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Retour, ce jour, à élargir la connaissance la plus sensible de l’oeuvre musical d’Adriaen Willaert (suite 3) : des podcasts et des vidéos très prenants, ainsi que quelques précieuses précisions sur les diverses performances (vidéos et podcasts de concerts, disques vinyle, CDs, vidéos de pièces diverses disponibles seulement sur le web…) par l’excellentissime Ensemble Dionysos Now ! de Tore Tom Denys, et sa grâce miraculeuse…

09août

 

En continuant dans le sillon de mes précédents articles « « ,

« « ,

« »,

« « ,

« «

et « « ,

je désire revenir, ce jour mercredi 9 août 2023, apporter des précisions _ et aussi un peu d’ordre _ sur les diverses performances de l’Ensemble Dionysos Now ! _ « With the wise words of Winston Churchill in mind « Never waste a good crisis », Denys started studying the scores of his fellow townsman Adriaen Willaert during the lockdown and so he rediscovered the wonderful music of this Venetian chapel master over the past few months. A new initiative was born : Dionysos Now! Vienna is a brand new project that aims to spread the magnificent heritage of Adriaen Willaert. With Dionysos Now!, Tore would like to demonstrate that Renaissance vocal polyphony is very captivating music that deserves to be appreciated by a wider audience » déclare significativement Tore Tom Denys, son créateur, en 2020, en une intéressante présentation de ce projet qu’il construit depuis pièce à pièce… _,

performances jusqu’ici diversement accessibles _ bien trop incommodément !, cela frôlant même de près l’absurdité éditoriale ! _, et toutes consacrées à des œuvres (Messes, Passion, Motets, Villanesche, Madrigaux, Chansons…) d’Adriaen Willaert (Roeselare, ca. 1490, Venise, 7 décembre 1562) :

_ soit matériellement en disques vinyle :

les disques « Adriano 1 » (Evil Penguin EPRC 0041), « Adriano 2 » (EPRC 0043), et « Adriano 3 »  (EPRC 0047) ;

_ ou matériellement encore  _ et c’est plus commode ! _ en CD : le CD « Adriano 4 » (EPRC 0054) ;

_ soit informatiquement en vidéos de concerts enregistrés, accessibles sur le web seulement :

la saisissante vidéo (d’une durée de 26’05) _ ou son alternative (d’une durée de 26’14) _, d’un enregistrement sans public, à l’occasion de la tenue, en l’église Saint-Jacques, à Gand, de l’exposition Honoré d’O, de l’admirable « Missa  »Mittit ad virginem »« , le 27 décembre 2020,

dont les 7 interprètes sont : Terry Wey, superius ; Bernd Oliver Frölich, alto-tenor ; Jan Petryka, tenor ; Julian Podger, tenor ; Tore Tom Denys, tenor ; Tim Scott Whiteley, baritone ; et Joachim Höchbauer, bass ;

ainsi que le film-vidéo intitulé « Live in Venice » (d’une durée de 59’50) comprenant surtout le concert enregistré, en public cette fois _ et en une acoustique hélas moins précise, plus confuse _, à la Scuola grande di San Marco, de Venise,

dont les 7 interprètes sont : Filip Damec, countertenor ; Bernd Oliver Frölich, ténor ; David Munderloh, tenor ; Julian Podger, tenor ; Tore Tom Denys, tenor ; Tim Scott Whiteley, bass-baritone ; et Simon Whiteley, bass ;

_ soit informatiquement encore en podcasts accessibles sur le web de diverses pièces chantées : Motets, Canzoni Villaresche, Madrigaux, d’Adriaen Willaert _ en de très précieuses prises pas toutes disponibles, et c’est dommage !, sur les disques vinyle (« Adriano 1« , « Adriano 2« , « Adriano 3« ), ni sur le CD (« Adriano 4« ), tels qu’ils ont été publiés jusqu’ici par le label Evil Penguin Records Classical ;

dont je possède, par ailleurs, de lumineux CDs Weinberg !..

Sur le CD « Adriano 4 » (EPRC 0054),

dont les 7 interprètes sont : Franz Vitzhum, countertenor ; Bernd Oliver Frölich, tenor ; Jan Petryka, tenor ; Tore Tom Denysn tenor ; Tim Scott Whiteley, bass-baritone ; Pieter Stas, bass ; et Joachim Höchbauer, bass ;

sont présentes 4 œuvres, accessibles aussi en podcasts sur le web :

d’une part, la splendide « Passio Domini nostri Jesu Christe secundum Joannem » (d’une durée de 49’30), et, d’autre part, 3 Motets : « Tristis est anima mea » (3’26), « Ecce lignum crucis – Crux fidelis » (5’39) et « Da pacem Domine » (2’24).

Mais, absents de ce CD _ pour des raisons qui m’échappent ! _,  sont cependant accessibles en podcasts sur le web, 3 autres Motets : « Infelix ego«  (6’45), « Flete oculi » (4′ 12) et « Dulces exuviae » (3’50).

Du disque vinyle « Adriano 1 » (EPRC 0041), sont accessibles sur le web les 10 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la magnifique Missa « Mittit ad virginem »  : 1. Kyrie Eleison (3’42) ; 2. Gloria (4’45) ; 3. Credo (8’05) ; 4. Sanctus – Benedictus (5’36) ; 5. Agnus Dei (5’55) ;

celui du « Choral Hymnus Mittit ad virginem » (3’38) ;

ainsi que ceux de 4 Motets : « Mittit ad virginem » (9′ 53) ; »O Gloriosa Domina » (4’47) ; « Ave Maria » (4’09) ; et « Beata Viscera » (3’51).

Du disque vinyle « Adriano 2 » (EPRC 0043), sont accessibles sur le web les 14 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la Missa « Sex vocum super Benedicta«  : 1. Kyrie Eleison (3’36) ; 2. Gloria (5’22) ; 3. Credo (7’24) ; 4. Sanctus (5’37) ; 5. Agnus Dei (3’35) ;

celui du « Kyrie cunctipotens Genitor Deus » (5’58) ;

et ceux des Motets : « Regina coeli » (1’11) ; « Maria Mater Domini » (6’36) ; « In diebus illis » (5’05) ; et « Venator lepores » (5’21) ;

ainsi que ceux des Villanesche : « O dolce vita mia » (5’10) ; et « A quand’a quand’haveva » (2’32) ; ainsi que ceux du madrigal « Passa la nave » (4’39) et de la chanson « A la fontaine du prez » (2’24).

Du disque vinyle « Adriano 3 » (EPRC 0047), sont accessibles sur le web les 11 podcasts suivants,

dont les 5 premiers nous font écouter la Missa « Ippolito«  : 1. Kyrie (3’23) ; 2. Gloria (4’47) ; 3. Credo (7’16) ; 4. Sanctus (6’17) ; 5. Agnus Dei (4’23) ;

ceux des Motets : « Adriacos numero » (5’02) ; « Si rore Aonio » (5’47) , « Haud aliter pugnans » (2’43) ; et « Victor Io salve » (5’23) ;

et ceux des Chansons : « Quando di rose d’oro » (2’29) ; « Qui boyt et ne reboyt » (0’55).

J’y joins aussi quelques précieuses vidéos _ peut-être en existe-t-il d’autres que je n’ai pas su dénicher jusqu’ici sur le web… _  de pièces prises aussi en concert par Evil Penguin TV :

_ « A quand’a quand’haveva una vicina » (d’une durée de 2’43).

_ « O dolce vita mia » (d’une durée de 5’36).

Des réalisations assurément marquantes : très prenantes musicalement par leur intime, directe, et transcendante intensité :

à écouter et regarder ici-même, par ces divers liens en rouge

Et le lien tout spécial qui unit le chef et chanteur très inspiré et très juste qu’est Tore Tom Denys _ né à Roeselare, en Belgique, en 1973, et installé à Vienne, en Autriche, depuis 1998 _, au génie musical d’Adriaen Willaert,

tient peut-être à leur commun lieu de naissance _ flamande _, à Roselaere-Roulers _  une cité située à mi-chemin entre Bruges, Gand et Lille…

D’où la probable décision de Tore Tom Denys de ne plus se contenter de chanter au sein de l’Ensemble Cinquecento, dont il est un des membres fondateurs, à Vienne, en 2004, et auquel il demeure fidèle,

et dont il est très activement partie prenante, spécialement dans le très beau et passionnant _  lire aussi son très précis livret, aux pages 11 à 16, rédigé par Katelijne Schiltz, en 2010… _ CD Hyperion CDA67749 « Adrian Willaert Missa Mente tota & Motets » _ la « Missa Mente tota » à six voix pourrait avoir été écrite par Willaert durant son séjour à Rome, en 1514-1515, lorsque celui-ci était au service du cardinal Ippolito I d’Este (Ferrare, 1479 – Ferrare, 1520) ; et à partir du Motet à quatre voix « Mente tota« , de Josquin des Prez, composé par Josquin en sa période milanaise, des années 1480 (présent à la plage 1 de ce CD, et d’une durée de 4’04) ; quant aux 5 motets de Willaert présents sur ce vraiment passionnant CD, il s’agit des Motets « Laus tibi, sacra rubens« , « Creator omnium, Deus« , « O iubar, nostrae specimen salutis« , « Verbum bonum et suave » et « Quid non ebrietas ? » dont les durées respectives sont, en ce CD, de 4’41, 3’16, 11’34, 7’08 et 1’56... _, enregistré à St Wolfgang-bei-Weitra, en Autriche en juin 2009 _ les 5 autres chanteurs de ce CD, en plus de lui-même, étant Terry Wey, Jakob Huppmann, Thomas Künne, Tim Scott Whiteley et Ulfried Staber _,

mais de créer aussi, au moment des confinements pour le Covid en 2020, et tout spécifiquement pour chanter Adriaen Willaert, un ensemble ad hoc, qu’il a jubilatoirement intitulé « Dionysos Now ! » _ consultez cette page ! _, pour des programmes exclusivement consacrés à la musique d’Adriaen Willart, qu’il a très simplement baptisés : « Adriano 1« , « Adriano 2« , « Adriano 3« , « Adriano 4« , et bientôt « Adriano 5« , etc.

Et en osant espérer que tous ces enregistrements _ d’œuvres d’Adriaen Willaert, par l’ensemble Dionysos Now ! _, véritablement sublimes qu’ils sont !, seront prochainement disponibles, et en entier, aussi en CDs…

Ce mercredi 9 août 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et Lars Vogt continue de venir chanter pour nous…

30sept

Lars Vogt, maintenant disparu, continue cependant de venir nous parler et chanter, ici par exemple Mozart,

pour notre enchantement ;

ainsi que vient nous le rappeler cette petite chronique de Jean-Charles Hoffelé, sur son site Discophilia, en date d’hier 28 septembre,

joliment intitulée « Opéra secret » :

OPÉRA SECRET

Cela aura été probablement _ peut-être pas… _ l’ultime enregistrement de Lars Vogt (octobre 2021), avec le Schwanengesang bouclant le triptyque entrepris par Ian Bostridge pour Pentatone autour des trois derniers cycles de Schubert. Ici, le label Mirare montre Vogt non au piano, mais baguette en main, dirigeant ses Parisiens qui le pleurent tant, et avec raison.

Le pur enchantement de la clarinette melliflue _ voilà _ de Raphaël Sévère, si éduquée, au son si noble, se transforme en Dorabella au long d’un concerto que Lars Vogt pense comme un opéra, récitatif, arioso, rondo, et au centre la nuit emplie d’étoiles d’un des plus surréels Adagios que le disque ait capté, rêve de voie lactée d’une tendresse désarmante _ celle de Lars Vogt lui-même…

Après un tel Concerto, vous ne serez pas en reste en écoutant le Quintette si tendre, si joueur, sur le fil de l’émotion, où les archets relancent le discours avec esprit, teintant le giocoso d’une fine mélancolie _ et le sublime Trio des Quilles ?..

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)


Concerto pour clarinette et
orchestre en la majeur, K. 622


Quintette pour clarinette et
cordes en la majeur, K. 581

Raphaël Sévère, clarinette
Quatuor Modigliani
Orchestre de chambre de Paris
Lars Vogt, direction

Un album du label Mirare MIR6266

Photo à la une : le clarinettiste Raphaël Sévère – Photo : © DR

Et, en effet, les CDs de musique, y compris ceux qui, encore inédits, nous restent à découvrir, sont bien là afin de nous offrir à poursuivre rncore et encore, à jamais, à chaque nouvelle un peu attentive écoute, le formidablement vivant, plus que jamais même, dialogue, par cette grâce inépuisablement ressourcée ainsi que ressourçante, d’un tel  jeu si intense, si léger et profond à la fois, de la musique, que ce soit par le piano, en soliste, ou aussi dans la connivence joyeuse de la musique de chambre, ou  par l’orchestre qu’il a, pour toujours, l’enthousiasmante joie de diriger ainsi, et faire, à l’infini, et danser et chanter…

Ce vendredi 29 septembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

En une assez jolie promenade au pays du lied, « In meinem Lied », avec Helmut Deutsch et Sarah Traubel : à comparer au trésor bien heureusement conservé d’autres interprétations des mêmes oeuvres (ici de Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich-Wolfgang Korngold, Richard Strauss)…

13août

Le bien connu pianiste Helmut Deutsch, grand amoureux et praticien du lied,

vient de nous proposer

intitulé « In meinem Lied«  _ soit l’expression qui conclut le poème de Ruckert « Ich bin der Welt abhanden gekommen » du sublime lied de Gustav Malher, en ses « Ruckert Lieder » de 1902 _,

un très joli CD _ Aparté AP 288 _ comportant des Lieder de Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich Wolfgang Korngold et Richard Strauss,

nous donnant l’occasion de découvrir le timbre de voix _ et l’art, à la diction bien lisible _ de la soprano Sarah Traubel _ Helmut Deutsch faisant l’éloge de l’enthousiasme de Sarah Traubel, auquel il ne trouve de comparaison, page 21 du livret, qu’avec l’enthousiasme de Hermann Prey !.. _,

en un répertoire ou bien déjà très bien connu _ y compris en des CDs de Lieder avec Helmut Deutsch lui-même au piano _, ou bien pour beaucoup encore à découvrir…

Le pianiste Helmut Deutsch est en effet l’âme de ce CD « In meinem Lied » _ le CD Aparté AP 288 _,

dont il signe aussi la présentation en un entretien _ avec Thomas Voigt _ développé sur 5 pages du livret, intitulé « Certainement aussi une devise pour la vie« …

Et Helmut Deutsch de situer ce présent travail sur le Lied, en ce CD avec Sarah Traubel enregistré sous la direction artistique de Nicolas Bartholomée du 31 août au 4 septembre 2021 à Hohenems, en Autriche, au sein de sa très vaste discographie sur le Lied _ j’ai dénombré pas moins de 107 CDs _dont, à propos de ses enregistrements discographiques précédents des compositeurs interprétés ici, soient Gustav Mahler, Franz Liszt, Erich-Wolfgang Korngold et Richard Strauss, Helmut Deutsch mentionne ses CDs de Lieder de Liszt avec Diana Damrau (« Liszt Lieder« , Virgin Classics LC 7873), en 2011 ; et Jonas Kaufmann (« Freudvoll und Leidvoll« , Sony Classical SK 19439892602) en 2021 ;

ainsi que ses CDs de Lieder de Korngold avec Angelika Kirschlager (« Debut Recital Recording« , Sony Classical SK 68344), en 1996 ; Dietrich Henschel (« E.W. Korngold Lieder« , Harmonia Mundi HMC 901780), en 2001 _ je possède ce CD _et Bo Skovhus (« Wolf -Korngold Einchendorff Lieder« , Sony Classical SK 57969), en 1993 ;

ainsi qu’il évoque, mais sans précisément les mentionner, ses deux CDs des « Quatre derniers Lieder » de Richard Strauss, avec Konrad Jarnot (« Richard Strauss« , Œhms Classics OC 518), en 2005 ; et Sumi Hwang (« Strauss Liszt Britten Songs« , Deutsche Grammophon DG 4818777), en 2019 ; deux CDs que charitablement il préfère ne pas nommer ici : « J’espère avoir fait mieux cette fois que dans mes précédents enregistrements, et je suis très reconnaissant à Sarah Traubel de m’avoir offert cette occasion« , se borne-t-il à déclarer à la page 20 de la notice de ce CD « In meinem Lied » de 2021…

Bref une étape à noter dans le parcours discographique d’accompagnateur de Lieder au piano de Helmut Deutsch.

À propos des Lieder de Liszt _ auquel je dois bien constater que jusqu’ici mon oreille s’est montrée hélas assez souvent réfractaire aux enregistrements discographiques… _,

je renvoie ici à deux excellents articles parus sur ForumOpera.com,

le premier intitulé « Mehr Liszt…« , paru le 15 février 2012, sous la plume de Hugues Schmitt, à propos du CD de Diana Damrau et Helmut Deutsch ;

et le second, intitulé « Une voix ne fait pas tout« , paru le 13 octobre 2021, sous la plume de Claude Jottrand, à propos du CD de Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch.

Mehr Liszt…

CD Lieder de Liszt
Par Hugues Schmitt | mer 15 Février 2012 |

N’est-ce pas ainsi qu’il fallait comprendre les mots que porta le dernier souffle de Goethe ? Car Liszt ne composa pas plus de six Lieder sur les vers du poète de Weimar. Tout comme Schumann, tout comme Brahms. Six Lieder dont quatre (cinq si l’on compte les deux versions de « Freudvoll und Leidvoll ») sont rassemblés dans cet album, qui pris isolément du reste font apparaître de manière éclatante combien Liszt, plus que Schumann et plus que Brahms, occupe une place irremplaçable _ voilà qui est dit _ dans le Lied « germanique » romantique. Ces six Lieder sont le chaînon nécessaire _ voilà qui est réaffirmé _ qui unit les quelque soixante-dix Lieder que Schubert a consacrés à Goethe aux cinquante pièces que Wolf compose sur ses vers, à l’autre extrémité du siècle.

Plus que dans les flamboyants « Sonnets de Pétrarque », restés sans postérité véritable dans le répertoire vocal tant ils appellent les versions pour piano seul, ou plus que « Liebestraum », dont l’héritage sera plus français et italien qu’allemand, c’est dans cette petite collection de Lieder sur les vers de Goethe, mais aussi de Heine ou Lenau, que se révèlent les apports de Liszt à l’esthétique du romantisme tardif _ voilà. Schumann avait, en travaillant l’extrême grave du piano, introduit dans le Lied un monde abyssal insoupçonné ; Liszt explore l’aigu et l’extrême aigu _ voilà _, où le piano se mêle à la voix, se tresse à elle, l’enveloppe dans un voile de fines gouttelettes parfois tendres mais parfois cliquetantes et corrosives, et l’y laisse comme suspendue, sans recours possible aux solides appuis _ voilà _ des puissantes fondamentales schumaniennes ou brahmsiennes. C’est peu de dire que le piano dialogue avec la voix : il dialogue quand la main droite se fait monodique ; le reste du temps, il la colore, en altère les timbres, en diffracte la clarté. La voix passe par le piano comme la lumière traverse un vitrail. La voix ne commande pas : elle n’est pas une pure volonté, aboutissement et principe de l’ordonnancement des timbres et des registres. Elle ne commande pas _ oui _ comme, dans la célèbre analogie musicale de Schopenhauer, l’homme commande aux forces de la nature. Dans les Lieder de Liszt s’exprime une force supérieure, l’homme lutte avec l’ange _ oui.

Il serait un lieu commun de dire que Liszt importe la rhapsodie dans le Lied : c’est bien plus que cela. Liszt rompt _ voilà _ avec le mode de discours continu, unifié, organique de Beethoven et Schubert, et renoue avec un discours discontinu plus proche de Mozart : une idée apparaît, évidente et radieuse, et disparaît aussitôt ; une autre prend la place, sans lien immédiatement perceptible, et s’interrompt à son tour _ rhapsodiquement. Le propos, fantasque _ oui, à la Hoffmann… _, suit ainsi son chemin, à sauts et à gambades. Et Liszt désoriente _ oui, malmène diaboliquement _ son interprète, son auditoire, les réoriente, pour les désorienter à nouveau. Le Roi de Thulé en est l’exemple même : un début entièrement conforme au canon schubertien, bientôt interrompu… Rien n’y fait, les reprises du motif initial, loin de marquer la forme, ne servent plus qu’à souligner le décousu _ voilà _ du propos ; puis il réexpose, prépare apparemment une coda schubertienne, la brise encore, module et assombrit, effiloche le tissu pianistique, prend à peine le soin de résoudre. Wolf saura s’en souvenir _ en effet.

Mehr Liszt, donc. Car cet album n’explore qu’une facette de l’écriture de Liszt pour voix et piano. Il faut à ces Lieder adjoindre désormais, dans un second volume, les Mélodies françaises (Hugo est, avec Goethe, le second grand inspirateur de Liszt pour la voix), les Airs hongrois de la fin de sa vie, les Chansons anglaises, russes, tout ce par quoi Liszt dépasse le Lied, et montrer ainsi qu’aucun compositeur _ aussi expérimentateur _ , dans toute l’histoire de la musique, n’aura coulé ses notes, avec un égal succès, dans tant de langues et d’esthétiques diverses.
Mehr Liszt, enfin parce qu’on eût souhaité que cet enregistrement fût plus lisztien, plus charmeur, plus âpre, plus fantasque, plus sombre _ voilà. Somme toute, plus contrasté. Entendons-nous bien, la prestation est de remarquable tenue, et nulle verrue ne vient la défigurer. Diana Damrau, dont la diction ne souffre guère de reproche, montre, opportunément, de beaux élans passionnés. Malheureusement, la voix reste trop souvent monochrome, et seule l’intensité varie lorsque tout _ oui, tout _ devrait _ diaboliquement _ chavirer : timbre, débit, émission. La gageure est, vocalement, presque intenable : il faudrait malmener _ oui ! _ l’instrument – au demeurant superbe –, le pousser à bout. Car s’il est une chose que le dernier siècle d’enregistrements lisztiens nous a apprise, c’est bien que la véritable grandeur de Liszt réside davantage dans la démesure _ voilà ! _ que dans la maîtrise. Comment ne pas le reprocher, surtout _ probablement oui ! _, à Helmut Deutsch, dont le piano sans vice ni vertu est toujours _ trop _ impeccablement peigné, et qui ne quitte jamais la sage réserve de l’accompagnateur alors que tout, dans l’écriture même des parties de piano, lui crie d’ _ oser _ être soliste ? Son jeu est distant, flegmatique, glacé. Il est à côté du style, à côté du sens _ voilà. Alors qu’on songe au fougueux coursier arabe auquel Liszt comparait son piano, Helmut Deutsch nous fait l’impression d’un trotteur de Vincennes, certes trotteur de grand prix, mais trotteur quand même…
Il était question de cet album dans le dernier n° de Cave Canem, notre tribune des critiques

NB. Il ne sera pas indifférent au lecteur d’apprendre que le producteur de ce disque a nom Wilhelm Meister !

Franz Liszt

Lieder
….
Diana Damrau
Soprano

Der Fischerknabe S 292b/2
Im Rhein, im schönen Strome S 272/2
Die Lorelei S 273/2
Die Drei Zigeuner S320
Es war ein König in Thule S 278/2
Ihr Glocken von Marling S 328
Über allen Gipfeln ist Ruh S306
Der du von dem Himmel bist S 279/1
Benedetto sia’l giorno S 270a/2
Pace non trovo S 270a/1
I vidi in terra angelici costumi
Freudvoll und leidvoll (1848) S 280/1
Vergiftet sind meine Lieder S289
Freudvoll und leidvoll (1860) S 280/2
Es rauschen die Winde S294/2
Die stille Wasserrose S 321
Bist du !
Es muss ein Wunderbares sein S314
O lieb S 298/2
Helmut Deutsch, piano
Enregistré à l’August Everding Saal, Grünwald, juillet 2011

1 CD, Virgin Classics LC 7873 – 76’37

Une voix ne fait pas tout

CD Freudvoll und Leidvoll
Par Claude Jottrand | mer 13 Octobre 2021 |

Liszt n’occupe pas, dans le panthéon des compositeurs de Lieder, la place qui est dévolue aux plus grands : il n’a ni la spontanéité confondante de Schubert, ni la profondeur poétique de Schumann, ni le lyrisme intense de Brahms, ni la concision imaginative de Wolf. Ni quantitativement (guère plus de 80 Lieder), ni qualitativement il ne peut rivaliser avec ses illustres compétiteurs. Mais son œuvre comprend néanmoins quelques pages intéressantes, très peu présentes dans les programmes de récital et rarement enregistrées.

Dès lors, comme il semblait prometteur, ce nouvel enregistrement de Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch ! Un duo de très grand renom cumulant une longue expérience, et qui avait déjà fait ses preuves dans le Winterreise de Schubert ou dans un autre enregistrement de Lieder romantiques intitulé Selige Stunde il y a quelques années, un répertoire sortant un peu des sentiers battus, des moyens vocaux quasi inégalés, une parfaite maîtrise pianistique dans le domaine du Lied, tout semblait réuni pour une réussite complète.

D’où vient alors que l’écoute ne tient pas toutes les promesses de l’affiche ?

Cela tient peut-être à la composition même du récital dont le fil, la trame dramatique ou poétique nous échappe _ et nous perd. Le cœur du programme est constitué des Trois Sonnets de Pétrarque (en italien, naturellement) que les deux partenaires ont souvent donnés en concert, qu’ils maîtrisent et qu’ils donnent avec beaucoup de conviction,mais pas toujours avec légèreté _ ah ! Le choix des pièces qu’ils ont réunies autour de ce cœur de programme, _ fâcheusement _ on n’en perçoit guère la logique ni la pertinence.

Cela tient peut-être aussi aux grandes disparités de ton et de caractère que le chanteur met en œuvre d’un Lied à l’autre, mais aussi au sein d’une même pièce _ ce que Hughes Schmitt caractérisait en son article du 15 février 2012 comme « typiquement lisztien«  ! _, qui rompent l’homogénéité du récital et font que les numéros s’enchaînent sans parvenir à créer l’atmosphère d’un véritable Liederabend _ probablement étranger à l’idiosyncrasie de Liszt ! _, sans créer de tension poétique durable. Le sentiment d’intimité, de chaleureuse communion _ à la Schubert… _ avec les artistes n’émerge que sporadiquement, sans cesse mis en péril par l’ampleur des moyens vocaux, évidemment considérables, mais pas nécessairement adéquats ni dispensés avec souplesse, et souvent disproportionnés par rapport aux textes ou au propos musical ; saluons cependant les efforts constants fournis par le pianiste pour établir et entretenir la trame poétique.

L’entame du disque est particulièrement étrange, tout en énergie et en force avec de très grands contrastes – que le texte ne justifie guère – mais peu de distance ou de second degré, pourtant si précieux chez Heine. On goutera bien, par petites tranches, quelques réussites ponctuelles, comme Im Rhein, im schönen Strome et Die Loreley (plages n°5 & 6), avec de belles demi-teintes et une émouvante transparence vocale, ou Die stille Wasserrose (plage 14), insuffisantes hélas à sauver l’ensemble.

Il reste bien entendu que la voix est grande, très grande – mais pas toujours très homogène ni très précise, que le piano est particulièrement soigné et intelligent, que la diction est irréprochable. Mais voilà, l’art du Lied est un des plus difficile, où le chanteur se trouve complètement à découvert, en constante quête de sens, où il doit porter le son plutôt que se laisser porter par lui, un art qui demande une très grande souplesse, une grande simplicité de ton, si différent de l’opéra…

J’gnorais jusqu’ici ces deux articles,

et tout spécialement, celui, très remarquablement lucide et éclairant sur Liszt, de Hugues Schmitt,

mais ma connaissance jusqu’ici des Lieder de Liszt ne m’avait guère prédisposé alors à l’écoute de ces deux CDs de Lieder de Liszt, parus en 2011 et 2021, interprétés par Diana Damrau et Jonas Kaufmann, avec le piano de Helmut Deutsch.

Cf toutefois, et a contrario (!), mes articles à propos de 3 CDs de Lieder de Liszt que je possède, et ai, eux, beaucoup appréciés :

mon article du 5 novembre 2019 : «  » ;

celui du 25 novembre 2019 : «  » ;

celui du 17 décembre 2019 : « « … ;

et celui du 11 mars 2020 : « « …

J’en tire cette modeste conclusion que

le talent d’exécution des interprètes, au concert comme au disque _ soient ici les chanteurs Cyrille Dubois, André Schuen, Stéphane Degout, et les pianistes qui les accompagnent dans les CDs cités, soient Tristan Raës, Daniel Heide et Simon Lepper _, a une non négligeable importance sur la réception-écoute des œuvres des compositeurs _ même les plus grands ! _, par le mélomane,

dont le goût, jamais non plus, et c’est bien sûr aussi à remarquer, ne saurait être parfaitement neutre et objectif en sa réception, toujours circonstancielle

_ ainsi que toujours révisable, mais oui !, à de nouvelles écoutes ; telles que celles qu’offrent bien opportunément, et à contre-courant du passage du temps, les CDs bien matériels et durables de nos discothèques précieusement et bien heureusement conservées…

Un trésor !

Bref, un assez joli CD

_ qu’on écoute ici par exemple son « Ich bin der West abhanden gekommen » (6′ 04) ; ou son « Im Abendrot » (6′ 57)… _

mais qui ne soulève pas vraiment _ peut-être d’abord une affaire de timbre de la voix : et c’est hélas rédhibitoire… _ mon enthousiasme de mélomane…

Ce samedi 13 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ce chef d’oeuvre qu’est l' »OEdipe » (1936) de Georges Enesco (1881 – 1955) enfin redonné à l’Opéra de Paris !

04oct

Ce jour, ResMusica, sous la plume de Michèle Tosi,

et en un article intitulé « Wajdi Mouawad rend justice à l’Œdipe de Georges Enesco« ,

nous apprend la re-création à Paris, le 29 septembre 2021,

de ce chef d’œuvre de l’opéra du XXe siècle qu’est l' »Œdipe«  _ créé à l’Opéra Garnier, à Paris, le 13 mai 1936 _ de Georges Enesco (Liveni, 19 août 1881 – Paris, 4 mai 1955)…

Une recréation sinon à l’Opéra-Garnier,

du moins à l’Opéra-Bastille…

Wajdi Mouawad rend justice à l’Œdipe de Georges Enesco

Fin connaisseur des tragédies de Sophocle, le metteur en scène et directeur du théâtre de La Colline Wajdi Mouawad s’empare de l’Œdipe de Georges Enesco, l’unique opéra _ en effet _ du compositeur roumain, et signe une épure poétique aux couleurs flamboyantes.

L’opéra n’avait jamais été remonté par l’Opéra de Paris depuis sa création à Garnier en 1936. Il est le fruit d’une longue maturation de la part du compositeur, près de trente ans _ oui _ depuis la révélation que fut, pour lui, la découverte d’Œdipe roi de Sophocle joué en 1909 à la Comédie-Française. Le livret d’Edmond Fleg est une version condensée des deux tragédies de l’auteur grec, Œdipe roi et Œdipe à Colone. Wajdi Mouawad y ajoute un préambule non musical qu’il déclame lui-même en voix off.

Oubliant la malédiction d’Apollon, Laïos et son épouse Jocaste fêtent la naissance d’Œdipe dans un premier acte haut en couleurs où chaque tête s’orne d’une coiffe à la Bob Wilson, façon végétale (fleurs et feuillages selon les sexes et les personnages), symbole d’une fécondité autour de laquelle se noue la tragédie. Privilégiant les lignes verticales et l’aspect monumental de la scénographie, Emmanuel Clolus érige un immense rocher pour le décor du deuxième acte, tandis que des panneaux mobiles, à l’image des portes de Thèbes, reconfigurent l’espace scénique à chaque tableau. Des personnages géants aux costumes brillants (la présence des aïeux) occupent la scène au sein d’une masse chorale très sollicitée. Si les surtitres en anglais passent toujours au-dessus de nos têtes, le texte français s’affiche sur le décor, dans un confort de lecture très appréciable.

Georges Enesco a signé une partition somptueuse _ oui ! _dont Ingo Metzmacher cisèle les contours avec une précision d’orfèvre. Louvoyant entre le style du « Grand opéra » français et l’art du timbre d’un Debussy, l’écriture déploie une dramaturgie sonore très suggestive qui ne va pas sans une certaine emphase. Les pages d’orchestre se multiplient (superbes préludes et interludes), le deuxième tableau invitant sur scène une flûte, celle du berger qui tire de son instrument une plainte douloureuse. La vocalité regarde vers la déclamation debussyste, au plus près de la prosodie, convoquant parfois la voix parlée, comme dans le troisième acte où les mots désespérés d’Œdipe s’inscrivent sur la partie orchestrale à la manière d’un mélodrame. Enesco use également de ressorts théâtraux aux effets archaïsants, tels ces glissandos qui font ployer les voix et renforcent l’aspect tragique et intemporel du propos. Ils accusent les accents maléfiques de la Sphinge à la fin du deuxième acte dans une des scènes les plus fascinantes de l’opéra où la mezzo-soprano Clémentine Margaine, dans tout l’éclat de son registre, s’adresse à Œdipe pour le défier.

Face à l’écrasante majorité des voix d’hommes, les dames ne font que de courtes apparitions dans l’opéra. Anne Sofie von Otter, dans le premier acte, incarne une Mérope (la mère adoptive d’Œdipe) avec l’élégance et la clarté d’élocution _ oui _ qu’on lui connait. Ekaterina Gubanova est une Jocaste émouvante, alliant beauté du timbre et souplesse de la diction. Au côté d’Œdipe aveugle qu’elle accompagne durant le quatrième acte, l’Antigone d’Anna-Sophie Neher est attachante, prêtant sa voix juvénile autant que rebelle à un personnage au caractère bien trempé. Si la voix de Laurent Naouri manque un rien d’assise au premier acte, dans le rôle exigeant du Grand Prêtre, on apprécie la puissance et la projection de la basse Clive Bayley dans Tirésias, tout comme celle de Nicolas Cavallier, séduisante et ensorceleuse dans son air du Veilleur. Citons encore le Laïos de Yann Beuron _ que j’apprécie tout particulièrement _, tombant sous les coups d’Œdipe au deuxième acte, le Créon de Brian Mulligan, ardent et vindicatif, ainsi que le Berger à la voix claire (et à la coiffe en forme de panier d’osier) de Vincent Ordonneau. Mais le plateau reste dominé par l’incarnation magistrale du baryton Christopher Maltman dans l’écrasant rôle titre, exprimant toute la vulnérabilité d’un personnage qui finira par clamer son innocence et dont les accents douloureux de père déchu dans le troisième acte évoquent ceux d’un Boris Godounov. Saluons pour finir l’excellence des chœurs dont les voix irriguent toute la tragédie, personnage en soi, présent ou invisible comme celui des Euménides qui referme l’opéra dans une lumière et une sérénité retrouvées.

Crédits photographiques : © Elisa Haberer / Opéra national de Paris

Paris. Opéra Bastille. 29-IX-2021.

Georges Enesco (1881-1955) : Œdipe, tragédie lyrique en quatre actes et six tableaux ; livret d’Edmond Fleg d’après Sophocle.

Mise en scène : Wajdi Mouawad.

Décors : Emmanuel Clolus. Costumes : Emmanuelle Thomas. Maquillage, coiffures : Cécile Kretschmar. Lumières : Eric Champoux. Vidéo : Stéphane Pougnand.

Christopher Maltman, baryton, Œdipe ; Brian Mulligan, baryton, Créon ; Clive Bayley, basse, Tirésias ; Vincent Ordonneau, ténor, Le Berger ; Laurent Naouri, baryton, Le Grand Prêtre ; Nicolas Cavallier, basse, Phorbas / Le Veilleur ; Adrien Timpau, baryton, Thésée ; Yann Beuron, ténor, Laïos ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano, Jocaste ; Clémentine Margaine, mezzo-soprano, La Sphinge ; Anna-Sophie Neher, soprano, Antigone ; Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano, Mérope ; Daniela Entcheva, contralto, Une Femme thébaine ; Sylvie Delaunay, Marie-Cécile Chevassus, Les thébaines ; Luca Sannai, John Bernard, Hyun Jong Roh, Bernard Arrieta, Jian-Hong Zhao, Hyunsik Zee, Les Thébains ; Félicité Grand, Marie Texier, Antigone enfant.

Maîtrise des Hauts-de-Seine ; Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris (cheffe des chœurs, Ching-Lien Wu ; directeur de la maîtrise, Gaël Darchen) ;

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris ; direction musicale : Ingo Metzmacher.

 

Voici un intéressant article, intitulé « En attendant 2036« , sous la plume de Laurent Bury, et en date du 18 mai 2018, 

qui se demandait s’il faudrait attendre 2036 pour voir redonner cet Œdipe d’Enesco sur la scène de l’Opéra, à Paris…

En attendant 2036

CD
Œdipe
Par Laurent Bury | ven 18 Mai 2018 |

L’Opéra de Paris a décidément la mémoire courte, et se montre fort réticent à reprendre les rares titres considérés _ et à très juste titre !!! _ comme des chefs-d’œuvre parmi tous ceux qui ont été créés au Palais Garnier. Pendant plusieurs années, une rumeur a prétendu que l’on verrait bientôt à Bastille l’Œdipe d’Enesco, dont la première avait eu lieu à Paris en 1936 ; on parlait d’une coproduction avec Bruxelles, où Œdipe fut monté par la Fura dels Baus en 2011. Hélas, ces bruits sont restés lettre morte, et l’on se demande s’il ne faudra pas maintenant attendre 2036 _ voilà… _ pour que le centenaire de la création de l’œuvre lyrique d’Enesco connaisse à nouveau les honneurs de notre capitale (le Capitole de Toulouse, lui, a eu le courage de la présenter en 2008 _ Bravo ! _).

En attendant cette hypothétique Œdipe parisien, on pourra aller voir l’œuvre à Amsterdam, où elle sera donnée en décembre prochain, dans la production bruxelloise également vue à Londres en 2016. Et pour se préparer à ces représentations, on se tournera naturellement _ forcément ! _ vers le disque. Si l’on oublie momentanément la version traduite en roumain (donnée pour la première fois à Bucarest en 1958), il existe trois enregistrements d’Œdipe sous sa forme originale en français. La plus récente est un live capté au Staatsoper de Vienne, dirigé par Michael Gielen, avec Monte Pederson dans le rôle-titre _ un album Naxos. Le seul enregistrement de studio est celui gravé en 1989 par Lawrence Foster à la tête de l’orchestre de Monte-Carlo, avec José van Dam en Œdipe _ chez EMI _ ; dans ces deux versions, le rôle de la Sphynge était tenu par _ la merveilleuse _ Mariana Lipovsek. Le label Malibran _ oui _ réédite la plus ancienne, écho d’un concert radiophonique de 1955, avec une distribution intégralement francophone, qui inclut même deux artistes ayant participé à la création. C’est dire la valeur de document qu’offre ce disque, où l’on trouve réunie la fameuse Troupe de l’Opéra de Paris à l’époque de son zénith _ voilà ! _, nous y reviendrons.

A la tête de l’orchestre, Charles Bruck. Un chef roumain pour diriger l’œuvre de son compatriote, mais surtout un très grand chef pour l’opéra du XXe siècle, qui allait diriger deux ans plus tard un inoubliable Ange de feu. Grâce à lui, Œdipe est parcouru d’un souffle exceptionnel et, moins de vingt ans après sa création, la partition se pare _ en 1955 _ d’une modernité qu’elle ne retrouvera guère sous la direction plus placide d’un Lawrence Foster. Les quelques coupures ne défigurent pas l’œuvre, et la durée totale est ici comparable à celle du live paru chez Naxos, même s’il manque environ une demi-heure de musique par rapport à l’intégrale de studio EMI.

Quant à la distribution, elle est exceptionnelle car tout le monde y chante dans sa langue, et y chante admirablement, avec un style empreint de noblesse, loin de tout histrionisme _ voilà. Xavier Depraz trouve là le rôle de sa vie, ou du moins l’un des rôles, déclamant à merveille, ne faisant qu’un avec son personnage tourmenté. Rita Gorr se surpasse dans la scène de la Sphinge, tandis que Geneviève Moizan campe une Jocaste aux moyens opulents. Berthe Monmart en Antigone relève du grand luxe, et Freda Betti est une truculent Mérope. Du côté des nombreuses voix d’homme, c’est la fête, avec l’équipe des concerts de la RTF à l’époque : côté clefs de fa, les excellents André Vessières et Lucien Lovano, côté ténors, un Joseph Peyron très acceptable en Laïos et un Jean Giraudeaupittoresque en berger.

Et en complément, le coffret propose même les dix dernières minutes de la version en roumain, pour ceux qui préfèrent Enescu à Enesco.


Cet Œdipe d’Enesco de 2021

constitue donc un événement musical tout à fait digne d’être remarqué…

Ce lundi 4 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Deux passionnantes nouveautés discographiques de musique française baroque, de deux des fils de Bertille de Swarte : Sylvain Sartre et Théotime Langlois de Swarte

16août

Ce mois d’août 2021 nous offre diverses nouveautés discographiques,

parmi lesquelles deux très intéressantes réalisations de deux des fils de Bertille de Swarte

_ cf le bien utile précédent récapitulatif de mes recherches, du 29 juin 2021 : _ :

l’une de Sylvain Sartre,

à la direction de l’ensemble Les Ombres ;

et l’autre de son frère le violoniste Théotime Langlois de Swarte,

en duo avec William Christie au clavecin ;

ainsi que viennent de me l’apprendre deux articles de l’excellent site Discophilia, de Jean-Charles Hoffelé,

en date des vendredi 13 août, sous le titre de « Tragédie babylonienne » _ cette expression désignant la tragédie lyrique (de 1718) « Sémiramis« , du compositeur André Cardinal Destouches (1672 – 1749) _ ;

et lundi 16 août, sous le titre de « Le Violoniste retrouvé » _ il s’agit là du violoniste Jean-Baptiste Sénaillé (1687 – 1730), compositeur de sonates pour violon et basse continue (parues en 1710, 1712, 1716, 1721 et 1727.

Voici donc ces deux articles :

TRAGÉDIE BABYLONIENNE

Un voyage au Royaume de Siam en mission avec le Père Tachard (épisode immortalisé par Voltaire dans son Destouches à Siam), un engagement dans l’armée du Roi, le siège de Namur, et dans la musique militaire soudain la révélation de son destin, le jeune Destouches, à la vie jusque-là aventureuse, sera compositeur, André Campra son maître, la Tragédie Lyrique son nouveau champ de bataille.

Au soir de sa vie, Louis XIV entend Issé, premier ouvrage lyrique de celui qui, aux côtés de Colin de Blamont, aura pris la charge laissée par Campra : surintendant de la musique du Roi. Le monarque goûte la pastorale, avoue que les talents de compositeur de Destouches lui évoquent ceux de Lully.

Sept ouvrages lyriques suivront, Sémiramis fermant _ en décembre 1718 _ cette théorie de tragédies lyriques brillantes, pleines d’effet, où Destouches se souvenant des leçons de Campra, ose renouveler le genre par l’ampleur de l’orchestre et la puissance dramatique des scènes. Callirhoé marquera le sommet de cette nouvelle manière, l’ouvrage suscitant une admiration frôlant l’hystérie. Le sujet plus sombre de Sémiramis, reine incestueuse, le livret aux arrière-plans psychologiques complexes de Pierre-Charles Roy, le rôle si poignant de la reine de Babylone écrit pour le grand dessus de Marie Antier ne suffirent pas pour garantir à cet opéra au sombre flamboiement le succès qui entourait encore Callirhoé.

C’est que Destouches, prenant le contrepied du goût de la Régence, qui voulait des ouvrages légers, renouait ici avec le grand style de Lully, et avouait son goût pour l’opéra à grands effets – tremblement de terre et foudre vengeresse abondent au long des cinq actes – qu’il mariait avec une justesse psychologique dans l’incarnation des personnages en avance sur son époque. En cela, il annonce Hippolyte et Aricie de Rameau qui paraîtra quinze ans plus tard _ en 1733.

Les Ombres se dévouent à ce compositeur majeur de l’opéra français, l’ensemble de Sylvain Sartre avait déjà révélé Issé, aura participé aux renaissances de Callirhoé, du Carnaval et la Folie, et enregistré l’admirable cantate Sémélé. Avec sa vaillante troupe, ils font flamboyer ce drame sombre si puissant.

Eléonore Pancrazi met son grand soprano à Sémiramis, qu’elle incarne avec ardeur dès « Pompeux attrait » ; il fallait une tragédienne pour incarner la reine de Babylone, elle l’a trouvée. Mathis Vidal incarne les tourments d’Arsane sans craindre la tessiture exposée qui faisait la renommée de Cochereau, Emmanuelle de Negri donne à Amestris la couleur si singulière de ces sopranos lyriques qui dans la tragédie lyrique devaient conjuguer charme et pathétique. Thibault de Damas donne à Zoroastre toute son autorité.

La partition abonde en beautés, et sa fin, sur le simple « Je meurs » de la Reine n’est pas la moins saisissante. Destouches ne reviendra plus au grand style de la tragédie lyrique, Les Eléments, dont la composition fut partagée avec Delalande, sacreront le triomphe de l’opéra-ballet dont la cour de Louis XV sera si friand. Savait-il qu’avec Sémiramis, il refermerait l’univers inventé par Lully, laissant à ses successeurs le soin d’en dévoyer les canons et l’esthétique ?

Et si demain Sylvain Sartre et ses amis remontaient le fil du temps, nous révélant Amadis de Grèce, Omphale, Télémaque et Calypso, Marpesia, première reine des Amazones ?

LE DISQUE DU JOUR

André Cardinal Destouches(1672-1749)
Sémiramis

Eléonore Pancrazi,
mezzo-soprano (Sémiramis)
Mathias Vidal, ténor (Arsane)
Emmanuelle de Negri, soprano (Amestris)
Thibault de Damas, baryton-basse (Zoroastre)
David Witczak, baryton (L’Oracle, L’Ordonnateur des jeux funèbres)
Judith Fa, soprano (Une Babylonienne, Une prêtresse)
Clément Debieuvre, ténor (Un Babylonien, Un génie)

Chœur du Concert Spirituel
Les Ombres
Sylvain Sartre, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS038

Photo à la une : la mezzo-soprano Eléonore Pancrazi – Photo : © DR…

LE VIOLONISTE RETROUVÉ

Dix années séparent Senaillé de Leclair. Le premier fut à bonne école avec son père, un des violons de Lully, le second un virtuose de son instrument dont le métier flamboyant ne pouvait faire oublier qu’il était un compositeur de génie, auteur d’une tragédie lyrique majeure, Scylla et Glaucus, dont la puissance ne se compare qu’aux grands ouvrages de Rameau.

L’un et l’autre auront, de leurs archets impétueux, réuni les goûts français et italien, c’est au premier que Théotime Langlois de Swarte et William Christie consacrent l’essentiel de leur stupéfiant album, et c’est justice : les Sonates si brillantes et si touchantes de Senaillé, emplies de danses et de musettes, parcourues de sarabandes et d’adagios nostalgiques, n’auront suscité qu’un album monographique signé par Odile Edouard voici quelques lustres pour le label K617.

Elles sont merveilleusement chorégraphiées par l’archet plein et souple du jeune homme _ certes ! _, qui sait y faire transparaître les nombreuses influences de l’opéra. Le génie poétique de Senaillé en fait tout sauf un petit maître, il égale Mondonville et n’est pas loin de se hausser au niveau de Leclair lorsqu’il élance la prodigieuse Courante de sa Sonate en mi mineur : cette ardeur du rythme, cet archet qui s’enflamme et danse, coupent le souffle.

Disparu à l’orée de sa quarantaine, ce compositeur qui n’aura composé que des livres _ au nombre de cinq _ de Sonates pour son instrument, méritait qu’enfin on le redécouvre, il ne lui aura manqué que le temps d’approfondir son art, et c’est un peu cruel d’ouvrir ce disque avec la Gavotte de Leclair, qui expose un génie mélodique tendant vers Mozart, alors que la Sarabande de la Sonate en mi de Senaillé est belle comme une phrase de Rebel. A dix ans de distance, l’un regarde l’avenir, l’autre caresse le passé, duo merveilleux que William Christie et son jeune ami ressuscitent avec des tendresses brillantes dont je ne me lasse pas.

Vite, s’il vous plait Messieurs, un second volume.

LE DISQUE DU JOUR

Générations

Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730)


Sonate pour violon et basse continue en mi mineur, Op. 4 No. 5
Sonate pour violon et basse continue en sol mineur, Op. 1 No. 6
Sonate pour violon et basse continue en ré majeur, Op. 3 No. 10
Sonate pour violon et basse continue en ut mineur, Op. 1 No. 5


Jean-Marie Leclair (1697-1764)


Sonate pour violon et basse continue en mi mineur, Op. 3 No. 5 (extrait : I. Gavotte)
Sonate pour violon et basse continue en la majeur, Op. 1 No. 5
Sonate pour violon et basse continue en fa majeur, Op. 2 No. 2

Théotime Langlois de Swarte, violon
William Christie, clavecin

Un album du label harmonia mundi HAF89051292 (Série « Les Arts Florissants »)

Photo à la une : le violoniste Théotime Langlois de Swarte – Photo : © DR

Ce lundi 16 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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