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Et écouter en boucle le délicieux CD « Gradus ad Parnassum » de Jean Rondeau, sur son magique clavecin…

03mar

Et,

en suivant mon article d’hier « « ,

j’écoute délicieusement en boucle _ de 82′ 23 _ ce merveilleux CD « Gradus ad Parnassum«  _ Erato 5054197416170, paru ce vendredi 3 mars _ de Jean Rondeau et son clavecin parfaitement idoine aux pièces si judicieusement choisies du programme qu’il s’est très intelligemment composé, de Palestrina à Debussy, via Fux,

en m’attardant tout particulièrement aux œuvres si heureuses et radieuses de Haydn, de Mozart, et aussi de Clementi en 2004, pour le très remarquable CD Pan Classics 10171 « Muzio Clementi Late Works for pianoforte« , par Edoardo Torbianelli sur un pianoforte Clementi & Co de 1812, voici ce que je disais sur un blog, « L’Agenda de Francis Lippa«, que Jean-Paul Combet m’avait spécialement ouvert alors pour son label Alpha Classics : « Un très intéressant, et plein de charme, « Late Works for Pianoforte » de Muzio Clementi (compositeur injustement décrié…) par Edoardo Torbianelli, très en verve : Vladimir Horowitz n’avait pas nécessairement mauvais goût ; en tout cas, un tel enregistrement nous oblige à mieux repenser l’histoire et l’esthétique du clavier, au tournant d’un certain classicisme : ce n’est déjà pas rien… » ; ainsi l’œuvre de Muzio Clementi (Rome, 24 janvier 1752 – Evesham, 10 mars 1832) est-elle à bien mieux explorer et redécouvrir, comme nous en donne subtilement ici le goût, Jean Rondeau, sur son merveilleux clavecin qui avcc tendresse vole _, auxquelles il sait si bien rendre lumineuse justice,

sur son magique si poétique clavecin…

Ce vendredi 3 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La merveilleuse surprise d’un Jean Rondeau enfin justissime, et non hystérisé, en un magnifique programme « Gradus ad Parnassum », sur un superbe clavecin de Jonte Knif et Arno Pelto : de Palestrina à Debussy, en passant par Haydn, Mozart, Clementi et Beethoven, et bien sûr Fux, l’auteur du « Gradus ad Parnassum », en 1725 ; un miraculeux CD. Ou la révélation de ces oeuvres en leur absolu « naturel » par leur interprétation au clavecin…

02mar

C’est une magnifique _ divine… _ surprise que Jean Rondeau, enfin justissime et non hystérisé _ peut-être parce que le fond de l’affaire, cette fois-ci, est, au moins en son départ, et à sa base, l’assez exigeant contrepoint (de Fux : célèbre Kapellmeister de la cour de Vienne, organiste, compositeur, pédagogue estimé et auteur du Gradus ad Parnassum, en 1725, un traité de composition dont la force et le très durable succès résident dans sa consolidation des traditions contrapuntiques héritées des deux siècles précédents. Les interprétations qui s’ensuivent, en ce CD de Jean Rondeau, étant, elles, tout au contraire, et il faut bien le souligner, rayonnantes de « naturel« , d’élégance et même de tendresse ; sans la moindre once de rigide ni de forcé… _, vient nous offrir en un vraiment splendide, absolument maîtrisé, et d’une fluidité merveilleusement naturelle _ oui, oui, il me faut bien y insister _ et inventive, CD intitulé « Gradus ad Parnassum«  _ le CD Erato 5054197416170  _,

avec un merveilleux programme d’œuvres bâties autour et à partir de ce fameux Traité de contrepoint et composition musicale, de 1725, qu’est le « Gradus ad Parnassum« , du compositeur Johann-Joseph Fux (Hirtenfeld, 1660 – Vienne, 13 février 1741),

et cela sur un superbe clavecin de Jonte Knif & Arno Pelto (de 2006) _ et avec une superlative prise de son d’Aline Blondiau, en la fameuse salle de musique de La Chaux-de-Fonds, à l’acoustique parfaite ! où ce miraculeux enregistrement a eu lieu du 8 au 12 octobre 2021 _ :

un programme tout à la fois ingénieux, inventif _ et d’abord dans le choix, au départ audacieux, d’interpréter toutes ces œuvres, jusqu’à celle de Debussy, Doctor Gradus ad Parnassum, un pastiche de la série d’exercices pour le piano Gradus ad Parnassum, composée par Muzio Clementi, qui constitue la première pièce de « Children’s corner« , entre 1906 et 1908), sur clavecin ! Un choix qui n’a rien d’arbitraire et gratuit, et permet rien moins que leur lumineuse révélation !!!.. _ et absolument splendide,

qui va de Giovanni-Pierluigi da Palestrina (1525 – 1594) à Claude Debussy (1862 – 1918),

en passant par Joseph Haydn (1732 – 1809), Wolfgang-Amadeus Mozart (1756 – 1791), Muzio Clementi (1752 – 1832) et Ludwig van Beethoven (1770 – 1827),

et bien sûr Johann-Joseph Fux (1660 – 1741), l’auteur du célébrissime Traité de contrepoint intitulé « Gradus ad Parnassum« , en 1725…

Qu’on écoute, en particulier, les merveilles tout simplement admirables _ et quasi inouïes jusqu’ici à un tel degré de perfection en leur absolu « naturel«  ! _ qu’obtient ici, sur le clavecin, Jean Rondeau,

dans les 28′ de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn,

dans les 6′ 24 de la Fantaisie n°3 K. 397 et les 6’23 de l’Andante de la Sonate n°16 K. 545 de Mozart,

ou dans les 6’07 de l’Étude n°14 du Gradus ad Parnassum de Muzio Clementi…

C’est renversant de beauté de classicisme libre et lumineusement, tout en sourire, épanoui,

voilà ;

et qui, sans la moindre précipitation un peu trop virtuose, sait merveilleusement prendre tout le temps, serein, lumineux et joyeux, qu’il y faut, pour que ces pièces, en toute plénitude de leur « naturel« , viennent vraiment s’épanouir…

Ce à quoi il faut ajouter aussi que l’instrument qu’est ce clavecin magnifique _ de Jonte Knif et Arno Pelto (de 2006) _, et cette prise de son superlative _ d’Aline Blondiau _, aident aussi, afin de servir en toute perfection la gracilité toute simple splendidement épanouie, déjà, de ces pièces _ la majorité d’entre celles-ci (8/12) étant postérieures à l’invention (au mitan du XVIIIe siècle), et rapide triomphe, du piano-forte…

Ces Haydn et Mozart, servis donc ici au clavecin par Jean Rondeau, sont ainsi comme enfin révélés à eux-mêmes, voilà, mieux encore que par le pianoforte, ou le piano classique de concert :

j’en prendrai pour exemple une comparaison de cette si heureuse et radieuse interprétation-ci par Jean Rondeau (en 28′) de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn _ probablement l’acmé de ce si beau CD ! _avec l’interprétation _ qui m’avait pourtant bien plue : « épatamment jeune« , « pétulante« , disais-je…  _ du cher Christian Zacharias (en 17′ 39″ _ contre les 28′ de Jean Rondeau : une différence considérable… _) sur un Steinway Concert Grand Piano D. 1901, en son récent très réussi CD « Haydn Sonatas » MDG 940 2257-6cf mon article du 31 janvier dernier : « « 

Quelle interprétation de Jean Rondeau en tout ce CD « Gradus ad Parnassum » ! Quel jeu !!! quelles délices !

Un pur ravissement de musicalité… Et cela grâce au clavecin, mais oui !

Une fête qui nous comble !!!

Une absolue révélation musicale, donc, par ce très évident CD !

Ce jeudi 2 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Maxim Emelyanychev en état de grâce, sur un pianoforte Conrad Graf, dans le 23e Concerto K. 488 de Mozart, avec son plus que jamais magnifique orchestre il pomo d’oro…

03fév

C’est un Maxim Emelyanychev en véritable état de grâce, sur un splendide pianoforte Conrad Graf, dans le 23e Concerto K. 488 de Mozart, et conduisant son décidément merveilleux orchestre il pomo d’oro,

que vient nous proposer un transcendant album inaugural _ Aparté AP 307 _, intitulé « the beginning and the end », d’une mieux que prometteuse intégrale à venir des 41 Symphonies de Mozart _ avec ici la (toute première)  Symphonie n°1 K. 16 et la (dernière) Symphonie n°41 (« Jupiter« ) _,

comportant aussi, pour chaque parution de 2 Symphonies, un bonus,

tel ici ce sublime, radieux et merveilleusement intime tout à la fois, Concerto n°23 ;

à preuve, ici, cette extraordinaire vidéo (de 6′ 39) du sublime adagio…

Avec aussi l’assentiment de Jean-Charles Hoffelé, en son excellent article « Le petit disque rouge » d’avant-hier 1er février : 

LE PETIT DISQUE ROUGE

On n’y prendrait pas garde, l’éditeur ayant fait abus de discrétion, mais c’est bien le premier volume d’une nouvelle intégrale _ voilà! _ des symphonies de Mozart que je tiens dans mes mains, petit disque rouge logué d’un M graphique.

Surprise, Nicolas Bartholomée a confié ce projet au génie polymorphe de Maxim Emelyanychev, aussi à l’aise chez Haendel (sa Theodora, ici) que chez Beethoven : pour le même label, rappelons sa stupéfiante Eroica.

Sa battue vive, son sang neuf _ oui ! _ irrigue la première et la dernière symphonie, la K. 16 jouée comme une ouverture d’opéra, donne le signal d’un disque festif _ c’est cela ! _, dont l’apothéose, une Jupiter tonnante _ oui _, créera la stupeur.

Pourtant, la perle du disque _ nous y voici ! _ est ailleurs, pas une symphonie, mais un concerto. Dans sa note d’intention, Maxim Emelyanychev indique qu’à chaque volume une œuvre choisie hors du corpus symphonique viendra faire diversion _ si l’on peut dire ainsi…

Le voilà qui s’assoit au clavier de la belle copie d’un Conrad Graf signée par Chris Maene pour envoler _ voilà ! _ un jouissif _  oui !23e Concerto, solaire _ oui _, irrésistible d’élan _ oui ! _ et de fantaisie _ et de tendresse aussi _, Allegro élégant, brodé de nostalgies, Andante tendre _ voilà ! _ avec des airs de sérénade, Finale qui court la poste _ comme cela se doit… _ et où bondit Cherubino, quelle fête ! _ fête splendide, voilà !

Vite la suite, et d’autres concertos !

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)


The Symphonies, Vol. 1: the beginning and the end


Symphonie No. 1 en mi bémol majeur, K. 16
Concerto pour clavier et orchestre No. 23 en la majeur, K. 488
Symphonie No. 41 en ut majeur, K. 551 « Jupiter »

il pomo d’oro
Maxim Emelyanychev, pianoforte, direction

Un album du label Aparté AP307

Photo à la une : le pianofortiste et chef Maxim Emelyanychev – Photo :
© DR

Un CD de bonheur mozartien tout simplement magistral !

Et qui vient nous extraire, au moins le temps de son écoute, de la morosité adipeuse de ce pauvre hiver-ci…

Un CD indispensable, donc !!!

Ce vendredi 3 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La « libre inspiration d’après Diderot » du « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret _ ou l’éloge d’un sublime amour vrai : un apport cinématographique magnifique à l’oeuvre de Diderot…

16jan

L’assez étonnant hasard _ eu égard à la série de mes présentes réflexions suivies autour d’Emmanuel Mouret et Denis Diderot ; cf mes tout récents articles des 8, 9, 13 et 15 janvier derniers : « « , « « , «  » et « «   _ de la programmation par Arte, ce jour, lundi 16 janvier 2023, à 13h 35, du film « Mademoiselle de Joncquières« , que j’avais seulement jusqu’ici vu et revu, à ma guise, en DVD,

me donne une magnifique occasion de me pencher davantage, et mieux que je ne l’avais fait jusqu’ici, sur le personnage même de Mademoiselle de Joncquières, telle qu’Emmanuel Mouret nous amène _ avec les yeux, aussi, du marquis des Arcis ! et ce point de vue-là est bien sûr capital ! D’autant que c’est aussi et surtout celui d’Emmanuel Mouret lui-même ; en étant celui qu’il désire, in fine (mais aussi, et c’est capital !, dès les premiers dialogues, de badinage amoureux apparemment très innocent, à l’ouverture de son film, avec les très significatifs – mais on ne s’en rendra vraiment compte que bien plus tard – échanges dont Emmanuel Mouret nous rend témoins – mais y prêtons-nous à ce moment toute l’attention nécessaire, à l’égard de personnages que nous commençons à peine à découvrir alors ? Probablement pas vraiment ! Car ce n’est alors pour nous, en ce tout début de film, qu’un innocent badinage amoureux, en un sublime lumineux parc de château… – entre Madame de La Pommeray et le marquis des Arcis faisant sa cour, sur les responsabilités effectives de ce qui vient déclencher la séduction amoureuse ; soit le dilemme suivant : est-ce bien le marquis qui entreprend délibérément et sciemment d’habiles (et peu honnêtes) manœuvres de séduction à l’égard des nombreuses et successives « victimes«  de son libertinage ?, ainsi que l’en accuse en badinant Madame de La Pommeraye ; ou bien plutôt n’est-ce pas lui qui, tout à fait innocemment (et très honnêtement même), se trouve à son corps défendant, innocemment – il faut y insister – séduit de facto par leurs charmes à elles ?, comme se défend – déjà –très clairement ici le marquis des Arcis – qui ne tombera vraiment amoureux, pour la première, et peut-être unique, fois, que quand il apprendra à connaître vraiment cette Mademoiselle de Joncqières par laquelle Madame de La Pommeraye avait cru vilainement l’abuser… –, mais nous ne sommes pas encore alors, nous spectateurs qui découvrons l’intrigue qui commence tout juste à se mettre en place, vraiment prêts à y accorder toute l’attention nécessaire…), nous faire prendre, nous spectateurs de son film, au moins en considération, sinon absolument le partager ; et cela à la différence du malicieux (et jubilatoire) jeu d’auteur de Diderot, au final volontairement bien plus ambivalent, lui – car, lui, Diderot, auteur, veut insister sur la très effective infinie diversité des points de vue des monades sur le monde : à la Leibniz… ; avec cette conséquence tant éthique que métaphysique que c’est à chacun d’entre nous d’y orienter et faire jouer notre propre libre-arbitre de personne plus ou moins responsable… –, de son « Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis«  _ à la considérer tout du long de sa présence à l’écran,

dès le moment de son apparition, à elle, Mademoiselle de Joncquières, quand la marquise de La Pommeraye, qui l’a « recrutée« , lui fait passer l’épreuve de son « casting » pour le rôle de très jolie mais durablement inflexible « dévote » qu’elle lui destine _ à 32′ 04 du film _ celle qui n’est alors que la fille « d’Aisnon« , une catin de tripot, et jusqu’à son départ avec son époux, et pleinement devenue marquise des Arcis, pour rejoindre pour environ trois années la plus paisible campagne du marquis des Arcis, avant de regagner, rassérénés qu’ils pourront être alors, après ce raisonnable délai d’apaisement des bavardages mondains, leur maison de Paris _ à la minute 100′ de ce film de 105′.

Car jusqu’à ce nouveau regard d’aujourd’hui sur cet extraordinaire film d’Emmanuel Mouret,

mon attention s’était portée en priorité sur les patientes péripéties, centrales il est vrai, de la vengeance de Madame de La Pommeraye à l’égard de son amant, le marquis des Arcis, qui l’avait vilainement bien déçue et profondément blessée en son amour propre _ les réputations des personnes étant assurément puissantes dans le monde – et c’est là aussi un cadre social et moral tout à fait décisif de la situation que nous présente ici en son merveilleux film Emmanuel Mouret : même éloignés de tout (et de presque tous : sauf, pour ce qui concerne Madame de La Pommeraye, de ce bien précieux personnage inventé ici par Emmanuel Mouret par rapport au récit de Diderot, qu’est cette amie-confidente go-between, qui vient de temps en temps lui rapporter, alors qu’elle-même prend bien soin de se tenir retirée en la thébaïde de sa belle campagne, ce qui se bruisse dans Paris, où l’on voit tout… et rapporte tout !) ; en conséquence de quoi les regards du « monde » (mondain !) des autres pèsent de leur non négligeable poids pressant sur la conscience et le choix des actes de la plupart des personnes (qui y cèdent ; y compris donc Madame de La Pommeraye qui fait de ce qu’en dira-t-on l’arme tranchante de sa vengeance ; à part quelques très rares un peu plus indifférents (et surtout finalement résistants au poids de ces normes mondaines-là), tels qu’ici, justement, et le marquis des Arcis, et Mademoiselle de Joncquières, qui se laissent, au final du moins (et là est le retournement décisif de l’intrigue !), moins impressionner pour le choix de leur conduite à tenir par les normes qui ont principalement cours dans le monde, ainsi qu’Emmanuel Mouret le fait très explicitement déclarer, voilà, au marquis des Arcis à sa récente épouse, pour, en un très rapide mot, lui justifier son pardon (pour s’être laissée instrumentaliser en l’infamie ourdie par Madame de La Pommeraye : « Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme ; mais ne croyez pas, monsieur que je sois méchante : je ne le suis pas« , venait-elle de lui signifier… Emmanuel Mouret faisant alors explicitement dire au marquis, à 95′ 47 du déroulé du film, ce que ne lui faisait pas dire Diderot, mais qu’impliquait cependant, bien sûr, l’acte même, fondamental, du pardon de celui-ci envers son épouse : « _ Je ne crois pas que vous soyez méchante. Vous vous êtes laissée entraîner par faiblesse et autorité à un acte infâme. N’est-ce pas par la contrainte que vous m’avez menti et avez consent à cette union ? _ Oui monsieur _ Eh bien, apprenez que ma raison et mes principes ne sont pas ceux de tous mes contemporains : ils répugnent à une union sans inclination » ; c’est-à-dire que lui, marquis des Arcis, savait donc oser ne pas se plier aux normes courantes des autres, et se mettre au-dessus de ces normes communes, en acceptant et assumant pleinement, en conscience lucide et entière liberté, d’avoir fait, en aveugle piégé qu’il était au départ, d’une ancienne catin son épouse : « Levez-vous, lui dit doucement le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…« … Oui, le marquis des Arcis, ainsi que sa désormais épouse, tous deux, savent, à ce sublime héroïque moment-ci, s’extraire, non seulement, bien sûr, de toute la gangue de leur passé, mais du bien lourd poids aussi des normes dominantes et des regards d’enfermement des autres… Ce qui est aussi, au final, ce que Diderot lui-même a voulu lestement et subtilement mettre en valeur en son magnifique récit à rebondissements qu’est ce « Jacques le fataliste et son maître » _ non publié cependant de son vivant, mais seulement laissé au jugement un peu plus distancié de la postérité…

Avec cette conséquence que les dames D’Aisnon, mère et fille

_ un peu trop confondues, au moins d’abord, en un quasi indissociable duo dans leur instrumentalisation terrible par la marquise ; la fille n’étant à son tour presque jusqu’à la fin qu’un docile instrument entre les mains de sa propre mère ; avant, au moment seulement de la décision de son mariage avec le marquis des Arcis, de commencer à regimber enfin, et à faire entendre une voix personnelle sienne ; elle jusqu’alors quasi en permanence muette, et presque toujours les yeux baissés ; la jeune fille ayant alors dû cette fois-là encore s’incliner malgré tout devant sa mère… Une parfaite libre parole sienne ne s’élevant enfin que lors de la confrontation frontale, face au marquis, quelques jours plus tard, celui-ci étant devenu son mari ; un mari qui, de colère et de honte (pour sa réputation ruinée), avait d’abord très précipitamment quitté Paris « sans qu’on sût ce qu’il était devenu« , puis, étant revenu « quinze jours«  plus tard (page 208) à leur domicile, en une sublime scène de vérité, auprès du feu ; et leur union charnelle n’ayant toujours pas été (dans le film, mais pas dans le récit rapporté par Diderot, et cela par profonde délicatesse de l’époux envers son épouse) consommée ; tous détails ayant leur poids sur le sens profond de l’affaire de ce bien « singulier mariage« 

Ainsi dans le récit de l’hôtesse donné par Diderot à la page 174 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître« , voici comment le récit ainsi rapporté nous présente l’idée (et l’identité) des instruments de la vengeance que commence à élaborer et mettre au point Madame de La Pommeraye :  »À force d’y réver, voici ce qui lui vint en idée : Mme de La Pommeraye avait autrefois connue une femme de province (sans précision supplémentaire) qu’un procès (pour quels motifs ? Cela est laissé dans le vague par l’hôtesse qui le rapporte, en absence de davantage de connaissance de tout cela de sa part…) avait appelée à Paris, avec sa fille, jeune, belle et bien élevée (bonne éducation dont les raisons ne sont pas davantage ici précisées ; mais qui auront leur poids dans la présentation que va nous en donner le film…). Elle avait appris que cette femme, ruinée par la perte de son procès (toujours sans précisions…), en avait été réduite à tenir tripot« , nous dirions un bordel…

Nous voyons donc là combien le film d’Emmanuel Mouret donne, par le détail admirable des précisions qu’il vient, et cela tout au long du film, apporter, infiniment plus de consistance, et à l’intrigue même, déjà, mais aussi et surtout au caractère de ce personnage-pivot – voilà ! – qu’est sa Mademoiselle de Joncquières, doublement de noble extraction ici (et par son père duc « de Grimaud« , et par les parents de sa mère : son grand-père baron « Bolinsky » et sa grand-mère « comtesse de Montois« ), que le récit bien plus elliptique, via le récit bousculé de l’hôtesse, de Diderot, n’aidait guère, en effet, à étayer la puissante déclaration finale, à celui qui vient, il y a quinze jours à peine, de devenir son époux, de la toute nouvelle marquise des Arcis, à la page 210 : « Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née (voilà !) digne de vous appartenir«  _,

avec cette implication cruciale qui faisait que les dames D’Aisnon, mère et fille, étaient principalement et surtout de simples instruments de la perfide vengeance de Madame de La Pommeraye d’où la malicieuse remarque que fait dire au maître de Jacques, à la page 212, Diderot, Brecht avant Brecht en quelque sorte :

« Notre hôtesse, vous narrez assez bien ; mais vous n’êtes pas encore profonde dans l’art dramatique. Si vous vouliez que cette jeune fille intéressât _ vos deux auditeurs que sont alors Jacques et son maître, et par suite les lecteurs du conte de l’hôtesse rapporté par Diderot _, il fallait lui donner de la franchise, et nous la montrer victime innocente et forcée de sa mère et de La Pommeraye, il fallait que les traitements les plus cruels l’entrainassent, malgré qu’elle en eût _ davantage forcée, donc _, à concourir à une suite de forfaits continus pendant une année ; il fallait _ vraiment _ préparer ainsi ( voilà ! rendre un peu plus vraisemblable, voire un peu prévisible – et c’est ce travail-là que réussit très finement et admirablement le film d’Emmanuel Mouret –) le raccommodement _ final _ de cette femme avec son mari. Quand on introduit un personnage sur la scène, il faut que son rôle soit un : or je vous demanderai, notre charmante hôtesse, si la fille qui complote avec deux scélératesses est bien la femme supposée que nous avons vue aux pieds de son mari ? Vous avez bien péché contre les règles _ ici celle d’unité d’action _ d’Aristote, d’Horace, de Vida et de Le Bossu.« 

Ce à quoi le délicieux Diderot, qui tire les diverses ficelles de son récit à multiples emboîtements et rebondissements (et c’est bien le réalisme du rendu de la vie, qui, lui, l’intéresse, en son propre art du récit), fait joliment rétorquer du tac au tac à son truculent personnage de l’Hôtesse, pages 212-213 :

« Je ne connais ni bossu, ni droit : je vous ai dit la chose comme elle s’est passée, sans en rien omettre, sans rien y ajouter. Et qui sait ce qui se passait au fond du cœur (voilà !) de cette fille, et si, dans les moments où elle nous paraissait agir le plus lestement, elle n’était pas secrètement dévorée (in pectore, voilà…) de chagrin ? »

Et c’est bien cela, ce « fond du cœur«  gardé « secret«  là, de la jeune fille, que son mutisme, si bien montré (et d’abord si superbement incarné par le jeu très fin des acteurs) tout au long par les images du film, et sublimé par l’ardente intensité du rebondissement final de la très sincère déclaration contrite à son époux de Mademoiselle de Joncquières devenue marquise des Arcis, ainsi que le très effectif et très beau pardon (envers elle) ainsi que le remords (envers lui-même) de son époux le marquis, si parfaitement évidents à l’image, nous rend in fine si cohérents – voilà ! – en la tension, formidablement incarnée ainsi à l’écran, de leur puissant très haut différenciel dramatique…

C’est en cela qu’Emmanuel Mouret rend merveilleusement bien à l’image l’esprit le plus profond de Diderot : le (un long moment) libertin Marquis des Arcis et la (un peu moins long moment, mais c’est qu’elle est plus jeune que lui) ci-devant catin d’Aisnon mademoiselle de Joncquières (« La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée« , fait déclarer à celle-ci Diderot, à la page 210), en la très pénible épreuve de plus d’une année qu’a imposée à chacun d’eux la très vindicative Madame de La Pommeraye, qui, en leur ayant donné l’incroyable occasion « singulière » de leur improbable rencontre, leur a en réalité offert les circonstances et les moyens paradoxaux (« En vérité, je crois que je ne me repends de rien ; et que cette Pommeraye, au lieu de se venger m’aura rendu un grand service« , fait dire Diderot au marquis des Arcis à la page 211) de se révéler – voilà ! – l’un à l’autre, ainsi qu’à eux-mêmes aussi – mais oui ! –, le plus profond et le plus vrai, jusqu’alors enfoui et pas encore découvert, de leur cœur…

Ayant d’abord consenti à l’acceptation de sa mère de bien vouloir aider, par un sournois jeu de rôles (de catins, extraites de leur tripot, et si bien déguisées plusieurs mois de suite en inflexibles dévotes), Madame de La Pommeraye à piéger le marquis des Arcis afin de lui faire payer cher ce que Madame de La Pommeraye leur présentait comme une inconséquence traîtresse du marquis des Arcis, celle que, de demoiselle Duquênoi chez Diderot, Emmanuel Mouret a transformée, en son film, en Mademoiselle de Jonquières _ dont la mère, aussi, est une fille (apprenons-nous à 86′ 20 du film, par ce qu’en révèle cette mère à Madame de La Pommeraye ; et ces précisons-là, le marquis des Arcis, lui, ne les détiendra pas encore, au moment de son sublime pardon à sa jeune épouse..). née de l’union adultérine, voilà, d’une comtesse (la comtesse de Montois) et d’un baron (le baron Bolinsky) ; elle-même étant, à son tour, fille naturelle d’un duc (le duc de Grimaud) ayant abusé de la naïveté de sa mère, traitreusement trompée d’avoir cru, bien à tort, bernée qu’elle a été, avoir véritablement épousé ce duc, père de son enfant !

Ces divers noms étant absents du texte de Diderot, c’est-à-dire du truculent récit (indirect) de la plantureuse hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, qui n’entrait forcément pas en de  tels détails, n’ayant pas, et pour cause, reçu de témoignage direct de ces dames !.. : précisions bienvenues que permet et offre en revanche le film, en nous donnant, lui, directement accès, à nous spectateurs, à la parole de chacun des personnages de l’intrigue de ce « saugrenu«  et « singulier » (ces qualificatifs sont donnés par Diderot à la page 146, par l’hôtesse, puis par le maître de Jacques) mariage, dont s’enchante délicieusement à narrer les péripéties à rebondissements la truculente hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf, que nous fait écouter, en nous tenant à son tour en haleine, nous ses lecteurs, Diderot ; récitante intermédiaireet indirecte que le film d’Emmanuel Mouret peut et doit, lui, se permettre d’effacer… _

Mademoiselle de Joncquières, donc, finit par proclamer _ d’abord auprès de sa mère, peu avant le mariage auquel elle se trouve acculée contre son gré et auquel elle accepte à contre-cœur, de consentir, se plier ; puis devant celui que la cérémonie qui vient d’avoir eu lieu a transformé en son mari (même si, et cela seulement dans le film, mais pas dans le récit de l’hôtesse et donc de Diderot, la délicatesse – en acte – du marquis des Arcis a repoussé le moment d’en faire, dans le lit désormais conjugal, charnellement sa femme), après ce qui devient dans le film d’Emmanuel Mouret, d’abord, une tentative de suicide (en s’étant jetée dans la Seine), puis une tentative de fuite (elle a été rattrapée) hors du domicile désormais conjugal : péripéties non présentes dans le récit de l’hôtesse chez Diderot (ni, a fortiori, à ce degré de tragique qui est celui du film..) ; actes tragiques qui viennent renforcer notre évidence de spectateurs de la profondeur des convictions de fond de Mademoiselle de Joncquières ; et que reconnaît alors, très vite, quasi immédiatement, dans le récit de l’hôtesse et de Diderot, comme dans le film d’Emmanuel Mouret, son mari le marquis des Arcis, touché au cœur quasi sur le champ, là, par ce que lui déclare là sa maintenant épouse, et qui, non seulement la désire plus que jamais, mais bien mieux encore l’aime profondément vraiment… _ sa profonde détestation du mensonge, et le très haut _ sublime ? _ souci de la dignité à reconquérir _ ou plutôt déjà reconquise, là, immédiatement aux yeux de son désormais époux, le marquis : sublimes, tous deux, ils se font, dés cet instant (proprement magique !), l’un à l’autre et mutuellemment, entière confiance ! _ de sa personne ;

que sait aussi lui reconnaître alors, donc, et pleinement, absolument, son maridéjà chez Diderot, mais très vite, et peut-être sans assez de détails, aux pages 210-211 de l’édition Belaval, Folio n° 763, de « Jacques le fataliste et son maître » _ comme viennent encore le reconnaître implicitement les remarques adventices finales de Diderot _ – en auteur soucieux de répondre à d’éventuelles objections d’insuffisance de vraisemblance de son récit – à propos du caractère un peu trop rapide et elliptique de son propre récit, et se permettant d’intervenir, lui, aux pages 214 à 216, une fois achevé le récit rapporté par lui de l’hôtesse : « Et vous croyez lecteur que l’apologie de Mme de la Pommeraye est plus difficile à faire ? Permettez donc que je m’en occupe _ intervient-il alors, et à son tour, après avoir donné la parole – déjà critique à l’égard de la partialité du récit de l’hôtesse – au maître de Jacques juste auparavant, aux pages 212 à 213  _ un moment« , intervient en effet en son récit Diderot, à la page 214 ; pour conclure son plaidoyer envers le point de vue de Madame de La Pommeraye ainsi, à la page 216 : « Si le premier mouvement (de ressentiment et volonté de se venger) des autres est court, celui de Mme de La Pommeraye et des femmes de son caractère est long. Leur âme reste quelquefois toute leur vie comme au premier moment de l’injure ; et quel inconvénient, quelle injustice y a-t-il à cela ? Je n’y vois que des trahisons moins communes ; et j’approuverais fort une loi qui condamnerait aux courtisanes celui qui aurait séduit et abandonné une honnête femme : l’homme commun aux femmes communes.« _ ;

mais de tels détails _ peut-être pas assez précisés par Diderot au fur et à mesure de son écriture alerte et volontiers désinvolte, mais c’est par profond souci de réalisme auprès de ses lecteurs !, dans ce que lui, Diderot, vient rapporter du récit déjà bousculé de l’hôtesse de l’auberge du Grand-Cerf à ses deux interlocuteurs que sont ses hôtes de passage Jacques et son maître _, les très belles images rouges _ et le jeu parfaitement sobre et retenu de ces parfaits acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer _ de cette sublime décisive séquence viennent fort heureusement les éclairer  :

 

« Levez-vous, lui dit doucement _ et tout est, en effet, éminemment doux dans ces images décisives du film… _ le marquis ; je vous ai pardonné : au moment même de l’injure j’ai respecté ma femme en vous ; il n’est pas sorti de ma bouche une parole qui l’ait humiliée, ou du moins je m’en repens, et je proteste qu’elle n’en entendra plus aucune qui l’humilie, si elle se souvient qu’on ne peut rendre son époux malheureux sans _ soi-même _ le devenir. Soyez honnête, soyez heureuse _ les deux étant absolument liés _, et faites que je le sois. Levez-vous, je vous en prie, ma femme; levez-vous et embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous…«  ;

le film montrant magnifiquement tout cela par le jeu retenu, sobre, mais sublimement clair des deux acteurs que sont Alice Isaaz et Édouard Baer ; Emmanuel Mouret pouvant se permettre, de sa toujours très délicate élégance, de shunter le geste conclusif (« Embrassez-moi« ) de cette fondamentale séquence de mutuelle reconnaissance de dignité, et amour vrai, des deux époux…

Et qu’on relise alors ici ce que Diderot fait dire _ toujours en rapportant, ne l’oublions jamais, le récit volontairement un peu bousculé et précipité de l’hôtesse à ses deux interlocuteurs à l’auberge où celle-ci les reçoit _ immédiatement auparavant, page 210, à la toute récente épousée du marquis des Arcis :

« Je ne suis pas encore digne _ au moment même où cette déclaration même vient révéler et fait immédiatement reconnaître aussi cette dignité-là, profonde et fondamentale, de sa personne ! _ que vous vous rapprochiez de moi ; attendez, laissez-moi seulement l’espoir du pardon _ et ce pardon est immédiat !.. Tenez-moi loin de vous _ ce ne sera pas pour longtemps : l’instant même de la réponse et du geste sublimes de son mari : « Embrassez-moi ; madame la marquise, levez-vous, vous n’êtes pas à votre place ; madame des Arcis, levez-vous« , pages 210-211… _ ; vous verrez ma conduite ; vous la jugerez _ et l’accord profond entre eux est alors instantané _ : trop heureuse mille fois, trop heureuse si vous daignez quelquefois m’appeler ! Marquez-moi le recoin obscur de votre maison où vous permettez que j’habite ; j’y resterai sans murmure. Ah ! si je pouvais m’arracher le nom et le titre qu’on m’a fait usurper, et mourir après ; à l’instant vous seriez satisfait ! Je me suis laissée conduire par faiblesse, par séduction, par autorité, par menaces, à une action infâme _ voilà ! _ ; mais ne croyez pas, monsieur, que je sois méchante ; je ne le suis pas _ non, elle ne l’est en effet pas _, puisque je n’ai pas balancé à paraître devant vous quand vous m’avez appelée, et que j’ose à présent lever les yeux sur vous et vous parler. Ah ! si vous pouviez lire au fond de mon cœur _ et voilà qu’à l’instant même le marquis, son mari, lit on ne peut plus clairement en son cœur !.. _, et voir combien mes fautes passées sont loin de moi ; combien les mœurs de mes pareilles me sont étrangères ! La corruption s’est posée sur moi, elle ne s’y est point attachée _ voilà ! La rédemption, par l’amour vrai du marquis qui admire son épouse, a eu lieu _ Je me connais, et une justice que je me rends, c’est que par mes goûts, par mes sentiments, par mon caractère, j’étais née digne de l’honneur _ voilà ! _ de vous appartenir. Ah ! s’il m’eût été libre de vous voir, il n’y avait qu’un mot à dire, et je crois que j’en aurais eu le courage. Monsieur, disposez de moi comme il vous plaira ; faites entrer vos gens : qu’ils me dépouillent, qu’ils me jettent la nuit dans la rue : je souscris à tout. Quel que soit le sort que vous me préparez, je m’y soumets : le fond d’une campagne, l’obscurité d’un cloître pour me dérober à jamais à vos yeux : parlez, et j’y vais. Votre bonheur n’est point perdu sans ressources, et vous pouvez m’oublier…« .

…surrise

C’est donc le parti de l’événement éminemment surprenant _ et bouleversant _ de la découverte de la très effective réalité bousculante, totalement imprévue et absolument impréparée _ une surprise ! _, d’un pur et tout à fait sincère amour _ honnête, digne et _ vrai, qui survient _ telle une mutuelle résilience réalisée réciproquement… _ d’une rencontre machiavéliquement machinée, au départ, contre eux deux,

que,

ici, pour cette ancienne catin forcée qu’avait été jusqu’alors Mademoiselle de Joncquières, « la ci-devant d’Aisnon« , et pour ce libertin avéré qu’avait été jusqu’alors le marquis des Arcis _ et de même, encore, qu’en chacun des autres films, au-delà des apparences délicieuses d’un virevoltant (ou parfois, aussi, maladroit) marivaudage, d’Emmanuel Mouret _,  prend ici on ne peut plus décidément parti Emmanuel Mouret.

Tel est donc, à mes yeux, le principal apport du film « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret, à l' »Histoire de Mme de La Pommeraye et du marquis des Arcis« , extraite du « Jacques le fataliste et son maître » de Denis Diderot.

Bravo !

Le résultat de cette « libre adaptation » _ comme l’indique à la volée, sur une superbe musique pour cet instrument rare qu’est le pantaléon, de Johann-Georg Reutter (Vienne, 6 avril 1708 – Vienne, 11 mars 1772), le très beau générique (rouge) d’ouverture du film : un pizzicato à ré-écouter ici par le magique dulcimer de Margit Übellacker et l’ensemble La Gioia Armonica, dirigé par Jürgen Banholzer (en le CD Ramée 1302 : ce très beau CD fait partie de ma discothèque personnelle) : une musique merveilleusement appropriée à la sublime délicatesse du film _ du texte de Diderot par l’art du cinéma d’Emmanuel Mouret

est tout simplement magnifique.

Délectez-vous-en !

Ce lundi 16 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Parmi l’offre discographique ravélienne (plus ou moins) récente, deux CDs de réunions d’oeuvres bien spécifiques : orchestrales, par John Wilson ; et pour violon et piano, par Elsa Grether et David Lively… Ou l’éloge du medium disque…

01sept

Ce soir du jeudi 1er septembre 2022, 

faisant une petite revue d’intéressantes _ ou enthousiasmantes ! _ productions discographiques ravéliennes des huit premiers mois de 2022,

je remarque d’une part le CD « Ravel Ma mère l’Oye Boléro (Premières recordings of original ballets) » du Sinfonia of London sous la direction de John Wilson _ le CD Chandos CHSA 5280  _

et d’autre part le CD « Ravel Complete Works for violin and piano » d’Elsa Grether, violon, et David Lively, piano et direction _ le CD Aparté AP295.


Pour le premier, c’est, en effet, un article de Bertrand Balmitgere, « Les Œuvres orchestrales de Ravel chez Chandos : le choc John Wilson« , paru sur le site Crescendo le 20 février 2022,

et pour le second, un article de Jean-Charles Hoffelé, « Paradis Ravel« , paru sur le site Discophilia, ce jour même, 1er septembre 2022,

qui ont sollicité et retenu ici mon attention _ mais j’aime tant Ravel…

Les œuvres orchestrales de Ravel chez Chandos : le choc John Wilson

LE 20 FÉVRIER 2022 par Bertrand Balmitgere

Maurice Ravel(1875-1937) :

La Valse, Ma Mère l’Oye (version ballet), Alborada del Gracioso, Pavane pour une infante défunte, Valses nobles et sentimentales, Bolero (version ballet 1928).

Sinfonia of London, John Wilson. 2021.

Livret en français, anglais et allemand.

83’45.

Chandos. CHSA 5280

 

La musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre pourvu qu’elle charme et reste enfin, et toujours, de la musique. Comment ne pas penser à ces mots essentiels de Maurice Ravel _ restant à interroger ce que Ravel dit bien avec son expression de « rester enfin, et toujours, de la musique«  ; et ne pas devenir autre chose de parasite… _ alors que nous allons évoquer le dernier enregistrement consacré à une partie _ seulement _ de ses œuvres orchestrales par l’excellent chef britannique John Wilson à la tête du Sinfonia of London. Ce disque est une véritable tempête musicale et bouleverse _ voilà _ notre regard sur un pan essentiel _ oui ! _ du répertoire occidental du XXe siècle.

A qui doit-on ce bonheur ? A La fidèle restitution des intentions du compositeur par la Ravel Edition, à un orchestre en fusion ou au regard neuf que nous apporte Wilson ? En tout cas la rencontre de ces trois ambitions fait des merveilles pour ne pas dire des étincelles… Pour compléter notre propos nous vous renvoyons à l’interview très éclairante donnée _ à Pierre-Jean Tribot, pour Crescendo _ par le chef il y a quelques semaines _ le 22 janvier 2022 _ au sujet de cet opus _ discographique du label Chandos.

Armé d’une légitimité musicologique grâce au travail des équipes de François Dru _ je le connais et l’apprécie (et l’ai rencontré, au moment de ses très remarquables travaux pour Jean-Paul Combet et Alpha, il y a déjà pas mal d’années : il nous a même interviewés une heure durant pour France-Musique lors de célébrations musicales à Versailles, pour le dixième anniversaire du CMBV, en 1997)… _, Wilson peut laisser aller toute sa virtuosité et son allant qui n’ont de pair que celles de sa formation. Quel tandem !

Commençons notre tour d’horizon de ce qui est sûrement le disque de l’année 2022 _ rien moins ! C’est dire le niveau de l’enthousiasme de Bertrand Balmitgere … _avec Bolero (dans la version originale et inédite ballet 1928) qui est hors norme et justifie à lui seul _ voilà ! _ l’achat de cet album _ et c’est fait désormais. On en prend plein les oreilles pendant près de quinze minutes, une véritable invitation à la danse qui ne laissera personne stoïque. On en redemande !

Le plus dur est fait !? C’est que ce l’on peut se dire après une telle réussite, mais Wilson et ses Londoniens ne s’arrêtent pas là ! La Valse est renversante (c’est le principe vous me direz mais c’est tellement rare…) ! Un tourbillon de sonorités et d’émotions entremêlées, bien servi par des cordes tout simplement hallucinantes. Nous avons rarement entendu cela ces dernières années. Il faut également encenser la prise de son _ de Ralph Couzens _ qui est superlative et participe à la totale réussite de ce projet.

Le ballet intégral Ma Mère l’Oye (dans sa version originale inédite telle que restituée par la Ravel Edition _ et c’est bien sûr à relever aussi… _), les Valses nobles et sentimentales et Alborada del gracioso ne sont pas en reste, mais c’est Pavane pour une infante défunte qui achève de nous convaincre. Le rythme lent, élégiaque, sensuel nous étreint littéralement pendant six minutes. Les hautbois chantent, la douceur des harpes, la retenue des cordes, la grâce flûtes tout est là. C’est parfois si beau la tristesse et la mélancolie _ tout particulièrement chez Ravel…

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Bertrand Balmitgère

PARADIS RAVEL

Une Sonate avec un Blues, une autre Sonate qui regarde Debussy dans les yeux, un hommage à Fauré, un éblouissant numéro de virtuosité qui n’en est pas un (Tzigane), voilà tout ce que Ravel aura destiné au violon _ voilà _, capturant dans son écriture absolument originale les possibilités de l’instrument dont il magnifie les ondoiements et les griffes de chat.

Cette poésie fugace, cette opulence des couleurs, Elsa Grether les saisit du bout de l’archet, féline _ elle-même, donc, en son jeu _, subtile, d’une élégance sans failles, ravélienne absolument _ voilà _, et chantant comme les grands archets français, de Zino Francescatti à Jeanne Gautier, de Jacques Thibaud à Michèle Auclair, y auront chanté.

Le piano de David Lively n’est pas du genre à accompagner, d’ailleurs Ravel ne le lui permet pas : à lui l’imaginaire des timbres, soit gamelan, soit cymbalum, toujours impertinent, et poète aussi, et surtout un piano qui n’est pas qu’en noir et blanc : des couleurs, des respirations, des accents, du grand soleil et des sfumatos. Magnifique !, je rêve qu’il nous grave tout le piano solo, et les Concertos tant qu’à faire, car il a la sonorité naturellement ravélienne.

Tzigane fabuleux car jamais déboutonné, Première Sonate d’une eau de rêve, Sonate majeure pleine de fantasque, petites pièces parfaites (et de l’émotion dans les Mélodies hébraïques, même étranglées de pudeur), deux ajouts inédits, le songe du Concerto en sol pudiquement (et minimalement) arrangé par Samazeuilh _ je me souviens de lui aux derniers jours de sa vie (Bordeaux, 2 juin 1877 – Paris, 4 août 1967) : Gustave Samazeuilh, grand Monsieur très digne et extrêmement cultivé, était en effet un fidèle des conférences de la Société de Philosophie de Bordeaux, auxquelles il venait assister à l’Amphi Alline de la Faculté des Lettres, Cours Pasteur à Bordeaux, quand j’y étais étudiant… _, le Foxtrot de L’Enfant transformé café-concert par Asselin, quelle belle fête au cœur de l’été _ quel enthousiasme en cet article aussi…

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
L’Œuvre complète pour violon et piano

Concerto pour piano et orchestra en sol majeur, M. 83 (extrait : II. Adagio assai – arr. pour violon et piano : Samazeuilh)


Sonate pour violon et piano No. 2, M. 77

Pièce en forme de Habanera, M. 51 (arr. pour violon et piano : Théodore Doney)

Sonate pour violon et piano No. 1, Op. posth., M. 12

Berceuse sur le nom de Gabriel Fauré, M. 74

Five o’Clock Foxtrot (d’après “L’Enfant et les sortilèges, M. 71”)
(arr. pour violon et piano : André Asselin)


Kaddisch (arr. pour violon et piano : André Asselin)


L’Énigme éternelle (arr. pour violon et piano : Lucien Garban)


Tzigane, M. 76 (Rapsodie de concert)

Elsa Grether, violon
David Lively, direction

Un album du label Aparté AP295

Photo à la une : la violoniste Elsa Grether et le pianiste David Lively – Photo : © DRà 

Réussir à saisir et donner, au concert comme au disque, l’extrême subtilité, si discrète, de la singulière magie enveloppante de l’infini profond mystère ravélien, au-delà de son extrême précision artisanale et étonnamment lumineuse clarté,

n’est certes pas donné à tous les interprètes…

Il nous faut donc rendre infiniment grâce à ceux-ci,

et remercier aussi le disque de nous permettre d’approfondir la découverte et l’enchantement de ces musiques ainsi interprétées à chaque ré-écoute et re-découverte, oui ! _ pour peu que nous y soyions nous-mêmes assez réceptifs : cela varie aussi… _, à loisir, de ces œuvres, telles qu’eux-mêmes, les interprètes, les ont rencontrées, ressenties, et ainsi données à en partager l’écoute, lors des prises des séances d’enregistrement en studio, ou du live du concert,

grâce à la permanence un peu durable _ et renouvelable, améliorable surtout, en s’affinant… _, pour nous, mélomanes, de l’objet disque, ainsi écouté et ré-écouté…

La gratitude est grande…

L’enchantement _ miraculeux, ces rares fois-là, il faut le reconnaître, des prises de tels enregistrements (et j’en ai eu l’expérience personnelle : réussir les prises est toujours infiniment délicat et assez difficile)… _ étant à même ensuite, là, à notre écoute et ré-écoute du disque, de se renouveler et, mieux encore, enrichir, affiner, venir nous surprendre et ré-enchanter _ l’expérience-épreuve de la ré-écoute étant à la fois nécessaire, et l’indice-preuve (résistante) confirmant, ou venant infirmer, cela arrive, la qualité supérieure de l’interprétation de la musique…

Merci à de tels disques !

Ce sont eux que nous attendons et désirons avec ardeur…

Ce jeudi 1er septembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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