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Francesco Piemontesi une fois encore au sommet : en un magistral double album Pentatone « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata » _ ou la perfection de l’interprétation la plus subtilement incarnée d’un immense compositeur…

19sept

Le merveilleux pianiste Francesco Piemontesi _ né à Locarno le 7 juillet 1983  _ nous conduit à nouveau au sommet en un magique magistral double album Pentatone PTC 5187 052 « Liszt Transcendantal Etudes & Piano Sonata« , enregistré à Lugano en avril-mai 2021,

et tout juste paru le 1er septembre dernier…

Les titres de mes 6 précédents articles sur le génie _ mais oui ! _ d’interprétation de Francesco Piemontesi témoignent de ma constante superlative admiration pour son piano, dans Mozart, Schubert, comme Liszt _ et aussi Debussy _ :

_ le 26 décembre 2018 : «  » ;

_ Le 6 juin 2019 : «  » ;

_ le 27 juin 2019 : «  » ;

_ le 25 septembre 2019 : «  » ;

_ le 29 octobre 2019 : «  » ;

_ et le 24 octobre 2020 : «  » ;

C’est l’article de Jean Lacroix, très justement intitulé « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , paru avant-hier 17 septembre, sur le site de Crescendo, qui m’a appris l’existence _ ignorée jusqu’alors ! _ de ce double CD publié par l’excellent label Pentatone ; et m’a fait me précipiter chez mon disquaire préféré  pour me le procurer _ ce double CD « Liszt – Transcendantal Etudes & Piano Sonata – Francesco Piemontesi«  du label Pentatone, d’ailleurs, ne se trouvait pas sur la table des nouveautés, mais était tout simplement rangé, et en tête, sur une étagère au rayon « Liszt«  ; je n’ai donc pas eu de peine à le dénicher…

Voici donc cet article efficace et très juste, « Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source« , de Jean Lacroix :

Franz Liszt et Francesco Piemontesi : des affinités qui coulent de source

LE 17 SEPTEMBRE 2023 par Jean Lacroix

Franz Liszt (1811-1886) :

Études d’exécution transcendante S. 139 ; Sonate pour piano en si mineur S. 178.

Francesco Piemontesi, piano. 2021.

Notice en anglais et en allemand.

96.00.

Un album de deux CD Pentatone PTC 5187 052.

Depuis sa troisième place au Concours Reine Elisabeth 2007, remporté cette année-là par Anna Vinnitskaya, le pianiste suisse Francesco Piemontesi (°1983) a fait son chemin, ô combien ! Né à Locarno, il a étudié à Hanovre avec Arie Vardi, mais a aussi pu travailler avec Alfred Brendel, Murray Perahia ou Alexis Weissenberg. Crescendo a suivi son parcours de façon régulière (lire l’entretien avec Pierre-Jean Tribot du 21 octobre 2020 _ publié sous le titre « Francesco Piemontesi, pianiste réflexif et discophile« … _). Piemontesi a enregistré pour plusieurs labels (Avanti, Naïve, Claves), notamment des pages de Mozart, Debussy, Dvořak ou Schumann. Pour Pentatone, il a gravé des œuvres de Schubert, un « Bach Nostalghia », ou un programme qui regroupait Schoenberg, Messiaen et Ravel. Avec ce dernier label, il prolonge son exploration du répertoire de Liszt, entamée avec brio pour Orfeo en 2017 _ cf mes propres articles des 26 décembre 2018 et 6 et 27 juin 2019 auxquels je viens de donner ci-dessus les liens… _ par les deux premières Années de pèlerinage et Deux Légendes, deux albums élégants agrémentés par des DVD, dont un documentaire aux superbes images, signé par Bruno Monsaingeon. Le nouveau programme Pentatone est non seulement alléchant, il est aussi audacieux.

La genèse des Études d’exécution transcendante s’étend sur près de vingt-cinq ans, cinq lustres au cours desquels, au fil du temps, Liszt a creusé la technique, fait des choix et insisté sur le développement. La vision aboutit en 1851 à un résultat fascinant : ces douze pages sont devenues un redoutable exercice de virtuosité, nourri du bagage littéraire et poétique que le génie hongrois du piano a accumulé. Tout ici est de haut vol _ et pas seulementent l’exécution qu’a en donner l’interprète… _, des frénétiques et mystérieux Feux follets (n° 5), à une valeureuse Chasse sauvage (n° 8) aux rythmes syncopés, ou encore, aux Harmonies du soir (n° 11). C’est l’étude la plus célèbre du recueil, une véritable incarnation poétique remplie de paix, de bonheur spirituel, de cohérence contemplative qui fait penser à la plénitude lamartinienne ; une musique d’une grande pureté _ voilà. On n’oubliera pas non plus la quatrième étude, Mazeppa, dédicacée à Victor Hugo, magistrale _ oui _ évocation d’un poème des Orientales ; très dramatique, c’est la substance du futur poème symphonique du même titre, et d’une version pour deux pianos et à quatre mains. Avant la découverte de l’ensemble sous les doigts de Piemontesi, il faut aller en plage 11 du premier disque et s’enivrer de ces Harmonies du soir pour se persuader que le pianiste suisse, technicien impeccable, possède le sens de la couleur, la fluidité des accents habités, l’élégance généreuse et la capacité expressive, le tout mêlé à une concentration de jeu phénoménale _ tout cela est de la plus haute justesse.

En 1964, lorsqu’il écrivait sa biographie sur Liszt pour les éditions Seghers (n° 5 de la collection « Musiciens de tous les temps »), Alfred Leroy avait souligné à quel point les Études d’exécution transcendante sont redoutables pour ceux qui s’affrontent à ce monument d’une durée dépassant l’heure : Elles doivent être exécutées avec un art fait de sensibilité, de nuances, de demi-teintes habilement ménagées, de grandioses orchestrations et de colorations délicates. Point d’acrobaties spectaculaires et vaines, point d’inutiles et fausses apparences, mais une pénétration de tout ce que ces Études enclosent de raffinement et de subtilité _ oui. À cette ligne directrice, qui convient tout à fait _ parfaitement _ à la vision de Piemontesi, le musicologue aurait pu ajouter, s’il avait connu le Suisse, des qualités qui sont les siennes : l’art des contrastes qui apparaît dès le Prélude et le Molto vivace qui suit, le dépouillement tendre ou rêveur _ c’est là un trait de jeu très présent chez ce subtil et magistral interprète _ qui parcourt le Paysage (n° 3) ou la Vision (n° 6), l’atmosphère entre ombre et lumières, proche de l’improvisation _ oui _, qui saupoudre la Ricordanza (n° 9). Piemontesi invite l’auditeur à un parcours exaltant, avec un piano très présent, capté à Lugano au printemps 2021 dans l’Auditorium Stelio Molo de la Radio Suisse Italienne (RSI). Lorsque le voyage s’achève sur le Chasse-neige, ce tableau d’un lyrisme si parfait qui marque la fin d’une aventure vécue intensément avec un artiste à la sensibilité épanouie _ oui ! _, on éprouve une vraie tristesse à le quitter… On n’oublie pas les versions déjà historiques de Claudio Arrau, Lazar Berman, Alfred Brendel ou György Cziffra, pour ne citer qu’elles, ni des signatures plus récentes, celles de Bertrand Chamayou, Marie-Claire Le Guay, Vesselin Stanev ou Gabriel Stern. Mais la vision de Francesco Piemontesi ne peut que susciter d’absolus éloges _ parfaitement ! Notre plaisir d’écoute est de cette hauteur d’intimité et grandeur à la fois…

Autre monument, autre réussite, la Sonate en si mineur, achevée à Weimar le 2 février 1853, qui occupe seule le deuxième disque _ écouter et regarder aussi cette superbe prise vidéo (d’une durée de 29′ 35) de Francesco Piemontesi interprétant cette célèbre Sonate en si mineur en concert à Prague le 1er novembre 2020, au magnifique Rudolfinum ; le double CD Pentatone, lui, a été enregistré, 6 mois plus tard, à l’Auditorio Stelio Molo de la Radiotelevisione Svizzera (RSI) à Lugano en avril et mai 2021… La dimension introvertie _ assez stupéfiante ! _ avec laquelle Piemontesi entame _ et l’oreille et le goût doivent aussitôt s’y adapter !.. _ ce long propos met en place une architecture qui va peu à peu _ oui _ installer un climat où la virtuosité, la véhémence, la dynamique et la netteté _ elle est très importante, et m’enchante dans le jeu d’interprète ultra-exigeant envers le respect le plus grand de la partition qui est celui de Francesco Piemontesi… _ vont s’imposer. Cette musique à couper le souffle _ en effet _ prend sous les doigts du pianiste suisse un caractère qui allie la sidérante beauté plastique _ voilà _ imaginée par le génie lisztien à une tension qui ne se relâche pas _ voilà. Ce piano peut se nimber d’une grande pudeur _ oui, et tendresse _, comme se réclamer d’un appel à une dimension grandiose _ vers le sublime _ au sein de laquelle la démesure _ aussi _ se laisse libre cours. Mais Piemontesi n’oublie jamais, et c’est en cela qu’il nous séduit, de veiller à conserver une sonorité qui sait combiner le murmure (Andante sostenuto) à une intense réflexion _ oui. Il manie les plans sonores avec une habile science des contrastes _ jamais artificielle ni poussée _ et une noble sensibilité _ c’est essentiel ! _, qui va conclure la sonate comme si elle s’effaçait, à la manière d’un baisser de rideau.

Ici aussi, la discographie est riche. On chérit les grandes réussites d’Argerich, Arrau, Brendel, Cziffra, Horowitz et ses sorcelleries, Pogorelich, Pollini, Richter, Rubinstein trop oublié, Zimerman… Mais on s’attarde aussi à de plus proches de nous : Colom _ cet immense pianiste catalan que j’apprécie énormément (c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir et adorer la merveilleuse musique à nulle autre pareille de Manuel Blasco de Nebra ; et écouter un Mompou aussi beau qu’interprété par Federico Mompou lui-même : cf notamment mon article « «  du 23 avril 2022…) _, Dalberto, Grosvenor, Hamelin, Hough ou Yundi Li. Francesco Piemontesi rejoint cette pléiade qualitative en servant _ voilà ! _ Liszt avec toute la passion et la grandeur qu’il mérite. Pour la petite histoire, on signalera que la notice de ce superbe _ oui, oui, oui _ double album est signée par Nike Wagner, arrière-arrière-petite-fille de Liszt et fille de Wieland Wagner _ en effet.

Son : 9  Notice : 7  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

À nouveau,

une merveilleuse et indispensable réalisation discographique du décidément parfait, chaque fois, Francesco Piemontesi.

Ce mardi 19 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

A nouveau à propos de la « Musica callada » de Federico Mompou par Stephen Hough, un très détaillé et judicieux point de vue pour une splendide réussite discographique, et un CD nécessaire, après et avec ceux de Federico Mompou lui-même et la magnifique Josep Colom (le re-découvreur-interprète de l’extraordinaire Manuel Blasco de Nebra)…

21mar

À nouveau à propos de la sublime « Musica callada » de Federico Mompou interprétée ici par Stephen Hough _ soit le récent CD Hyperion CDA68362 _,

et suite à mes deux articles des 11 février «  » et 15 février derniers, 2023, « « ,

voici ce jour un très détaillé et judicieux point de vue de Jean Lacroix, paru hier lundi 20 mars sur le site de Crescendo, intitulé « Les sonorités de l’évaporation pour la Musica callada » :

Les sonorités de l’évaporation pour la Música callada 

LE 20 MARS 2023 par Jean Lacroix

Federico Mompou (1893-1987) : Música callada. Stephen Hough, piano. 2020. Notice en anglais, en français et en allemand. 68.40. Hyperion CDA68362.

Il est assez difficile de traduire et d’exprimer le vrai sens de Música Callada dans une langue autre que l’espagnol. Le grand poète mystique, san Juan de la Cruz, chante dans une de ses plus belles poésies : la música callada, la soledad sonora, cherchant à exprimer ainsi l’idée d’une musique qui serait la voix même du silence _ voilà. La musique gardant pour soi sa voix callada, c’est-à-dire qui « se tait » _ tue _ pendant que la solitude se fait musique. Ces propos de Federico Mompou _ i Dencausse (c’est là le nom de sa mère), Barcelone, 16 avril 1893 – Barcelone, 30 juin 1987 _ sont cités par Jérôme Bastianelli dans la biographie qu’il consacre au compositeur barcelonais (Actes Sud, 2021, p. 129 – nous avons présenté ce livre le 4 mai 2021). Ces quatre cahiers pour piano, dont la composition s’étend de 1951 à 1967, inspirés donc par les écrits de saint Jean de la Croix, sont une expérience esthétique à la fois spirituelle, pour ne pas dire métaphysique, mais surtout destinée, toujours selon les dires de leur créateur, à pénétrer les grandes profondeurs de notre âme. C’est en tout cas un motif de fascination, un modèle de simplicité austère _ sobre, minimale _ et chaleureuse en même temps, qui plonge l’auditeur dans un univers où l’économie de moyens est d’une rare efficacité.

Les interprètes qui se sont penchés sur la partition ont bien compris la portée de ces miniatures, dont la durée ne dépasse jamais les quatre minutes, la plus courte, la huitième du premier « cuaderno », Semplice, se contentant même de quarante-cinq secondes. Si la dédicataire du quatrième cahier, Alicia de Larrocha, n’a laissé que ce témoignage partiel pour Decca, si Arcadi Volodos _ un interprète qui ne m’agrée pas : ni sobre, ni chaleureux… _ n’a gravé que des extraits de l’ensemble (Sony, 2018), d’autres se sont lancés dans l’intégrale, souvent avec bonheur. C’est le cas de Remei Cortes Ayats (Pavane, 2002), Jordi Masó (Naxos, 2002), Josep Colom (Mandala, 2002) _ parfait ! Et c’est Josep Colom qui m’a fait découvrir (et largement partager !) cet extraordinaire compositeur qu’est Manuel Blasco de Nebra (Séville, 2 mai 1750 – Séville, 12 septembre 1784) avec son prodigieux CD Mandala 4847 : écoutez ici ! ; cf mon article du 10 avril 2020 : « «  _, Martin Jones (Nimbus, 2004), Steffen Schleiermacher (MDG, 2013) ou Lily Gregorian (Orchid Classics, 2021). Récemment, notre compatriote Thérèse Malengreau (Soupir, 2022) a prouvé son affinité profonde avec Mompou. Jean-François Heisser en a fait un audio-livre pour Actes Sud en 2013, d’une superbe tenue. Quant au compositeur _ LA référence, forcément : magnifique !.. _, il a lui-même enregistré sa version en 1974, dans un style librement contemplatif et proche de l’improvisation _ comme cela doit être toujours, et sans nulle exception, jamais, le cas…. On la retrouve dans un _ indispensable _ coffret Brilliant de 4 CD (2009) qui contient, sous ses doigts, ses œuvres complètes pour piano.

Le pianiste britannique Stephen Hough (°1961) a déjà enregistré un album de Mompou, salué par la critique, contenant une variété de petites pièces. C’était en 1997 ; près de vingt-cinq ans plus tard, à Londres, du 22 au 24 octobre 2020, il s’est penché sur les quatre cahiers de Música callada. On connaît les qualités stylistiques de ce défricheur de pages peu fréquentées, son souci de clarté _ oui _ et sa capacité à créer des univers adaptés aux spécificités _ voilà, les idiosyncrasies… _ des compositeurs qu’il aborde. Dans la notice signée par le critique musical Philip Clark, ce dernier rappelle que Stephen Hough a, un jour, évoqué les sonorités de Mompou comme représentant « la musique de l’évaporation », jolie formule qui définit bien l’essence créative de cet univers ibérique _ catalan, en fait ! lui dont la mère était bigourdane, sur l’autre versant des Pyrénées… _ très original, qui amène aussi à se poser la question suivante : comment devons-nous écouter une musique qui cherche désespérément à ne pas être là ? Le virtuose y répond de manière sensible, sans pathos, sans introspection déplacée _ comme de nécessaire ! _, sans écarter la part d’atmosphère mystique que l’on peut y déceler, mais avec pudeur et franche simplicité _ voilà, voilà ! _, dans un son souvent cristallin qui apporte de la lumière nuancée et du raffinement _ à la Cantico, ce chef d’œuvre (1936, 1944, 1951) du poète Jorge Guillen (Valladolid, 18 janvier 1893 – Malaga, 6 février 1984) ; rappelons que les 4 livres de Musica callada sont, eux, de 1959, 1962, 1965 et 1967 : Mompou (1893 – 1987) et Guillen (1893 – 1984) sont de très exacts contemporains… _, même dans les pages les plus émaciées.

Il faut s’imprégner des vingt-huit pièces de Música callada et de leur lecture par le guide à la fois secret et ouvert qu’est Stephen Hough. Il n’oublie pas qu’en ce qui concerne Mompou, on peut évoquer des réminiscences de Chopin, mais aussi le situer entre les univers d’Erik Satie et de John Cage _ ce que sait très discrètement faire Stephen Hough. Car le souci de la concision, qui va jusqu’à ce qui est inexprimé derrière la musique, ouvre les portes du silence qui est à l’intérieur même des notes. Il faudrait disséquer chaque feuillet de ce magnifique panorama pour saisir toute la richesse magnétique que Stephen Hough met en évidence _ oui. Citons en tout cas le premier, Angelico, qui installe le mystère, le troisième, Placide, où pointe une forme de gaieté, le cinquième, avec ses rappels des cloches de l’enfance, le septième, un Lento mélancolique ou le onzième, un Allegretto appuyé. Mais encore le quinzième, Lento. Plaintif, où Chopin est invité en filigrane, le dix-huitième, Luminoso, qui porte bien son nom, le vingt-deuxième, Molto lento e tranquillo, infiniment douloureux, ou le vingt-huitième, ce Lento qui clôt ces inclassables cahiers par une lumineuse percée d’espoir.

Stephen Hough signe une approche à la fois dense et épurée _ oui, moderne _, que chacun pourra appréhender selon sa propre sensibilité. C’est sans doute ce qui fait la qualité intrinsèque d’une interprétation qui se révèle pleine de questions en raison de la vie intérieure qui s’en dégage. Comme le dit Philip Clark, la musique n’a aucune emprise sur vous. À la place, elle force les auditeurs à réfléchir à leurs propres relations avec les sons, à la manière dont le son peut affecter leur propre solitude. Mais aussi, ajoutons-le, la part de secret et d’intimité qui est essentielle à chacun d’entre nous. Cet album, à marquer d’une pierre blanche _ oui : il a touché le mélomane fidèle que je suis et à Josep Colom, et à Federico Mompou lui-même… _, vient se placer tout en haut d’une riche discographie.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Un CD nécessaire.

Ce mardi 21 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ré-écouter de Frederic Mompou (1893 – 1987) les quatre « Cuadernos » (1959, 1962, 1965 et 1967) de sa sublime « Musica callada »… Et le génie de l’interprétation du merveilleux Josep Colom…

23avr

De l’extraordinaire Frederic Mompou (Barcelone, 13 avril 1893 – Barcelone, 30 juin 1987),

le couronnement de l’œuvre si singulier _ et si profondément émouvant, en sa lumineuse sobriété _,

est probablement réalisé par les quatre « Cuadernos » (de 1959, 1962, et 1967) _ en vingt-huit (9 + 7 + 5 + 7) pièces brèves… _, de sa prodigieuse « Musica callada » _ sous l’inspiration fulgurante du « Cantique spirituel entre l’âme et le Christ, son époux«  de Saint-Jean-de-la-Croix (1542 – 1591).

J’en étais jusqu’ici resté aux interprétations magiques, d’abord de Frederic Mompou lui-même, enregistrées en 1974 au Casino de l’Alianca del Poblenou, disponibles au sein d’un coffret de 4 CDs Brilliant 6515 ;

mais aussi du magnifique pianiste catalan _ lui aussi _ Josep Colom _ né à Barcelone le 11 janvier 1947 _, enregistrées en décembre 1991 et février, mars et juin 1992, disponibles au sein d’un coffret de 4 CDs Mandala MAN 5021/24…

Or voici que je m’aperçois qu’est assez récemment paru un nouveau CD de cette sublimissime « Musica callada« , par ce même Josep Colom, cette fois enregistrée les 16 et 17 avril 2019, à l’Auditorio de Zaragoza, publié pour le label Eudora, le CD Eudora SACD 2101.

Sur l’œuvre si singulière et si intensément vibrante et touchante, en sa terrible discrétion, de Mompou,

je ne veux surtout pas manquer de renvoyer ici au merveilleux « Le Message de Mompou » de Vladimir Jankélévitch,

aux pages 157 à 172, de son excellentissime « La Présence lointaine _ Albeniz, Séverac, Mompou » paru en 1983 aux Éditions du Seuil, et qui vient de reparaître, le 12 mai 2021, en Points-Seuil…

Une finesse d’analyse d’une justesse indispensable !

Et à propos de cet admirable interprète qu’est décidément Josep Colom,

il me faut ajouter que c’est lui qui, en 1995, m’a fait découvrir _ en une écoute impromptue absolument émerveillée sur mon auto-radio, sur la route en partant au travail, d’une émission de France-Musique qui diffusait un extrait de cette musique, dont je n’avais hélas pas perçu le nom du compositeur, qu’il m’avait ensuite fallu rechercher ; et que j’avais heureusement trouvé alors ! Et j’avais donc pu commander ce CD à ma chère libraie Mollat ; et Vincent Dourthe ne l’a pas oublié !… _, ce tout à fait extraordinaire compositeur, si singulier, lui aussi, qu’est Manuel Blasco de Nebra (1730 – 1784).

Ce qui, consécutivement, a aussi fait de la librairie Mollat _ et sur une très longue durée : tant que ce stupéfiant CD a été distribué et disponible… _, le meilleur vendeur en France de ce magistral CD _ écoutez-le ici ! Il est miraculeux de poésie… _ des « Pièces pour clavier » de Manuel Blasco de Nebra par Josep Colom, enregistré à Paris en 1995, le CD Mandala MAN 4847 :

tellement la diffusion au magasin du moindre extrait de cette merveilleuse musique sur la platine du magasin, avait pour immédiat effet (de séduction !) de déclencher l’achat, ou la commande, de ce CD par quiconque l’entendait et l’écoutait et tombait sous son charme si prenant…

Le charme idéalement conjugué de la rencontre enregistrée de l’œuvre du compositeur, Manuel Blasco de Nebra, et de son interprète ici, le tout simplement merveilleux Josep Colom !

Cf, dans la série de mes articles consacrés à des »musiques de joie » _ durant la période de confinement de la pandémie de Covid _mon article du 10 avril 2020, qui s’en faisait l’écho toujours ébloui :

« « …

Cette « quintessence acérée et voluptueuse de l’intime« , écrivais-je ce jour-là,

et alors que j’ignorais, et pour cause, les formulations si heureuses, de cet extraordinaire si juste « écouteur de musique« , qu’est l’incomparable Vladimir Jankélévitch…

De Manuel Blasco de Nebra (1730 – 1784) à Frederic Mompou ()1893 – 1987),

l’interprète splendide qu’est Josep Colom (1947) est bien le plus magique passeur…

Écoutez et ré-écoutez pour votre propre joie la joie rayonnante et discrète que l’interprétation, en ces CDs _ tant de Frederic Mompou, par deux fois, en 1991-92 et 2019, que de Manuel Blasco de Nebra, en 1995 _ de Josep Colom, nous donne si généreusement à recevoir et partager…

Ce samedi 23 avril 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la merveille absolue et irrésistible des Sonatas de Manuel Blasco de Nebra, par Josep Colom

10avr

Passer de Carl Philipp Emanuel Bach

(Weimar, 8 mars 1714 – Hambourg, 14 décembre 1788)

à Manuel Blasco de Nebra

(Séville, 2 mai 1730, ou 50 ? – Séville, 12 septembre 1784)

n’a rien, musicalement, d’incongru

_ cf cet article de Pablo J. Vayon dans le Diario de Sevilla du 24 Avril 2010, en commentaire du CD Manuel Blasco de Nebra de Javier Perianes : « Más cercana a la música galante de un Carl Philipp Emanuel Bach que a la de un Scarlatti, del que sin duda toma también buena nota, las Sonatas de Blasco se dividen en dos tiempos (lento-rápido) y juegan ya con principios formales y armónicos (la tensión tónica-dominante) característicos del Clasicismo, mientras que las Pastorelas añaden un minueto como tercer movimiento. Josep Colom grabó ya una supuesta integral del compositor (Etnos) y recientemente, después de trabajos con instrumentos antiguos de Tony Millán (Almaviva) y Carole Cerasi (Metronome), Pedro Casals (Naxos) y el sevillano Pedro Piquero (Columna Música) han iniciado otras integrales« … _ ;

non plus que d’associer la musique de ses Sonatas (en 2 mouvements)

à celles des 555 Sonatas (en 2 mouvements, elles aussi) de son contemporain, aussi, mais en Espagne, lui,

Domenico Scarlatti

(Naples, 26 octobre 1685 – Madrid, 23 juillet 1757).

Manuel Blaso de Nebra : un Domenico Scarlatti un peu pacifié…

Il se trouve que ma découverte sur mon auto-radio un matin que je me rendais à mon travail, en 1995,

de cette musique absolument fascinante,

étrange

et singulière aussi _ de quel compositeur pouvait-elle bien être le fruit, me demandais-je, en conduisant en l’écoutant se dérouler : Scarlatti ? Boccherini ? CPE Bach ? Haydn ? Mozart ? Mendelssohn ?.. Non, c’était encore tout autre chose !.. _ ;

d’autant que je n’ai pas réussi à bien saisir, non plus, le nom de son auteur,

mentionné rapidement à la fin du morceau par le présentateur de l’émission de France-Musique

_ en tout cas pas un compositeur connu de moi jusqu’alors… ; et probablement un espagnol, m’a-t-il semblé aux sonorités entr’aperçues… _,

m’a conduit,

encore fasciné et très intrigué par cette si étrangement belle musique,

une fois de retour chez moi,

à rechercher quelle avait été la programmation de ce matin-là sur France-Musique ;

et c’est alors que j’ai découvert ce nom de Manuel Blasco de Nebra ;

ainsi que le nom de son merveilleux interprète,

sur ce CD Mandala 4847 (distribué par Harmonia Mundi) :

le pianiste catalan Josep Colom

_ Josep Colom est né à Barcelone le 11 janvier 1947, et il a 73 ans ; Josep Colom est aussi le plus bel interprète, avec Federico Mompou en personne, de l’œuvre si extraordinaire de Mompou (Barcelone, 16 avril 1893 – Barcelone, 30 juin 1987) : cf le coffret Mandala de 4 CDs Monpou L’Œuvre pour piano par Josep Colom… Et écoutez s’il vous plaît sa Musica callada

Et tout un chacun peut en juger sur you tube,

qui met en ligne de quoi écouter l’intégralité (de 56′) de ce magique CD de 6 Sonates (57′ 58) et de 2 Pastorelas (14′ 46)

de Manuel Blasco de Nebra interprétées par Josep Colom

_ et lui seul ! Nul ne l’ayant égalé !!! Et certainement pas le sur-évalué Javier Perianes, ni l’insupportable de maniérismes Arkadi Volodos…

Le rayon disques de la librairie Mollat s’est bien sûr procuré tout aussitôt, en 1995,

ce CD Mandala 4847 Manuel Blasco de Nebra Obras para tecla / Josep Colom, piano.

Et durant les longues années que ce CD a continué d’être disponible et distribué _ par Harmonia Mundi _,

la Librairie Mollat a été le meilleur vendeur en France de ce magique CD :

car dès que ce CD magique passait sur la platine du magasin,

nul auditeur ne pouvait lui résister, et le commandait illico presto !

Une musique de pleine joie !!!

Un pur enchantement  !

Ce vendredi 10 avril 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir Andrea Luchesi (1741 – 1801), par le pianiste Roberto Plano

23avr

Un superbe CD Brilliant Classics _ le CD 95811 Luchesi Sonatas op. 1 _

vient tout à fait opportunément

nous offrir une superbe musique

d’un musicien italien,

qui vécut à Bonn, et fut un des premiers maîtres de Beethoven :

Andrea Luchesi (Motta di Licenza, 23 mai 1741 – Bonn, 21 mars 1801),

ses Sonatas opus 1,

publiées à Bonn en 1772,

comme « Sonates pour le clavecin avec l’accompagnement du violon« .


Ici, le pianiste italien Roberto Plano

les interprète _ merveilleusement !!! _

sans cet accompagnement de violon :

et le résultat discographique et musical est un pur ravissement !


Sur le site de Res Musica,

le critique Maciej Chiżyński

en fait une très juste présentation :

BELLE DÉCOUVERTE DU COMPOSITEUR ANDREA LUCHESI

Andrea Luchesi (1741-1801) : Six sonates pour clavecin avec accompagnement optionnel de violon op. 1.

Roberto Plano, piano.

1 CD Brilliant Classics.

Enregistré les 21 et 22 novembre 2012 à Bernareggio en Italie.

Textes de présentation en anglais.

Durée totale : 74:33


Andrea Luchesi




















Rares, mais aussi belles _ et même mieux que cela ! _ sont parfois les découvertes du répertoire ignoré.

Tel est le cas du présent disque, réunissant les Six sonates pour clavecin avec accompagnement optionnel de violon op. 1 d’Andrea Luchesi,

jouées au piano seul par Roberto Plano.


Si c’est à Vladimir Horowitz que nous devons la renaissance de l’œuvre de Muzio Clementi _ oui _, c’est à Roberto Plano que nous adressons notre reconnaissance pour avoir sorti de l’oubli ces six pages, des petites merveilles extraordinaires de simplicité et d’élégance _ parfaitement ! C’est même subjuguant ! Nous n’en revenons pas, tellement la prestation proposée est séduisante, et nous ne comprenons pas pourquoi cet enregistrement a dû attendre une publication _ en plus _ pendant plus de six ans. En effet, il s’agit d’une découverte comparable à celle des compositions de Domenico Zipoli _ ou celles de Manuel Blasco de Nebra (1724 – 1784) : à écouter dans l’interprétation éblouissante de Josep Colom, chez Mandala, en 1995.

Qui était Andrea Luchesi ? Entre autres, il fut, à partir de 1774, maître de chapelle de la cour à Bonn. Il exerça cette fonction jusqu’en octobre 1794, période marquée par l’invasion des troupes _ révolutionnaires _ françaises qui mit fin à sa carrière professionnelle _ le compositeur avait trente-trois ans. Également, et peut-être avant tout, il fut l’un des premiers enseignants de Ludwig van Beethoven, laissant sans doute une empreinte plus ou moins significative _ probablement… _ sur l’esprit génial du futur auteur des neuf symphonies. Il existe des hypothèses selon lesquelles Luchesi aurait été l’auteur de certaines partitions de Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart et dudit Beethoven.

Pour ce qui est des Six sonates op. 1, toutes façonnées dans des tonalités majeures – et publiées pour la première fois à Bonn en 1772 –, il s’agit d’un recueil conçu dans l’air du temps, dans un genre de musique instrumentale né en France, et en vogue sous le règne de Louis XV, dans les années 1740-1760.

En ce qui concerne l’interprétation donnée _ ici _ par Roberto Plano sur un piano moderne, nous avons affaire à un modèle de lecture de la musique du siècle des Lumières exemplaire, dénué de pathos et de maniérisme dans le choix des tempi _ en effet _, focalisé particulièrement sur la régularité _ classique _ du pouls _ ou pulsation _et la mise en valeur du caractère chantant et dansant des mélodies, de même que de la beauté harmonique de ces pages. Toute en légèreté, limpidité et cordialité _ oui _, cette exécution jamais précipitée, envoûtante de poésie et éblouissante de noble virtuosité _ voilà _ vise également à nous rendre compte de la vivacité du rythme, se traduisant en un enthousiasme rare de l’expression _ proche de l’Emfindsamkeit contemporaine _, baigné dans la chaleur de phrasés fluides, ainsi que dans une sonorité ronde, charpentée et perlée du piano.


Soit une musique et une interprétation de pur plaisir !!!


Compositeur _ si existent d’autres œuvres accessibles de lui _

et interprète

à suivre…



Ce mardi 23 avril 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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