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La sublime justesse de l’humour de Dominique Noguez, cette fois dans un merveilleux « Causes joyeuses ou désespérées »

29mai

On ne dira jamais assez de bien de Dominique Noguez,

si magnifiquement juste,

avec l’humilité, toujours, de la brièveté,

en ce qu’il nous offre généreusement à _ joyeusement _ partager et lire de lui.

Cette fois, ce mois de mai 2017, pour ce cadeau inespéré, que constitue ce bref et tellement délicieux florilège (d’articles la plupart déjà publiés, ici ou là, à quelque occasion assez spécifique, mais soigneusement conservés, ensemble, en un dossier à portée de sa main, parce que bien aimés de lui, leur auteur) qu’il nous propose maintenant _ et, bien sûr, rien de cela n’a d’un seul moindre poil vieilli : la sublime fraîcheur (de vérité !) de toute cette petite musique-là est demeurée intacte, pure, vierge : à jamais tout simplement juste !!! _, sous le titre de Causes joyeuses ou désespérées, qui paraît aux Éditions Flammarion.

Je me permets ici de simplement reproduire le courriel à l’ami Pierre Bergounioux _ auquel l’ouvrage est dédié, je m’en suis avisé en terminant ma lecture _ que j’ai adressé hier, afin de tâcher de joindre _ par courriel, ou au téléphone _ Dominique Noguez lui-même :

Cher Pierre,

à chaque parution d’un ouvrage de Dominique Noguez,
je m’en saisis et m’en délecte !

Ainsi de ce brillant et plus encore merveilleusement juste ! « Causes joyeuses ou désespérées »,
dont je m’avise, venant d’en terminer la lecture, qu’il vous est dédié _ sans davantage d’explication…

J’ai rencontré une seule fois Dominique Noguez : aux obsèques (en décembre 2006) de notre ami commun Hervé Brevière ;
qui me parlait souvent de lui, et de leur amitié
nouée en khâgne au lycée Montaigne à Bordeaux.

Je me demandais si c’était là, en ces classes, que vous avez fait, vous aussi, la connaissance de Dominique Noguez ;
mais en y réfléchissant, Hervé est passé au lycée Montaigne un peu avant moi (qui suis né en 1947) ;
alors que vous, y êtes passé un peu après.

J’ai eu l’adresse électronique de Dominique Noguez, mais l’ai égarée…
Et j’aimerais lui proposer de venir présenter son livre _ tant de justesse en si peu de mots et avec cet humour détonnant en même temps que humble _ chez Mollat…

En tout cas, je suis ravi d’apprendre ainsi l’estime que vous porte Dominique Noguez…

Bien à vous, Pierre,

Francis

Voilà.

C’est en effet un bonheur rare de lecteur que d’admirer et se réjouir si vivement de tant de justesse de penser, en telle grâce de légèreté grave _ à la Mozart ? à la Domenico Scarlatti ? Je me délecte aussi depuis samedi dernier de l’écoute en boucle du 5 éme volume de Sonates de Domenico Scarlatti que vient de nous donner le génial Pierre Hantaï : mêmes qualités de justesse, de vivacité, d’esprit, d’humour, de légèreté grave, ainsi que de politesse de la brièveté, que dans l’alacrité d’écriture, si intensément merveilleuse, de Dominique Noguez ! _ d’écriture, avec tant d’esprit ainsi que de culture _ aussi large que profondément faite sienne, et avec une aussi sublime pertinence ! _,

avec ce merveilleux humour, aussi incisif et mordant que tendre, doux et apaisé…

Ce Causes joyeuses ou désespérées est tellement pourvoyeur de joie à chacune de ses 176 pages

qu’il doit être à faire rembourser de toute urgence par la Sécurité sociale…


Titus Curiosus, ce lundi 29 mai 2017

P. s. : le terme de « Causes » se justifie ici par la nécessité _ au moins pour l’auteur _ d’un si peu que ce soit d’argumentation ou plaidoyer à dérouler, a minima, et en toute modestie _ sans guère d’illusion, de sa part, de réussir à convaincre surtout ceux qui ne le liront pas !!! _, face à tant de cécité d’esprit jointe à tant d’inculture galopante, parmi les opinions arrêtées de beaucoup trop nombreux de nos frères humainslà-dessus, et sur cela, revenir au lucidissime portrait du « dernier homme » dans le génial Prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche…

Ce Causes joyeuses ou désespérées _ à son tour « un livre pour tous et pour personne«  _ de Dominique Noguez, étant, bien sûr, lui aussi une petite bouteille à la mer : des lecteurs potentiels…

Et au final, c’est bien toujours la joie qui doit l’emporter… Nous n’en démordrons décidément pas !

 

Un court livre jubilatoire qui dispense (presque) de lire tout le reste, la Bible y compris : « Pensées bleues _ aphorismes » de Dominique Noguez

18oct

C’est avec enthousiasme que je me plonge (et re-plonge, à plaisir _ et en ressors immensément réjoui... _ dans le génialissime petit volume  _ illustré de 13 dessins de Pierre Le-Tan _ intitulé Pensées bleues _ aphorismes, de l’excellent Dominique Noguez, qui vient de paraître aux Editions Equateurs :

un très alerte et incisif petit très grand livre de 112 pages _ sans gras aucun, ni pesanteur le moins que ce soit lourdingue _ qui donne inépuisablement à penser, par aphorismes, donc _ et non pas calembour : « Le calembour est la démangeaison des mots : ce n’est pas une raison pour se gratter« , lit-on page 14 _ ;

avec infiniment de finesse (et profondeur, mine de rien : comme il convient à cet exercice), et un humour _ tout d’élégance preste et vive _ tout bonnement jubilatoire pour le lecteur…

 

Quelques exemples _ de mon choix, en picorant ; et en mettant en gras, parmi ceux-là, ceux que je préfère… :

« Au bout de la fatigue, la vraie pensée ; au bout de la nudité, le vrai vêtement ; au bout de l’éclat de rire, les vraies larmes« , page 18 ;

 

« Le plus bel aphorisme n’est rien auprès du silence. Oui, mais, après des jours de solitude, une petite phrase, même murmurée, fait du bien« , page 18 ;

 

« L’aphorisme est l’arme des paresseux. Chacun d’eux est le reliquat d’une thèse non écrite, d’un système non construit. Mais c’est aussi la solution humaine : faute de pouvoir dire tout de tout, dire de tout un peu« , page 20 ;

 

« L’homme se croit un peu vite le roi de la création. Il lui manque pourtant un certain nombre d’attributs qui rehaussent tant d’autres espèces : ailes, trompe, queue, cornes, sabots, suçoirs, tentacules. Ne serait-ce qu’une jolie petite crête« , page 21 ;

 

« Il y a moins loin de la grâce au ridicule que du ridicule à la grâce« , page 25 :

 

« Les trois pires engeances : ceux qui font mal leur travail ; ceux qui vous forcent la main ; ceux qui prétendent savoir mieux que vous ce qui est bon pour vous « , page 25 ;

 

« Être un jusqu’au-boutiste hésitant« , page 26 ;

 

« À peine un écrivain est-il vaguement content d’un texte qu’il a mis tout son cœur à rendre beau, dix gredins s’acharnent à le saccager : l’imprimeur en y ajoutant des coquilles ; le maquettiste en y choisissant une typo illisible, le comédien en le défigurant dans son rythme et son sens, le musicien en l’écrasant de sons parasites… et les lecteurs en ne le lisant pas « , page 26 ;

 

« La parfaite bonne conscience rejoint souvent la parfaite mauvaise foi« , page 27 ;

 

« Quand on va prendre l’avion, soigner ses sous-vêtements : on pourrait retrouver le cadavre après la catastrophe« , page 27 ;

 

« Ces inscriptions en anglais sur les T-shirts de milliards de gogos dans le monde, comme le putride cordon ombilical qui les relie au ventre de la grosse Mère Amérique« , page 30 ;

 

« Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas vous voir« , page 31 ;

 

« Etre un polygraphe intéressant, tel Gourmont, Schwob ou Barthes : ambition stimulante pour l’écrivain, plus modeste que celle de poète, plus variée que celle de romancier, plus ludique que celle de philosophe« , page 34 ;

 

« Trop peu sûr de lui pour avoir la force de douter« , page 36 ;

 

« Quand depuis très longtemps, les heures,les jours, les mois se suivent et se ressemblent, c’est vraisemblablement qu’on est déjà mort« , page 40 ;

 

« Le doute : noble grill de l’esprit. S’il ne garantit pas la vérité, il donne au moins des chances d’éviter l’injustice« , page  43 ;

 

« Le mieux est l’ennemi du bien, mais le pire reste l’ami du mal« , page 50 ;

 

« Si tout n’avait lieu qu’une fois, harcelés de surprises fugaces, nous mourrions tôt d’épuisement et de regrets« , page 52 ;

 

« L’âge où l’on ne sait pas quoi dire. Puis celui où l’on se répète« , page 54 ;

 

« L’oisiveté est la mère de tous les vices ; l’égocentrisme en est le père« , page 54 ;

 

« Il y a trois choses que les acteurs font très mal au cinéma : les baisers sur la bouche, les gifles, et la sortie du lit de façon qu’on ne voie pas leur zizi« , pages 55-56 ;

 

« Le comble de l’élégance, c’est le flegme, et le comble du flegme, c’est la rigidité cadavérique« , page 58 ;

 

« Avec leurs idiots tabous alimentaires, les religions vont à l’encontre de la souhaitable convivialité universelle ; elles ne relient pas, elles séparent« , page 61 ;

 

« Cette impression, somme toute assez désagréable, soudain, de n’être que ce qu’on est« , page 62 ;

 

« Plutôt Cioran que Coran ; Thoreau que Torah ; Bayle que Bible ; Boudu que Bouddha« , page 62 ;

 

« Anosognosie du vieillissement. On s’habitue aux changements de son corps. Avec un peu de chance on devient une ruine complète avant d’avoir remarqué la moindre lézarde« , page 64 ;

 

« Cette inclémence que nous inspire autrui dès que nous reconnaissons en lui nos défauts« , page 65 ;

 

« Être de gauche ? c’est garder toujours en soi une part de mauvaise conscience ; de droite , une part de mauvaise foi« , page 68 ;

 

« Pince-sans-pleurer« , page 68 ;

 

« Réfléchissons une seconde avant de démolir, pour le plaisir d’un bon mot, une amitié de vingt ans. Vive l’esprit de l’escalier, gare à l’esprit du toboggan !« , pages 68-69 ;

 

« Un texte est un organisme vivant : en quoi, avec ses plaies et ses bosses, ses laideurs et ses merveilles, il est intouchable. Ou alors, on tombe dans la chirurgie esthétique« , page 71 ;

 

« Ce n’est pas le tout d’être humble. Il faut encore que cela ne se voie pas« , page 71 ;

 

« L’avare : il reprend d’une main ce qu’il ne donne pas de l’autre« , page 72 ;

 

« Après un certain âge, à chaque fois qu’on achète un vêtement on n’est pas sûr que ce n’est pas celui qu’on portera dans la tombe« , page 72 ;

 

« Peu de lecteurs vont jusqu’au bout des livres qu’ils lisent. Et ne parlons pas des revues seulement feuilletées, des catalogues d’exposition, des « œuvres complètes » qu’on garde chez soi pendant des siècles sans les ouvrir. Moralité : on imprime chaque année dans le monde cent fois plus de livres que les hommes n’en pourront jamais lire « , page 74 ;

 

« Ces émissions « culturelles » à la télévision où des animateurs ignares reçoivent en boucle les mêmes invités flanqués de « livres » qu’ils n’ont pas écrits ; c’est comme si, au lycée, c’était le prof de gym qui faisait le cours de philo, et, en plus, en langue des signes« , page 78 ;

 

« L’érotisme est à la sexualité ce que le grand écart est à l’affaissement« , page 80 ;

 

« Un aphorisme n’est jamais assez court. Un recueil d’aphorismes jamais assez long« , page 81 ;

 

« Plutôt jamais que toujours. Mais plutôt un peu que rien« , page 81 ;

 

et « Je n’ai pas dit mon dernier mot« , page 81 : ces trois derniers-là ont été choisis par Dominique Noguez pour conclure, en ces Pensées bleues, la série des aphorismes proposés cette fois-ci.

 

Puis, en un Appendice, pages 83 à 107, l’auteur nous gratifie encore d’un Bref traité de l’aphorisme, en 6 courts chapitres.

 

Au chapitre IV, à la page 94,

Dominique Noguez liste 8 caractéristiques de l’aphorisme :

« L’aphorisme

1) a une structure particulière,

2) est comme un tour de magie difficile à réussir,

3) est comme la pièce d’un puzzle, mais

4) supporte mal la compagnie,

5) cherche l’universalité plus que l’originalité,

6) la concision plus que la simplicité,

7) il est souvent amer

et 8) il est mal aimé« .

Ce que l’auteur s’emploie à développer (un peu) dans les pages qui suivent, les pages 94 à 98.


Au chapitre V (pages 98 à 106),

Dominique Noguez classe et analyse les divers types d’aphorismes, qui selon lui sont au nombre de 8 :

« 1) La maxime ou le conseil

2) Le constat désabusé

3) La vacherie, la condamnation féroce

4) Le sottisier

5) Le retournement ou le détournement de proverbes

6) L’aphorisme drôle ou à jeu de mots

7)  Le concentré d’existence, le micro-récit

et 8) La métaphore cocasse, la drôlerie poétique« .

Et Dominique Noguez conclut ce petit chapitre V par une remarque notée « 9) Asymptote du rien« 

dans laquelle il s’interroge : « jusqu’à quel degré de concision peut-on aller dans le genre bref ?« …


Quant au chapitre VI et dernier,

Dominique Noguez nous fait part de notre devoir, à chacun, de nous préparer à,

et même « peaufiner

de façon qu’il dise vraiment le plus de choses en le moins de mots possible et résume toute une vie en quelques syllabes à peine,

ce texte brévissime, donc cet aphorisme des aphorismes« ,

qu’est « notre épitaphe

ou notre dernier mot _ ou mieux, car mot est encore de trop, notre dernier soupir »…

Page 94, Dominique Noguez évoque au passage « deux recueils au moins de textes littérairement très importants (quoique assez différents l’un de l’autre) » qui « portent depuis longtemps ce titre » d’Aphorismes :

« les Aphorismes de Lichtenberg

et les Aphorismes de Kafka« .

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Il me faut citer aussi , et très vivement recommander, le très réjouissant La Véritable origine des plus beaux aphorismes, toujours du magnifique Dominique Noguez, paru l’année dernière (= avril 2014), aux Éditions Payot & Rivages ;

pourvu, lui aussi, d’une excellente Postface, sous-titrée « Pourquoi et comment j’ai écrit ce livre » ;

livre (de 240 pages) qui est assurément indispensable à tout lecteur tant soit peu vraiment curieux!..

Titus Curiosus, ce 18 octobre 2015

 

P. s. : je pense aussi, ici et maintenant, à notre ami commun (et philosophe _ il a enseigné à philosopher aux lycéens de Terminales aux lycées François Mauriac, puis Michel Montaigne, à Bordeaux) Hervé Brevière,

à l’enterrement duquel Dominique Noguez et moi-même nous sommes croisés _ plutôt que vraiment rencontrés _ en décembre 2006. Hervé me parlait souvent de son ami Dominique Noguez, rencontré en Classes préparatoires au lycée Montaigne, à Bordeaux.

Dominique Noguez que je lis donc depuis ces conversations-là avec attention ; et tant de plaisir !

Comme l’ami Hervé Brevière aurait aimé ce livre !

Et je pense aussi à Woody Allen.

 

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