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Se réjouir au très jouissif « Boniments » de François Bégaudeau, et à sa très réjouissante présentation, en un entretien rondement animé, avec une très plaisante vivacité, à la Station Ausone…

01avr

Le 9 février dernier, François Bégaudeau est venu _ très brillamment ! _ présenter (en 60′) à la Station de la Librairie Mollat, en un entretien très plaisant avec la journaliste Sophie Hazebroucq, son très jouissif et perspicace « Boniments » (paru peu auparavant, le 13 janvier, aux Éditions Amsterdam) _ cf là-dessus mon article du vendredi 10 février dernier « « 

L’entretien, dans la forme comme sur le fond (des choses abordées et décortiquées avec très grande finesse), de même que le livre qui en a donné l’occasion, sont un régal de l’esprit et de l’intelligence des situations présentes…

Et cela n’a rien d’un poisson d’avril…

L’esprit de lucidité, et en toute sa jouissive vivacité, est parfaitement là !

Bravo !

Ce samedi 1er avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le très marquant talent, intense et passionné, « à la vénitienne », de Mario Brunello, au violoncelle piccolo : suite des écoutes de ses CDs…

25mar

Mon article du 16 mars dernier « « ,

à propos du merveilleux _ et tout simplement sidérant de beauté ! _ CD Arcana A 535 « Bach Transcriptions » de Mario Brunello, violoncelle piccolo, et lAccademia dell’Annunciata dirigée par Riccardo Doni,

résume assez bien le sentiment qui m’a très vivement incité, après l’écoute intégrale de ce CD, à rechercher à me procurer sans délai les précédents CDs Arcana (A 469, A 472 et A 490) de ce ce musicien magicien qu’est Mario Brunello…

 

Ainsi, ai-je pu tout de suite me procurer le double CD Arcana A 469 « Sonatas & Partitas for solo violoncello piccolo » : celui-ci était tout simplement présent et immédiatement disponible, bien caché, tapi qu’il était au fond des rayonnages, comme oublié de tous…

Et ai-je aussi immédiatement commandé les CDS A 472 « Sonar in ottava » Bach – Vivaldi_ avec l’ami merveilleux violoniste Giuliano Carmignola _, et A 490 « Sei Suonate à cembalo certato è violoncelle piccolo solo » de Bach, par Mario Brunello accompagné de Roberto Lorregian au clavecin et à l’orgue positif, et Francesco Galligioni, au violoncelle et à la viole de gambe _ et ce samedi est parvenu le double album A 490 « Sei Suonate à cembalo certato è violoncelle piccolo solo«  : j’en parlerai très bientôt donc .. ; mais pas encore l’album « Sonar in ottava«  : je rongerai donc pour celui-ci le frein de mon impatience…

Alors, qu’en est-il de ce double CD Arcana A 469 _ enregistré du 1er au 3, puis du 20 au 22 octobre 2028, à la Sala delle Reste de la Villa Parco Bolasco, à Castelfranco Veneto, et sur le violoncelle piccolo à 4 cordes de Filippo Fasser réalisé à Brescia en 2017, d’après un Antonio et Girolamo Amati (à Crémone, vers 1600 – 1610) _ de ce chef d’œuvre absolu que sont les « Sonatas & Partitas for solo violoncello piccolo » _ dont les diverses admirables interprétations discographiques qui ne manquent certes pas dans ma discothèque personnelle, aurait pu me dissuader de le rechercher… _ par Mario Brunello au violoncelle piccolo  à 4 cordes, du luthier Filippo Fasser (Brescia, 2017), d’après un Antonio et Girolamo Amati (Crémone, 1600-1610) ?..

Superbe ! Magnifique !

La voix, radieuse et merveilleusement tranquille, parle, au juste tempo.

Le plus humainement du monde.

Un double CD doucement méditatif _ automnal ? _ qui tient chaleureusement _ à la vénitienne : sans excès… _, et pour longtemps, compagnie…

Immense merci !

Ce samedi 25 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

La merveilleuse surprise d’un Jean Rondeau enfin justissime, et non hystérisé, en un magnifique programme « Gradus ad Parnassum », sur un superbe clavecin de Jonte Knif et Arno Pelto : de Palestrina à Debussy, en passant par Haydn, Mozart, Clementi et Beethoven, et bien sûr Fux, l’auteur du « Gradus ad Parnassum », en 1725 ; un miraculeux CD. Ou la révélation de ces oeuvres en leur absolu « naturel » par leur interprétation au clavecin…

02mar

C’est une magnifique _ divine… _ surprise que Jean Rondeau, enfin justissime et non hystérisé _ peut-être parce que le fond de l’affaire, cette fois-ci, est, au moins en son départ, et à sa base, l’assez exigeant contrepoint (de Fux : célèbre Kapellmeister de la cour de Vienne, organiste, compositeur, pédagogue estimé et auteur du Gradus ad Parnassum, en 1725, un traité de composition dont la force et le très durable succès résident dans sa consolidation des traditions contrapuntiques héritées des deux siècles précédents. Les interprétations qui s’ensuivent, en ce CD de Jean Rondeau, étant, elles, tout au contraire, et il faut bien le souligner, rayonnantes de « naturel« , d’élégance et même de tendresse ; sans la moindre once de rigide ni de forcé… _, vient nous offrir en un vraiment splendide, absolument maîtrisé, et d’une fluidité merveilleusement naturelle _ oui, oui, il me faut bien y insister _ et inventive, CD intitulé « Gradus ad Parnassum«  _ le CD Erato 5054197416170  _,

avec un merveilleux programme d’œuvres bâties autour et à partir de ce fameux Traité de contrepoint et composition musicale, de 1725, qu’est le « Gradus ad Parnassum« , du compositeur Johann-Joseph Fux (Hirtenfeld, 1660 – Vienne, 13 février 1741),

et cela sur un superbe clavecin de Jonte Knif & Arno Pelto (de 2006) _ et avec une superlative prise de son d’Aline Blondiau, en la fameuse salle de musique de La Chaux-de-Fonds, à l’acoustique parfaite ! où ce miraculeux enregistrement a eu lieu du 8 au 12 octobre 2021 _ :

un programme tout à la fois ingénieux, inventif _ et d’abord dans le choix, au départ audacieux, d’interpréter toutes ces œuvres, jusqu’à celle de Debussy, Doctor Gradus ad Parnassum, un pastiche de la série d’exercices pour le piano Gradus ad Parnassum, composée par Muzio Clementi, qui constitue la première pièce de « Children’s corner« , entre 1906 et 1908), sur clavecin ! Un choix qui n’a rien d’arbitraire et gratuit, et permet rien moins que leur lumineuse révélation !!!.. _ et absolument splendide,

qui va de Giovanni-Pierluigi da Palestrina (1525 – 1594) à Claude Debussy (1862 – 1918),

en passant par Joseph Haydn (1732 – 1809), Wolfgang-Amadeus Mozart (1756 – 1791), Muzio Clementi (1752 – 1832) et Ludwig van Beethoven (1770 – 1827),

et bien sûr Johann-Joseph Fux (1660 – 1741), l’auteur du célébrissime Traité de contrepoint intitulé « Gradus ad Parnassum« , en 1725…

Qu’on écoute, en particulier, les merveilles tout simplement admirables _ et quasi inouïes jusqu’ici à un tel degré de perfection en leur absolu « naturel«  ! _ qu’obtient ici, sur le clavecin, Jean Rondeau,

dans les 28′ de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn,

dans les 6′ 24 de la Fantaisie n°3 K. 397 et les 6’23 de l’Andante de la Sonate n°16 K. 545 de Mozart,

ou dans les 6’07 de l’Étude n°14 du Gradus ad Parnassum de Muzio Clementi…

C’est renversant de beauté de classicisme libre et lumineusement, tout en sourire, épanoui,

voilà ;

et qui, sans la moindre précipitation un peu trop virtuose, sait merveilleusement prendre tout le temps, serein, lumineux et joyeux, qu’il y faut, pour que ces pièces, en toute plénitude de leur « naturel« , viennent vraiment s’épanouir…

Ce à quoi il faut ajouter aussi que l’instrument qu’est ce clavecin magnifique _ de Jonte Knif et Arno Pelto (de 2006) _, et cette prise de son superlative _ d’Aline Blondiau _, aident aussi, afin de servir en toute perfection la gracilité toute simple splendidement épanouie, déjà, de ces pièces _ la majorité d’entre celles-ci (8/12) étant postérieures à l’invention (au mitan du XVIIIe siècle), et rapide triomphe, du piano-forte…

Ces Haydn et Mozart, servis donc ici au clavecin par Jean Rondeau, sont ainsi comme enfin révélés à eux-mêmes, voilà, mieux encore que par le pianoforte, ou le piano classique de concert :

j’en prendrai pour exemple une comparaison de cette si heureuse et radieuse interprétation-ci par Jean Rondeau (en 28′) de la Sonate Hob. XVI.46 de Joseph Haydn _ probablement l’acmé de ce si beau CD ! _avec l’interprétation _ qui m’avait pourtant bien plue : « épatamment jeune« , « pétulante« , disais-je…  _ du cher Christian Zacharias (en 17′ 39″ _ contre les 28′ de Jean Rondeau : une différence considérable… _) sur un Steinway Concert Grand Piano D. 1901, en son récent très réussi CD « Haydn Sonatas » MDG 940 2257-6cf mon article du 31 janvier dernier : « « 

Quelle interprétation de Jean Rondeau en tout ce CD « Gradus ad Parnassum » ! Quel jeu !!! quelles délices !

Un pur ravissement de musicalité… Et cela grâce au clavecin, mais oui !

Une fête qui nous comble !!!

Une absolue révélation musicale, donc, par ce très évident CD !

Ce jeudi 2 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Intense admiration envers Georges Lambrichs, à l’issue de ma lecture du portrait de l’homme et son oeuvre (dont surtout « Le Chemin »..) que vient d’en tracer Arnaud Villanova en « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs », aux Editions Gallimard

20fév

C’est une intense très vive admiration,

tant à l’égard de l’homme _ « d’une entière droiture et d’une noblesse rare« , dixit parfaitement Jean Paulhan, comme il est rapporté à la page 107, du merveilleux chapitre (pages 104 à 120), intitulé « Le collectionneur«  _ Georges Lambrichs (Saint-Josse-ten-Noode, 5 juillet 1917 – Paris, 9 février 1992)

qu’à l’égard de son œuvre d’éditeur

(dont tout particulièrement _ principalement, mais pas exclusivement _ la formidable collection « Le Chemin« , qu’il fonde _ cf à la page 107 : « Gaston accepte finalement, poussé par son fils Claude et « un peu à titre de compensation » – pour ne pas, pas encore, avoir accepté de l’intégrer au comité de direction du mardi des Éditions Gallimard, que Georges crée la sa collection « Le Chemin » » _, au sein des Éditions Gallimard, au mois de septembre 1959),

un éditeur si magnifiquement perspicace et extraordinairement fin _ et animateur profond (et convivial aussi, et même festif, et c’est très important : possiblement un trait de belgitude… – et c’est ce que m’avait répondu, à Saint-Émilion, l’ami Pascal Chabot, me présentant un de ses amis, bruxellois lui aussi, et éminemment sympathique, à ma question : à quoi tenait ce degré frappant de sympathie chaleureuse qui m’impressionnait en eux : « la belgitude !« , m’avait-il, avec son immense sourire, immédiatement répondu alors ! – ; cf, ce passage, aux page 143-144, dans le chapitre « Les Cahiers du Chemin«  : « Pour orienter ses Cahiers dans le sens de la discussion dont Georges Lambrichs apprécie tant la fécondité des surprises !, Georges a l’idée de ritualiser les rencontres entre écrivains. Il se souvient des bistrots de la Grand-Place de Bruxelles _ voilà ! et Georges Lambrichs est éminemment sensible à la qualité singulière des « ambiances«  ; le mot revient à diverses reprises dans ce livre très fouillé et si riche d’Arnaud Villanova… _où se mêlent les paroles et la rumeur, il voit depuis quelques années les bienfaits et la force _ voilà ! _ des déjeuners Chez Alexandre ou au café de l’Espérance, alors il se dit, allons-y, formalisons l’informel, embrassons notre liberté – et c’est là aussi un trait absolument décisif de la personnalité de Georges Lambrichs – finalement acquise. Dès 1967, sa femme Gilberte et lui décident désormais de recevoir chez eux, tous les mercredis, pour un déjeuner écho de la collection et de sa revue, c’est-à-dire sans cloison, sans préséance ni préjugé, simplement pour les discussions et les occasions de rencontres et ce qui va en surgir. Le principe est simple, Gilberte prépare un plat de pâtes à la tomate, les invités apportent le vin, et la table est grande ouverte. Il y a un noyau d’habitués bien entendu, les Parisiens, et d’autres qui ne le sont pas, mais viennent de temps en temps, quand ils sont là, « tiens, untel est à Paris, proposons-lui de venir mercredi. (…) On se parlait, la parole voyageait (…) On paraissait tous revenir de voyage. Écrire, n’est-ce pas toujours voyager par poïesis !… en soi ? »« …) de la vie littéraire de la seconde partie du XXe siècle en France _,

que je ressens à la lecture, ce jour, du passionnant travail d’enquête à lui _ et son œuvre surtout d’éditeur _ consacré par Arnaud Villanova en ce très riche, vaste et profond « Le Chemin continue _ Biographie de Georges Lambrichs » _ après, notamment, de très éclairants entretiens remarquablement fouillés avec J.M.G. La Clézio, Jean-Marie Laclavetine, Nathalie Lambrichs, Louise Lambrichs, Colette Lambrichs, Gérard Macé, Erik Orsenna, Claire Paulhan et Jacques Réda (ainsi que Arnaud Villanova  prend soin de le marquer en ses « Remerciements«  d’auteur à la page 18 de son livre)qui vient tout juste de paraître aux Éditions Gallimard le 16 février dernier _ ainsi que m’en avait avisé le 1er février dernier l’ami Pierre Coutelle alors que je lui parlais de l’« Ut musica, ut poiesis » de Michel Deguy (avec Bénédicte Gorrillot), que fait paraître, le 6 juin à venir, en ses Éditions du Canoë, Colette Lambrichs, la propre nièce, justement, de Georges Lambrichs, comme je l’ai appris alors à Pierre.

Et le 20 mai 2014, c’était à la Librairie Mollat, et à propos de l’œuvre d’Imre Kertész, que j’avais rencontré Nathalie Georges-Lambrichs, la fille aînée de Georges, venue présenter un travail collectif intitulé « L’Homme Kertész : variations psychanalytiques sur le passage d’un siècle à un autre » ; et nous avions immédiatement sympathisé

Ce dimanche 19 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une comparaison discographique de Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : le Bach revigoré et proprement jubilatoire de Francesco Corti et il pomo d’oro…

17fév

À propos du tout à fait remarquable _ et déjà remarqué ici même au mois d’août dernier _ percutant CD « Bach Harpsichord Concertos III » par Francesco Corti, Andrea Buccarella et le décidément toujours magnifique il pomo d’oro,

voici que paraît cet intéressant article, en date d’hier 16 février 2023, sous la plume de Christophe Steyne sur le site de Crescendo : « Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : trois nouvelles parutions« ,

qui me paraît à confronter à mon article du 20 août 2022 sur ce même CD : « « …

Concertos et double concertos pour clavecin de Bach : trois nouvelles parutions

LE 16 FÉVRIER 2023 par Christophe Steyne

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour clavecin no 3 en ré majeur BWV 1054, no 4 en la majeur BWV 1055, no 6 en fa majeur BWV 1057, no 7 en sol mineur BWV 1058.

Masato Suzuki, clavecin. Bach Collegium Japan.

Andreas Böhlen, Kenichi Mizuuchi, flûtes à bec. Natsumi Wakamatsu, Azumi Takada, violon. Yukie Yamaguchi, alto. Toru yamamoto, violoncelle. Seiji Nishizawa, violone.

Juillet 2019. Livret en anglais. TT 60’05.  BIS-2481

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour clavecin no 2 en mi majeur BWV 1053, no 4 en la majeur BWV 1055. Concertos pour violon en la mineur BWV 1041. Concerto pour deux clavecins en ut mineur BWV 1062.

Mario Sarrechia, Bart Naessens, clavecin.

Sara Kuijken, violon solo.

Sigiswald Kuijken, violon, violoncello da spalla, direction.

La Petite Bande. Yun Kim, violon. Marleen Thiers, alto. Edouard Catalàn, basse de violon.

Octobre 2021. Livret en anglais, français, allemand. TT 62’39. Accent ACC 24385

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour deux clavecins en ut mineur, ut majeur, ut mineur BWV 1060-1062. Concerto pour clavecin, hautbois et cordes en ré mineur BWV 1059 [reconstruction F. Corti].

Francesco Corti, Andrea Buccarella, clavecin. Emmanuel Laporte, hautbois.

Ensemble Il Pomo d’Oro.

Avril 2021. Livret en anglais. TT 55’48. Pentatone PTC 5186 966

Au sein d’une discographie déjà abondante, l’actualité s’enrichit de trois nouvelles parutions consacrées aux concertos pour un ou deux clavecins. Affichant chacune un accompagnement réduit à un pupitre par partie, pour des effets au demeurant très contrastés selon l’esthétique qui se dégage de chaque album. Après un album de concertos à deux clavecins par Suzuki père et fils admiré par Ayrton Desimpelaere voilà huit ans, après un premier volume de concertos pour un seul clavecin (dont une reconstruction du BWV 1059), Masato et le Collegium Japan reviennent boucler l’intégrale des BWV 1052-1058. Dont celui décalqué du quatrième Brandebourgeois, ici superbement servi par les flûtes d’Andreas Böhlen et Kenichi Mizuuchi. On retrouve le même instrument à deux claviers (Kroesbergen, 1987, d’après Couchet), on retrouve le même accompagnement aminci, que la captation reproduit avec un relief et une densité qui remplument un peu la lésine des effectifs, au prix d’une certaine dureté et d’une image frontale.

On retrouve aussi le même genre d’interprétation radiographique, qui comblera les amateurs de lisibilité, de recto tono. Les mouvements vifs brillent comme un cristal aux arêtes pures, mais dépourvu de la moindre chaleur, de la moindre souplesse d’influx. Un usinage sidérurgique. Alors que dire des mouvements lents ?, d’une glabre et réfrigérante géométrie, désertés de tout affect, raclés à l’os. Suspecterait-on jamais l’Adagio e piano sempre de pouvoir flotter aussi impassiblement, tel un bloc de banquise dans un océan glacé ? Les oreilles avides d’un littéralisme élagué se rappelleront la phrase de Saint-Exupéry (Terre des hommes) : « il semble que la perfection soit atteinte, non quand il n’y a plus rien à ajouter mais quand il n’y a plus rien à retrancher ». Du territoire expressif visité par ces opus, ne reste-t-il pourtant qu’un cadastre piqué à la machine à coudre ?, se demanderont en revanche les contempteurs de cette approche digne d’un scanner.

Les déterminants de l’empathie ne se réduisent pas à l’arithmétique. L’émotion ne s’indexe pas sur la taille. Chez le label Accent, le même effectif d’archets (au plus, un quintette) manifeste une entropie supérieure à l’interprétation nipponne, mais aussi un net surcroît de chaleur communiquée à l’auditeur. Application du principe thermodynamique de conservation d’énergie ? À comparer le BWV 1055, les allegros ne sont pas moins animés avec l’équipe de Kuijken, mais le larghetto respire bien plus aisément. La malléabilité des cordes exsude un coloris et une saveur que nous ne percevions guère autour de Masato Suzuki. Toujours est-il que le mélomane devra adhérer à ce giron plutôt qu’un véritable orchestre, et accepter de souscrire à l’avis de Sigiswald Kuijken (« tous ses concertos appartiennent au genre de la musique de chambre ») au sein d’une notice à l’argumentaire partial. Laquelle explique aussi (pas très clairement) le recours à un violoncello da spalla pour le BWV 1062 (erronément répertorié comme BWV 1061 dans le tracklisting).

Côté solistes, on apprécie le tempérament de Sara Kuijken, aux phrasés étudiés qui déjouent les évidences (remarquable élasticité dans l’allegro assai) quitte à paraître parfois mal assurée. On salue le jeu fin et sensible de Mario Sarrechia, son articulation lubrifiée, son propos juste et soupesé (comme le final du BWV 1053 pétille sainement !). Le brillant alumnus des Conservatoires d’Anvers et Amsterdam est rejoint par Bart Naessens dans un tandem là encore parfaitement ciselé. Ce CD s’annonce comme premier volume d’une trilogie qui, outre les six concertos pour clavecin soliste (sans le BWV 1058 ?), compte rassembler à terme les trois doubles concertos pour clavecins, le double concerto pour violons, et les deux concertos pour violon

On mesure toutefois ce que l’interprétation du BWV 1062 concluant le disque Accent avait de prudente quand on sursaute _ avec jubilation ! _ à l’écoute du même concerto, qui fait irruption au début de l’album Pentatone. Le premier volume de l’intégrale des concertos solistes par Francesco Corti avait enthousiasmé notre plume et notre magazine _ et moi aussi !!! cf mon article du 21 mai 2022 : « «  _, qui le récompensait d’un Joker Millésime distinguant les douze meilleurs enregistrements de l’année 2020 ! Le livret invoquait un continuo attesté pour le BWV 1055, plaidant pour plusieurs archets par partie (3/3/2/1/1), extrapolés aux trois autres concertos de ce tome I. Nous voici ici cependant revenus à un équipage congru, mais valeureux par ses individualités : Evgeny Sviridov et Anna Dimitrieva aux violons, Stefano Marcocchi, à l’alto, Catherine Jones au violoncelle, Paolo Zuccheri au violone.

Codicille à cette série BWV 1052-1058, on nous offre ici le BWV 1059, inachevé par Bach mais complété par Francesco Corti (en s’inspirant des airs de la cantate Geist und Seele wird verwirret), comme Gustav Leonhardt l’avait osé en son temps (et gravé en 1960 sous étiquette Das Alte Werk), ainsi que d’autres tel Suzuki que nous évoquions ci-dessus. Tous les détails de cette intéressante (et très conjecturale) reconstruction sont honnêtement présentés dans le livret qui renseignera dûment les anglophones.

L’interprétation des quatre concertos affiche une vigueur peu commune, presque militante _ oui, oui… _, aiguisant les rythmes et affutant les tempos, poussant les partitions dans leurs retranchements. Y compris dans les andante et adagios, concentrés comme des instants paraboliques, resserrés d’un geste unificateur qui révoque la nuance, certes. Que dira-t-on alors des mouvements vifs ?! C’est musclé, parfois chahutant, souvent étourdissant, toujours stimulant _ pour notre jubilation ! Même combat que dans le disque de Masato Suzuki ? Du moins, la physionomie diffère, voire les enjeux : là dominait une impression de sécheresse, ici triomphe la force, tout aussi brute peut-être mais mieux hydratée, et qui n’oblitère pas l’éloquence. La démonstration intimide toutefois. On souhaiterait que la motorisation poussée à fond les manettes réintroduise quelque subtilité _ quant à moi, je me régale et y trouve le portrait le plus idoine que je me fais du puissant père Bach…

On saluera la virile découpe que les deux violonistes russes inculquent au tracé, et le non moindre élan que les cordes graves impulsent à la motricité. Andrea Buccarella partage la même pugnacité que son compatriote. Deux clavecins faits par Andrea Restelli d’après le « Christian Vater 1738 » de Hanovre sont les complices de cette lecture aussi radicale qu’incendiaire _ voilà. On s’enflamme ! La conduite est magistralement, autoritairement, impeccablement gérée. Irrésistible, mais désarçonnant, verrouillez votre ceinture ! _ et décollez !

BIS = Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 6

Accent = Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9

Pentatone = Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

C’est bien intéressant !

Ce vendredi 17 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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