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Musiques de joie : Johann Sebastian au Café Zimmermann, par Café Zimmermann

03avr

Une amie à laquelle j’adressais, hier, mon article de « Musique de joie« 

consacré au magique Opus 5 de Corelli

par Enrico Gatti et ses amis Gaetano Nasillo et Guido Morini

m’a répondu qu’elle était justement en train d’écouter les Concertos de Jean-Sébastien Bach

par Café Zimmermann.

Et en effet, voilà encore une excellente « musique de joie« ,

tout particulièrement bien servie, en effet, par l’Ensemble Café Zimmermann,

autour de Pablo Valetti et Céline Frisch,

telle qu’enregistrée par Alpha,

et à la très heureuse initiative de Jean-Paul Combet,

à partir de 2001 ;

et une première fois réunie en coffret de 6 CDs _ le coffret Alpha 811 _ en 2011,

sous le titre de Concerts avec plusieurs instruments (vol.1 à 6).

 

L’habitude _ éminemment joyeuse ! _ de jouer des concertos en public

au Café Zimmermann à Leipzig

_ ville universitaire (ainsi que très mélomane !) _

a été donnée par Georg Philipp Telemann _ qui n’était certes pas un triste _

quand, étudiant en droit à Leipzig, en 1702, celui-ci fonda le Collegium Musicum ;

puis continuée, poursuivie, par son ami Johann Sebastian Bach, de 1729 à 1739,

une fois Bach nommé Cantor de l’église Saint-Thomas de Leipzig en 1723…

Johann Sebastian y jouait avec ses fils, ses élèves et d’autres étudiants

des musiques concertantes

sorties de sa plume, de celle de son ami Telemann, et de bien d’autres compositeurs,

italiens d’abord,

ainsi que le signale le nom italien de ce genre musical

L’historique de ce genre musical

et de sa diffusion en Europe,

est d’ailleurs passionnante.

Ce vendredi 3 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Josquin : aussi un mélodiste ! L’événement du CD « Josquin Adieu mes amours », de Dulces Exuviae

28juin

Le premier grand mérite du CD Josquin Adieu mes amours

_ le CD Ricercar RIC 403 _

de l’ensemble Dulces Exuviae,

constitué du baryton Romain Bockler et du luthiste Bor Zuljan,

est de nous offrir une facette originale de Josquin Des Prez (c. 1450 – 1521) :

le mélodiste ;

et non pas le génie de la polyphonie.


Les interprètes et concepteurs de ce très réussi projet _ et original _ discographique

ont pris appui sur plusieurs remarques de Baldassare Castiglione, en son célèbre Il Cortigiano,

mentionnant le succèss des interprétations par un chanteur et un luth,

d’adaptations de chansons polyphoniques

_ en particulier par un certain Antoine Colebault.


Ce très intime et intense CD

m’a donné aussi l’occasion de revenir prêter une oreille

à un précédent CD dont une des chevilles ouvrières était déjà Bor Zuljan,

le CD Gorzanis La Barca del mio amore _ Napolitane, Balli e Fantasie _ le CD Arcana A 450 _,

avec son ensemblee La Lyra,

constitué ici de Pino de Vittorio, le merveilleux chanteur,

Fabio Accurso, au luth,

Domen Marincic, à la Viole de gambe,

Massimiliano Dragoni, aux percussions,

et Bor Zuljan lui-même. au luth et à la guitare Renaissance, et à la direction.

Ce qui m’a permis aussi d’apprendre

qu’autour de Bor Zuljan, Romain Bockler, Pino de Vittorio et les musiciens de La Lyra,

auraient lieu au château de Bournazel _ dans l’Aveyron, entre Rodez et Villefranche-de-Rouergue _

trois soirées de concerts,

avec le patronage de mon ami Jean-Paul Combet.

Ce vendredi 28 juin 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Lire « L’Aventure d’une oreille : la découverte du « continent Durosoir » », dans le bel album d’hommage à Lucien Durosoir et Aitor de Mendizabal

08mai

Maintenant que vient de paraître

le très bel _ et riche _ album

La Chaîne de création Lucien Durosoir – Aitor de Mendizabal 1919 – 2019

aux Éditions FRAction,

y est accessible,

aux pages 64 à 69,

l’article que je viens de consacrer à ma découverte enthousiaste, au printemps 2008, 

du CD Alpha 125  des Quatuors à cordes de Lucien Durosoir.

Cf mon article du 4 juillet 2008 :

Voici cet article récapitulatif daté du 6 janvier 2019 : 

L’Aventure d’une oreille : la découverte du « continent Durosoir »

Durosoir. Lucien Durosoir.

Quand m’est parvenu, en 2005, le CD Alpha 105 de Musique et violon de Lucien Durosoir, par Geneviève Laurenceau et Lorène de Ratuld,
le nom de Durosoir déjà me parlait : j’avais contacté la musicologue Georgie Durosoir, en 1994, au moment de mes travaux de recherche à propos de « Jean de La Fontaine et la musique », puisque, conseiller artistique de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne, je travaillais à la préparation d’un programme de concert _ pour l’année 1995 du Tricentenaire du décès du poète _  et de disque (paru chez EMI au printemps 1996), et procédais, le premier depuis 1920 environ, à de telles recherches, et découvertes : telle, ce qui demeurait de musique (et chant) d’un petit opéra dont le livret était de Jean de La Fontaine, et la musique de Marc-Antoine Charpentier, Les Amours d’Acis et Galatée, donné en 1678 à Paris _ comme je le retrouvais _ ; sans que quiconque depuis cette époque ait pensé à réunir les noms du librettiste et du compositeur, pour une œuvre musicale disparue _ suite à un vol à la Bibliothèque Nationale, au XIXe siècle _ des manuscrits de musique personnels conservés de Charpentier ; et un livret dont La Fontaine affirmait, en en publiant le début, qu’il n’avait été ni achevé, ni mis en musique !
Mais mon grand choc musical survint _ et l’aventure de mon oreille de mélomane passionné se déclencha _ début juillet 2008, dès ma toute première écoute d’un second CD Alpha consacré au compositeur Lucien Durosoir : le CD Alpha 125 de ses trois Quatuors à cordes (de 1920, 1922 et 1924).
Dès cette première écoute, subjuguante, j’eus la sensation d’aborder et toucher ici un immense continent, vierge et luxuriant, succulemment puissant.
Et j’en fis part tout aussitôt à mon ami le producteur des disques Alpha, Jean-Paul Combet ; en le priant de bien vouloir communiquer l’article de mon blog à Georgie Durosoir. Une amitié profonde et fidèle en naquit avec Luc et Georgie Durosoir, fortifiée par les approfondissements ultérieurs de mon écoute de presque tout l’œuvre de Lucien Durosoir, au disque _ au fur et à mesure des enregistrements _ et aussi au concert.
Ainsi voici un extrait de l’article de mon blog En cherchant bien Musique d’après la guerre, que je consacrais à la découverte de ce CD _ et de cette musique _ des 3 Quatuors à cordes de Lucien Durosoir, le 4 juillet 2008 :
« Les trois Quatuors à cordes de Lucien Durosoir constituent, sous la forme d’un CD interprété, et avec quelle intensité, par le Quatuor Diotima (CD Alpha 125), une sorte d’urgence musicale rare pour qui ne craint pas de se laisser toucher et emporter profond et fort par la beauté somptueuse et « d’absolue nécessité » de la musique ; urgence musicale, donc, et d’abord d’écoute, pour nous « amateurs » de musique, que je me fais un devoir de signaler ici en priorité : d’un CD qui nous fait rien moins qu’accéder _ ou accoster, mais (de même qu’existent, cousines des « bouteilles à la mer« , des « bouteilles à la terre » et des « bouteilles aux cendres »celles d’un Yitskhok Katzenelson, au Camp de Vittel, et celles d’un Zalman Gradowski, à Auschwitz) ; accoster, donc, mais on ne peut plus terriennement _ à « tout un continent musical » _ rien moins !oublié, négligé  inédit au disque, comme au concert, comme en éditions en partitions ! et dans tous les sens du terme : proprement inouï !). ».
Et ces sensations de toucher et explorer un immense continent (musical) se renouvelèrent lors de la sortie des deux CDs suivants : le CD Alpha 164, Jouvence, en août 2010 ; et le CD Alpha 175, Le Balcon, en janvier 2011, ainsi qu’en témoignent à nouveau les articles de mon blog :
_ Le Continent Durosoir :
« C’est le tissu complexe, chatoyant de la diaprure tout en souplesse de ses richesses et finesses multiples, des grandes pièces que sont la Fantaisie Jouvence (de 20’55, en 1921) et le Quintette pour piano et cordes (de 24’35, en 1925)et la force et la vie _ et l’humour aussi : il a quelque chose du rire de Voltaire ! de leur flux, et de leurs impulsions et rebonds, qui ravissent et emportent la jubilation de l’auditeur, par la richesse et la densité, toujours élégante et sans lourdeur, jamais, de ces œuvres si vivantes ! » ;
_ puis Les Beautés inouïes du continent Durosoir :
« À l’écriture _ cf mon (tout premier) article du 4 juillet 2008 : Musique d’après la guerre _ de ma première écoute _ complètement subjuguée par l’intensité et retentissement si bouleversant du sentiment de beauté éprouvé !!! _ du CD Alpha 125 _ Lucien Durosoir : Quatuors à cordes  _,

l’expression de « continent » _ pour désigner cette musique qui se découvrait alors combien splendidement ! m’était venue d’elle-même à l’esprit, tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte de la force : d’une évidence subjuguante, en sa puissance renversante à la fois de vérité, et de beauté sublime (j’ose ici l’oxymore !) : une rencontre de ressenti musical éprouvé somptueux, appelée, sans nul doute, à des « suites« : celles d’autres découvertes encore, et renouvelées, d’œuvres se surpassant les unes les autres ; des « suites« de sidération de beauté comme promises, en des promesses virtuelles qui seraient immanquablement tenues (et c’est le cas !) : par la générosité créatrice comme à profusion (et parfaitement fiable en sa force ! voilà ce qui est désormais parfaitement avéré ! avec Jouvence, in le CD Alpha 164) et maintenant Le Balcon, in le CD Alpha 175) du compositeur Lucien Durosoir, en son œuvrer, juste (mais impeccablement !) déposé sur le papier et laissé « au tiroir«  (ou, plutôt,  « dans une armoire« : cf ce qu’en a dit son ami Paul Loyonnet, en ses Mémoires : Lucien Durosoir « avait la plus entière confiance dans sa musique, et m’écrivit qu’il mettait, à l’instar de Bach, ses œuvres dans une armoire, et qu’on la découvrirait plus tard« …) : comme en certitude tranquille d’être, quelque jour, posthume même (et probablement …), sonorement enfin « joué« ; Lucien Durosoir (1878-1955) n’avait pas l’impatience, et tout particulièrement après ce à quoi il avait survécu lors de la Grande Guerre !, de la reconnaissance mondaine ! encore moins immédiate, ni rapide ! : la plénitude des œuvres parfaitement achevées (par ses soins purement musicaux : quel luxe !), suffisant à le combler !.Durosoir, donc, en son œuvrer, « tient«  mille fois plus qu’il n’a pu paraître, à son insu même, bien sûr !« promettre«  !.. Quel prodige !) ;

 l’expression de « continent« , donc, m’était très spontanément venue à l’esprit, tant elle me paraissait à même de rendre (un peu) compte de la force de puissance et intensité de mon sentiment d’ »aborder » une formidable terra incognita (de musique : inouïe !) à dimension d’immensité profuse (= tout un univers !) :

pas un petit « territoire« , pas quelque « canton » adjacent et adventice, ni quelque nouvelle « province » vaguement subalterne, voire anecdotique _ si j’osais pareils qualificatifs inadéquats _ à gentiment abouter au « massif » bien en place de la musique française, ou de la musique du XXème siècle ou/et les deux _ ni même quelque « pays« , de plus notables dimensions ; non ! rien moins qu’un « continent » ! une Australie (mais d’ici ! : simplement inouïeet inimaginée de nous !..) immense ! et cela, au sein, donc, de la plus _ et meilleure _ « musique française« , qui soit ; et de la plus _ et meilleure _ « musique du XXème siècle« , qui soit ! aussi… Rien moins ! Mais qui d’un coup venait  « dépayser«  tout le reste… Charge à tous les « rencontreurs » par ces CDs, déjà ; ou par les concerts donnés de ces œuvres… de ces musiques de Lucien Durosoir, d’y « faire« , chacun, peu à peu _ mais ça vient ! CD après CD ! Concert après concert… _ « son oreille » : encore toute bousculée de ce qui s’y découvrait,  et ayant à « reprendre tous (ou enfin presque…) ses esprits«,  s’ébrouant de la surprise un peu affolante du « dépaysement » de l’inouï de telles « expériences » d’audition d’œuvres : et si merveilleusement idiosyncrasiques, et à un tel degré confondant ! _ de finition, « dominées« … 

De fait, audition de CD après audition de CD _ et en les renouvelant ! _il faut bien convenir, maintenant, après le CD Jouvence et avec ce CD Le Balcon, écrivais-je en janvier 2011, que les œuvres de Lucien Durosoir que nous « rencontrons« _ soient, 28 à ce jour, réparties en 4 CDs, alors ne sont, et aucune _ pas la moindre, même ! certes pas, ni jamais _ interchangeables, ou « équivalentes« mais se révèlent, à notre écoute, encore, à nouveau, et chaque fois, et pour chacune d’elles, en leur « unicité« , singulières _ quelle puissance de surprise ainsi renouvelée ! _toutes :  tout aussi surprenantes et subjuguantes !

De cela, j’ai eu l’intuition étrangement intense rien qu’à comparer, déjà, entre eux, les trois quatuors, de 1919, 1922 et 1934, dans le CD Alpha 125 des Quatuors à cordes de Lucien Durosoir…

Comme si le génie musical singulier de Lucien Durosoir disposaitet avec quelle aisance ! et quelle force d’évidence ! _ de la puissance _ somptueuse ! _ de la diversité dans une fondamentale unité : le mélomaneface à de tels tourbillons (dominés) de musique le saisissant _ parvient peu à peu il lui faut d’abord « recevoir«  (et « accuser le coup«  de…) la force considérable (et assez peu fréquente) de cette musique inouïe ! afin de se mettre, lui, le « receveur«  de (= « invité«  à) cette musique, à sa hauteur, en cette « réception« singulière… _ à dégager la profondeur de cette capacité durosoirienne _ de diversité dans l’unité, en toute la force et l’étendue de sa rare puissance _ beethovenienne ? en tout cas, assez peu exprimée comme ainsi et à ce degré-ci, dans tout ce qu’a pu donner jusqualors le génie français… _disque après disque ! et œuvre après œuvre !..

C’est maintenant plus que manifeste avec ce quatrième CD, Le Balcon ».

Bien sûr, ces impressions d’écoutes discographiques, mais aussi de concerts, se sont confirmées et amplifiées en mon double travail de contribution au colloque du Palazzetto Bru-Zane à Venise les 19 et 20 février 2011, Un Compositeur moderne né romantique : Lucien Durosoir (1878 – 1955) ; je veux dire Une Poétique musicale au tamis de la guerre : le sas de 1919 _ la singularité Durosoir ; et La Poésie inspiratrice de loeuvre musical de Lucien Durosoir : Romantiques, Parnassiens, Symbolistes, Modernes .
En voici les résumés, assez parlants :
Approcher l’idiosyncrasie de l’art de Lucien Durosoir oblige à interroger les raisons de sa singularité, et mettre à jour les tenants et aboutissants de cet œuvre et du génie de son auteur (1878-1955). Déployée au sortir de la Grande Guerre vécue sur le front dans les tranchées les cinq ans de 1914 à 1918, et après le sas d’exercices de préparation intensifs tout l’an 1919, la composition de Lucien Durosoir s’accomplit avec une immédiate sidérante maturité comme hors contexte d’écoles, tellement les influences de départ sont transmuées en un tout puissant et une forme achevée d’œuvre. Non seulement l’homme a un fort tempérament, et le virtuose du violon qu’il fut de 1897 à 1914 par l’Europe entière, une immense culture musicale, mais l’épreuve sauvage de la Grande Guerre fixe – et pour toujours : de 1919 à 1950 – la plus haute ambition artistique qui soit à sa création : une venue à « l’essentiel », et par une poétique musicale en symbiose avec la création-figuration des poètes reçue en exemple-modèle d’une poiêsis donnant accès à l’être même du réel. Non pas selon quelque Idéal du moi de type romantique, mais selon un Idéal d’œuvre à dimension – ontologique – de monde, à l’exemple thaumaturgique d’un Leconte de Lisle en poésie. Et, après une fabuleuse première moisson de « fruits mûrs » les années 1920-21-22, ce sera dans une dynamique de grandeur en expansion, à son acmé œuvre après œuvre jusqu’en 1934, et dans une logique de modernité exigeante, audacieuse en même temps que sereine, soucieuse – à la façon d’un Paul Valéry en sa poésie comme en sa Poétique – de la clarté de ses formes et flux, jamais inchoative : moderne sans modernisme.
Et 
L’œuvre musical de Lucien Durosoir est en dialogue permanent et fondamental avec la poésie : pas seulement parce que la poésie – essentiellement celle de la seconde moitié du XIXe siècle – est, au plus haut des Arts, référence et modèle ; mais parce que la poésie est matrice même de sa création : un pôle consubstantiel du déploiement du discours musical. Un tel transfert d’imageance se révèle dès les intitulations des pièces de musique d’après des poèmes ; mais encore dans les vers placés en exergue des partitions, continuant ce dialogue. Et cela, alors que le compositeur répugne au genre de la mélodie, en déficience d’imageance musicale pour lui. Historiquement, entre les courants romantique, parnassien, symboliste et moderne de la poésie dont il est le contemporain, la préférence de Lucien Durosoir va, et avec fidélité, au modèle et idéal d’œuvre parnassien, dans la version de Leconte de Lisle surtout, tant sur un plan formel qu’ontologique. Avec aussi la fréquence de références thématiques à la Grèce, celle de Sophocle, Théocrite, Chénier, et Moréas. Ainsi que l’accomplissement, œuvre après œuvre, en la chair de la musique, d’une singulière puissante dynamique serpentine, au service du rendu le plus sensuel des forces de la vie. Et cela jusque dans le rapport de Lucien Durosoir aux œuvres de Baudelaire et Rimbaud. En même temps que, et alors que rien ne s’y réfère aux poètes du modernisme, selon la voie sereinement audacieuse d’une vraie modernité musicale, parfaitement libre, ouverte et renouvelée avec constance au fil des œuvres, magnifique en sa dense clarté d’affirmation. 
Et il me faut ajouter que l’admiration que je porte à la musique de Lucien Durosoir est redoublée par l’admiration que je porte à sa personne.
De cet homme peu ordinaire est née une oeuvre extraordinaire, d’une puissance de beauté et justesse rare, qui nous comble.
Francis Lippa, le 6 janvier 2019


Ce mercredi 8 mai 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un patron parle de l’industrie discographique

16juin

Le patron de l’entreprise Outhere s’exprime dans une interview accordée à Res Musica :

LE PRÉSIDENT D’OUTHERE CHARLES ADRIAENSSEN, PRUDEMMENT OPTIMISTE

Adriaenssen-1

Cette année, l’étiquette Alpha est désigné « label de l’année » des International Classical Music Awards (ICMA). Alpha fait partie du groupe de musique belge Outhere (Alpha, Ricercar, Fuga Libera, Ramée, ZigZag, Arcana, Phi, Linn…). Juan Lucas (Scherzo, Espagne), membre du jury des ICMA, s’est entretenu avec Charles Adriaenssen, président d’Outhere.

 « Je me suis rendu compte que j’étais à un carrefour. »

ICMA : Comment décririez-vous vos origines et à quel moment avez-vous décidé que vous vouliez vous impliquer sérieusement dans le domaine du disque classique ?

Charles Adriaenssen : On manifestait un grand intérêt pour la culture dans ma famille. Par conséquent, la musique a joué un rôle important dans mon parcours scolaire et mon éducation. J’ai étudié le droit et, ensuite, pendant une quinzaine d’années, j’ai travaillé comme diplomate jusqu’en 1995, à ce moment-là, je me suis impliqué dans les affaires familiales de brasserie, puis j’ai rejoint plusieurs conseils d’administration… Pourtant, la musique y était toujours présente. Pendant vingt ans d’une vie d’affaires très active, j’ai soutenu de nombreux concerts.

Une journée particulièrement belle m’a mis en contact avec Michel Stockhem, un producteur belge ayant de nombreux contacts dans l’industrie de la musique, qui m’a suggéré l’idée de créer un label indépendant. Je l’ai pris comme une fabuleuse opportunité de découvrir la musique. C’est ainsi qu’est née Fuga Libera, un petit label pour émettre un mélange de musique assez éclectique. Cependant, quelques mois après cet épisode, j’ai réalisé que l’aventure était un peu ridicule. Michel était un excellent producteur, mais il lui manquait l’infrastructure la plus élémentaire pour ses activités : il n’avait pas un bon système de distribution ni de bureau de presse, il avait besoin d’une stratégie marketing, et il n’avait pas non plus de réelle idée de l’endroit où l’étiquette allait. Je me suis alors rendu compte que j’étais à un carrefour : soit je continuais à profiter de quelque chose simplement comme un hobby, juste comme quelqu’un qui s’intéresse aux voitures ou aux chevaux, soit je faisais quelque chose de plus sérieux. Au final, j’ai opté pour cette dernière solution en essayant de mettre en place une structure de fabrication de produits culturels haut de gamme, et en m’efforçant de rentabiliser ce travail. À ce moment-là, le concept prenait de l’ampleur. Au tout début, j’ai eu une discussion avec Jerôme Lejeune, le créateur de Ricercar – un label fantastique, mais avec une approche très artisanale – qui a vu l’aube d’Outhere.

ICMA : Bien qu’on puisse dire que l’étape cruciale est venue un peu plus tard, lorsque vous avez racheté Alpha, qui était alors déjà l’un des principaux labels français indépendants…

CA : Ce qui s’est passé, c’est qu’en 2005, mon distributeur français m’a appelé pour me dire qu’Alpha avait des problèmes. J’avais toujours admiré le travail de ce label et de son fondateur Jean-Paul Combet. Je me suis donc précipité à Paris, déterminé à faire quelque chose. Un peu plus tard j’ai acheté cette étiquette, qui à l’époque n’était gérée que par une équipe de sept ou huit personnes. Du point de vue de la gestion purement commerciale, Alpha était complètement en désordre. Pourtant, Combet était un visionnaire en ce sens qu’il avait réalisé quelque chose de très important pour une maison de disques : développement de l’image de la marque, une chose fondamentale.

Au début, j’avais beaucoup de problèmes avec Alpha, mais au final, nous avons réussi à progresser, au point que maintenant c’est le « vaisseau amiral de notre flotte ». Avec Alpha, nous avons réussi à atteindre un chiffre d’affaires suffisant, et nous avons pu envisager de créer ensemble une grande entreprise, c’est-à-dire une infrastructure comprenant un directeur artistique, un directeur commercial, un service d’exportation solide, de bons prix pour la fabrication et un réseau de distribution fiable. Bref, après avoir créé les structures de management artistique, nous devions, à ce moment-là, nous occuper de questions de professionnalisme dans nos pratiques de travail. Et cela a été un succès. Mais comme c’est souvent le cas, le succès me rendait encore plus gourmand, je le désirais de plus en plus, et j’ajoutais ainsi plus de labels : d’abord Æon, une petite et charmante étiquette de musique contemporaine, puis Zig-Zag qui était similaire à Alpha, c’est peut-être pour ça que j’ai pris cette décision particulière, je ne voulais pas de compétiteurs perturbateurs ! Par la suite, nous avons acheté Arcana, le dernier label à avoir été lancé par l’extraordinaire Michel Bernstein, décédé peu avant… et quelques autres. Le dernier label à être incorporé est le Linn du Royaume-Uni, ce qui nous a permis d’y renforcer notre présence.

« Le succès me rendait encore plus gourmand, je le désirais de plus en plus, et j’ajoutais ainsi plus de labels. »

ICMA : Par conséquent, au cours de ces premières années, Outhere a formé un refuge ou un sanctuaire pour les petites étiquettes, mais plus récemment, il semble que la stratégie ait changé, et qu’il y ait une tendance à réduire, à se concentrer principalement sur le label capital, Alpha, est-ce le cas ?

CA : C’est une situation compliquée, que nous sommes en train d’examiner. Je pense que le monde classique a besoin d’étiquettes éclectiques, dans la mesure où la fameuse distinction entre le romantisme, le classicisme, le baroque et le contemporain touche à sa fin. Par exemple, la dernière génération d’interprètes de la musique baroque est beaucoup plus ouverte, et c’est la même chose avec les artistes contemporains. Aujourd’hui, on entend des pianistes classiques jouer sur un pianoforte, des violonistes modernes utilisant des cordes en boyaux…

En conséquence de tout cela, nous avons décidé que le label principal, Alpha, devrait devenir le reflet de cette situation, une étiquette ouverte, cohérente, et offrant un bouquet d’approches variées. La première chose que nous avons faite fut l’incorporation du label Zig-Zag. Cette expérience s’est révélée un succès. Cependant, les autres labels, tels que Ricercar, Ramée et Arcana, continuent à fonctionner indépendamment. La seule exception à cette règle est Æon qui a abandonné ses activités, mais c’était parce que ses créateurs étaient fatigués de lutter contre un marché qui ne réagissait pas à eux.

ICMA : Dans quelle mesure êtes-vous vous-même impliqué dans les choix du répertoire et dans les projets entrepris par les labels individuels ?

CA : La première chose que je dois dire à cet égard, c’est que j’ai une immense confiance envers les gens avec qui je travaille, envers les directeurs artistiques des labels qui font partie de notre groupe. Je ne les aurais pas choisis en premier lieu, ou je ne les aurais pas retenus si, en vérité, une relation de confiance aussi profonde n’existait pas.

Deux ou trois fois par an, j’organise un atelier avec eux afin de décider du répertoire et des enregistrements à venir. Nous avons une discussion approfondie pendant laquelle on envisage toutes les variantes possibles, qu’il s’agisse de questions artistiques ou budgétaires. Mon propre effort a pour but d’éliminer les conflits, et j’accepte normalement 80-90% de ce qui m’est suggéré. Ils savent qu’ils doivent respecter certains critères économiques bien que les préoccupations budgétaires n’aient jamais été un obstacle à la conclusion de projets réellement intéressants. En plus de jouer un rôle de gestion, je m’efforce de donner un sens à la cohérence. Parfois, ce rôle demande de la sagesse comparable à celle d’un Salomon, en particulier en ce qui concerne l’intégration de jeunes artistes…

ICMA : Comment voyez-vous l’avenir du CD, celui du produit physique ? Autrement dit, les plateformes numériques, finiront-elles par refouler le format physique ?

CA : Il est clair que le disque physique est en état d’agonie, tout le monde le sait. Pourtant, ce tourment est devenu très long. Pour nous, le produit physique représente encore environ 80% de notre chiffre d’affaires global. Et dans certains cas, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, les ventes de disques compacts et de vinyles ont augmenté ces deux dernières années. Il y a d’autres pays où il existe un grand problème (l’Espagne, par exemple) à la suite de la disparition des magasins de vente traditionnelle ; cependant, il y a d’autres marchés – comme l’Italie, il y a seulement quelques années, a été abandonnée comme étant morte – qui fonctionnent maintenant très bien. Il est clair que nous devons occuper deux lieux différents en même temps, mais à la fin, je crois que cet état de coexistence prendra fin. De nos jours, beaucoup de gens de mon âge s’habituent à des plateformes comme Spotify, et ceux qui considèrent que le son de Spotify n’est pas suffisamment bon pour eux, ils peuvent passer à Qobuz. Chez Outhere, nous avons créé notre propre plateforme, et faisons beaucoup d’efforts pour obtenir un streaming de qualité. Pour moi, la clé de la question est de savoir comment, dans le monde numérique, reproduire l’expérience de l’objet physique. Et pas seulement en ce qui concerne la qualité sonore, mais aussi dans la présentation réelle du produit. Je viens de mettre en place une équipe de sept ou huit personnes, toutes très jeunes, qui travaillent sur cette question, sur la qualité du visuel au travers du domaine numérique, et sur la cohérence du message. Je suis prudemment optimiste.

ICMA : Un jour viendra-t-il où le streaming s’avérera profitable pour les labels et les artistes ?

CA : Nous devrons attendre et voir. C’est quelque chose que j’ai récemment discuté avec Klaus Heymann de Naxos, qui pense que plus il y a de plateformes, mieux c’est. Je pense définitivement qu’il faut être présent sur les principales plateformes, car sinon vos artistes et leurs fans deviendront mécontents. Nous savons que tout se passe sans que l’on gagne de l’argent, à moins qu’on ne se retrouve tout à coup avec un titre qui arrive en tête d’une liste de lecture importante. Cela nous est arrivé avec une Barcarolle de Fauré jouée par Éric Le Sage, qui a fait beaucoup d’argent. C’était cependant un cas unique. Alors que l’avenir reste incertain, il est clair qu’il faut être présent, travailler sur les réseaux sociaux, exister dans le système… et en même temps, contribuer à la mise en place du système.

Aujourd’hui, Outhere dispose de deux plateformes : l’une d’entre elles est celle de Linn Records, qui est probablement la plateforme de téléchargement avec le plus haut niveau de qualité sonore au monde ; l’autre est Alpha Play qui, pour le moment, ne fait que rendre disponible son propre répertoire, bien qu’elle soit de très haute qualité, sans algorithmes. Je pense qu’il y a un avenir, mais en même temps, il faut travailler pour le faire exister.

« Il est clair qu’il faut être présent, travailler sur les réseaux sociaux, exister dans le système… et en même temps, contribuer à la mise en place du système. »

ICMA : Outhere est sur le point de célébrer quinze ans d’existence. Quelle évaluation faites-vous de cette décennie et demie ? Êtes-vous satisfait de tout, y a-t-il quelque chose que vous regrettez ?

CA : Quand j’ai commencé avec tout ça, j’étais un peu naïf… Je n’étais pas au courant de la situation dans laquelle se trouvait le monde du disque, j’étais très idéaliste. Quand je me suis rendu compte que la situation n’allait pas s’améliorer, tout cela m’a plutôt déprimé, ce à quoi s’ajoutaient des problèmes avec les labels, avec l’organisation de tout cela, avec les gens… Cependant, après quelques années difficiles, nous avons réussi à établir une présence substantielle sur le marché, et je suis très fier de mener une aventure comme celle d’Outhere.

Crédits photographiques : © Bartek Barczyk

Traduction : Maciej Chiżyński, représentant de ResMusica au jury des ICMA

A méditer !

Ce samedi 16 juin 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Ecouter le passionnant et très sympathique Benjamin Alard présenter son projet d’intégrale Bach aux divers claviers

22avr

Vendredi matin dernier, l’invité de Saskia Deville à 8 heures 10 sur France-Musique était le passionnant et très sympathique Benjamin Alard, présentant le premier coffret (de 3 CDs) _ il y en aura 14, en environ 10 ans… _ d’une intégrale de la musique pour claviers _ clavecin, orgue, clavicorde, etc. _ de Johann Sebastian Bach (1685 – 1750), pour la maison Harmonia Mundi.

Ce premier coffret _ intitulé « le jeune héritier » (CDs HMM 902450.52) _ présente les dix premières années _ d’apprentissage et créations : à Ohrdruf, Lüneburg et Arnstadt _ du compositeur, soit les années 1695 – 1705, est absolument passionnant ;

et il faut dire que Benjamin Alard est un interprète prodigieux.

Normand,

Benjamin Alard a lui-même fait ses premières classes sur l’orgue d’Arques-la-Bataille _ près de Dieppe _, très vite reconnu et encouragé par le créateur de l’Académie Bach, ainsi que des disques Alpha, mon ami Jean-Paul Combet.

Je tiens aussi à mentionner ici que le 2 août 2014 Benjamin Alard s’est rendu à Bordeaux afin de tenir _ magnifiquement _ l’orgue Dom Bedos de l’abbatiale Sainte-Croix pour les obsèques de Jacques Merlet, qu’avait organisées Marcel Pérès ;

cf mon article du 31 août 2014 : 

Ecouter cet entretien (de 30′ environ),

ainsi que quelques extraits de ce premier coffret Bach de Benjamin Alard,

est un très grand plaisir…

Ce dimanche 22 avril 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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