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Au hasard des soldes (suite) : une oreille à BenjamIn Britten, Lennox Berkeley et Francis Poulenc, avec le délicieux CD « French Connections » de John-Mark Ainsley, ténor, et Malcolm Martineau, au piano, en 2013…

05juil

Et ce jour, découverte, au malicieux hasard du jeu des soldes, du très réussi, et même passionnant, CD  »French Connections« , le CD Linn Records GKD 477 _ enregistré à Kilberry (Argyll), du 18 au 21 février 2013 _ par le ténor _ francophile _ John-Mark Ainsley (Crewe, 9 juilzt 1963) et le pianiste Malcolm Martineau (Edimbourg, 3 juillet 1960),

avec un très joli programme de Mélodies de Lennox Berkeley (Boars’Hill, 12 mai 1903 – Londres, 26 décembre 1989), Francis Poulenc (Paris 8e, 7 janvier 1899 – Paris 6e, 30 janvier 1963), Benjamin Britten (Lowestoft, 22 novembre 1913 – Aldeburgh, 4 novembre 1976) et Jake Heggie (West Palm Beach, 31 mars 1961)…

En recherchant un peu sur le web des articles consacrés à ce CD de 2015, j’ai seulement trouvé cet article-ci, « French Connections – Moins c’est français, mieux c’est« , de Laurent Bury, paru sur le site de Forumopera.com à la date du 21 avril 2016, et dont je ne partage pas l’avis général dont témoigne le titre :

21 avril 2016

Il fut un temps, pas si ancien, où John Mark Ainsley était un artiste que l’on entendait régulièrement en France, notamment dans le répertoire français, comme en témoigne sa superbe incarnation du rôle-titre dans Dardanus dirigé par Marc Minkowski. Quelle qu’en soit la raison, le ténor britannique a conservé une affection pour la musique de notre pays _ oui _, qu’il a déjà prouvée en explorant les recoins les moins fréquentés de notre répertoire, avec le disque L’Invitation au voyage, mélodies de la Belle-Epoque (Hyperion, 2006). Malheureusement, John Mark Ainsley n’est plus aujourd’hui tout à fait le même chanteur qu’il y a vingt ans, ce qui est bien normal, mais cela vaut notamment pour sa prononciation du français, jadis absolument impeccable ; bien que toujours très bonne, elle n’en est pas moins marquée de quelques sonorités assez anglaises et de quelques erreurs d’articulation (« abzorbé », des é au lieu de e, etc.). Ce ne sont là que détails _ plutôt, en effet _, mais il aurait sans doute été facile d’y remédier. Par ailleurs, sur le plan strictement vocal, le ténor n’a plus les mêmes facilités qui faisaient naguère de lui un candidat fort recevable pour les rôles de haute-contre à la française. Le répertoire enregistré sur ce disque date d’il y a moins siècle, mais on ne peut s’empêcher de constater un certain durcissement dans l’aigu, qui ne devient toutefois gênant que dans certaines des pièces ici retenues.

La plus voyante des « French Connections » sur laquelle repose ce récital, c’est bien sûr la rencontre entre Britten et Poulenc autour du poème de Shakespeare « Fancy », tiré du Marchand de Venise. C’est en 1959 que le Français _ Poulenc _ mit en musique ce court texte, suivi quelques années après par l’Anglais _ Britten. Pour être flagrant, ce rapprochement est peut-être aussi le plus superficiel. De Poulenc, il est beaucoup question dans le cycle Friendly Persuasions _ de Jake Heggie _, conçu comme un hommage au moine-et-voyou à travers quelques-uns de ses proches (Wanda Landowska, Pierre Bernac, Raymonde Linossier et Paul Eluard), sur des textes en anglais (mais truffés de mots français) par Gene Scheer. Le cycle est dédié _ en effet ! _ à l’excellent Malcolm Martineau, pianiste avec qui John Mark Ainsley en assura la création _ mais oui ! _ en 2008, au Wigmore Hall. Loin de la guimauve dans laquelle il se complaît parfois, on retrouve ici les caractéristiques du meilleur Heggie, assez doué pour le pastiche et l’humour, comme le montrait encore récemment les extraits du cycle Statuesque enregistrés par Angelika Kirchschlager.

Du Poulenc, il y en a aussi beaucoup dans ce disque, avec notamment le superbe « Bleuet » d’Apollinaire, et l’intégralité du cycle Tel jour telle nuit _ sur des poèmes de Paul Eluard _, où John Mark Ainsley semble parfois un peu à la peine, éprouvé par une écriture tendue, sans doute dans une version pour voix plus haute que l’original pour baryton. Et l’on reviendra pas sur les scories linguistiques mentionnées plus haut. Autrement dit, ce n’est pas forcément ces plages-là du disque qui convainquent le plus _ scrogneugneu… On se laissera plus facilement séduire par les cinq poèmes d’Auden choisis par le très francophile, francophone et à moitié français Lennox Berkeley _  « Five Poems of W. H. Auden« , Op. 53. Mais le vrai sommet du disque _ pour Laurent Bury, du moins _, c’est incontestablement le moment où la connexion franco-britannique est oubliée, avec les stupéfiants sonnets _ certes… _ de John Donne mis en musique par Britten _ Op. 35 _ durant une période sombre, après la visite du camp de Bergen-Belsen. L’expressionnisme de l’artiste, parfois un peu gênant _ tiens donc… _ pour Tel jour telle nuit, cesse ici de susciter la moindre réserve, tant l’adéquation est réelle entre l’œuvre et son interprète.

Laurent Bury

Pour moi, ce CD, d’esprit très français, est tout simplement délicieux…

Ce vendredi 5 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Ecouter et goûter l’admirable « Hôtel » (extrait de « Banalités) » de Francis Poulenc – Guillaume Apollinaire : le dialogue fécond des imageances idiosyncrasiques à l’oeuvre, exprimé et décrit dans « L’autre XXe siècle musical » de Karol Beffa…

06mar

Les pages 128-129-130 du chapitre « Interlude Francis Poulenc » (pages 125 à 135) de « L’autre XXe siècle musical » de Karol Beffa (qui vient de paraître aux Éditions Buchet – Chastel) consacrées à la mélodie « Hôtel » de Francis Poulenc, en 1940, sur un poème de Guillaume Apollinaire _ un poème publié pour la première fois le 15 avril 1914 dans la revue d’avant-garde éditée à Florence “Lacerba“ _ dans le recueil intitulé « Banalités« ,

m’ont bien sûr fortement incité à rechercher, pour en écouter et apprécier diverses interprétations, les CDs de ma discothèque la comportant.

Et jusqu’ici, j’ai réussi à mettre la main sur 7 CDs proposant cette admirable brève mélodie, « Hôtel » :

par Pierre Bernac et Francis Poulenc au piano, en 1950, à New-York _ pour l’écouter (1′ 38) ; la prise de son, très proche, nous fait accéder de très près à l’excellence de l’art de dire de Bernac et de l’art d’accompagner au piano de Poulenc… _ ;

par Nicolaï Gedda et Aldo Ciccolini, en 1967, à Stockholm ;

par Felicity Lott et Graham Johnson, en 1993, à Paris _ une merveilleuse lumineuse version ! _ ;

par Gilles Cachemaille et Pascal Rogé, en 1994, à Corseaux, en Suisse _ c’est tout à fait excellent ! _ ;

par Véronique Gens et Roger Vignoles, en 2000, à Metz _ une exceptionnelle réussite ; pour l’écouter (2′ 00) _ ;

par Lynn Dawson et Julius Drake, en 2004, en Allemagne ;

et par Stéphane Degout et Cédric Tiberghien, en 2017, à Paris _ et c’est très bien aussi…

Et sur le web, j’ai déniché ceci _ vraiment superbe !!! _cette merveilleuse interprétation :

par Régine Crespin et John Wustman, en 1967 _ pour l’écouter (2′ 05).

Et voici maintenant ce qu’analyse Karol Beffa, page 128, de cet exemple de la mélodie « Hôtel » de Francis Poulenc, à propos de ce qu’il nomme « les saveurs jazzistiques » qui « parsèment nombre des pièces » de Francis Poulenc, et cela en dépit de maintes « proclamations » de « détestation« , voire de « phobie« , du jazz, de la part de Poulenc :

« Il est rare que Poulenc utilise l’accord de septième de dominante à l’état pur, il l’enrichit presque toujours d’une neuvième, d’une onzième, éventuellement d’une treizième. Cette construction d’harmonies par empilement de tierces ne surprend pas chez un compositeur post-debussyste. Ce qui est original, en revanche _ nous y voilà _, est l’insistance sur la septième ajoutée, dans les accords majeurs ou mineurs. Sans doute l’inspiration vient-elle du jazz, directement ou par l’intermédiaire de Ravel, la concomitance de certaines innovations harmoniques chez Ravel et chez Duke Ellington faisant qu’il est difficile de déterminer lequel des deux a influencé l’autre. « Hôtel » _ nous y voici ! _, extrait de « Banalités » _ le recueil des 6 mélodies de Poulenc, en 1940, reproduit le titre du recueil des 6 poèmes d’Apollinaire, en 1914 _, est comme un condensé de tous ces traits stylistiques communs à Poulenc, à Ravel et au jazz : enrichissement des accords de septièmes d’espèce et de dominante par ajout de sixtes, de neuvièmes ou de onzièmes, fausses relations intentionnelles, retard de la présence de la basse d’un accord de dominante pour colorer un enchaînement et en différer l’impact. C’est pour toutes ces raisons qu’« Hôtel«  plonge _ superbement _ l’auditeur dans l’atmosphère moite et interlope d’un jazz frelaté« .

Et Karol Beffa d’ajouter alors aussitôt, page 129 :

«  »Hôtel«  m’a beaucoup marqué.C’est à travers cette pièce et d’autres œuvres vocales que j’ai vraiment pénétré l’univers de Poulenc« _ le mystère attractif et fascinant de son idiosyncrasie de compositeur singulier et marquant.

Et toujours à cette page 129 :

« Si l’univers harmonique de Poulenc ne m’a guère influencé, je me reconnais en revanche _ toutes proportions gardées _ dans ce que Jean-Joël Barbier a écrit de sa démarche : « Dans Apollinaire par exemple, il ne choisira pas les poèmes les plus célèbres, mais les meilleurs quant au résultat _ musical _ final _ envisagé-escompté-espéré pour l’imageance féconde de la composition à venir _ (…) : ceux qui laissent une marge autour des mots,  ceux qui n’étant pas rigidement cimentés _ le mot n’est pas très heureux _ au départ, justifient un ciment musical, laissant la place à un espace sonore qui, sans faire pléonasme _ bien sûr ! _ avec les mots, leur donnera, au contraire, des dimensions _ poétiques et musicales _ nouvelles ». 

Et page 130 :

« Poulenc est connu pour avoir été un admirable pianiste et accompagnateur. Et lorsque j’écris _ nous y voici ! _ pour voix et piano, j’essaie de garder à l’esprit le soin extrême qu’il accordait à la partie instrumentale dans ses cycles de mélodies.

Quant à son écriture vocale proprement dite, là aussi il s’y montre un maître, tant il sait parfaitement ce qu’il peut exiger des voix : émettre les aigus les plus doux, les graves les plus timbrés, et toujours dessiner des lignes souples _ fluides, flottantes, aériennes…

« Primauté de la mélodie » : ce credo de Messiaen, Poulenc aurait pu le faire sien« …

Voilà ce que la création singulière d’un compositeur se mettant à son tour à l’œuvre peut, en dialogue hyper-attentif, apprendre à la lecture et à l’écoute extrêmement précises, jusqu’aux plus infimes détails, des œuvres les plus originales, riches et, en puissance, inspirantes, du travail singulier (et de la poiesis en acte !) d’autres compositeurs éminemment créateurs à leur propre table de travail ; et de leur imageance idiosyncrasique féconde, en cet artisanat patient infiniment exigeant et  précis…

« Le style, c’est l’homme même« , disait Buffon :

le défi étant de parvenir, œuvre à œuvre, pas à pas, coup de crayon à coup de crayon (et de gomme) à réaliser _ ainsi nourrie par ce riche dialogue avec d’autres œuvres marquantes  _ cette singularité sienne _ et très vite ce style propre à soi s’entend, se perçoit et se reconnaît…


Ce dimanche 6 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Savoir (très bien) chanter français : Stéphane Degout, « Histoires naturelles »

27mar

Le CD B Records LBM006 des Histoires naturelles,

du baryton Stéphane Degout,

accompagné par Cédric Tiberghien, au piano, Alexis Descharmes, au violoncelle, et Matteo Cesari, à la flûte,

enregistré en public le 23 janvier 2017 à l’Athénée-Théâtre Louis-Jouvet, à Paris,

est un modèle parfait _ et très sobre _ de l’art de chanter _ et dire _ en français.

Au programme ,

25 poèmes d’Apollinaire (dont Le Bestiaire) mis en musique par Francis Poulenc ;

et les Histoires naturelles de Jules Renard, mises en musique par Maurice Ravel. 

Un pur enchantement de perfection du chant.

A déguster sans modération.

Ce mardi 27 mars 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

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