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A propos de tout un pan regrettablement délaissé du Baroque musical français (religieux) dans la présente production discographique…

16fév

En procédant à un _ encore bien trop partiel _ essai de rangement des CDs de ma discothèque personnelle,

je me suis aperçu d’un certain contraste entre la production discographique des vingt dernières années du XXe siècle, et la production des vingt-et-unes premières années du XXIe siècle ;

au détriment, quantitatif surtout, mais aussi parfois aussi qualitatif, des productions les plus récentes…

Notamment pour ce qui concerne le splendide _ et si émouvant _ répertoire musical religieux français :

de Henry Du Mont (1610 – 1684) et Pierre Robert (1622 – 1699) jusqu’à André Campra (1660 – 1744), Michel-Richard Delalande (1657 – 1726) compris…

Sans oublier, bien sûr, ni Jean-Baptiste Lully (1632 – 1697), ni Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704),

aux répertoires _ religieux _ tout de même un peu mieux connus ;

et encore quelques autres…

Et c’est la très récente parution _ une interprétation décevante pour mon goût : trop terne, pas assez vivante et enthousiaste, en comparaison d’autres, comme, par exemple, celle du CD « Grands Motets«  du Parlement de Musique sous la direction de Martin Gester, en 2001, pour le label Opus 111 (OP 30217), pour les Motets « Deus noster refugium«  et « Exaltabo te, Domine«  , et avec les chateurs Stéphanie Révidat, Stehan Van Eyck, Thomas Van Essen et Alain Buet ; ou encore, celle particulièrement réussie, en 2002, pour le label Virgin Veritas (7243 5 45531 2 7), du CD « Grands Motets«  d’Olivier Schneebeli, avec les Motets « Beati quorum remissae sunt« , « Quam dilecta«  et « Audite cæli quæ loquor« , avec les chanteurs Salomé Haller, Damien Guillon, Howard Crook, Hervé Lamy et Alain Buet… _, pour le label Harmonia Mundi, du CD Delalande « Grands Motets » HMM 902625 (Veni creator, Miserere, Dies irae) de l’Ensemble Correspondances sous la direction de Sébastien Daucé,

qui m’a fait me pencher sur la récente discographie de Delalande, pour commencer par lui, en comparaison avec plusieurs antérieurs enregistrements de « Grands Motets » de cet important et brillantissime compositeur du grand siècle…

Et je ne partage pas tout à fait (!!!), pour une fois, l’avis très positif sur cette interprétation qu’a publié sur son site Discophilia Jean-Charles Hoffelé, en date du 18 février 2022, sous l’intitulé « Pour le Roi Soleil« …

Avis que voici :

POUR LE ROI SOLEIL

Le vaste geste roide _ vraiment ? La raideur du geste relevée ici est-elle vraiment celle du compositeur ? Je ne le pense pas du tout, pour ma part… Parler ici de « roideur«  est parfaitement inadéquat pour pareille sublime musique… _ dont Lalande para ses Motets enthousiasma Louis XIV, qui crut bien avoir trouvé _ dès 1683 _ un nouveau Lully pour sa chapelle. Les trois motets réunis ici par Sébastien Daucé illustrent ses premières années versaillaises.

Il faut entendre le Miserere, sa grande pompe _ mais toute en sublime douceur _ qui prolongeait les réflexions piétistes _ intenses et  profondes, en leur tendresse : à la française ! _ des Leçons de ténèbres par quoi se refermait le carême. Pénitence intense, harmonies glaciales _ non : sidérantes seulement … _, forme immense _ oui _ où le chœur semble ouvrir d’un même geste le tombeau et le ciel, tombeau dont essaye de nous consoler les harmonies résignées du Dies irae, qui conduiront au tombeau _ le 5 mai 1690 _ la Dauphine Marie-Anne de Bavière.

Les sombres harmonies de ce chef-d’œuvre _ oui ! _ accompagneront nombre de funérailles des membres de la famille royale, requiem versaillais que Sébastien Daucé et ses amis débarrassent de toute roideur _ où la trouve-t-on donc ?.. _, rendant au verbe ses propriétés rédemptrices, admirable lecture qui me semble renouveler le sujet.

Clore un disque de méditation sur la mort par l’éclaircie du tendre _ voilàVeni creator, où le génie de Delalande offre un visage plus apaisé, c’est ouvrir de nouvelles perspectives. Comme pour tous ses motets, Delalande le reprit moult fois, amplifiant l’espace harmonique de l’orchestre, magnifiant les couleurs. Sébastien Daucé a pris soin de comparer les différentes versions pour offrir ici ce qui gagnerait à être le premier volume d’une série explorant ce continent majeur du Grand Siècle dont la musique _ certes _ fut, avec l’architecture, l’art majeur.

LE DISQUE DU JOUR

Michel-Richard Delalande (1657-1726)


Dies iræ, S. 31
Miserere, S. 27
Veni creator, S. 14
Simphonies pour le Souper du Roy (extrait : Troisième Caprice, S. 162/5)

Ensemble Correspondances
Sébastien Daucé, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902625

Photo à la une : © DR

De même que j’ai été très déçu du CD « Majesté _ Grands Motets pour le Roi-Soleil« , comportant les Grands Motets « Deitatis majestatem« , « Ecce nunc benedicite »  et « Te Deum« , de Michel-Richard Delalande par Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre pour le label Alpha ; soit le CD Alpha 968, en 2018.

Je compte aussi revenir me pencher _ cf mon article du 10 novembre 2021 : «  » _ sur les interprétations des admirables « Grands Motets » de Pierre Robert, tout particulièrement sous la direction d’Olivier Schneebeli, à Versailles…  

À suivre…

Ce mercredi 16 février 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : l’élégance splendide du tendre lullyste megevois Georg Muffat (1653 – 1704)

19juin

Parmi mes compositeurs préférés

du XVIIe siècle baroque,

le tendre et magnifique megevois _ et lullyste _ Georg Muffat

(Megève, 1er juin 1653 – Passau, 23 février 1703).

Parmi les musiciens à s’être rendus à Paris prendre des leçons de Jean-Baptiste Lully

(Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687)

puis à Rome, celles de Bernardo Pasquini

(Massa di Valdinievole, 7 décembre 1637 – Rome, 21 novembre 1710)

_ à Rome, où Muffat fut particulièrement séduit par les réalisations de son contemporain Arcangelo Corelli

(Fusignano, 17 février 1653 – Rome, 8 janvier 1713) _,

le savoyard (d’ascendance écossaise) Georges Muffat

voyagea pas mal entre Savoie, France, Italie, Allemagne et Autriche :

en Alsace (Strasbourg, Molsheim et Selestat) ;

en Italie (Rome) ;

en Bavière (Ingolstadt) ;

en Autriche (Vienne, Salzburg) ;

en Bohème (Prague) ;

pour achever sa carrière à Passau, sur le Danube,

maître de chapelle du Prince-Evêque Johannes-Philipp von Lamberg.

Sa musique,

de style français,

est d’une splendide élégance,

et d’une tendresse merveilleusement touchante, et sans excès.

De son œuvre _ de très grande qualité _,

j’ai choisi son recueil inaugural de cinq Concerti Grossi

_ les premiers de ce genre nouveau à être publiés : avant ceux de Corelli, en 1715... _

intitulé Armonico Tributoet publié à Salzbourg en 1682.

Et pour l’interprétation discographique,

_ après écoute attentive de 4 CDs de ma discothèque_,

j’ai choisi celle, magnifique, de l’Ensemble 415, dirigé par la violoniste Chiara Bianchini et le claveciniste Jesper Christensen,

en un superbe enregistrement d’octobre 1995, publié par Harmonia Mundi en 1996 :

soit le CD HMC 901581.

Georg Muffat,

ou une des premières réalisations,

et merveilleusement aboutie,

de ce que François Couperin

(Paris, 10 novembre 1668 – Paris, 11 septembre 1733)

nommera, quelques années plus tard, en 1724, « les Goûts réunis« …

Et voici, par l’Ensemble 415,

le podcast du Concerto n°3, en La majeur ;

ainsi que le podcast du Concerto n°4, en mi mineur,

de cet Armonico Tributo.

 Ce vendredi 19 juin 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : A deux ou à cinq voix, le jubilatoire Tout l’univers obéit à l’amour de Jean de La Fontaine et Michel Lambert, ou le sublime raffinement des Airs de cour à la française

29mai

En poursuivant dans le registre de la sublime délicatesse française du Grand Siècle,

je pense bien sûr au très grand raffinement _ tout de simplicité, aussi : d’où l’assez grande difficulté pour une interprétation la plus juste possible, sans maniérisme…des merveilleux Airs de cour de Michel Lambert

(Champigny-sur-Veude, ca 1610 – Paris, 29 juin 1696),

le maître à chanter, ainsi que le beau-père, par sa fille Madeleine (1642 – 1720) _ le mariage eut lieu à Paris, à l’église Saint-Eustache, le 24 juillet 1662… _de Jean-Baptiste Lully (Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687).

Michel Lambert,

un compositeur tout simplement essentiel dans le devenir de l’art du chant français au Grand siècle

_ et hélas pas assez interprété en ce XXIe siècle : ni au concert, ni au disque ; et donc très injustement méconnu du public d’aujourd’hui !

Je me souviens, pour y avoir très activement participé

_ en tant qu’auteur à 90% du programme de ce CD ; Hugo Reyne y étant pour 10 %.. : j’avais passé toute une année à rechercher-recenser tout ce qui comprenait le moindre élément concernant la musique (sous toutes ses formes) dans l’œuvre de ce mélomane passionné et très connaisseur, vraiment, en profondeur, qu’était La Fontaine… (probablement le premier auteur à établir une esquisse sérieuse et un peu élaborée d’une esthétique de la musique, dès le XVIIe siècle) ;

avec, surtout, au sein de mes recherches méthodiques, l’inestimable découverte, par recoupement de données demeurées jusqu’alors éparses, du petit opéra Les Amours d’Acis et de Galatée (donné à Paris, en 1678, en l’Hôtel de Monsieur de Rians) de Marc-Antoine Charpentier, sur un livret de Jean de La Fontaine ; ainsi que le narre très précisément le livret (dont je suis l’auteur, même si Hugo Reyne, après diverses relectures et corrections du texte que je lui proposais, l’a co-signé) de ce CD _,

je me souviens, donc,

du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine 

_ soit le CD Virgin Veritas 7243 5 45229 2 5, paru au mois de mars 1996 _,

conçu, élaboré  _ de début juillet 1994 à fin août 1995 _ et réalisé _ du 25 au 28 août 1995 en l’abbaye de Saint-Michel-en Thiérache _

à l’occasion des célébrations du tricentenaire de la mort de La Fontaine (Château-Thierry, 8 juillet 1621 – Paris, 13 avril 1695) _ sur une commande de Jean-Michel Verneiges et du Conseil général de l’Aisne (département de naissance de La Fontaine.

Et ce CD comporte deux sublimes Airs de cour de Michel Lambert :

J’ai beau changer de lieu

_ dont on ignore l’auteur du poème ; mais en une thématique étonnamment lafontainienne : ce qui a justifié le choix de cet Air-là, si magnifique déjà… ;

et Tout l’univers obéit à l’amour

sur un poème de La Fontaine, composé vers 1659, pour le cercle galant du Surintendant des finances de Mazarin, le fastueux Nicolas Fouquet. Lequel Fouquet avait engagé pour son fastueux divertissement du château de Vaux une pléïade des meilleurs artistes de son temps _ outre l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre-décorateur Charles Le Brun (pour le château et les jardins de Vaux-le-Vicomte), Molière, Corneille, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, etc. _,

parmi lesquels le poète Jean de La Fontaine et le musicien-compositeur Michel Lambert

qui s’y sont rencontrés et fréquentés.

Et il se trouve qu’une lettre de Jean Perrault au grand Condé, en date du 13 septembre 1674, témoigne précisément de cette collaboration de La Fontaine et Lambert, vers 1659, à Vaux, pour cet Air à deux voix, que publiera Lambert, au sein d’un recueil d’Airs de cour, un peu plus tard, en 1666 ;

et il se trouve encore que, trente ans plus tard, en 1689 _ soient deux ans après la mort du gendre de Lambert, Lully, le 22 mars 1687 _, paraîtra, remaniée par le compositeur une nouvelle version, mais à cinq voix, cette fois, de ce Tout l’univers obéit à l’amour, en un nouveau recueil d’Airs de cour. 

En surfant sur le web, au moment de rédiger cet article,

je viens de découvrir, datée du 23 avril 2017, cette très brève appréciation-ci d’un mélomane (anonyme) à propos de ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru 21 ans plus tôt, en mars 1996,

que je livre ici telle quelle :

« Très bien. 

Somptueux et sublime, au bout de la 7ème écoute.

Jean de La Fontaine était vraiment un mec cool et frais.« 

Voilà qui touche et fait vraiment plaisir.

J’ai découvert aussi que ce CD Virgin Veritas Un Portrait musical de Jean de la Fontaine

est présent dans 7 bibliothèques-médiathèques d’universités aux États-Unis et Canada :

les universités de Princeton (à Princeton, New Jersey), Virginia (à Charlottesville, Virginie), North Texas (à Denton, Texas), Reed College (à Portland, Oregon) et de New-Mexico (à Albuquerque, Nouveau-Mexique) ; 

ainsi que les universités McGill (à Montreal, Québec) et Western (à London, Ontario).

J’ai découvert encore, toujours sur le web, cette appréciation-ci, détaillée et argumentée, et sous la signature du critique musical Stephen Pettitt (né en 1945),

sur le site de Classical-music.com, The official website of BBC Music Magazine :

This is a beautiful, thoughtfully compiled disc. It chronologically charts the life of Jean de La Fontaine, that 17th-century master of the fable, through his own words and through music that sets his text, or that he simply admired. There’s one particular coup : the inclusion of identifiable extracts from the opera _ Les Amours d’Acis et de Galatée _ by Charpentier that sets a text by La Fontaine. Alas, the whole work did not survive, probably for reasons to do with Lully’s royally granted privilege _ mais aussi le vol, au XIXe siècle, à la Bibliothèque Nationale, de plusieurs volumes de partitions originales (et uniques !) de Marc-Antoine Charpentier (dont celui de ses compositions de 1678, qui comportait ce petit opéra complet _, but the booklet notes make an excellent case for the association with the opera of the few pieces recorded here.   La Fontaine’s bon goût – often more than implicitly anti-Lully – is attested to by his admiration of composers like the lutenist Ennemond Gaultier, the harpsichordist Chambonnières, and Pierre de Nyert, master of the air de cour, of whose work there is tragically but one surviving example, ‘Si vous voulez que je cache ma flamme’. All are represented here, as, for the sake of fairness and balance – La Fontaine did write the dedicatory preface to Lully’s opera Amadis, after all – is Lully himself, though the extracts from Amadis and Isis (the famous ‘Air de Trembleurs’) are to texts by his usual librettist Quinault.   Performances of these and other riches – not least Couperin’s Sonata L’Astrée at the end – by La Simphonie du Marais under Hugo Reyne and with soloists Isabelle Desrochers and Bernard Deletré, are excellent. Christian Asse strikes exactly the right atmosphere in his readings, among which is La Fontaine’s furious satire of Lully, Le Florentin. But brush up your French : no translations of the texts are provided.

Stephen Pettitt

Et je rappelle aussi, et surtout, la très précise et fouillée _ lucidissime ! _ recension de ce Portrait musical de La Fontaine par Boris Donné _ et non Patrick Dandrey, comme j’avais jusqu’ici trop rapidement cru ; c’est Patrick Dandrey lui-même qui vient de corriger, par échange de courriels, mon inattention au signataire effectif de cette recension du Fablier, en 1996 : Boris Donné _, dans le numéro 8 de la Revue Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, Année 1996 ;

recension que voici in extenso :

Le second disque dont nous voudrions rendre compte est intitulé Jean de La Fontaine, un portrait musical : il mêle textes, lus par le comédien Christian Asse, et musiques, interprétées par La Simphonie du Marais que dirige Hugo Reyne avec notamment Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse.

Le programme, marqueterie délicatement agencée, a été conçu par Hugo Reyne lui-même, avec la collaboration de Francis Lippa ; ils signent ensemble l’excellent texte _ merci ! _ de présentation du livret.

Disons tout de suite que les parties récitées du disque nous ont paru les plus faibles : le montage mêlant extraits de poèmes, de lettres et quelques pièces plus longues (la délicieuse satire contre Lully, Le Florentin, et l’Epître à M. de Nyert, sur l’opéra), quoique très ingénieux, prend quelques libertés avec les textes, tronqués _ nécessités de la durée du CD obligeaient… _ assemblés sans parfois trop de respect ; la diction de Christian Asse, un peu fade et distanciée à notre goût, ne leur rend pas pleinement justice… Mais c’est encore affaire de jugement, et sûrement la sobriété, les intonations graves et méditatives de ce comédien trouveront-elles des défenseurs.

Nous nous concentrerons ici sur le programme musical, interprété par l’ensemble de Hugo Reyne, sur instruments anciens : on y appréciera les sonorités fruitées des vents et les impeccables interprètes du continuo (Jérôme Hantaï à la viole, Vincent Dumestre au théorbe, Elizabeth Joyé au clavecin) ; les cordes ont paru plus indifférentes.

Le programme de ce disque peut sembler composite dans la mesure où il mêle différents types de compositions : mais, dans un esprit proche de celui du poète, c’est la diversité et la variété qui ont guidé _ en effet _ son élaboration.

On pourrait isoler un premier ensemble d’œuvres, celles qui replacent La Fontaine dans le contexte musical de son temps et des cercles qu’il fréquentait : des airs de Lambert _ Tout l’univers obéit à l’amour, et J’ai beau changer de lieu _ ou de Nyert _ l’Air Si vous voulez que je cache ma flamme est un hapax ! _, des extraits d’opéras de Lully _ Amadis et Isis _, l’ouverture des Fâcheux de Beauchamps, quelques pièces de clavecin ou de théorbe (en l’occurrence, deux petits joyaux : une sombre pavane pour clavecin de Chambonnières, très bien interprétée par Elizabeth Joyé, et une courante pour luth d’Ennemond Gaultier par Vincent Dumestre. On se serait plutôt attendu à trouver ici une pièce de son cousin de Paris, Denis Gaultier…) ;  musique souvent très belle, et très délicate, interprétée ici avec style et sensibilité.

Un second ensemble serait constitué de musiques postérieures à La Fontaine, mais entretenant certains rapports avec son œuvre ou son esthétique : on y trouve le meilleur (le délicieux «air à boire» composé par François Couperin _ peu après le décès de La Fontaine, le 13 avril 1695… _ sur L’Epitaphe d’un paresseux, et, du même, la sonate L’Astrée, qui clôt le disque sur une note mélancolique) comme le pire (les paraphrases de fables sur des airs populaires, dans le goût du XVIIIe siècle : Le Loup et l’Agneau, La Fourmi et la Sauterelle).

Le dernier groupe d’œuvres, enfin, est le plus intéressant : ce sont celles auxquelles La Fontaine a directement collaboré _ oui ! Et cela ne se sait pas assez… On y trouve quelques chansons sur des airs à la mode (inépuisables «folies d’Espagne»), un Air mis en musique par Lambert, «Tout l’univers obéit à l’Amour» (Les paroles de cet Air de 1659 furent reprises _ par La Fontaine _ en 1669 dans Les Amours de Psyché (avec une substitution de prénoms que la notice du disque omet _ en effet _ de signaler : la «belle Psyché» était à l’origine une «belle Philis») ; détail intéressant, qu’aucune édition de Psyché _ de La Fontaine _ ne signale à notre connaissance. Un critique _ en fait Boris Donné lui-même, l’auteur de cette recension, comme il l’affirme indirectement, avec élégance, en citant l’ouvrage (sien !) dans lequel sont présentes ces « imprudentes » affirmations : son propre La Fontaine et la poétique du songe, paru en 1995 _, dans un ouvrage récent (Boris Donné, La Fontaine et la poétique du songe, 1995) a même observé, bien imprudemment, que cet «air purement imaginaire [sic], destiné sans doute à figurer seulement sur la page imprimée, […] se prêterait parfaitement à la mise en musique propre à un air de cour bipartite» — «dans la manière de Lambert», ajoute-t-il innocemment _ en élégante contrition rétrospective _ en note (p. 106)… Et pour cause ! Ignorance impardonnable, puisque cet air avait déjà été enregistré par William Christie en 1984 _ ce que le mélomane passionné qu’est aussi Boris Donné ne se pardonnait pas, ici, d’avoir ignoré… _, un bref extrait de la tragédie lyrique Astrée (musique de Colasse)…

Tout cela est intéressant : mais pas tant que ce qui constitue à nos yeux l’intérêt principal du disque, à savoir quelques fragments de Galatée _ un livret de La Fontaine _ mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1678, ce que l’on ignorait jusqu’ici ! Quand La Fontaine en publie le livret inachevé _ deux actes sur trois ! _, en 1682, son avertissement laisse _ assez étrangement _ entendre que sa composition fut indépendante de tout souci de mise en musique et de représentation _ une cachotterie d’importance, de la part du fabuliste, qui a égaré jusqu’ici tous les lafontainiens… Un compte rendu du Mercure galant, en 1678, faisait par ailleurs l’éloge d’un «petit opéra» de Charpentier intitulé Les Amours d’Acis et de Galatée, dont ne furent données que quelques représentations semi-privées _ chez Monsieur de Rians, à Paris _ ; mais l’auteur du livret _ La Fontaine ! _ n’était pas cité. Par recoupement, Hugo Reyne _ ou plutôt Francis Lippa, auteur de ces découvertes ! Cf la note à ce sujet de Catherine Cessac, en la seconde édition (en 2004) de son Marc-Antoine Charpentier, chez Fayard, à la page 138 ; Hugo Reyne, alors en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, avait, par échanges de fax, rectifié à la marge quelques passages et expressions du livret que Francis Lippa avait rédigé et lui avait proposé et soumis, à travers l’Atlantique et le Pacifique… _ montre que ce «petit opéra» était, de façon indiscutable _ merci ! _, la Galatée de La Fontaine : l’un des Airs _ Brillantes fleurs, naissez (H.449) _ en fut même publié dans le Mercure en 1689, avec leurs deux signatures ! Il est par ailleurs possible de retrouver, dans les partitions _ conservées, celles-là _ de Charpentier, des extraits de cet opéra qui furent réemployés dans d’autres compositions _ lors de reprises, par Charpentier, de son petit opéra L’Inconnu _ (principalement les pages instrumentales, hélas). Ainsi ce disque propose un charmant montage _ de ce qui demeure de ce petit opéra de 1678 : Les Amours d’Acis et de Galatée _, d’une vingtaine de minutes, où alternent airs, pièces instrumentales et scènes récitées quand la musique n’en a pas été retrouvée : découverte extraordinaire, et fort émouvante _ merci ! _, qui en laisse peut-être présager d’autres… «Il [nous] faut du nouveau, n’en fût-il point au monde» !

En ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine de La Simphonie du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, enregistré au mois d’août 1995 et paru chez Virgin Veritas au mois de mars 1996,

le merveilleux Air de Lambert J’ai beau changer de lieu

J’ai beau changer de lieu, mon soin est inutile,
Je porte partout mon amour
Et je n’en suis pas plus tranquille,
Dans ce paisible séjour :
Sentirai-je toujours cette cruelle flamme ?
Quoi ? serai-je agité d’un éternel souci ?
Et le calme qui règne ici
Ne peut-il passer dans mon âme ?

Je viens chercher la paix dans cette solitude,
Je veux l’attirer dans mon cœur,
Et je vais bannir l’inquiétude
Qui s’oppose à mon bonheur ;
Mais je ressens toujours cette cruelle flamme,
Je me vois agité d’un éternel souci
Et le calme qui règne ici
Ne saurait passer dans mon âme

se trouve à la plage 7 ;

et le jubilatoire Air à deux voix (de 1659, publié en 1666) de Jean de La Fontaine et Michel Lambert Tout l’univers obéit à l’amour

Tout l'Univers obéit à l'Amour ; 
Belle Philis, soumettez-lui votre âme. 
Les autres dieux à ce dieu font la cour, 
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien, 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, 
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, 
N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, 
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
...

se trouve à la plage 5

_ Boris Donné, à l’érudition duquel bien peu de choses échappent, a très opportunément remarqué que dans la version originale de cet Air, publiée par le compositeur Lambert, en 1666, c’est à Philis, et non à Psyché, que s’adresse le poète (ou/et le chanteur interprète), à la différence de ce qui sera le cas, en 1669, dans le poème publié, indépendamment de toute musique cette fois, par La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, trois ans plus tard ; ainsi qu’en 1689, dans la version à cinq voix de ce même Air, publié par Lambert.

Boris Donné a donc raison d’affirmer, en cette recension, en 1996, de notre CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, que c’est à tort que notre CD a choisi de proposer à l’écoute de cet Air à deux voix composé en 1659, le texte de la version définitive de l’Air, celle à 5 voix, publiée par Lambert en 1689 ; ainsi que celle du poème de La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, publiés en 1669 ; tout en situant bien cet Air, en sa version à deux voix, en la période de sa composition, la période fouquetienne (vers 1659) de la vie de Jean de La Fontaine (et de Michel Lambert). J’ignorais, pour ma part (ne m’étant pas moi-même occupé des partitions de Lambert dans la préparation du programme de ce CD), cette différence d’adresse, dans le texte de l’Air, entre Philis, en 1659 et 1666, et Psyché, en 1669 et 1689 (mais, pour ce qu’il en est de l’adresse de la version à cinq voix de 1689, je ne l’ai pas vérifié).

De la version à cinq voix publiée en 1689 de ce Tout l’univers obéit à l’amour

_ l’adresse chantée est faite à Philis, et non à Psyché, dans les deux CDs des Arts Florissants, les deux fois, en 1984, comme en 2013,  pour la version de 1689 de l’Air à cinq voix voix _,

voici à écouter le podcast d’une interprétation récente (enregistrée en décembre 2013) des Arts Florissants, en la plage finale de leur CD Bien que l’amour… Airs sérieux et à boire ; soit le CD Harmonia Mundi HAF 8905276, sorti le 1er avril 2016 ;

et, toujours, par les Arts Florissants, mais trente-deux ans plus tôt,

le podcast d’une interprétation de 1984 de 14 Airs de cour de Michel Lambert,

en le CD Harmonia Mundi 1901123, re-publié en 1992 ;

le Tout l’univers obéit à l’amour à 5 voix ouvrant alors le bal de ce récital…

Je n’ai hélas pas trouvé sur le web de podcast de la spendide interprétation de la version première, à deux voix, de ce Tout l’univers obéit à l’amour de La Fontaine et Lambert, superbement interprété par Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse, dans le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1995, de La Simphonie du Marais.

Ce vendredi 29 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et sur le Phaéton de Lully, par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar : un double CD + DVD !

22nov

Pour continuer _ et compléter _ mes articles sur Lully et les lullystes

_ cf mes articles des 17, 18, 20 et 21 novembre derniers :

 _

voici ce jour un commentaire de Laurent Bury, sur forumopera.com,

et intitulé Ôte-toi de mon soleil

à propos du Phaéton de Lully

donné à l’Opéra Royal de Versailles le 30 mai 2018

sous la direction de Vincent Dumestre et Benjamin Lazar :

Ôte-toi de mon soleil


Phaéton – Versailles

Par Laurent Bury | mer 30 Mai 2018 |

Que le Phaéton de Lully _ créé au château de Versailles le 6 janvier 1683 _ ait été une allusion à la chute de Fouquet _ le 5 septembre 1661 ; soit plus de 22 années auparavant ; une autre circonstance plus ou moins approchante de la situation du SurIntendant Nicolas Fouquet a vraisemblablement dû jouer… Je remarque, au passage, que dans sa correspondance, Madame de Sévigné, si curieuse et enthousiaste des opéras de Lully, ne fait aucune allusion à Phaéton, qu’elle semble donc avoir ignoré, peut-être pour ne pas s’être trouvée à Paris lors du spectacle donné à Versailles, ce 6 janvier 1683. Si, elle était bien présente à Paris ce mois de janvier-là, je viens de le vérifier. Mais dans la correspondance conservée, pas une seule référence au Phaéton de Lully et Quinault : Madame de Sévigné n’a donc pas assisté au spectacle ; et n’en a pas reçu, non plus, d’écho, qu’elle aurait pu rapporter ; et elle qui était une amie très fidèle de Nicolas Fouquet, elle n’aurait pas manqué d’être éminemment sensible à la situation sur laquelle se focalise le livret du Phaéton de Quinault… Il est vrai, aussi, que Nicolas Fouquet était décédé le 23 mars 1680 en sa prison de Pignerol… _, ministre coupable d’avoir voulu s’élever trop près du roi-Soleil, c’est possible _ il faudrait regarder de plus près ce qui se passe auprès de Louis XIV en 1682… _, mais pour sa mise en scène, Benjamin Lazar a choisi de tout autres clefs de lecture. Cette terrible histoire d’ambition dévorante _ voilà _ pourrait se dérouler dans n’importe quel cadre sans rien perdre de sa force _ dramatique _, comme nous le montrent les sobres et monumentaux décors de Mathieu Lorry-Dupuy et les costumes d’Alain Blanchot mêlant délibérément époques et lieux. Dans cette tragédie lyrique où l’art lullyste du dialogue _ c’est très intéressant ; et avec l’art si remarquable, lui aussi, des dialogues de Quinault… _ atteint des sommets, tout se joue dans les rapports entre amour et pouvoir _ voilà _, avec deux personnages principaux _ Phaéton et Epaphus _ chez qui la soif de gloire se substitue _ au point de les phagocyter _ aux autres sentiments humains. Astrée, déesse de la justice convoquée lors du prologue, revient ici en fin de parcours pour sacrifier d’un coup de revolver le trop téméraire Phaéton. Le livret de Quinault est assez fort _ oui _ pour se passer des éléments les plus spectaculaires, et le drame se suffit à lui-même. C’est peut-être la raison pour laquelle les ballets ne sont pas ici dansés, quitte à imposer parfois aux choristes un semblant de chorégraphie dont ils s’acquittent selon leurs capacités (la ronde des Heures, au quatrième acte, ne tourne pas toujours bien rond). Benjamin Lazar manie avec un art suprême le chœur MusicÆterna, proposant pour chaque artiste un véritable rôle, de manière saisissante dans le prologue, où tout est mouvement _ oui _ et où chacun semble suivre sa propre trajectoire.

Dans la fosse, Vincent Dumestre dirige un ensemble nourri, formé par la rencontre _ en effet _ du Poème Harmonique avec les instrumentistes de MusicÆterna _ de Teodor Currentzis _  : le résultat est un orchestre grouillant de vie _ oui _, auquel le chef impose une riche palette de nuances _ oui _, changeant sans cesse de couleurs au gré de l’écriture lullyste, avec des effets particulièrement frappants qui collent admirablement à l’atmosphère de l’action _ tout à fait.

A ses qualités dramatiques, le chœur MusicÆterna joint un impressionnant travail sur la prosodie du français _ travaillée par Benjamin Lazar. Les premiers instants, où l’on n’entend que les voix de femmes, laissent penser que tout n’est pas encore tout à fait au point sur le plan linguistique, mais après l’arrivée des voix masculines l’équilibre d’ensemble se modifie, avec une vigueur d’interprétation _ oui _ qui fait oublier tout reproche. Et ce qui avait pu d’abord surprendre l’oreille moderne, c’est le recours à la prononciation restituée _ en effet, mais sans hystérisation _, dont on avait un peu perdu l’habitude depuis Cadmus et Hermione _ par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar _ en 2008 : rares sont en effet les baroqueux qui osent aller jusqu’au bout de la restitution pour adopter cette prononciation où l’on fait sonner les « an » et les « en » mais pas le « on », où les s à la fin des mots s’entendent, etc. Pour les quelques artistes russes appelés à tenir de petit rôle, ce français-là n’est peut-être pas plus exotique que le nôtre, et ils s’en acquittent assez bien, en particulier l’impressionnant _ oui _ Protée de Viktor Shapovalov.


L. Abadie, V. Bunel, E. Sveshniova, M. Vidal, L. Trommenschlager © DR

L’un des rôles les plus impressionnants de cette tragédie est sans doute celui de Clymène, terrible mère du protagoniste, à qui Léa Trommenschlager parvient à conférer toute sa dimension _ oui _, malgré un costume qui la fait un peu ressembler à la Duchesse d’Alice au pays des merveilles. La soprano s’impose autant par la beauté de son timbre que par la qualité de son jeu _ oui _, avec une dimension fascinante qui rappelle un peu ce que Guillemette Laurens faisait de la redoutable Cybèle d’Atys. Deux jeunes voix graves pour les jeunes princesses : très remarquée lors de son passage au CNSMDP, Victoire Bunel interprête avec une grande sensibilité _ oui _ les plaintes où s’exhalent les tourments amoureux de Théone, tandis qu’Eva Zaïcik, tout récemment deuxième prix au concours Reine Elisabeth, est une pudique Libye.

Chez les messieurs, le rôle-titre paraît presque sacrifié, car Phaéton a somme toute peu d’occasions de s’exprimer : toujours aussi juvénile d’allure, Mathias Vidal s’emploie à traduire le caractère ambigu d’un anti-héros perdu par des vantardises de cour de récréation (« Moi, d’abord, mon père c’est le Soleil, na ! »). Cyril Auvity s’en donne à cœur joie dans trois personnages secondaires où il fait forte impression, malgré quelques syllabes du rôle tendu du Soleil, où le soutien a parfois paru lui manquer. Le toujours excellent _ ouiLisandro Abadie possède tous les atouts nécessaires, en termes d’étendue de la tessiture comme de maîtrise du discours tragique.

 

Alors maintenant, rêvons d’un DVD qui immortaliserait ce spectacle _ et c’est désormais chose faite ! Avec le double CD & le DVD Château de Versailles Spectacles CVS 015 ; cf mes remarques sur ce point dans mon article du 20 novembre : _ et ferait de Phaéton l’une des tragédies lullystes les plus enregistrées, après les versions de Marc Minkowski _ en 1994, chez Erato _et de Christophe Rousset _ en 2012, chez Aparté.

Ce vendredi 22 janvier 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sur l’Isis de Lully, par Christophe Rousset et ses Talens lyriques

21nov

Pour continuer mon article d’hier

,

voici le commentaire,

sur son blog Discophilia, et en date du 15 novembre dernier,

de Jean-Charles Hoffelé,

intitulé Isis,

à propos du double CD Aparté AP 216

consacré par Christophe Rousset et ses Talens lyriques

à la tragédie en musique Isis, de Lully et Quinault,

donnée pour la première fois à Saint-Germain-en-Laye, devant la Cour, le 5 janvier 1677 :

ISIS

J’espérais qu’au long de son cycle Lully, Christophe Rousset et ses Talens Lyriques ne tarderaient plus trop à nous révéler Isis, perle de l’ensemble dont la présentation le 5 janvier 1677 provoqua l’admiration du Roi comme des mélomanes, sans pourtant lui assurer les faveurs durables de la Cour : on le nomma l’opéra des musiciens _ oui _ tant Lully y avait raffiné sa langue en variant encore les canons de la Tragédie Lyrique, préférant nommer la nouvelle venue « Tragédie en musique ».


Sur quoi s’ensuivirent l’été suivant, peu avant la reprise à l’Opéra de Paris _ c’est-à-dire à l’Académie Royale de Musique _, les gloses des courtisans qui virent dans Io/Isis Marie-Elisabeth de Ludres, nouvelle passion _ éphémère _ du Roi et Madame de Montespan en Junon, comme le rapporte Madame de Sévigné dans une lettre célèbre _ plusieurs, durant tout l’été 1677… Ces rumeurs aboutirent à la disgrâce de Quinault, privant Lully de son poète et le livrant à la plume si différente de Thomas Corneille _ pour Psyché, en 1678 (le 19 avril, à Saint-Germain-en-Laye) et Bellérophon, en 1679 (le 31 janvier, à l’Académie Royale de musique). Quinault revint en grâce pour Proserpine (le 3 février 1680, à Saint-Germain-en-Laye) .


Isis est de bout en bout une merveille _ oui _, d’une inspiration égale _ peut-être _ à celle d’Atys et culmine dans un cinquième acte magique _ oui _ où paraît le fameux chœur des trembleurs _ oui _ qui aura inspiré _ en effetPurcell pour le « Cold Song » du King Arthur _ en 1691.


Avec quel aplomb Bénédicte Tauran campe les humeurs de Junon, avec quelle grâce Eve-Maud Hubeaux incarne Io/Isis parant son chant de couleurs si variées ; et comment ne pas admirer le grand caractère qu’Edwin Crossley-Mercer met à son Apollon ? Mais tous sont parfaits, Cyril Auvity jusque dans sa Furie, Aimery Lefèvre en Hierax, Ambroisine Bré en IrisChristophe Rousset les entraîne dans le théâtre subtil – où l’humour n’est pas rare – de cette Isis tant espérée _ au disque _, enfin incarnée _ oui…

LE DISQUE DU JOUR


Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)
Isis, LWV 54

Bénédicte Tauran, soprano (La Renommée, Melpomène, Mycène, Junon)
Ève-Maud Hubeaux, mezzo-soprano (Thalie, Isis, Io)
Ambroisine Bré, mezzo-soprano (Calliope, Iris, Syrinx, Hébé, Premier Parque)
Cyril Auvity, ténor (Apollon, Premier Triton, Pirante, La Furie (Erinnis), La Famine, L’Inondation, Deuxième Parque, Premier berger)
Fabien Hyon, ténor (Second Triton, Mercure, Second berger, Premier Conducteur de Chalybes, Les Maladies languissantes)
Philippe Estèphe, baryton (Neptune, Argus, Troisième Parque, La Guerre, L’Incendie, Les Maladies violentes)
Edwin Crossley-Mercer, baryton (Jupiter, Pan)
Aimery Lefèvre, baryton (Hiérax, Deuxième Conducteur de Chalybes)
Julie Calbète, soprano (Première Nymphe)
Julie Vercauteren, soprano (Seconde Nymphe)

Chœur de Chambre de Namur
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album de 2 CD du label Aparté AP216

Photo à la une : le chef d’orchestre et claveciniste Christophe Rousset – Photo : © DR

 

Ce jeudi 21 novembre 2019, Titus Curiosus

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