.

Quels que soient les arguments _ idéologiques ? pertinents ? _ utilisés par ces pays _ ou leurs dirigeants _, ils méritent qu’on leur fasse au moins une concession _ de « réalisme » ! _ : ils disposent pour étayer leur thèse de solides appuis ; et notamment de la répugnance croissante du monde occidental _ lui-même… _, États-Unis compris, à continuer d’être des sujets de l’Histoire _ ou la tentation du repli du soi (et son estomac) : et c’est cette situation-ci qui irrite l’auteur de l’article ; jusqu’à l’amener à prendre la plume (ou le clavier)…

En revanche, ces adversaires ignorent une chose aussi importante que ce qu’ils comprennent : le déclin est un des plus grands « thèmes » _ voilà : mais un « thème«  suffit-il à faire une « problématique«  ?.. _ de la culture occidentale, depuis le récit d’Hésiode « Les Travaux et les Jours » à l’orée de la civilisation grecque, jusqu’à l’ouvrage, médiocre celui-ci, mais beaucoup plus connu, d’Oswald Spengler au début du XXe siècle, « Le Déclin de l’Occident« .

Le fil du déclin court dans notre histoire comme un refrain lancinant _ quelles fonctions a donc la ritournelle ? (cf ce concept deleuzien : La ritournelle) _, qui n’est nullement lié à l’horreur du changement, dont le monde occidental a au contraire considérablement accéléré le rythme, mais à une véritable obsession _ à interroger ! et dans ses diverses « versions« _, qui est celle de la chute. Ce n’est pas simplement un héritage judéo-chrétien : avant la chute des mauvais anges du christianisme, il y avait déjà, dans la mythologie grecque, celle des Titans. Dans les deux cas, les héritiers de ces histoires conservent la mémoire d’une irrémédiable _ voilà ! _ perte.

Les versions philosophiques ou littéraires de ce « thème«  _ oui, oui _ sont innombrables : le « Timée » de Platon comprend le récit d’un temps circulaire où il n’est mis fin à la dégénérescence progressive de la création qu’avec l’intervention divine _ démiurgique. Avant Platon, Socrate avait dénoncé un des signes du déclin de la pensée avec la montée des sophistes _ Thrasymaque (dans « La République« ) ou Calliclès (dans « Gorgias« ) _ qui s’intéressaient beaucoup plus à la puissance qu’à la vérité _ un débat toujours, toujours crucial ! Au début du XVIIe siècle, John Milton donne de la lutte des anges une version si terrible dans « Le Paradis perdu » que Bernard Brodie choisira d’en retenir le récit pour introduire un de ses livres sur la bombe atomique.

A peu près au même moment, Miguel de Cervantès consacre son œuvre la plus importante à la nostalgie du monde de la chevalerie : la triste figure de Don Quichotte exprime la tristesse d’un homme qui ne peut pas vivre dans un monde où l’héroïsme et les aventures n’ont plus de place que dans l’imagination _ dévoyée de l’action efficace : cf là-dessus le beau livre de Marthe Robert : « L’Ancien et le nouveau«  Quand l’illusion est devenue impossible à soutenir, il meurt de mélancolie _ oui ! _ sous le regard désespéré de son fidèle Sancho, prêt à reprendre seul les folles entreprises de son maître.

Douze ans avant « Le Déclin de l’Occident » (1918-1922) de Spengler, Andrei Biely donne _ dans son grand « Petersbourg« _ une version beaucoup plus puissante de l’incendie qui commence à saisir le « monde d’hier « _ cf aussi celui, magnifique aussi (!), juste un peu plus tard, de Stefan Zweig_ au début du XXe siècle : « Les événements commencent ici leur ébullition. Toute la Russie est en feu. Ce feu se répand partout. Les angoisses de l’âme et la tristesse des individus ont fusionné avec le deuil national pour produire une horreur écarlate singulière. »

En somme, comme le disait Jacques Bainville, « tout a toujours très mal marché ». Les avenirs radieux, les lendemains qui chantent, ne sont que des épiphénomènes dans la culture occidentale, qui finissent d’ailleurs le plus souvent de façon catastrophique, ce dont témoigne amplement le XXe siècle. Comme quoi le pessimisme peut avoir du bon _ voilà ! C’est un avertissement _ une alerte ! à bons entendeurs, salut ! _ que peu de grands esprits _ voilà ! _ ont négligé _ mais les grands esprits se sentent comme de plus en plus esseulés, par les temps qui courent…

Même les auteurs dont on cite à tort et à travers les propos enthousiastes sur l’Histoire en ont souvent conservé précieusement une solide dose. Emmanuel Kant, par exemple, dont on vante volontiers le projet de paix perpétuelle, sans doute parce qu’il n’a jamais été aussi utopique et perdu dans le brouillard, affirmait _ en sa « Religion dans les limites de la simple raison« , en 1793 _  qu' »avec le bois tordu de l’humanité, on ne saurait rien façonner de droit« .

C’est une conclusion que les Européens ne sont jamais tout à fait parvenus à faire partager aux Américains, dont l’Eden semble manquer d’un acteur essentiel : le serpent. Cette absence est, si l’on peut se permettre cette expression, particulièrement frappante _ hélas ! _ dans l’administration Obama, qui ouvre les bras à tous vents, sans craindre les tempêtes ou même les mauvais courants d’air à l’abord de l’hiver. Le président américain devrait relire Herman Melville _ à commencer par l’immense  « Moby Dick«  _, qui, pour avoir de solides racines écossaises, n’en est pas moins un des plus grands écrivains que l’Amérique ait produit.

Certes, il y a dans le « thème » _ mou _ du déclin un risque évident : le découragement face à toute entreprise humaine, voire, ce qui est pire, une forme de complaisance _ oui : masochiste _ dans la chute, qui est, précisément, l’attitude du personnage de Jean-Baptiste Clamence dans l’œuvre de Camus qui porte ce nom _ en 1956. Tout le monde est coupable dans un monde où la chute est la règle et la rédemption un leurre. Il n’y a plus ni valeurs, ni hiérarchie, ni jugement possibles. La différence entre le meurtrier et sa victime est une affaire de perspective, comme l’est celle qui sépare le « bon » du « mauvais » gouvernement dont une _ justement _ célèbre fresque _ d’Ambrogio Lorenzetti, au Palazzo Publico _ de Sienne a représenté les caractéristiques. On peut se vautrer dans le déclin _ public et privé _ comme d’autres dans la fange et y trouver un certain confort : les choses sont ainsi, pourquoi s’en faire ?

Mais la force _ voilà _ du « thème«  _ en ce qu’il comporte, tout de même, de « problématique » ; et à cette condition sine qua non _ est celle du retour sur soi et de la réflexivité, qui permet de mesurer les erreurs, les fautes, et de porter un jugement sur l’engourdissement éthique _ expression importante ! à un moment de tétanisation face à la marée des corruptions (politico-économiques particulièrement) _ où le monde est plongé _ pour agir alors et dès lors en cette connaissance de cause-là ! Les peuples qui refusent de se pencher sur leur passé n’atteindront jamais la maturité historique. A bon entendeur, salut ! _ voilà !

Il y a là une vraie supériorité _ ah ! ce serait la bonne nouvelle de cette intervention, ici, de Thérèse Delpech ! _ des pays occidentaux, qui ont passé des décennies à tenter de comprendre l’abîme _ voilà ! _ dans lequel ils ont plongé, sur la Chine et la Russie, qui auraient pourtant matière à réflexion _ sans doute !.. Les Européens _ et sans (ridicule !) autosatisfaction ! _ ont, encore aujourd’hui _ mais pour combien de temps ? et lesquels d’entre eux ? Peut-on (jamais !) généraliser ?.. _, conscience de se trouver « au milieu des débris d’une grande tempête », comme l’écrivait Balzac _ dans l’« Envers de l’Histoire contemporaine« , en 1848… _ des rescapés de la Révolution française. Il suffit pour en témoigner de suivre la production cinématographique allemande _ ainsi que sa littérature, aussi ! Ou l’accueil fait (à Berlin) à un Imre Kertész, l’auteur du sublime terrible « Liquidation« 

La réflexion et le souvenir seuls peuvent donner la force _ voilà l’enjeu ! _ de reconnaître dans la violence et la désorientation _ un concept important, lui aussi…de l’époque _ oui : tel est le réel qui interroge !.. _ le prélude potentiel de nouvelles catastrophes _ soit ce qui nous menace tous bel et bien !.. Ils constituent même _ oui ! _ le premier pas _ voilà ! _ pour tenter _ par un sursaut sur soi (de nous tous ? ou seulement des dirigeants ?..) _ de les éviter. Si les massacres passés sont des sujets tabous, comment condamner _ au lieu de se lier les mains ! _ ceux du présent ? Si les liens de Pékin avec le régime de Pol Pot sont censurés _ oui _ au moment du procès des Khmers rouges, si le nombre des victimes de la révolution culturelle ne fait l’objet d’aucun travail sérieux _ oui _ en Chine, si les archives du goulag ou de la guerre en Tchétchénie doivent être protégées _ oui _ des autorités russes, que penser de l’attitude de ces pays _ maintenant _ à l’égard de massacres à venir ? _ certes !!! qui donc le remarque et s’en soucie réellement ??? Qu’est donc ? et où se situe ? le véritable « réalisme » ???

Certes, le retour sur soi, pour être nécessaire, n’est pas suffisant _ non plus : en effet !.. Le monde occidental doit encore affronter _ on ne peut plus activement… _ d’épineux problèmes : la disparition progressive des grandes questions qui ont agité l’esprit _ public : que devient-il, celui-ci ?.. où (dans quels marécages ou quels sables) est-il donc en train de s’évanouir et perdre ?.. qu’en est-il, même, des « démocraties« , aujourd’hui ?.. _ au profit des « puzzles » ou des « minuties » _ oui ! _ dénoncées par Karl Popper dès 1945 _ dans « La Société ouverte et ses ennemis«  _ traduit un rétrécissement _ suicidaire _ de la vie intellectuelle _ oui ! _ au moment précis où la possibilité d’éclairer _ voilà ! _ de nouveaux horizons a considérablement augmenté avec les moyens _ encore faut-il savoir au service de quelles finalités (ou ambitions) on (!) choisit de les placer, ces moyens-là !.. _ de communication contemporains ; la revanche du sacré _ sur le laïque _, avec un retour fracassant de la religion sous des formes violentes et destructrices _ se fanatisant… _, renvoie au vide spirituel _ le nihilisme (!!!) que dénonce la lucidité extrême de Nietzsche ; relire toujours le « Prologue » lucidissime d’« Ainsi parlait Zarathoustra«  _ de nos sociétés : elle ne rencontre d’ailleurs aucune autre réponse que celle des armes _ tristement faible « ultima ratio regum«  Le travail _ de problématisation, d’abord : à l’encontre des vains seuls « thèmes«  _ est à peine engagé sur ces sujets en Occident. Mais le don _ qui le donne ? qui le construit ? _ du souvenir _ cela s’élabore et se construit sérieusement : c’est aussi la tâche (et l’honneur !) du « métier«  d’historien _ est pour les peuples comme pour les individus le début _ déjà _ de la cure psychique. D’où l’intérêt _ somme toute ! et en pratique… _ du « thème » du déclin _ surtout s’il est correctement « problématisé » !..

Pour conclure donc, ce « thème » _ que vient « relancer » ici, avec brio, Thérèse Delpech… _ n’a pas pour fonction _ voilà la perspective foncièrement « pratique« , donc, de Thérèse Delpech ici… _ d’entretenir une culture crépusculaire _ mélancolique… _ ou d’annoncer sans trop de réflexion _ hélas : médiatiquement… _ l’avènement de l’Asie sur la scène mondiale. De quoi parle-t-on au juste en évoquant un ensemble géographique aussi disparate ? Et qui peut dire ce que cet avènement nous réserverait ? L’avenir nous paraîtrait moins profondément déstructuré _ voilà ! _ si nous tirions _ vraiment ! _ les conséquences _ on ne peut plus effectives _ d’une vérité toute simple : le seul moyen de participer _ oui ! _ à la réalisation _ oui ! _ d’un monde _ géo-politico-économique… _ plus stable _ n’est-ce qu’un euphémisme ? _ est d’en avoir _ d’abord ; et si peu que ce soit _ une idée _ puis, qu’elle soit, si possible, un peu « juste« 

Ceux qui disposent des meilleurs outils pour la produire _ cette « idée » d’un « monde plus stable«  : n’est-ce donc là qu’une expression euphémisée ?.. _ sont aussi ceux qui ont la conscience la plus aiguë _ oui _ du caractère tragique de l’histoire _ certes : avis à certains idéalistes américains ??? et affairistes à (fort) courte vue européens ??? Les grandes catastrophes du XXe siècle font partie _ oui ! _ de notre héritage. Nous sommes des êtres du déclin et du gouffre qui ont soif de renaissance et de salut _ qu’entend donc Nietzsche par le mouvement même du « surhumain » ? sinon cela même ?.. Beaucoup de peuples pourraient _ et devraient ; ou doivent… _ se reconnaître dans ce miroir _ et se donner peut-être aussi des dirigeants (à commencer par des chefs d’État ! ou de ce qui en reste… cf notre malingre « Europe« …) en cohérence avec cette lucidité-là!.. Que de chemin (politique et géo-politique, en particulier ; mais aussi dans l’organisation même du travail et de la société ; et de la vie des Arts et de la culture !) à faire !..

Thérèse Delpech


Politologue et philosophe, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) et membre du conseil de direction de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), Thérèse Delpech a notamment écrit chez Grasset « L’Ensauvagement » (2005), « Le Grand Perturbateur : réflexions sur la question iranienne » (2007), et publiera en 2010 « Variations sur l’irrationnel« . ……

 

Une alerte essentielle :

merci !

Madame Thérèse Delpech…

Titus Curiosus, ce 22 novembre 2009

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