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Une absolument splendide « Psyche » de Matthew Locke, par Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances

20déc

L’assez récent CD « Psyche » de Matthew Locke par Sébastien Daucé à la tête de son _ toujours _ très remarquable Ensemble Correspondances,

est une enchanteresse réussite.

M’en avaient déjà prévenu les articles,

le 23 septembre dernier, de Jean-Charles Hoffelé « Restauration et Restauration » sur son site Discophilia ;

et, le 30 octobre dernier, de Cécile Glaenzer « Psyche de Locke, des rives de la Seine à celles de la Tamise« , sur le site Discophilia.

 Et puis voici, en date d’hier 19 décembre, l’article « La Psyche de Matthew Locke, l’opéra emblématique de la Restauration anglaise » de Jean Lacrois sur le site Crescendo.

Voici donc ces 3 recensions _ avec mes farcissures _ de ce superbe très réjouissant double CD :

RESTAURATION ET RESTAURATION

La musique de Draghi est perdue, part probablement considérable de ce « dramatic opera in five acts » qui sacra l’apogée du nouveau style musical florissant avec la Restauration entreprise par Charles II. Foin du puritanisme _ cromwellien _, les théâtres rouvraient, les musiciens s’émancipaient des rigueurs de la morale, le plaisir et la licence reprenaient possession des planches _ le roi Charles II (1630 – 1685) était une digne petit-fils du Vert-galant, son grand-père maternel, Henri IV… Matthew Locke (Exeter, 1621 – Londres, 1677) sera le parangon de cette renaissance des plaisirs _ oui ! _, partageant la mise en musique de la pièce de Shadwell avec un confrère italien _ Giovanni-Battista Draghi (Rimini, 1640 – Londrres, 1708) _, pratique courante qu’il avait déjà mise en œuvre dans son Cupid and Death où la plume de Christopher Gibbons avait pris sa part.

Si le spectacle de Psyché se veut anglais, ses sources dramatiques sont françaises, Molière, puis Molière vu par Quinault pour la Psyché de Lully _ représentée pour la première fois le 19 avril 1678 à l’Académie royale de musique, à Paris _, et jusque dans sa musique transparaissent des couleurs versaillaises, ce que Sebastien Daucé et sa brillante troupe suggèrent _ superbement…

Puisque les portées de Draghi ont disparu, ils iront chercher un peu d’ultra-montain dans le Lamento de la Psyché de Lully, choix logique et éclairant. Ailleurs, tout sera pris au bord de la Tamise, danses d’anonymes pleines de caractère, les cahiers de musique instrumentale de Locke augmentant considérablement les parties vocales que Philip Pickett assemblaient sur un seul disque pour L’Oiseau-Lyre en 1994 _ je viens de le ré-écouter : l’interprétation manque beaucoup du relief et des vives couleurs que savent y mettre Sébastien Daucé et son excellent Ensemble Correspondances ! _, les paysageant de brèves pièces instrumentales de Draghi fatalement exogènes à Psyché. Seul avantage de la version pionnière, un anglais plus naturel _ mais c’est bien mince…

Revisité ainsi dans de vastes largeurs _ certes _, l’ouvrage prend toute l’ampleur d’un opéra en cinq actes inspiré par la tragédie lyrique, mais dont la structure est infiniment plus libre, annonçant l’univers de haute fantaisie des Masques, rendant à Psyché son caractère pionnier où John Blow (Newarck-on-Trent, 1649 – Londres, 1708) et Henry Purcell (Londres, 1659 – Londres, 1695) tremperont leurs plumes de théâtre _ en effet ! Et, pour moi, ce moment des rois Stuart de la Restauration offre le plus sublime moment de la musique anglaise…

La reconstitution est fastueuse _ oui : vraiment !!! _, vraie restauration qui permet de prendre la mesure de cette œuvre _ en effet _ magnifique. L’élan, les inventions, les caractères, la grâce _ oui _ des musiques de Locke trouvent dans le regard tendre et brillant que leur adressent Sébastien Daucé et ses amis, un souffle, une éloquence, une poésie qui ne voudront plus vous faire quitter ses enchantements _ voilà le mot le plus juste qui soit !

Allez, maintenant Cupid and Death, qui depuis l’ancienne proposition madrigalesque d’Anthony Rooley espère retrouver un tel théâtre.

..

LE DISQUE DU JOUR

Matthew Locke (1621-1677)
Psyché. The English Opera

Caroline Weynants, soprano (Première Furie, Première Nymphe, Premier amant Élyséen)
Caroline Bardot, soprano (Seconde Furie, Première Femme, Seconde Nymphe, Trosième amant Élyséen)
Deborah Cachet, soprano (Seconde Femme, Troisième Furie, Proserpine, Deuxième amant Élyséen)
Lieselot de Wilde, soprano (Vénus, Seconde Furie)
Lucile Richardot, mezzo-soprano (Le grand Prêtre, Une femme affligée, Dieu de la Rivière, Quatrième Furie)
David Tricou, contre-ténor (Premier Cyclope, Premier Chanteur, Cinquième Démon)
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor (Second Chanteur, Troisième Démon, Apollon)
Marc Mauillon, ténor (Second Homme, Troisième Cyclope, Mars, Sixième Démon)
Antonin Rondepierre, ténor (Premier Homme affligé, Praesul, Premier Chanteur)
Davy Cornillot, ténor (Second Chanteur, Quatrième Démon)
Nicolas Brooymans, basse (Pan, Premier Homme, Deuxième Homme affligé, Quatrième Cyclope, Pluton)
Renaud Bres, basse (Jalousie, Deuxième Cyclope, Deuxième Démon)
Étienne Bazola, basse (Vulcain, Premier Démon, Bacchus)

Ensemble Correspondances
Sébastien Daucé, direction

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 905325.26

Photo à la une : le chef Sébastien Daucé – Photo : © DR

Puis :

Psyche de Locke, des rives de la Seine à celles de la Tamise

Une nouvelle fois, Sébastien Daucé fait oeuvre de découvreur, en reconstituant _ oui _ la partition de Psyche Matthew Locke : un opéra emblématique de la Restauration anglaise.

L’opéra anglais de la fin du XVIIᵉ siècle est une forme hybride unissant musique et dialogues parlés. Il doit beaucoup à l’influence des tragédies-lyriques et des comédies-ballets de Lully, appréciées par le roi Charles II pendant son exil à la cour de France _ oui. La Psyché de Lully en 1671 connut un succès dont l’écho dépassa les frontières. C’est le roi lui-même qui commande sur ce thème ce qui sera le premier opéra anglais, sollicitant Shadwell pour le livret, Locke et Draghi pour la musique, ce dernier se voyant confier la musique des danses. Malheureusement, l’édition de 1675 qui nous est parvenue ne comprend que la musique de Locke, celle de Draghi semble perdue. Sébastien Daucé est allé puiser dans la musique instrumentale de Locke et dans un recueil de danses anonymes de l’époque pour compléter les lacunes de la partition originale _ voilà _ et ainsi reconstruire une nouvelle Psyché dans son intégralité musicale _ oui.

Si la Psyche anglaise emprunte à la musique de Lully et au texte de Molière/Quinault/Corneille presque littéralement traduit, elle comporte _ aussi _ des éléments typiquement britanniques : grounds, pompes martiales, hymnes, et surtout scènes grotesques qui rapprochent le semi-opéra du théâtre shakespearien _ oui. Un mélange de tragédie antique et de féérie baroque _ oui. Si on rajoutait à l’œuvre les textes parlés qui lui appartiennent, le spectacle en cinq actes durerait près d’une demi-journée… Les nombreuses didascalies du livret d’accompagnement permettent d’imaginer toute la magnificence des représentations, de palais en forêts, de jardins féériques en grottes infernales. Et l’absence de Psyché parmi les rôles chantés (elle fait partie des personnages dont le rôle est exclusivement parlé) et son omniprésence dans l’histoire font de l’héroïne une autre Arlésienne. A la fin du second acte, le chef a choisi d’ajouter en guise d’intermède la Plainte italienne (de 10′ 53) extraite de la Psyché de Lully, pour faire écho au magnifique quatuor des Amants désespérés qui la précède. Dans le rôle de la Femme affligée, la voix incomparable de Lucile Richardot y fait merveille _ oui.

Sébastien Daucé a réuni pour cet enregistrement une distribution vocale éblouissante _ mais oui ! _, la fine fleur de l’opéra baroque, déjà convoquée pour le _ sublime CD du _ Ballet Royal de la Nuit : Caroline Weynants, Deborah Cachet, Caroline Bardot, Lucile Richardot, Étienne Bazola, Nicolas Brooymans, Marc Mauillon, Paul-Antoine Bénos-Djian … il faudrait les citer tous tant ils sont remarquables et d’une diction irréprochable. La truculence des voix de basses dans les intermèdes comiques ou guerriers, la souplesse des pupitres aigus, la théâtralité assumée par tous font de cette interprétation un modèle du genre _ oui. Deux voix sont à mettre en exergue pour leur belle maîtrise d’un ambitus exceptionnellement étendu : celle du ténor Marc Mauillon qui incarne le dieu Mars et un Homme désespéré, et celle de Lucile Richardot (successivement Grand Prêtre, Femme affligée, Dieu de la rivière et Furie) qui passe avec l’aisance qu’on lui connait du grave chaleureux aux aigus solaires. L’orchestre et le continuo font preuve d’une très grande variété dans la dynamique _ oui _, pour rendre toute l’inventivité et la rythmique de cette écriture riche _ en effet _ en surprises. Une œuvre dont on découvre de nouvelles richesses à chaque réécoute _ absolument ! Et que l’on rêve de voir un jour sur scène avec tous les fastes qui l’accompagnent.

Matthew Locke (1621-1677) / Giovanni Battista Draghi (c. 1640 – enterré en 1708) :

Psyche, opéra dramatique en 5 actes.

Livret de Thomas Shadwell d’après Molière, Quinault, Corneille et Lully (Psyché).

Lucile Richardot, mezzo-soprano ; Marc Mauillon, ténor ; Nicolas Brooymans, basse ; Renaud Bres, basse ; Caroline Weynants, soprano ; Caroline Bardot, soprano ; Lieselot de Wilde, soprano ; Deborah Cachet, soprano ; Antonin Rondepierre, ténor ; Étienne Bazola, basse ; David Tricou, contre-ténor ; Davy Cornillot, ténor ; Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor ;

Ensemble Correspondances ;

Sébastien Daucé : orgue, clavecin et direction.

2 CD Harmonia Mundi. Enregistrés à St Omer en juillet et août 2020.

Livret français/anglais.

Durée totale : 1h47’

 …

Et puis celle de tout juste hier :

La Psyche de Matthew Locke, l’opéra emblématique de la Restauration anglaise

LE 19 DÉCEMBRE 2022 par Jean Lacroix

Matthew Locke (c. 1621-1677) :

Psyche, opéra dramatique en cinq actes.

Caroline Weynants, Caroline Bardot, Lieselot de Wilde et Deborah Cachet, sopranos ; Lucile Richardot, mezzo-soprano ; et Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténors ; Marc Mauillon, Antonin Rondepierre et Davy Cornillot, ténors ; Etienne Bazola, Nicolas Brooymans et Renaud Bres, basses ;

Ensemble Correspondances, direction Sébastien Daucé.

2022. Notice en français et en anglais. Livret complet en anglais, didascalies comprises, avec traduction française. 107.00. Un album de deux CD Harmonia Mundi HMM 905325.26.

Le futur Charles II (1630-1685), cousin germain de Louis XIV et fils du Roi Charles Ier, décapité en janvier 1649, est battu par Cromwell, qui va établir un Commonwealth républicain d’Angleterre, et est contraint de fuir son pays. Après des années passées en France et dans les Pays-Bas espagnols, Charles II récupère son trône en 1660 _ voilà _, deux ans après la mort de Cromwell. Une ère nouvelle commence : après des années d’interdiction puritaine des représentations théâtrales, les salles de spectacles londoniennes purent enfin reprendre leurs activités, précise la musicologue Katherina Lindekens dans sa notice. Cette Restauration va avoir un effet bénéfique, avec l’émergence d’une nouvelle forme de drame musical hybride -appelée plus tard « dramatick opera »- qui allait devenir le genre dominant à Londres jusqu’à la fin du siècle. Malgré l’une ou l’autre tentative timide, des réticences à adopter la forme d’un opéra totalement chanté subsistent. La Psyche de Matthew Locke, créée à Londres le 27 février 1675, sera donc un compromis, chant et parole y étant mêlés.

Lors de son séjour en France, Charles II a été baigné dans _ et enchanté de _  l’atmosphère de la culture musicale du ballet de cour et de la comédie-ballet. Cela l’incite à mettre en place en Angleterre un ensemble instrumental, à inviter des compositeurs français _ en effet nombreux à y venir... _ et à envoyer à Paris le comédien shakespearien et auteur Thomas Betterton (c. 1635-1710) qui y a probablement vu, en 1671, les représentations de la tragédie-ballet Psyché de Lully, sur un texte de Molière, Corneille et Philippe Quinault. Le même sujet va faire le bonheur de Matthew Locke, devenu compositeur du Roi Charles II à la Restauration et déjà auteur de musiques de scène ou pour le théâtre, dont des masques, ainsi que d’anthems ou de chants sacrés. Sa Psyche sera sa dernière grande partition avant sa mort _ au mois d’août 1677. Le dramaturge Thomas Shadwell (c. 1642-1692) est chargé de la traduction du livret qui a servi à Lully, travail qui l’inspire et qu’’il accomplit presqu’à l’identique de l’original. La musique est confiée à Locke et à Giovanni Battista Draghi (c. 1640-1708), d’origine italienne, établi dans les années 1660 en Angleterre, où il passera le reste de son existence.

Mais, comme l’explique Sébastien Daucé, lorsque le livret, très détaillé en indications diverses, et une partition sont publiés en 1675, la partie musicale qui revient à Draghi ne s’y trouve pas. Elle est hélas, de ce fait, définitivement perdue _ oui. On lira la réflexion de Daucé quant aux solutions adoptées pour la présente reconstitution, la musique de Draghi ayant été remplacée par des pages de Locke et d’anonymes du temps. Un extrait de dix minutes de la Psyché de Lully, la « plainte italienne », a par ailleurs été ajouté comme intermède à la fin de la scène 2 de l’Acte II, en guise d’hommage au favori du Roi Soleil. Le texte de la partie chantée, qui est, répétons-le, une traduction presque littérale du livret destiné à Lully, est intégralement reproduit ici, l’éditeur ayant choisi d’y ajouter en italiques les didascalies et compléments qui résument la partie théâtrale. Une initiative des plus judicieuses, que l’on salue comme elle le mérite, car elle laisse libre cours à l’imagination. Le résultat est d’une homogénéité remarquable, et l’intensité est au rendez-vous _ oui ! _ pour un peu moins de deux heures de bonheur musical et vocal _ oui. L’intrigue est connue. Elle est tirée des Métamorphoses d’Apulée (L’Âne d’or) et date du IIe siècle avant notre ère. La déesse Vénus est jalouse de la beauté de la princesse Psyche et envoie Eros pour lui trouver un époux, mais le messager en tombe amoureux. Des épreuves vont être soumises à Psyche qui sera en fin de compte admise parmi les dieux et unie à son amant. Dans ce contexte, il y a de la magnificence _ oui _, des moments voués aux palais, forêts, jardins féeriques ou grottes infernales, avec un concert de danses subtiles et raffinées, mais aussi rustiques, de couleurs séduisantes et de rythmes qui se révèlent dynamiques ou languissants _ voilà. Le tout servi par une instrumentation imaginative, riche en trouvailles quant aux violons, violes, sacqueboutes et autres luth, harpe, flûtes, hautbois ou percussion _ absolument. Un feu d’artifice de nuances distillées par un Ensemble Correspondances en grande forme, mené avec vigueur et fougue par Sébastien Daucé, dont l’investissement comme chef rejoint celui qu’il a mis pour mener à bien ce projet dont il peut être fier _ tout cela est d’une partaite justesse.

Le riche plateau vocal fait appel à treize chanteurs. Récitatifs et airs se succèdent avec bonheur au milieu des interventions instrumentales. Les chanteurs, dont on appréciera l’excellence globale de la prononciation anglaise, endossent plusieurs rôles, mais il n’y a pas de Psyche, celle-ci étant à l’origine un rôle parlé. Il faudrait détailler toutes les présences de ces voix, toujours en situation. Epinglons celles de Nicolas Brooymans, sensible dans l’hymne à la beauté de Psyche au début de l’Acte I, de Lucile Richardot qui, dans l’air Let’s to Apollo’s Altar now repair (Acte II, scène 1), atteste d’un sens absolu de l’éloquence et de la déclamation, d’Antonin Rondepierre, vaillant dans l’Acte III (Great God of War), ou de Marc Mauillon dans un air de contemplation (Behold the God) de l’Acte V. Mais tout le monde est à sa place (délicate Deborah Cachet, distinguée Lieselotte de Wilde, subtile Caroline Bardot…), avec une hauteur de style et une joie de chanter _ oui ! _ exploitées dans les ensembles accomplis qui parsèment l’opéra. On ne manquera pas de souligner à quel point l’intermède italien de la Psyché de Lully par lequel Daucé a choisi de conclure l’Acte II (Lucile Richardot, Antonin Rondepierre et Nicolas Brooymans) trouve une place dramatique et glorieuse. L’œuvre s’achève dans une sorte d’ivresse par All joy to this Celestial Pair, les chœurs, impeccables, et les instrumentistes se lançant dans un irrésistible éloge des pouvoirs de l’Amour et de la Beauté _ oui.

Les mélomanes qui ont acquis _ je l’ai fait _ en 1995 la production, sous étiquette de L’Oiseau-Lyre, du New London Consort dirigé par Philip Pickett, avec un plateau vocal de qualité, en ont gardé un _ assez _ beau souvenir. Ils seront transportés cette fois _ oui !!! _ par le haut niveau de la nouvelle gravure, captée avec soin dans la chapelle des Jésuites de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, en juillet et août 2022. C’est un enregistrement à marquer d’une pierre blanche, qui rend justice à ce qu’il faut considérer comme le premier opéra anglais digne de ce nom.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Et de fait à l’écoute intégrale des 107′ de ce double CD Harmonia Munsi HMM 905325-26 de Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances,

un extrême plaisir est bien au rendez-vous !

Ce mardi 20 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un passionnant travail sur les Quatuors à cordes (autour de Purcell) avant le Quatuor à Cordes de Haydn : le CD « ’tis late to be wise » du Kitgut Quartet

24jan

Amandine Beyer et ses amis du Kitgut Quartet,

Naaman Sluchin, Josèphe Cottet et Frédéric Baldassare, 

viennent nous offrir

en un CD _ Harmonia Mundi HMM 902313 _

intitulé Tis too late to be wise,

et sous-titré String Quartets before the String Quartet,

un magnifique et très intriguant _ et plus encore convainquant ! et, cerise sur le gâteau, ravissant, et même éblouissant !!! _ programme

autour des origines musicales,

ici dans l’Angleterre autour de Purcell (et Locke, et Blow) _ dans la seconde moitié du XVIIIe siècle _,

du genre du Quatuor à cordes, 

en l’occurence celui élaboré par Joseph Haydn (1732 – 1809)

_ mais ils auraient aussi bien pu choisir celui élaboré par Luigi Boccherini (1743 – 1805).

L’excellence du choix des (12) œuvres choisies par eux

est telle

qu’à ne pas trop suivre de près

le déroulé même des œuvres _ superbes ! _ se succédant sur la platine,

on ne perçoit nul saut temporel marquant

_ ni a fortiori choquant ! _

entre la Sarabande

de la Suite n°2 du Consort of Four Parts

de Matthew Locke (1621/23 – 1677)

et le premier mouvement Adagio

du Quatuor à cordes opus 71 n°2

de Joseph Haydn (1732 – 1809) _ une œuvre qui date de 1795, à Vienne…

C’en est même bluffant !

Alors que nous sommes dans une même semblable configuration musicale,

à quasi un siècle de distance…

Et je dois ajouter que l’interprétation de ce Quatuor opus 71 n°2 de Joseph Haydn

est absolument magnifique ;

de même que celles des œuvres, en ce CD, de Henry Purcell (1659 – 1695), Matthew Locke (1621/23 – 1677) et John Blow (1649 – 1708)

_ qui n’ont certes pas été écrites comme constituant des Quatuors à cordes,

pour 2 violons, 1 alto et 1 violoncelle !..

L’intelligence musicale d’un tel programme

ainsi que la perfection de sa réalisation

nous comblent de joie…

Ce vendredi 24 janvier 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa 

Les origines du quatuor selon la famille des Kitgut

Il est facile de prendre son instrument et de se mettre à jouer avec trois amis. Ou sept. Ou plus… Prendre la plume à quatre ou parler en même temps serait beaucoup plus confus. C’est ce qui fait la magie de la musique, qui surmonte tous les obstacles des différents idiomes et la cacophonie des discours superposés.
Pour parler des Kitgut, de nos espoirs et de nos enjeux, nous avons donc choisi de demander à deux personnages emblématiques de notre famille musicale, Jeanne Roudet et Olivier Fourés, d’écrire quelques mots sur notre formation et sur notre programme “’Tis too late to be wise”. Nous vous laissons en leur compagnie…

AMANDINE BEYER

Interroger les origines du quatuor à cordes c’est renouer avec une pratique sociale aux antipodes de l’académisme figé des salles de concerts et des enregistrements en studio. C’est en effet comme métaphore de la conversation que la musique de chambre se développe au xviiie siècle, dans le même contexte privé des salons. Comme divertissement, elle revêt la même part d’imprévu et d’improvisation qui garantit l’interaction entre les protagonistes et la participation active des auditeurs. Ainsi, à l’heure où le quatuor n’a pas encore fixé sa forme, il est déjà fortement goûté, non pour l’intellectualité et l’abstraction qu’on lui prêtera plus tard comme parangon de la musique pure, mais comme substitut d’un dialogue animant des voix individuelles qui réagissent les unes aux autres dans la spontanéité de l’instant.

JEANNE ROUDET, musicologue à la Sorbonne

Time over

Ainsi, ce sont bien nos ancêtres qui sont à l’origine de nos mauvaises passions !”– CHARLES DARWIN, Carnet de notes, 1838

Faute de savoir où l’on va, on regarde d’où l’on vient. On n’y voit guère mieux, certes, mais on aperçoit tout de même des choses, qui, lorsqu’elles éveillent quelque passion, sont vite prises pour des repères dans tant de brume. On les agence, les conserve, les protège, les ordonne comme on peut, chronologiquement, génériquement, dans l’espoir de retrouver le fil qui les unirait, d’expliquer en somme leur existence, donc la nôtre. On construit ainsi l’Histoire.

Ce n’est pas simple. Car d’abord on ne voit pas tous les mêmes choses, car ensuite on n’a pas la même façon de les voir, car enfin, le plus gênant, on les voit souvent avec les yeux d’autrui ; un “autrui” qui peut parfois, pris de motivations quelque peu douteuses, les modifier, en camoufler, en faire disparaître et même en inventer de toutes pièces. Méfiance !

Prenons le cas du quatuor à cordes. Voici une formation/forme des plus définies, des plus “classiques” : deux violons, un alto et un violoncelle qui se rassemblent sur quatre mouvements, un vaste, un lyrique, un rythmique et un enlevé. Comme la symphonie. Le concept est clair aussi : Goethe, à l’aube du xixe siècle, parle de “discussion entre quatre personnes intelligentes” et quand Beethoven étire la forme dans tous les sens, on commence à voir quatre solistes qui aspirent à n’avoir qu’une voix, une espèce de piano à huit mains en somme, paradoxe apparemment nécessaire à la tension inhérente au genre. On n’hésite alors guère à brandir cette musique “pure” face aux élucubrations descriptives trouvées chez Liszt ou Berlioz. Ne parlons même pas de l’opéra. Bartók parvient néanmoins à éloigner le quatuor de cet étendard en le portant vers ce que certains considèrent un “laboratoire de formes”. Il pousse si loin l’expérimentation instrumentale et l’expression intimiste qu’il déconseillait vivement l’interprétation de ses six quatuors en public, tant ils reflétaient une grande souffrance. Bref, “le” quatuor, c’est sérieux ! Et même ceux qui, comme Fauré, Debussy, Chostakovitch, Messiaen ou Ligeti, y recherchent des atmosphères plus impressionnistes, ne peuvent que composer en contrepoint de l’imposant modèle. Boulez allègera d’ailleurs son catalogue du seul Livre pour quatuor, sentant le genre trop fortement lié à une époque révolue, un genre prêt pour le musée.

Aujourd’hui, à une époque où fonder un quatuor engage plus qu’un mariage doublé d’un crédit à long terme (en Antarctique !), il est normal qu’on ait des difficultés à concevoir l’origine de cette forme autre que fantastique. On a donc besoin d’un Créateur. On en a trouvé deux. Il y a le violoncelliste Luigi Boccherini : six quatuors op. 2, 1761 – il en composera quatre-vingt-onze. De plus, Boccherini forme en 1764 le “premier” quatuor avec les violonistes Filippo Manfredi et Pietro Nardini, ainsi que l’altiste Giuseppe Cambini. Mais, le jeu “fol et désordonné” de Manfredi et les sons “aigres aux oreilles” de Boccherini, qui blessent les tympans délicats du Tout-Paris, juste avant que Boccherini ne parte rejoindre sa chère Clementina en Espagne, ne peignent pas le tableau le plus noble qu’on aurait souhaité. Heureusement, à Vienne il y a Joseph Haydn (auteur de soixante-huit quatuors, premiers spécimens vers 1757-1762) qui a été en contact direct avec Mozart et Beethoven, c’est-à-dire avec ceux par qui passera la grande ligne évolutive du genre dans cette même ville.

Haydn et Boccherini se connaissaient, puisque vers 1780, Haydn cherchait désespérément à se mettre en contact avec l’émigré italien, alors perdu à Las Arenas de San Pedro. Mais s’ils ont tous deux créé de leur côté la même chose sans s’être fréquentés, on se doute qu’ils ont dû bénéficier de quelques modèles communs. Il suffit de regarder en amont de ces deux personnages pour découvrir des quatuors de Giovanni Battista Sammartini, de nombreuses pièces à quatre parties sans continuo ou des pièces de contrepoint à quatre voix, du répertoire d’orchestre joué en quatuor, des petites danses improvisées insérées avant les troisièmes mouvements de sinfonie ou concertos ; il existe même une Suonata a 4 pour cordes, sacrée, de Vivaldi. En fait, on passait déjà pas mal de bons moments avec seize cordes, surtout chez les amateurs ! Mais tout ceci reflète un tel mélange de pratiques, formes et types d’interprètes qu’on préfère ne pas trop approfondir ; “le” quatuor ne saurait avoir quelque lien de famille avec une telle bacchanale d’impuretés.

Kitgut présente ici des compositions à quatre parties, anglaises, de la deuxième moitié du xviie siècle, aux côtés du Quatuor op. 71 no 2 de Haydn, composé à Vienne en 1793, entre deux séjours londoniens. Les “curtain music” ou “act tunes”, joués devant les rideaux pendant les changements de décor au théâtre, avaient avant tout pour fonction de ne pas laisser s’échapper l’audience lors des pauses. Il y avait des musiciens spécialisés dans ce genre de besogne et on peut imaginer que l’effectif était le plus souvent réduit au minimum afin que chaque interprète libère le plus possible son charme. On jouait alors souvent des danses sur des basses obstinées (comme ici le Curtain Tune de Purcell), mais aussi des mouvements plus extravagants qui cherchaient à interpeller, surprendre (donc intéresser) l’auditeur : celui de Locke commence avec de grandes gammes qui, guidées par un contrepoint et un chromatisme des plus farfelus, font monter la tension pour aller droit au clash et libérer danse, effets sonores et d’espace, sans oublier les gammes mais cette fois en fusées, avant de revenir, tel Sisyphe, à l’inquiétante atmosphère initiale. L’“Act Tune” de Blow joue également sur les contrastes de genres en projetant une danse lourée dans des méandres contrapuntiques qui la teintent d’inattendues couleurs harmoniques. Il est d’ailleurs curieux de constater, à cette époque où l’harmonie tonale était bien loin d’être l’unique grammaire, que c’est dans les danses qu’on l’utilisait le plus souvent. C’est d’ailleurs par les motifs de danse que l’harmonie tonale s’immisce petit à petit dans les autres genres de compositions. En retour, les danses reçoivent effets sonores et contrepoint comme on l’entend dans ce disque avec celles de Purcell ou de Locke.

En vérité, on devrait parler avec parcimonie de contrepoint dans ce répertoire, car la façon de mener les voix tient encore beaucoup de la polyphonie : les voix se développent souvent sans vraiment prendre en considération ce qui les entoure. Les résultats harmoniques sont plutôt guidés par des choix subjectifs, descriptifs ou pratiques, voire par le hasard, que par des règles d’écriture systématiques ou par un quelconque concept d’équilibre. Les Fantaisies de Purcell illustrent au plus haut degré ce “délire sensible”. La Fantaisie no 5, par exemple, commence avec tellement de chromatisme que cela en devient suspect ; une fugue vient structurer un peu ces torsions avant de céder la place à quelques effets d’espace puis à une danse des plus guillerettes. Même la Fantaisie no 11, plus contemplative, n’échappe pas à son petit bal conclusif. Rien à voir avec “l’art canonique” de Bach.

Environ cent ans séparent ces compositions du Quatuor op. 71 no 2 de Haydn. On sent immédiatement que les règles du jeu ont changé : la forme fait partie de la rhétorique du genre. Mais à bien y regarder l’esprit, les contrastes, les jeux d’espace, les asymétries, les motifs de danse qui aident à structurer les développements les plus libres et expérimentaux, le lyrisme dramatique et théâtral, on se demande _ mais oui ! _ si le joueur ne serait pas le même… Les lignes des parties, bien plus malignes qu’“intelligentes”, montrent combien ce quatuor tardif (Mozart n’était déjà plus là) est avant tout un prétexte à la rencontre de quatre individus, afin qu’ils confrontent et unissent leurs différences.

Le théâtre n’a pas toujours besoin de “curtain”. Une chose est sûre en tout cas : ni Haydn ni Boccherini ne connaissaient notre siècle ; ils n’évoluaient, comme tous, que dans un présent lié à un vague passé. Rendons-nous à l’évidence : le passé nous tourne le dos ! Et si certaines de ses expressions continuent de nous inspirer, c’est parce qu’elles reflètent quelque chose qui ne dépend guère du temps.

OLIVIER FOURÉS

Aucun “oracle” n’aurait prédit la réunion de ces quatre musiciens aux profils si variés et contrastés. Et pourtant, après une première rencontre, Amandine Beyer, Naaman Sluchin, Josèphe Cottet et Frédéric Baldassare créent en 2015 le Kitgut Quartet _ voilà _, sur instruments d’époque et cordes en boyaux. Forts de leurs expériences de chambristes et de solistes dans les grandes formations d’Europe, ils mettent en commun leur désir de faire vivre sous leurs archets les grandes pages du répertoire, ainsi que les curiosités et les œuvres oubliées, dans une tradition empreinte de liberté, d’enthousiasme et de partage.

Leur premier projet interroge les origines du quatuor à cordes et explore les diverses tentatives en Europe, avant la période classique, d’une écriture proprement instrumentale à quatre voix _ c’est passionnant, et très réussi ! En quatre chapitres, autour de Schubert et l’Allemagne, Mozart et l’Italie, Beethoven et la France, Haydn et l’Angleterre, les Kitgut proposent cette autre perspective de la naissance du quatuor, avec l’envie de rendre sur scène ce qui les accompagne en répétition : dialogue, amusement et spontanéité ! _ oui. La musique est d’abord jeu, et joie.

Amandine Beyer _ elle est née en 1974 _ étudie le violon au CNSMD de Paris puis à la Schola Cantorum de Bâle dans la classe de Chiara Banchini. Elle profite également de l’enseignement de Christophe Coin, Hopkinson Smith et Pedro Memelsdorff. En 2001, elle remporte le Premier Prix du concours Antonio Vivaldi à Turin. Depuis, elle donne des concerts dans le monde entier comme soliste et Konzertmeister, mais aussi avec son propre ensemble, Gli Incogniti, qu’elle fonde en 2006. Dans un esprit de liberté, de plaisir et de partage, ils abordent ensemble le répertoire baroque (Bach, Vivaldi, Couperin…) mais aussi, depuis 2017, le répertoire classique avec C. P. E. Bach, Haydn et bientôt Mozart.

En parallèle, Amandine Beyer s’adonne à la musique de chambre avec des partenaires tels que Pierre Hantaï, Kristian Bezuidenhout, Andreas Staier, Giuliano Carmignola, dans un répertoire allant du baroque au romantique. Elle forme aussi un duo avec la pianiste Laurence Beyer.
La discographie d’Amandine Beyer, en soliste ou avec Gli Incogniti, est saluée à l’unanimité par la critique et récompensée par les plus hautes distinctions (Diapason d’Or, Choc de l’année, Gramophone Editor’s Choice, ffff de Télérama). Passionnée de transmission, Amandine Beyer est professeur de violon à la Schola Cantorum de Bâle depuis 2010.

La musique se transmet de génération en génération chez les Sluchin, et c’est tout naturellement que Naaman Sluchin _ il est né le 1er décembre 1978 _ s’est consacré au violon. Sa passion pour la nouveauté et la diversité l’a amené à construire sa technique en étudiant à la fois l’école russe, l’école américaine (à Bloomington et à la Juilliard School) et l’école franco-belge dans la lignée d’Eugène Ysaÿe. Il est par ailleurs diplômé de la Schola Cantorum de Bâle.

Pendant sept ans _ de 2005 à 2011 _, il est membre du Quatuor Diotima _ il est présent en 2007 et en 2010 dans les enregistrements pour Alpha des 3 Quatuors à cordes (CD Alpha 125) et du Poème symphonique Le Balcon (CD Alpha 175) de Lucien Durosoir _, puis continue de développer son répertoire avec notamment l’Ensemble Talisma ou le Kitgut Quartet. Il participe régulièrement aux projets de musique contemporaine de l’Ensemble Cairn et se joint à la compagnie Rosas de Anne Teresa De Keersmaeker pour Achterland autour des Sonates d’Ysaÿe. Par ailleurs, il a été pendant sept ans le violon solo de La Chambre Philharmonique sous la direction d’Emmanuel Krivine et il a rejoint en 2020 l’Orchestre de l’Opéra de Rouen en tant que super soliste.

Depuis 2010, Naaman Sluchin enseigne au Conservatoire royal de Bruxelles. Il joue selon les répertoires et les envies sur un violon Tononi de 1725 ou sur un violon américain fabriqué pour lui par John Young en 2008.


Après avoir étudié l’alto moderne au Conservatoire de Versailles dans la classe de Jacques Borsarello, ainsi que l’Art dramatique dans la classe de Danièle Dubreuil, Josèphe Cottet poursuit ses études en violon et alto baroque au Conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve dans la classe d’Hélène Houzel. Elle complète sa formation instrumentale par des master classes avec Odile Édouard, Patrick Bismuth, Amandine Beyer, Enrico Onofri ou Stéphanie Paulet. Elle se spécialise alors en musique ancienne et joue dans différentes formations, notamment Pygmalion, Les Ombres, Les Musiciens du Paradis, l’Ensemble Correspondances, Les Cris de Paris, Les Traversées Baroques ou Mensa Sonora.

La musique de chambre lui permet d’aborder des répertoires très différents : la Renaissance avec La Bande de violons et la Compagnie Outre-Mesure ; le répertoire baroque avec L’Escadron Volant de la Reine (dont elle est l’un des membres fondateurs et avec lequel elle remporte le Concours international du Val de Loire en 2015) ; et les styles classique et romantique avec notamment le Kitgut Quartet et Les Curiosités Esthétiques.

Titulaire d’un premier prix de violoncelle moderne au CNSMD de Paris et d’un diplôme de musique ancienne au Conservatoire à rayonnement régional de Paris en violoncelle baroque, Frédéric Baldassare développe ses activités musicales dans plusieurs directions complémentaires. Il est membre de différents ensembles de musique contemporaine (2e2m, Cairn, Alternance, Court-Circuit) et joue aussi avec le Quatuor Onyx ainsi qu’avec beaucoup d’ensembles sur instruments d’époque (Les Arts Florissants dirigés par William Christie, l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique dirigé par John Eliot Gardiner, entre autres). Il est continuiste dans des ensembles comme Les Musiciens du Louvre dirigés par Marc Minkowski, Les Nouveaux Caractères dirigés par Sébastien d’Hérin ou Les Cris de Paris dirigés par Geoffroy Jourdain.

 

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