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Une enthousiasmante nouvelle intégrale des Symphonies de Beethoven par l’épatant Yannick Nézet-Séguin à la tête du Chamber Orchestra of Europe ! Ou l’exaltation emballante de la vie même…

27déc

La nouvelle Intégrale _ absolument emballante de vivacité _ des Symphonies de Beethoven que propose Deutsche Grammophon, en un coffret de 5 CDs 486 3050, par Yannick Nézet-Séguin à la tête du Chamber Orchestra of Europe,

est tout simplement magnifique de vie !

Soit l’exaltation de la vie même !

Et j’apprécie, pour ma part, les interprètes qui font valoir le flux le plus vivace de la vie dans Beethoven,

tels, par exemple, les pianistes Stephen Kovacevich ou Ronald Brautigam, qui jouent Beethoven comme si celui-ci, avec la passion intense et exaltante qui l’anime, improvisait au piano…

J’abonde absolument, par conséquent, dans le sens de l’article de Christophe Huss, intitulé « «Beethoven. The Symphonies»: Yannick Nézet-Séguin surprend dans Beethoven« , paru dans Le Devoir, le 9 juillet 2022 :

Yannick Nézet-Séguin et une partie des musiciens de l’Orchestre de chambre d’Europe offrent une somme cohérente, tonique, chambriste, soudée, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven.
Photo: Michael Gregonowits Yannick. Nézet-Séguin et une partie des musiciens de l’Orchestre de chambre d’Europe offrent une somme cohérente, tonique, chambriste, soudée _ oui _, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven _ absolument…

La réputée étiquette Deutsche Grammophon fera paraître, le vendredi 15 juillet, une nouvelle intégrale des Neuf Symphonies de Beethoven. Le successeur de Herbert von Karajan, Karl Böhm, Leonard Bernstein et Claudio Abbado en la matière au sein de ce catalogue n’est nul autre que Yannick Nézet-Séguin. Le chef québécois y dirige l’Orchestre de chambre d’Europe. Le Devoir a écouté, savouré, puis discuté avec le chef.

Lorsque la photographie de couverture du futur coffret des Neuf Symphonies de Beethoven chez DG avec Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de chambre d’Europe a commencé à circuler au printemps, les traditionnels « encore ? » et « à quoi bon ? » n’ont pas tardé à émerger sur les réseaux sociaux.

L’auditeur, qui aujourd’hui, en écoutant les Symphonies, de la Première à la Neuvième, suit le parcours musical du chef et de ces musiciens qui, il y a trente ans, marquèrent la discographie Beethoven dans l’intégrale dirigée par Nikolaus Harnoncourt, aura-t-il vraiment encore l’outrecuidance de poser ces questions ? _ Non !

L’individu

La pertinence esthétique _ voilà ! _, la cohérence et la singularité de cette nouvelle intégrale apparaissent très vite _ mais oui. Yannick Nézet-Séguin et une équipe de musiciens offrent une somme cohérente, tonique _ oui _, chambriste _ à très juste titre ! _, soudée, dans laquelle les individualités ressortent nettement au sein d’un collectif réduit. Cette affirmation du génie individuel au sein de la société est tout à fait dans l’esprit Beethoven  _ oui _ et, orchestralement, nous sommes proches du modèle français, avec des vents mis en valeur _ voilà ; et avec la lumineuse ligne claire, chambriste, des Français….

« Si j’avais à décrire l’Orchestre de chambre d’Europe (COE) en une phrase, l’idée des individualités dans le collectif, c’est ce que j’avancerais, nous confie Yannick Nézet-Séguin. C’est ce qui les rend uniques dans le paysage musical et qui fait que j’adore faire de la musique avec eux. Il faut savoir tirer parti de cette qualité. Ces musiciennes et musiciens, qui se retrouvent quelques fois dans l’année, jouent Beethoven par ailleurs avec leurs orchestres respectifs. Mon rôle est de réveiller cette flamme en eux. » _ la flamme, voilà. Le chef tient à ce que les instrumentistes ne cherchent pas à retrouver leurs habitudes, par exemple dans l’équilibre entre les bois et les cordes.

« Qui fait quoi et comment organise-t-on la hiérarchie, dans des symphonies qui ont reposé tant d’années sur la suprématie de cordes ? », se demande le chef, qui se souvient de sa première 9e de Beethoven à Philadelphie en 2012 : « Je me suis dit : il va falloir trouver un terrain d’entente ». Il était conscient du chemin, mais se déclare très satisfait de la récente intégrale en concert avec son orchestre américain à Philadelphie et à New York.

L’équilibre, dans Beethoven, pour Yannick Nézet-Séguin, « ce n’est pas qu’une question de nombre, c’est vraiment dans l’écoute. Dans Beethoven, ce qui m’intéresse ce n’est pas que la mélodie, c’est tout ce qui se passe au milieu, les détails du 2e mouvement de Pastorale. Nous sommes allés loin dans la caractérisation des figures d’accompagnement. »

Yannick Nézet-Séguin souligne le défi physique de l’enregistrement, sur deux semaines _ certes _ : « La partie des deuxièmes violons étant beaucoup plus exigeante que celle des premiers violons, dans la moitié des symphonies les premiers jouent la partie des seconds. » Avantage collatéral : sortir les musiciens de leur zone de confort. Quant à la présence de trompettes naturelles, elle change la couleur, et c’est un hommage à Nikolaus Harnoncourt, qui avait fait ce choix.

Nouveau texte

……

Pour plus de contact avec l’action musicale, DG a opté pour un son compact et dense, qui ne se dilue aucunement dans une réverbération factice : « C’est un gros sujet de travail avant, pendant et après, qui s’étend sur plusieurs années. La salle de Baden-Baden a un son très neutre. C’est une qualité. Mon idée était d’aller chercher les timbres de la manière la plus vraie possible, et je voulais une impression de proximité. C’est un travail énorme, surtout en postproduction, pour tirer le meilleur de chaque timbre. Je ne suis pas très control freak comme chef, mais quand il s’agit d’enregistrements j’aime participer au processus. »

Deutsche Grammophon a cherché à donner une autre valeur ajoutée et légitimité à l’entreprise. L’intégrale Nézet-Séguin est la première réalisée à partir de la nouvelle édition _ voilà _ des partitions publiée chez Breitkopf. Il s’agit, pour être précis, de la « Neue Gesamtausgabe » (nouvelle édition complète) des œuvres de Beethoven, publication musicologique (dite « Urtetxt ») de partitions par les Éditions G. Henle. Breitkopf & Härtel est l’éditeur du matériel d’orchestre et de la partition de direction.

L’éditeur des disques espère que cette première entraînera un effet de curiosité. Cela dit, on a déjà largement fait le tour de l’univers de Beethoven. Il s’agit surtout pour Henle et Breitkopf de « reprendre la main » sur leur concurrent Bärenreiter, qui accapare le marché depuis vingt ans avec une édition critique, dite « édition Del Mar », du nom du musicologue chargé du projet.

La grande révolution de l’édition Del Mar avait été d’imposer de jouer le 2e mouvement de Pastorale avec des sourdines. Il y avait aussi un gros travail sur la notation de l’accentuation des notes, Beethoven utilisant tantôt des traits tantôt des points.

La question des partitions pose problème au critique puisque à défaut de les avoir — certaines ne sont pas encore disponibles, et Breitkopf ne consent qu’à fournir au commentateur la préface et le commentaire critique de la Neuvième et d’une symphonie de son choix ! — il est quasiment impossible de savoir si telle originalité que l’on entend est une intuition du chef ou un changement induit par la partition nouvellement utilisée.

EN CONCERT

Beethoven dans Lanaudière

Grand week-end Beethoven en vue au Festival de Lanaudière. L’Akademie für Alte Musik Berlin vient donner trois concerts les 15, 16 et 17 juillet. Le principe est le même que dans les enregistrements parus chez Harmonia Mundi : les Symphonies nos 3, 5 et 6  seront mises en regard d’œuvres de leur temps véhiculant les mêmes idées : Grande symphonie caractéristique pour la paix de Wranitzky avec l’Héroïque, 1re Symphonie de Méhul avec la Cinquième, et Le portrait musical de la nature de Knecht, modèle avéré de Pastorale.

Yannick Nézet-Séguin et l’OM cet été

Yannick Nézet-Séguin dirigera l’Orchestre Métropolitain dans la 5e Symphonie de Beethoven au pied du Mont-Royal le 2 août à 20 h. Le tandem se produira avec le même programme au Festival des arts de Saint-Sauveur le 5 août à 20 h. Dans les festivals, Le Domaine Forget accueillera l’OM, son chef et Antoine Tamestit le 23 juillet, et le Festival de Lanaudière prendra fin avec deux concerts les 6 et 7 août, présentant notamment le 1er Acte de La Walkyrie et le Concerto pour piano de Schumann avec Hélène Grimaud.

En résumé, les modifications du texte musical touchent surtout des articulations. Les deux modifications qu’on remarque le plus sont un doublement à l’octave par les trompettes de certaines ponctuations du finale de la 7e Symphonie (ça fait pouet pouet, et c’est étrange) et l’ajout d’un contrebasson dans le final de la 9e. Côté idées particulières de Yannick Nézet-Séguin, la plus saisissante est l’emballement conquérant _ voilà _ à 3 minutes 49 secondes du final de l’Héroïque.

Au-delà de la musicologie

La question de l’utilisation d’une nouvelle partition pose cependant une question de philosophie interprétative. Lorsque l’édition Bärenreiter était sortie, la première intégrale, celle de David Zinman _ excellente ! _, était comme une carte de visite sonore de cette édition. Le chef d’orchestre ne perd-il pas sa liberté d’expression à s’engager dans un tel projet ? « C’était le piège dans lequel j’ai essayé de ne pas tomber », avoue Yannick Nézet-Séguin. « L’idée de l’intégrale avec l’Orchestre de chambre d’Europe date d’il y a environ 10 ans, donc bien avant l’existence de nouvelles partitions, et ce que j’ai à dire dans ces symphonies avec cet ensemble dépasse l’édition. Nous avons respecté les quelques différences et les avons fait valoir, mais il s’agit de détails, des changements d’articulation notamment. » Yannick Nézet-Séguin considère que le nouveau texte « simplifie certaines questions » : « Il y a certains moments où Del Mar, à force de mettre des chevrons partout et des parenthèses, nous perd. Cette édition Breitkopf simplifie les solutions en étant moins obsédée à nous livrer toutes les pistes. »

Au-delà de la musicologie, Yannick Nézet-Séguin opte surtout pour des solutions pragmatiques. Pour lui, le tempo de marche du solo de ténor dans la Neuvième est dicté « par ce qu’il y a après » : « La fugue est d’une qualité incroyable, Beethoven s’envole _ voilà _ avec son désespoir. Alors on trouve le bon tempo de la fugue et on recule. Le tempo de la marche découle de cela. »

Dans l’ensemble, l’intégrale COE/Nézet-Séguin est une somme très pertinente qui, 30 ans après Harnoncourt, repositionne l’Orchestre de chambre d’Europe dans le champ des éminents contributeurs à la cause beethovénienne, et efface, chez DG, la catastrophe industrielle de l’intégrale Nelsons-Vienne de 2019, qui venait après une désastreuse intégrale studio Abbado-Berlin (1999), si insignifiante que le chef l’avait fait retirer et remplacer par les bandes sonores de concerts donnés à Rome en 2001.

Dans l’esthétique Nézet-Séguin, le seul concurrent direct est l’intégrale de Paavo Järvi avec la Deutsche Kammerphilharmonie chez RCA.

Beethoven. The Symphonies

Siobhan Stagg, Ekaterina Gubanova, Werner Güra, Florian Boesch, Accentus, Orchestre de chambre d’Europe, Yannick Nézet-Séguin. DG, 5 CD, 486 3050. Parution le 15 juillet.

Et aussi ce très juste article en date du 22 juillet 2022, sous la plume de François Hudry, intitulé « Le nouveau Beethoven de Nézet-Séguin » :

Le nouveau Beethoven de Nézet-Séguin

Par François Hudry |

Le chef canadien Yannick Nézet-Seguin signe une impressionnante _ et jubilatoire _ intégrale des symphonies de Beethoven reposant sur une nouvelle édition critique. Passionnant _ oui !

Voilà longtemps que les partitions des neuf symphonies de Beethoven font l’objet de soins attentifs de la part des chefs d’orchestre et des musicologues. Ensemble, ils ont édité des « éditions originales » venant corriger les éditions fautives accumulant les erreurs à la suite de l’inattention des premiers éditeurs et des mauvaises interprétations des manuscrits quelquefois indéchiffrables. Ils sont remontés aux sources en s’aidant notamment des partitions utilisées à l’époque de leur création.

En 1982, le chef d’orchestre Igor Markevitch avait déjà publié une édition rigoureuse et documentée à la tête d’une équipe de musicologues chevronnés, puis ce fut le tour de Norman Del Mar de diriger une nouvelle édition chez Bärenreiter en 1997. Aussitôt enregistrée par David Zinman à la tête de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, cette intégrale d’une grande valeur musicale _ oui ! _ passa malheureusement presque inaperçue _ pas tout à fait : ainsi mon disquaire préféré, Vincent Dourthe _ à côté des nouvelles versions « historiquement renseignées » qui avaient alors le vent en poupe.

C’est maintenant au tour de Yannick Nézet-Seguin de proposer chez Deutsche Grammophon une intégrale reposant sur une toute nouvelle édition critique, la New Beethoven Complete Edition, dans laquelle on trouve de menus détails d’articulation et d’expression. Ce qui compte en définitive dans ce nouvel enregistrement, réalisé au cours de quatre concerts donnés _ en suivant _ en juillet 2021 avec l’Orchestre de Chambre d’Europe, c’est la position historique d’un jeune chef très doué et ayant parfaitement assimilé les modes de jeux et le style retrouvés par ses aînés, notamment Nikolaus Harnoncourt dont l’intégrale à la tête de ce même orchestre avait fait sensation _ en effet _ lors de sa parution en 1990 (Teldec).

..;

Moins radical que ses prédécesseurs, Harnoncourt, Brüggen ou Norrington, le chef canadien recherche avant tout à souligner « la manière dont la musique de Beethoven peut nous surprendre _ et nous toucher au cœur _ aujourd’hui. » Ses tempos sont souvent vifs _ oui _, les articulations saillantes, sans emphase ni ego surdimensionné _ c’est cela. C’est une approche enjouée, humble et vivante _ oui, oui, oui _ qui rend à Beethoven toute sa brûlante actualité _ en sa flamme lumineuse _ avec un classicisme _ oui _ d’où toute excentricité _ d’un quelconque maniérisme _ est _ très heureusement _ bannie.

Voici aussi, encore, le bel article, intitulé « Renouveau« , de Jean-Charles Hoffelé, sur son excellent site Discophilia, le 24 décembre dernier,

et qui m’a incité à me procurer illico presto cette très réjouissante nouvelle Intégrale par Yannick Nézet-Séguin,

qui tout simplement m’emballe et m’enchante ! :

RENOUVEAU

Londres, début des années 1980, Michael Tilson Thomas, prenant de cours les adeptes de l’interprétation beethovénienne historiquement informée, enregistrait avec l’English Chamber Orchestra, dans les studios d’Abbey Road, une intégrale des Symphonies rendue à l’effectif des orchestres viennois de son temps _ une très judicieuse initiative !

Stupeur et tremblement dont l’écho se prolonge jusqu’à nos jours. David Zinman en reprendra _ non moins excellemment _  l’esprit sinon la lettre, aujourd’hui Yannick Nézet-Séguin, dans un beau coffret trop peu discuté chez nous _ depuis sa parution, le 15 juillet dernier _, ressuscite la lettre et l’esprit de cet acte pionnier, y ajoutant son tempérament si physique, idéalement marié à la grammaire beethovénienne _ mais oui _  et rappelant que oui, dans les temps de révolution, la lettre est bien l’esprit.

Écoutez comment fuse le Finale de la Quatrième, l’articulation du quatuor qui crépite chaque note, et puis, immédiatement le mouvement impérieux qui emporte la Septième Symphonie, ce Vivace cravaché.

Tout ici renouvelle l’écoute jusque dans une Neuvième fabuleuse (avec une partie de contrebasson retrouvée, tendez l’oreille !), vrai cosmos de sons qui ouvre sur de nouveaux mondes ; mais écoutez d’abord le con fuoco de la 8e (pas entendu ainsi depuis Scherchen), les idylles et les orages de la Pastorale dont le verni est ôté, l’élan épique de l’Eroica, fusant, irrésistible.

Alors oui, vous saurez que cette intégrale ne doit pas vous manquer _ en effet.

LE DISQUE DU JOUR

Ludwig van Beethoven(1770-1827)


Les Symphonies (Intégrale)


No. 1 en ut majeur, Op. 21
No. 2 en ré majeur, Op. 36
No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55
« Eroica »

No. 4 en si bémol majeur, Op. 60
No. 5 en ut mineur, Op. 67
No. 6 en fa majeur, Op. 68
« Pastorale »

No. 7 en la majeur, Op. 92
No. 8 en fa majeur, Op. 93
No. 9 en ré mineur, Op. 125 « Chorale »


Siobhan Stagg, soprano – Eketarina Gubanova, mezzo-soprano – Werner Güra, ténor – Florian Boesch, basse – Accentus

Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction

Un coffret de 5 CD du label Deutsche Grammophon 4863050

Photo à la une : le chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin – Photo : © Michael Bode

Bravissimo, donc, maestro Nézet-Séguin !

Et merci !

Ce mardi 27 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’enivrante magie du violon magistral (et de Transylvanie) de Johanna Martzy (1924 – 1979)…

24août

Le coffret de 9 CDs Warner « Johanna Martzy Her Columbia Gramophone Recordings«  _ Warner 0190296488573 _

nous restitue l’enivrante magie du violon transylvanien de Johanna Martzy (Timisoara, 26 octobre 1924 – Zurich, 13 août 1979)…

Merci à l’article « Légende » de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, en date du 21 août dernier, de nous avoir rappelé, à l’occasion de la parution de ce précieux coffret de 9 CDs Warner, l’excellence de cette violoniste virtuose…

LÉGENDE

Willem Mengelberg la dirigeant à Budapest en 1943 fut soufflé : belle fille certes, mais d’abord un violon si parfaitement joué, avec cette pointe de paprika, une pure fantaisie dans les accents, un archet très libre tel celui des ménétriers de sa Transylvanie natale _ la Transylvanie natale aussi de Béla Bartók (Nagyszentmiklós, 25 mars 1881 – New-York, 26 septembre 1945)….

Peu après elle s’exile, fuyant la montée des Nationalistes hongrois. Apatride comme tant d’autres de ces Hongrois de Roumanie, elle s’installe en Suisse, remporte en 1947 le Concours de Genève.

À l’avènement du « long playing », Elsa Schiller, muse de Deutsche Grammophon, lui fait graver quelques pièces de virtuosité puis deux concertos : le 4e de Mozart avec Jochum, parfait de style, d’expression pudique, et le Dvořák, piquant mais nostalgique, d’un caractère bien trempé en accord avec la battue fouettée de Fricsay : on n’a pas fait mieux _ c’est dire !

Walter Legge, alerté, lui signe un contrat. Cadeau de noces, le Concerto de Brahms avec son Philharmonia et Kletzki. Résultat : magie pure_ voilà ! _ , un archet infini, des phrasés affirmés (Hubay avait dû les lui souffler) ; jamais le Finale ne fut si hongrois et pourtant si peu appuyé.

La poignée d’enregistrements qu’elle concéda à His Master’s Voice suffira à faire son art légendaire, et ses long playing la lubie des collectionneurs. Après ce Brahms d’anthologie _ oui _, rien que du grand répertoire classique, le Mendelssohn deux fois, surtout le 3e Concerto de Mozart où l’on croirait entendre dans l’Andante La Comtesse des Noces (Sawallisch n’y est pas pour peu).

Legge avait rendu les armes, Martzy lui avait fait comprendre qu’elle seule était maîtresse à bord, par l’art, mais aussi par le carnet de chèques _ cf aussi la remarque de Nicolas Derny sur sa rupture avec Legge. Elle enregistrerait ce qu’elle voulait, et d’abord les Sonates et Partitas de Bach, l’Évangile d’Enesco puis de Menuhin, qu’aucun archet féminin n’avait osé aborder au disque. Lecture claire, ardente, qui fait tout entendre de ce violon polyphonique _ voilà.

Puis, délivré absolument de Legge, pour Electrola, tout ce que Schubert aura écrit pour le violon et le piano, ensemble resté magique, plus proche du ton si humain d’un Busch que de ceux qui s’y risqueront ensuite.

Tout cela n’avait pas été réuni depuis un ancien coffret Toshiba réservé au marché japonais, l’éditeur proposant ici une nouvelle mouture sonore conçue par Art et Son Studio qui rend plus sensible ce jeu ardent _ oui _, son art étant admirablement détaillé par la plume de Nicolas Derny dans un essai qui fera date.

LE DISQUE DU JOUR


Johanna Martzy


Her Columbia Grammophone Recordings

The Complete Warner Classics Edition

CD 1


Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 77
Philharmonia OrchestraPaul Kletzki, direction

CDs 2-4


Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Les Sonates et Partitas pour violon seul (Intégrale)
Sonate No. 1 en sol mineur, BWV 1001
Partita No. 1 en si mineur, BWV 1002
Sonate No. 2 en la mineur, BWV 1003
Partita No. 2 en ré mineur, BWV 1004
Sonate No. 3 en sol majeur, BWV 1005
Partita No. 3 en mi majeur, BWV 1006

CD 5-7


Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour violon et piano en ré majeur, D. 384
Sonate pour violon et piano en la mineur, D. 385
Rondeau brillant pour violon et piano en si mineur, D. 895
Fantasie pour violon et piano en ut majeur, D. 934
Sonate pour violon et piano en sol mineur, D. 408
Sonate pour violon et piano en la majeur, D. 574 « Grand Duo »
Jean Antonietti, piano

CD 8


Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64


Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Romance pour violon et orchestre No. 1 en sol majeur, Op. 40
Romance pour violon et orchestre No. 2 en fa majeur, Op. 50
Philharmonia OrchestraPaul Kletzki, direction

CD 9


Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour violon et orchestre No. 3 en sol majeur, K. 216


Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64
Philharmonia OrchestraWolfgang Sawallisch, direction

Johanna Martzy, violon

Un coffret de 9 CD du label Warner Classics 0190296488573

Photo à la une : la violoniste Johanna Martzy – Photo : © Warner Classics

Quel violon !!!

Ce mercredi 24 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et puis regarder-écouter Josep Colom en un concert de « Moments musicaux », à la Fondation Juan March, à Madrid, le 10 octobre 2018

24avr

Et pour découvrir encore le trop méconnu Josep Colom,

cette fois en concert, en un programme de « Moments musicaux« ,

sans pièces de Frederic Mompou et Manuel Blasco de Nebra, mais de Schubert (4), Schœnberg (4), Beethoven (2), Bach (1), Chopin (1) et Brahms (1) :

Arnold Schœnberg : Klavierstuck Op. 19 nº 3 ;

Ludwig van Beethoven : Andante, de la Sonate nº 13 en Mi bémol majeur Op. 27 nº 1, “Quasi una fantasia” ;

Franz Schubert : Impromptu D 899 nº 3 ;

Frédéric Chopin : Étude en La bémol majeur Op. 25 nº 1 ;

Arnold Schœnberg : Klavierstuck Op. 19 nº 1 ;

Johann-Sebastian Bach : Prélude en Do mineur BWV 871, du Clavier bien tempéré ;

Franz Schubert :  Moment musical D 780 nº 4 ;

Arnold Schœnberg : Klavierstuck Op. 19 nº 4 ;

Franz Schubert : Moment musical D 780 nº 5 ;

Johannes Brahms :  Rhapsodie Op. 119 nº 4 ;

Ludwig van Beethoven :  Allegretto, de la Sonate nº 6 en Fa majeur Op. 10 nº 2 ; 

Franz Schubert : Moment musical D 780 nº 6 ;

Arnold Schœnberg : Klavierstuck Op. 19 nº 6 ;

voici de quoi se réjouir musicalement avec cette superbe vidéo de 85′

de Josep Colom en ce très beau concert donné le 10 octobre 2018 à la Fondation Juan March à Madrid _ Josep Colom a ici 71 ans…

Ce dimanche 24 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’avènement du somptueux « Printemps » bouleversant de Gérard Poulet et Jean-Claude Vanden Eynden au Palais des Dégustateurs

18mar

Une nouvelle fois Éric Rouyer nous offre un enregistrement discographique somptueusement hors pair, pour la simple et pure beauté d’une interprétation la plus honnête et juste possible des œuvres ainsi données à l’écoute du public.

Ainsi en va-t-il du merveilleux « Printemps » pour violon et piano n°5, op. 24, de Beethoven, pour le CD PDD 026 du Palais des Dégustateurs,

tel que donné ainsi par un juvénile parfait Gérard Poulet et un solidement protecteur Jean-Claude Vanden Eynden…

Ce vendredi 18 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une nouvelle appréciation du double CD du concert d’adieu « Mozart – Beethoven » de Nikolaus Harnoncourt à Zurich en novembre 2011

04fév

Avec un peu de retard sur la parution en octobre 2021 du double CD « Farewell from Zurich » de Nikolaus Harnoncourt _ soit l’album de 2 CDs Prospero 0020 _,

que j’avais chroniqué le 9 octobre 2021, en rapportant la chronique sur ce même double CD, ce même jour, intitulée « Atelier«  de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, en un article que j’avais intitulé « « ,

voici que le site de ResMusica publie, à son tour, sur ce même CD-événement, et sous la plume de Bénédict Hévry, un article excellemment détaillé intitulé « Les ravageurs adieux zurichois de Nikolaus Harnoncourt enfin publiés » ;

c’est-dire ici enfin écoutés...


Voici donc cette chronique de ce jour :

Les ravageurs adieux zurichois de Nikolaus Harnoncourt enfin publiés

La label suisse Prospero publie enfin les bandes des ultimes concerts de Nikolaus Harnoncourt à la Tonhalle de Zürich en novembre 2011. Sont opposées plus que réunies la Sérénade « Gran Partita » de Mozart et la Symphonie n° 5 de Beethoven.

Le 10 février 2011 s’éteignait à quatre-vingt huit ans Claus Helmut Drese, ancien intendant de l’Opéra de Zürich. Dès ses débuts sur place, il avait invité Nikolaus Harnoncourt à assurer la direction musicale de la trilogie montéverdienne confiée scéniquement à Jean-Pierre Ponnelle _ oui : un triple événement, qui fit date. Le chef autrichien dirigea là, par la suite, ses premiers opéras de Mozart dans la fosse, dont entre autres un Idoménée appelé à faire date _ lui aussi, à nouveau.

Pour cet ultime concert de novembre 2011, dédié à la mémoire de Drese _ voilà _, Amadeus était derechef convié pour une très singulière Sérénade « Gran Partita » KV 361 tantôt pulpeuse, tantôt ironique cérémonie des Adieux : une vision entre rires et larmes, entre drame intense et confidences intimes (les trios des deux menuets !), dont le sublime adagio se mue en procession quasi funèbre, la romance en sublime et crépusculaire oraison. Amoureusement préparée _ en effet _ dans le moindre détail l’été précédent, en la demeure austère de St-Georgen du maestro, par douze vents solistes et une contrebasse à cordes (dont sont tirés de surprenants effets au fil du pénultième thème et variations) issus de la phalange locale hélvétique, cette présente captation n’est pas sans quelques minimes scories liées aux aléas du direct – un hautbois premier soliste au son un rien pincé et nasillard, des cors faiblards à l’orée de l’adagio – ni sans quelques énoncés disruptifs, tels ceux du premier thème du Molto allegro liminaire, ou de l’ultime reprise du second menuet expédié prestissmo, bien dans la manière théâtrale et dramatique si typique du chef : le final affiche une hardiesse presque intrépide par ses rebonds rythmiques presque rageurs. Mais il règne aussi ailleurs, dans les vastes espaces nocturnes des mouvements intermédiaires, un sentiment d’indicible sérénité _ voilà _ presque fraternelle – les échanges entre clarinettes et cors de basset – de fragile beauté _ oui _ entre instantanéité hédonisme et geste architectural _ pour cette œuvre sublime… L’élévation du discours musical y reste toujours à hauteur d’homme, subtile exploration des replis de l’âme, sans l’écrasante monumentalité d’un Klemperer, ou sans les abysses métaphysiques d’un Furtwängler (tous deux chez Warner). Harnoncourt par cette alternance de force et de tendresse _ oui _, d’emportement et de sagesse, tourne le dos à son propre enregistrement « officiel » de studio avec les Wiener Bläsersolisten (Teldec/Warner, 1984), disque-manifeste bien plus univoque et quelque peu péremptoire de linéarité.

En seconde partie de ces concerts, Nikolaus Harnoncourt, musicien du « Tragique » par excellence, convoque Beethoven pour une torrentielle _ voilà _ (re)lecture de la Symphonie n° 5. Des diverses versions sous sa direction aujourd’hui couramment disponibles, voici sans aucun doute la plus radicale  _ oui _, la plus discutable, mais aussi la plus passionnante, l’ultime enregistrement live pour Sony avec le Concentus Musicus se révélant, en comparaison, de conception proche, mais d’avantage classique et unitaire dans sa réalisation destinée au disque, malgré un contexte là aussi live. A Zurich, l’approche interrogative _ voilà _ au plus près du texte n’empêche nullement ici une restitution de l’œuvre hautement suggestive et personnelle _ mais oui.

Le premier mouvement atteint une raucité implacable et incendiaire _ oui _ par ses tempi échevelés mais assumés, par le travail sur le «grain» sonore, (cordes senza vibrato, petite harmonie très présente et sèchement articulée, cuivres pointus, présence des timbales) que par ces tempi échevelés ou par ces ruptures discursives quasi expressionnistes (tempo fluctuant, retard « calculé » de l’attaque des cors à 0’43 ou à 2’05 , generale-pause prolongée et angoissante lors de la coda à 5’50, aux ultimes mesures précipitées accelerando, à la limite de l’implosion). Rarement le Destin _ voilà _ aura-t-il été ainsi saisi à la gorge ! L’Andante con moto respire davantage, avec un très subtil éclairage des voix secondaires, avec cette alternance ambivalente d’ambiances tantôt nostalgiques tantôt conquérantes, avec de très solides assises des cordes graves. Le scherzo – joué comme à l’habitude pour Harnoncourt avec sa grande reprise – et le final enchaîné sont plus proches de conception des autres enregistrements du maître, notamment dans l’articulation et l’agogique du fugato du trio, ou le surlignage des détails d’orchestration (choral de trombones, traits irradiants du piccolo) mais sans, par exemple, l’excentricité étonnante des accords conclusifs de l’ultime captation viennoise. Cependant, règne ici avant tout cette force mate _ voilà _, cette urgence de l’instant, cette électricité palpable et suffocante _ oui _ liée au direct dans ce contexte si particulier d’Adieux à un orchestre chéri. Après un dernier accord d’une puissance tellurique et dévastatrice, (oserions-nous dire karajanesque ?) le public ne rompt un long silence pour de très enthousiastes vivats qu’après plusieurs secondes, estomaqué par cette écrasante leçon de rhétorique quasi guerrière et cette vision de l’œuvre placée sous tension permanente.

Il est heureux que ces concerts à l’aura légendaire aient pu reparaître cinq ans après la disparition de Nikolaus Harnoncourt, avec l’aval de la veuve du maestro dans des conditions techniques idéales, et avec le support d’une présentation luxueuse. Pour compléter ce portrait idoine d’un artiste en perpétuelle interrogation _ oui… _, quelques extraits des répétitions des deuxième et troisième mouvements de la Symphonie n° 5 montre à quel point la dialectique discursive du chef s’éloigne du simple texte pour rejoindre, par des images suggestives, la plus palpable des réalités musicales. En soi, cette précieuse dizaine de minutes – hélas uniquement traduite en anglais dans le libretto – demeure pour le profane une leçon de musique _ oui _, par delà les querelles autour d’une introuvable ou improbable « authenticité ».

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade n° 10 en si bémol majeur KV 361 « Gran Partita ». Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 5 en ut mineur, opus 67 augmentée d’extraits de la répétition des deuxième et troisième mouvements.

Philharmonia Zürich, direction : Nikolaus Harnoncourt.

2 CDs Prospero.

Enregistrés du 25 au 27 novembre 2011 en la grande salle de la Tonhalle de Zürich.

Textes de présentation en allemand, anglais, français et japonais.

Durée totale : 100 min.

 

Une réalisation mémorable.

Ce vendredi 4 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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