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Pourquoi si peu de réussites discographiques de la Messe en ut mineur K. 427 de Mozart ? Minkowski, après Harnoncourt. Ou Fricsay…

03oct

Á plusieurs reprises déjà,

j’ai recherché une interprétation discographique vraiment réussie de la Messe en ut mineur K. 427 de Mozart.

Pour quelles raisons celle-ci est-elle donc si malaisée à vraiment « attraper« 

et « rendre » à la perfection

par ses interprètes ?..


Cf par exemple mon article du 19 mai 2020 « « …

Hier, 2 octobre, sur son site Discophilia,

et sous le titre « Baroque« ,

Jean-Charles Hoffelé a donné un compte-rendu

de l’interprétation que vient de donner de cette mozartienne Messe en ut mineur K. 427

Marc Minkowski,

à la tête de ses Musiciens du Louvre,

pour le label Pentatone _ soit le CD PTC 5186812.

Voici cet article :

BAROQUE

Sombre Kyrie ! Avant qu’Ana Maria Labin n’entonne son Kyrie, Marc Minkowski donne une couleur tragique à la grande Messe en ut, soupesant ses ombres, affirmant un sens du discours qui entend bien immerger l’œuvre dans une esthétique baroque _ voilà le parti pris. Tout ne sera qu’expression _ quasi expressionniste… _, la liturgie de la messe devenant une petite passion _ voilà : au sens de la psychologie de l’affectivité _ où les sentiments s’expriment avec une intensité d’autant plus prenante qu’elle est contenue _ un bel oxymore _, le chef maîtrisant le temps avec un art certain _ et c’est une forme de compliment.

Le petit chœur – neuf chanteurs – s’accorde à rejoindre dans des fondus assez inouïs la palette _ volontairement _ obscure des Musiciens du Louvre, l’équilibre se trouvant moins aisément dans les tonnerres du Gloria, mais que la douceur revienne, et comme tout cela prie et émeut _ soit un nouvel oxymore !

En majesté, le Credo rayonne, avant que l’émotion de l’Et incarnatus est _ un hapax de climax _ ne vienne vous saisir, ce mystère où Mozart aura écrit l’une de ses plus belles mélodies de soprano _ c’est très juste, en effet, anecdotiquement, mais tout de même un tantinet réducteur quant à la portée de l’œuvre elle-même…

L’approche de Marc Minkowski est si singulière _ voilà _ dans ce pan du répertoire mozartien qu’elle pourrait apporter l’éclairage nouveau _ seulement une démarque de marché ? _ que celui-ci attendait _ discographiquement _ depuis le geste de Nikolaus Harnoncourt. En poursuivra-t-il l’exploration ?

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)
Messe en ut mineur, K. 427

Ana Maria Labin, soprano I
Ambroisine Bré, soprano II
Stanislas de Barbeyrac, ténor
Norman Patzke, basse
Les Musiciens du Louvre
Marc Minkowski, direction

Un album du label Pentatone PTC5186812

Photo à la une : le chef Marc Minkowski – Photo : © DR

Ce samedi 3 octobre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chanter Schubert (suite) : Markus Schäfer, dans le Schwanengesänge, avec Tobias Koch _ une révélation…

22jan

Un nouveau superbe CD de Lieder de Schubert,

après les deux marquantes réussites récentes des Winterreise

de Ian Bostridge (avec Thomas Adès)

_ cf mon article  du 8 janvier dernier, pour le CD Pentatone PTC 5186 764 _

et Pavol Breslik (avec Amir Katz)

_ cf mon article  du 19 janvier dernier, pour le CD Orfeo C 934 191 _ :

le CD Schwanengesänge du ténor Markus Schäfer,

accompagné _ superbement _ par l’excellent pianiste qu’est Tobias Koch…

_ soit le CD CAvi-music 8553206.

Certes le timbre de la voix de ce ténor qu’est Markus Schäfer

n’a pas le miel tendre _ mozartien _ de celle de Pavol Breslik,

mais plutôt celle _ plus âpre _ du regretté Peter Schreier,

mais son art de dire (et chanter) les Lieder de Schubert

a aussi quelque chose de l’art si magnifiquement expressif _ et poétique _ de Ian Bostridge.

Sur ce très beau CD de Markus Schäfer et Tobias Koch,

lire aussi cet article de Jean-Charles Hoffelé sur son blog Discophilia,

le 17 janvier dernier,

intitulé Chant du cygne :

CHANT DU CYGNE

Quel joli _ ce n’est pas l’adjectif que j’aurais personnellement choisi… _ disque ! Tobias Koch _ un parfait magicien du clavier ! _ touche un beau pianoforte de Friedrich Hippe, subtil, feutré _ oui ! _, sur lequel Markus Schäfer distille avec subtilité sa singulière voix de ténor de caractère _ voilà ! et non de charme… _ : je n’imaginais pas forcément son timbre, assez proche _ mais oui ! _ de celui de Peter Schreier, idéalement apparié à la lyrique schubertienne qui appelle plus naturellement des ténors Mozart _ voilà ! _, Haefliger, Dermota, Wunderlich, Breslik aujourd’hui.

Mais Schäfer, formé au répertoire baroque _ il chante Johann Christian Bach… _ qui a remis en prééminence les mots dans la musique, chante son Schubert intime, distille les poèmes _ oui : à la Bostridge _, refuse les effets _ et c’est tant mieux ! Pour la lyrique effusive de tout ce qui dans l’assemblage du Schwanengesang vient des poèmes de Rellstab, cela sonne d’évidence, mais lorsque l’on passe chez Heine, Schäfern’hésite pas un instant à corser son timbre _ oui _, et pour le trio Die Stadt/ Am Meer/ Der Döppelgänger où les fantômes paraissent _ oui _, le timbre soudain évoque Julius Patzak. _ parfaitement !

En plus de nous faire un Schwanengesang si singulier _ mais oui ! _, dont il assombrit le propos en choisissant les ossias _ passages alternatifs _ graves, il ajoute quelques lieder _ en effet _ subtilement appariés aux opus ultimes, le Schwanengesang de Senn, Winterabend, le saisissant Die Sterne, Herbst et cette merveille qu’est Auf dem Strom où les rejoint le cor naturel de Stephan Katte : soudain le paysage s’ouvre, moment magique _ oui. Ils devraient bien _ en effet ! _ nous tenter Winterreise.


LE DISQUE DU JOUR


Franz Schubert
(1797-1828)

Schwanengesang, D. 744
Winterabend, D. 938
Die Sterne, D. 939
Auf dem Strom, pour ténor, cor et piano, D. 943
Herbst, D. 945
Schwanengesang, D. 957
Die Taubenpost, D. 956A

Markus Schäfer, ténor
Tobias Koch, piano
Stephan Katte, cor

Un album du label AVI 8553206

Photo à la une : le ténor Markus Schäfer – Photo : © DR

Ce mercredi 22 janvier 2010, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’excellence expressive de Christian Tetzlaff (suite)

07nov

Une nouvelle fois

Christian Tetzlaff se signale à notre admiration

avec son interprétation

des Concertos pour violon et orchestre de Beethoven et Sibelius

_ en un brillant CD Ondine ODE 1334-2 _,

avec le Deutsches Symphonie Orchester de Berlin,

dirigé par Robin Ticciati.

Voici ce qu’en dit ce jour Jean Charles Hoffelé

sur son blog Discophilia

en un article intitulé Serioso :

SERIOSO

Le couplage peut étonner : Beethoven et Sibelius, mais pourtant Christian Tetzlaff n’est pas le premier à l’oser, et il a sa raison. En leurs époques respectives, les opus de Beethoven et de Sibelius marquèrent une révolution _ musicale voilà, en 1806 et en 1905 _, Beethoven dégageant le violon de son rôle de donneur de sérénades, le faisant personnage dramatique et héros pour les concertos du romantisme à venir, Sibelius, lui, tordant le coup – justement – à la tradition romantique, mais aussi à celle du violon virtuose et du concerto de parade réinventé par Paganini dont le modèle était les opus du baroque tardif italien, ceux de Tartini essentiellement.


Mais entre les deux opus existe pourtant un abîme de style _ certes _ que Christian Tetzlaff enjambe crânement. Avec son Peter Greiner si singulier, il tend _ voilà _ les lignes classiques du Concerto de Beethoven, dédaigneux du beau son _ oui _, mais preste à un espressivo ravageur _ c’est cela _ que je n’y avais plus entendu depuis Josef Wolfsthal.


Ce violon parle, et dans le Larghetto prie. Robin Ticciati fait tout un orchestre de théâtre qui pourra surprendre, mais il sait bien que son violoniste est devenu plus qu’un acteur, un personnage _ en son entièreté.

Le Sibelius est inouï et pourtant très étrange, Tetzlaff le joue comme un barde, non, il ne le joue pas, il le dit _ ici encore _ et parfois même malgré les limites de l’instrument que le Finale, si difficile à faire sonner, met un peu à mal. Peu importe, l’Allegro ténébreux, l’Adagio sinistre, mortifère, garantissent assez d’émotions _ ici aussi expressives.

LE DISQUE DU JOUR


Ludwig van Beethoven(1770-1827)


Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61


Jean Sibelius (1865-1957)


Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47


Christian Tetzlaff, violon
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Robin Ticciati, direction

Un album du label Ondine ODE 1334-2

Photo à la une : le violoniste Christian Tetzlaff – Photo : © Giorgia Bertazzi

 

Ce jeudi 7 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Mathias Enard, ou le creuseur pudique : face à l’énigme de l’oeuvre et les secrets du coeur (à partir de l’exemple de Michel-Ange à Rome _ et Istanbul !!!)

11sept

Voici, ce jour, une réflexion sur la présentation par Mathias Énard de son roman-fable-enquête Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants

soit un essai _ de réflexion artistique, entée sur des recherches d’érudition, tant à Rome (Mathias Énard fut pensionnaire de la Villa Médicis en 2005-2006) qu’à Istanbul, et très « en profondeur« , la réflexion artistique comme la recherche documentaire, de la part du probe, fin et patient Mathias Énard _ pour combler un trou de quatre mois dans la biographie de Michel-Ange :

d’avril 1506

_ quand, fuyant Rome (« Michel-Ange a quitté Rome sur un coup de tête, le samedi 17 avril, la veille de la pose de la première pierre de la nouvelle basilique San Pietro« , page 13), suite à une mésentente grave avec son employeur-commanditaire l’assurément peu commode pape-guerrier Jules II (« Il était allé pour la cinquième fois consécutive prier le pape de bien vouloir honorer sa promesse d’argent frais. On l’a jeté dehors« , ibidem…), le sculpteur, florentin, vient se réfugier à Florence, auprès des Médicis _,

à septembre 1506

_ on retrouve en effet le sculpteur à Bologne (possession pontificale, mais à ce moment-là en révolte contre l’autorité du pape), au mois de septembre 1506 ; deux mois plus tard, le 10 novembre 1506, Jules II reconquiert par les armes cette cité (qu’il connaît bien pour en avoir été jadis le cardinal-évêque : de 1483 à 1499) ; et très vite le pape et l’artiste se seront réconciliés ; mais, plutôt que de continuer à faire travailler en priorité le sculpteur au projet de son gigantesque tombeau pour la nouvelle basilique Saint-Pierre, Jules II préfère (l’architecte Bramante souhaitant aussi éloigner Michel-Ange _ un rival _ du chantier de la reconstruction de Saint-Pierre) lui confier la mission _ titanesque _ de peindre l’immense plafond de la chapelle sixtine : Jules II s’en soucie tout spécialement, en effet, car la chapelle sixtine, construite de 1477 à 1483, est une création de son oncle, le pape Sixte IV della Rovere (pape de 1471 à 1484) ; mais le bâtiment vient de souffrir d’importants dégâts causés par de récentes constructions adjacentes (d’une part, l’édification des appartements Borgia, pour le pape Alexandre VI ; d’autre part, le chantier _ colossal _ de la réfection de Saint-Pierre, qui avait débuté le 18 avril 1506) ; et c’est Michel-Ange, le peintre, qui va se consacrer à ce plafond de la Sixtine, de mai 1508 à octobre 1512…

présentation

donnée le mercredi 8 septembre 2010, dans les salons Albert-Mollat,

en dialogue avec Francis Lippa…

Rencontrer _ in vivo ! _ un artiste qu’on a un peu essayé de bien lire _ et qu’on va continuer d’essayer de bien lire : car en ce cas de l’artiste (« vrai« , donc !) Mathias Énard, l’œuvre (vraie ! ainsi qu’elle se révèle à l’épreuve de cette lecture…) ne se réduit certes pas à ce qui pourrait, d’elle, se résumer : elle y résiste et tient la route « vraiment«  ! c’est en cela qu’elle est, chose toujours un peu rare (et digne d’admiration !), une « œuvre vraie« _ ;

et avoir la chance, en plus, de disposer d’un peu le temps afin de s’entretenir (un peu, ici encore : une bonne heure et demi…), de dialoguer avec lui _ le podcast de l’entretien dure 62 minutes _, sur ce qui anime la démarche d’où sourd, jaillit, procède son propre créer,


c’est avancer un peu sur ce que Gaëtan Picon et Albert Skira formulèrent, naguère _ magnifiquement ! _, comme « les sentiers _ ce ne sont pas des boulevards ! _ de la création«  _ et que s’efforce de prospecter, modestement et en douceur (forcément ! rien ne s’y obtient en « forçant«  !), la poïétique :

sur ce chantier, j’essaie de mettre quelques petits pas, ici-même, en ce blog-ci, dans ceux, si fins, d’un Paul Valéry, ou d’un Gaston Bachelard, hier, d’une Baldine Saint-Girons, aujourd’hui (cf son tout récent et très important Le Pouvoir esthétique, aux Éditions Manucius : une analyse ultra-fine et lumineuse des pouvoirs sur la sensibilité !)… _ ;

et qu’ils entamèrent d’éclairer-explorer, avec une merveilleuse délicatesse _ quels trésors recèle la collection de ce nom, « les sentiers de la création« , aux Éditions Skira ; hélas interrompue ; et somnolant désormais sous une pellicule plus ou moins fine de poussière dans les bibliothèques, quand elle ne sollicite pas plus activement les « actes esthétiques«  _ pour reprendre le concept de Baldine Saint-Girons en son précédent maître-livre, L’Acte esthétique, aux Éditions Klincksieck _ d’un peu actives mises à contribution, fécondes, d’une culture vive : en chantier (musaïque) de création…

Eh bien voilà la chance qui m’est échue en l’espèce de la rencontre,

mercredi après-midi dernier, 8 septembre, sur l’estrade des salons Albert-Mollat,

en l’espèce d’un dialogue (nourri de curiosités ajointées)

avec l’auteur

et de Zone, et de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,

ce creuseur d’énigmes magnifique

qu’est le très patient et tranquille, solide, posé, Mathias Énard…

En ce dernier opus _ dont le chantier lui a pris au moins deux années, depuis l’amorce de l’« idée« , lors de son séjour romain (en 2005-2006) à la Villa Médicis, nous a-t-il confié, en mettant la main, en la (belle) bibliothèque de la Villa, sur le volume des Vies… de Vasari comportant le récit de la vie de Michel-Ange, puisque c’est ainsi que démarra l’enquête !.. ; et dont le fruit, ce livre-ci, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, vient de paraître ce mois d’août aux Éditions Actes-sud _,

c’est à l’énigme de la création si puissante de Michel-Ange _ sculpteur, peintre, architecte ; ainsi que poète : ses Sonnets et (autres Poésies : Madrigaux, Poésies funéraires, Épigrammes, Élégies, Canzone, ainsi que Stances…) franchissent trop peu le seuil de la connaissance (et a fortiori celui de la délectation) des amateurs d’Art : considérablement moins que son œuvre plastique, en tout cas ! _ que vient se confronter la curiosité probe, patiente, et plus encore profonde, du chercheur-artiste, ou artiste-chercheur _ puisque c’est surtout ce processus-là que les circonstances de son parcours l’ont un peu amené à privilégier, désormais, comme lui-même, en parfaite simplicité, l’a indiqué, spontanément mercredi, en prenant des distances avec les missions universitaires auxquelles il s’était d’abord plié et adonné _, Mathias Énard.

A qui se demande

comment l’auteur-artiste passe du souffle formidable, (quasi) d’un seul tenant

_ ou d’une seule « tenue«  de la part de qui narre : en une phrase unique, « dans le souffle« , d’un narrateur (tel que celui de Zone…), qui (se) repasse (mentalement) en revue, lors d’un voyage en train (récapitulatif !), entre les gares de Milan et de Rome, toute la complexité où s’est faite (construite) et défaite (déconstruite) sa vie _ a-t-il une œuvre, lui ?.. c’est un agent auxiliaire, de grade subalterne… _, et, en particulier, ses relations (complexes et parfois d’une violence extrême) aux autres, de travail _ pas mal en Orient : voilà pour l’« éléphant«  ! _, de guerre _ voilà pour les « batailles«  et pour les « rois«  ! _, et aussi (avec ses trois compagnes successives, en particulier) d’« amour«  _ « et autres choses semblables« , ainsi que Rudyard Kipling se l’est entendu dire de son interlocuteur l’aède indien, dans Au hasard de la vie ; ainsi que le rapporte l’épigraphe de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants _ : mais avec quelles finesses d’inflexions (d’hémioles, dirait-on en musique) : c’est un chef d’œuvre walt-whitmanien que cette coulée une et unique de souffle ! _,

comment l’auteur-artiste passe du souffle formidable, (quasi) d’un seul tenant

_ de narration se confrontant (lui et son Soi en gestation) à l’étrangeté poignante (et difficultueuse) de l’altérité ! quasi monstrueuse, en son pouvoir de fascination… _

des 516 pages de Zone,

au feuilletage discret, léger, rapide _ mais toujours aussi fort et puissant ! _,

des feuilles de carnet (de recherche de traces _ en vue d’approcher, lui, d’un peu mieux éclairer, sinon percer à jour vraiment, pour lui, les énigmes de sens d’une œuvre si riche en une vie d’artiste si étendue et si féconde en chefs d’œuvre, et si divers, que l’œuvre colossal de Michel-Ange… _ en bibliothèques et archives, principalement à Rome _ aux Archives vaticanes _ et, ensuite aussi, à Istanbul _ aux Archives de l’empire ottoman _) du narrateur-chercheur-reconstitueur (en son penser),

mais qui apprend à méditer aussi _ pour lui ; et pour nous lecteurs, à sa suite, qui sommes conviés au récit tout à fait provoquant de sa recherche, en la curiosité stimulée, à notre tour, de notre lecture… _, sur les signes évanescents

_ presque complètement silencieux (ils ne sont pas bavards d’eux-mêmes : il faut y être attentif pour espérer accéder à si peu que ce soit de ce qu’ils laissent transparaître, tout de même, de leurs puissants secrets…) _,

de l’Art,

des 155 pages, allegro vivace, de Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,

à qui s’interroge, donc,

la réponse de l’auteur-artiste,

dans l’en-direct vivant du dialogue improvisé,

se fait toute simple (et sans le moindre chi-chi, a fortiori) :

chaque livre a le nombre de pages

et le style

que lui donne, tout simplement, son sujet _ c’est-à-dire le questionnement à propos d’une énigme ! _ qui vient s’emparer de lui _ devenant l’enquêteur _,

et qui l’attelle, un bon moment, à sa mission de le mettre (= donner, offrir, rendre), ce sujet « prenant » _ cette énigme à éclairer un peu ! puis l’enquête sur elle, en l’altérité de ce à quoi celle-ci ose venir se mesurer… _, par écrit, en son écrire (de narration) :

musical _ d’où la verve du rythme du récit…

Ainsi,

si Zone a été l’achèvement en forme d’apothéose faulknérienne (à mes yeux, du moins) de la recherche de Mathias Énard à propos de l’énigme si profondément entée en nous, en leurs séquelles qui paraissent ne plus bien vouloir accepter d’en finir « vraiment« , des guerres (intestines fratricides) du XXème siècle sur le continent européen (et ses appendices sud- et est- méditerranéens…),


ainsi, donc,

voici qu’aujourd’hui Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants apparaît _ au lecteur passionné (et fouilleur patient aussi : mobilisé…) que je suis… _ comme la confrontation de la curiosité probe et ultra-fine de Mathias Énard

avec l’énigme des liens entre

le Grand Art du génie de l’artiste-à-l’œuvre connu de nous sous le nom de Michel-Ange,

d’une part ;

et,

d’autre part,

les frémissements secrets _ tant aux autres (l’homme est un taiseux) qu’à lui-même aussi, pour le plus enfoui… _ du cœur de l’homme de chair, avec ses puissantes pulsions (dans les parages de l’Autre !), qu’il était

en sa vie d’homme…

L’homme et l’artiste ;

la vie et l’œuvre _ en tensions complexes à démêler à l’infini ;

sus au simplisme !

Cf

et apprendre à méditer sur cela,

par exemple, le célèbre mais trop mal compris trop souvent

Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust…

Car

c’est l’Art qui crée en partie importante _ ça n’est jamais ex nihilo, non plus… _ la singularité

qui va se construire (mais pas mécaniquement !) de l’artiste !

L’artiste découvrant lui aussi peu à peu ce processus _ expressif, sur ces denses et compliqués aventureux « sentiers de la création«  _ de métamorphose _ de son Soi _ qui le traverse et le déborde _ lui, son (petit) Moi, ainsi que les pulsions (sauvages) de son Ça ; et aussi son Sur-Moi… ; cf aussi Nietzsche : sur « la petite«  et « la grande raison« , in l’important Aux Contempteurs du corps, au livre premier d’Ainsi parlait Zarathoustra _ et lui échappe en grande partie _ aussi lucide s’efforce-t-il de devenir ! Bataille qualifie très justement ce processus de création d’« impouvoir«  (de l’artiste)_,

en son regard, plus ou moins acéré, et questionnant _ interrogateur _ aussi ce qu’il fait _ et pas seulement l’altérité à laquelle il ose, aventurier, se confronter…


C’est avec infiniment d’humilité (et douceur tranquille, en son intranquillité même ! _ à l’écritoire…) que Mathias Énard approche la lumière de sa bougie

(artisanale : il la compose de tout ce qu’il peut assembler-rassembler _ en partie, aussi, comme il se doit (et cela comme pour tout un chacun d’entre nous tous), de bric et de broc : avec les divers moyens du bord !.. _ en sa culture et historique et artistique : très fouillées et très fines, les deux _ un travail de micro-chirurgie !)

Mathias Énard approche la lumière de sa bougie

_ avec tout ce que lui a appris sa propre longue et lente fréquentation, intense, passionnée, infusée et murie, et de la Perse

et de la Turquie :

d’où la rencontre, ici, sur ces pages au moins, de Michel-Ange

avec le calligraphe-poète

(et secrétaire, au Divan, du grand vizir Atik Ali Pacha),

Mesihi :

Mesihi dont il pense, même, identifier les traits

en la figure et le corps déployé

d’Adam

sur le sublime plafond de la Sixtine… ;

Mathias Énard nous a-t-il ainsi confié en cette belle conférence de mercredi ! et c’en fut là un temps très fort !!! _


Mathias Énard approche la lumière de sa bougie, donc

_ je reprends et poursuis _,

de cette énigme de l’œuvre _ sidérant, il est vrai _ michel-angelesque _ quelle poigne ! _,

sans chercher _ certes pas ! _, à réduire _ nous sommes ici à mille lieux d’un réductionnisme grossier et  vulgaire ! _ cet Art _ de l’artiste ! _

au misérable « petit tas de secrets » de l’homme en sa vie,

et ses rencontres (de tous genres !),

avec leur part (déjà) ombreuse,

sinon sombre _ voire carrément noire… _

d’altérité.


C’est à l’aune de l’Idéal d’Art,

très haut, et très puissant,

bien au contraire,

que Mathias Énard envisage et aboute les brindilles des rencontres _ glanées en sa recherche d’archives, ou bien imaginées : par les secours conjugués de sa culture et de son propre imaginer d’écrivain ! _ de la vie d’homme de notre « Michelagnolo Buonarroti« …

Au-delà des circonstances, déjà hautes en couleurs et batailleuses, des rapports de l’artiste commandité avec ses très hauts et très puissants commanditaires (chefs de guerre manieurs de sabre : comme le furent et Jules II della Rovere et Bayazid II de la dynastie des Osmanli),

c’est au côtoiement (et aboutage) incommensurablement plus fin et plus complexe des sensibilités du poète et calligraphe _ Mathias Énard met l’accent sur cette part fondamentale de cet art, dont hélas rien (de son pinceau et de sa main…) n’aura été préservé-conservé, pour nous _ Mesihi (né à Pristina, au Kosovo, vers 1470 ; et mort le 30 juillet 1512 à Istanbul : moins d’un an après la mort sur le champ de bataille de Gökçay, le 5 août 1511, de son protecteur le grand vizir Atik Ali Pacha)

et de l’artiste multiforme Michel-Ange (né au château de Caprese, près d’Arezzo, le 3 mars 1475 ; et mort à Rome le 18 février 1564)

_ Mesihi avait environ trente-six ans ; et Michel-Ange, trente-et-un _

que nous fait nous approcher, en son écriture _ d’enquête _ précise, rapide et légère, probe _ très loin tant de la moindre complaisance à la rhétorique que de l’hystérie _ le pudique, mais très patiemment curieux chercheur de sens et de beauté _ les deux conjoints : c’est un artiste ! _, Mathias Énard,

en ce superbe bijou qu’est Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants

Et l’auteur lui-même de se pourlécher à l’avance _ avec nous _ de ce que la gent _ un peu trop, parfois, ou souvent _ pressée _ par utilitarisme ! _ de la meute journalistique _ ah l’inculture du résultat !.. _

va très bientôt _ « un mois« , a-t-il même estimé mercredi 8 septembre… _ intégrer désormais dans sa bio officielle de Michel-Ange

le séjour stambouliote et le début de construction de « son » pont sur la Corne d’Or,

à la façon dont des lecteurs des Onze de Pierre Michon ont accouru en nombre contempler au Louvre le tableau qui y était décrit en ses plus menus détails… ;

ou à celle dont le malheureux _ pressé et sectateur de l’utilitarisme de l’efficacité, probablement, lui aussi : Time is money ! _ expert en économie internationale (des Affaires) qui fréquente les allées du pouvoir, a plagié, à propos de l’œuvre rédigé de Spinoza, notre confrère philosophe bordelais, Patrick Rödel, pour son Spinoza, ou le masque de la sagesse (aux Éditions Climats : la couverture prévenait pourtant : « biographie imaginaire » !) : ouaf ! ouaf ! ouaf !



Tel est donc, avec deux jours et deux nuits (de réflexion-méditation) de recul,

ce que je puise

dans ma rencontre-conversation avec ce créateur-artiste passionnant important qu’est Mathias Énard.


Titus Curiosus, ce 11 septembre 2010

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