Une autre intéressante lecture du « Cerveau de Ravel », de Bernard Lechevalier, Bernard Mercier et Fausto Viader
20avr
Comme en complément à mon article « Un bien intéressant musicalement aussi « Le Cerveau de Ravel » (aux Editions Odile Jacob), au-delà du seul caractère anatomo-pathologique de la maladie, implicitement manifesté par son titre… » du 20 février dernier,
aujourd’hui sur le site de ResMusica, et sous la plume de Jean-Luc Caron, musicologue et médecin,
cet intéressant article-ci :
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« La neurologie au chevet de Maurice Ravel, l’homme et sa musique« ,
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tel une suite à son précédent article sur ce même sujet, en date, lui, du 14 décembre 2017, « Maurice Ravel, victime d’une démence dégénérative » :
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L’état de santé de Maurice Ravel, l’individu autant que le génial créateur, a préoccupé nombre d’observateurs, médecins, musicologues ou musiciens. C’est une étude réalisée par des neurologues français qui tentent d’y voir plus clair par le biais d’un travail sérieux, informé et passionné.
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L’ouvrage s’ouvre sur la dernière photographie du compositeur prise à Paris le 19 mars 1937, neuf mois avant sa mort. La première partie est consacrée à « la vie d’un génie ». La santé de Ravel y est abordée au travers de sa correspondance et de celle de ses proches _ cf l’indispensable « L’Intégrale : correspondance (1895 – 1937), écrits et entretiens » de Manuel Cornejo… _, avec de très nombreux extraits depuis sa jeunesse jusqu’à la maladie en 1936. Le profil psychologique du compositeur est décrit de façon précise et détaillée avec là aussi de nombreux exemples et extraits de lettres et documents. La place de sa mère _ oui _ (il vécut 42 ans avec elle), son goût pour les mathématiques hérité de son père, ses amies, son côté dandy, le monde imaginaire de l’enfance qu’il affectionne, sont décrits documentation à l’appui.
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S’ouvre ensuite la seconde partie « Ravel entre les mains de ses médecins ». Les comptes-rendus médicaux, les courriers échangés entre les praticiens, l’analyse de l’évolution de l’écriture du compositeur, les liens entre ses pathologies et la nature de ses partitions _ et c’est passionnant ! _ sont passés en revue avec beaucoup de soins et répondent à une démarche quasi scientifique. Des assertions étayées côtoient des suppositions et hypothèses présentées avec une rigueur critique qui honore la démarche et le sérieux des auteurs, les médecins Bernard Lechevalier, Bernard Mercier et Fausto Viader.
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On s’est penché sur les conséquences de son accident de taxi survenu à Paris le 8 octobre 1932 provoquant un traumatisme crânien et une commotion cérébrale qui accentuèrent des signes plus discrètement présents antérieurement. Des troubles sérieux de l’écriture, des perturbations gestuelles, des mouvements incontrôlés comme ce caillou envoyé en plein visage d’une amie _ Marie Gaudin. Soudain il ne sait plus nager, ne parvient plus à jouer du piano, ne distingue plus les fourchettes des couteaux, parvient à peine à écrire correctement, perd le sens de l’organisation logique des gestes à effectuer… autant de symptômes troublants sans perturbation de l’intelligence majeure ni déficit moteur franc. Cette situation conduit au diagnostic « d’apraxie progressive et d’aphasie de Wernicke modérée et à une insomnie rebelle ». Pour autant on ne décèle ni démence ni amusie (perte de la capacité de chanter, de jouer ou de reconnaître une musique, selon Le Robert). Les neurologues diagnostiquent « une atrophie cérébrale circonscrite et progressive s’inscrivant dans le cadre d’une maladie de Pick » dont des examens paracliniques confirmèrent l’atrophie de certaines régions du cerveau. La définition de la maladie de Pick évoque néanmoins la mise en place d’une démence sénile précoce touchant en priorité les lobes frontaux et temporaux du cerveau. Ravel nous apprend-on était parfaitement conscient de sa situation médicale depuis 1932.
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Malheureusement, progressivement le compositeur se mure peu à peu dans un mutisme sévère, des angoisses le hantent, sa mémoire s’altèrent, son jeu pianistique se détériore. Des séances d’électrothérapie ne sont d’aucun secours et une intervention neuro-chirurgicale pratiquée à Paris le 17 décembre 1937, conduit au décès de Maurice Ravel une dizaine de jours plus tard, le 23 décembre 1937.
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En annexes le livre présente une frise chronologique _ très _ intéressante mettant en rapport les œuvres de Ravel avec la progression de sa maladie, ainsi qu’un portrait des différents médecins qui l’ont eu pour patient.
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Une très précieuse lecture, donc.
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Ce jeudi 20 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa