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La « Psyché » retrouvée de Lully (la tragédie lyrique de 1678), sur un livret de Thomas Corneille et son neveu Fontenelle, par Christophe Rousset et ses Talens lyriques…

20fév

Dans l’entreprise en progrès, année après année, d’enregistrement discographique de ce que l’on peut nommer aujourd’hui l’ensemble des « opéras » de Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687),

Christophe Rousset, à la tête de ses Talens lyriques, vient de donner, cette fois au label Château de Versailles Spectacles, pour le n° 16 de la collection « Opéra français » de ce label,

la tragédie lyrique en un prologue et cinq actes, sur un livret de Thomas Corneille (1625 – 1709) et son neveu Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657 – 1757), « Psyché« , de Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687), créée le 19 avril 1678 à l’Académie royale de musique, à Paris,

soit le double CD CVS 086, d’une durée de 144′ 49.

Voici ce que, sous le titre de « Psyché retrouvée« , sur son site Discophilia, et en date du 17 février dernier, nous en rapporte l’excellent Jean-Charles Hoffelé.

PSYCHÉ RETROUVÉE

Privé de Quinault (1635 – 1688)) tombé en disgrâce auprès de la Montespan qui avait cru se reconnaître sous les traits de Junon trompée dans l’intrigue d’Isis, le précédent opéra _ et un précédent enregistrement de Christophe Rousset pour le label Aparté, en 2016 (AP 216) _ du Florentin, Lully dut trouver au débotté un librettiste et un sujet pour son nouvel ouvrage. Impossible de rompre le rythme annuel qui lui était vital, où son inspiration se ressourçait.

Pourquoi ne pas revenir à Psyché, lui souffla Thomas Corneille. Lullyavait écrit quelques musiques pour cette tragédie-ballet _ de même titre _, occasion de son ultime collaboration avec Molière (1622 – 1673) avant la brouille des deux Baptiste, où parut le jeune Quinault, mettant sa plume aux airs (et Lully très probablement lui-même aux arias italiennes), alors que l’illustre Pierre Corneille, frère aîné (1606 – 1684) de Thomas, suppléait Molière, pris de court, pour les vers des quatre derniers Actes.

Lully dût éprouver un certain plaisir au demi-caractère _ qui semble en partie annoncer Rameau (1683 – 1764) _ que Thomas Corneille infusa avec Fontenelle à un livret aussi brillant que vite troussé, comédie entre des Dieux et une mortelle, pleine de doubles sens, de sous-entendus, d’enlèvement spectaculaire et de palais enchanté, d’un ton léger qui conservait un peu du divertissement initial, jusqu’aux figures de la comédie italienne qui paraîtront lors du divertissement final.

Cette tragédie lyrique très peu tragique jusque dans son acte infernal est aussi singulière que merveilleuse _ un aspect non négligeable de l’opéra baroque... Christophe Rousset, rompu à Lully, en trouve l’élégance poétique, le ton badin, la haute fantaisie, animant un orchestre virtuose et sensible qui restitue avec brio autant la forge des cyclopes dont l’effet fit grand bruit à la création au château de Saint-Germain-en-Laye le 19 avril 1678, que le tableau des enfers, plus mélancolique que sinistre.

Touchante Psyché, Ambroisine Bré l’est absolument (écoutez seulement « Par quels noirs et fâcheux passages » de l’Acte IV), alliant la récitation noble et le chant diseur (elle assure également l’air de La Femme affligée à l’Acte I), face à un Amour en jeune homme un peu benêt subtilement _ comme toujours _ campé par Cyril Auvity et la Vénus jalouse, vénéneuse, de Bénédicte Tauran.

Une troupe inspirée les entoure, faisant briller ce bijou secret du théâtre lullyste enfin fêté _ oui ! _ à sa juste valeur.

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)


Psyché, LWV 56

Ambroisine Bré, mezzo-soprano (Psyché, Une femme affligée)
Cyril Auvity, ténor (Vertumne, Amour en jeune homme, Mercure)
Bénédicte Tauran, soprano (Vénus, Une muse)
Robert Getchell, ténor (Vulcain, Un homme affligé, Une furie)
Deborah Cachet, soprano (Amour, Aglaure, Une nymphe)
Eugénie Lefebvre, soprano (Flore, Cidippe, Une seconde nymphe,
Une seconde muse)

Philippe Esthéphe, baryton (Jupiter, Un homme affligé, Un premier satyre)
Anas Séguin, baryton (Lycas, Le Roi, Momus, Le Fleuve, Une troisième furie)
Matthieu Heim, baryton-basse (Mars)
Fabien Hyon, ténor (Palémon, Silène, Zéphire, Une seconde furie, Bacchus)
Zachary Wilder, ténor (Apollon, Zéphire, Un second satyre)
Dominique Bonnetain, ténor
Benoît Porcherot, ténor

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS086

Photo à la une : le claveciniste et chef Christophe Rousset – Photo : © DR

Une très belle réussite !

Ce lundi 20 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’événement du splendide Don Giovanni, à Salzbourg 2021, de Teodor Currentzis et Romeo Castelluci…

14août

En confirmation de mon article du dimanche 8 août dernier ,

qui qualifiait cette production salzbourgeoise à la fois d' »événement » et d' »absolument splendide« ,  et proposait d’accéder par la vidéo aux 3h 41′ de ce magnifique spectacle,

je découvre ce samedi, sur le site de ResMusica et la signature de Dominique Adrian, un excellent article intitulé À Salzbourg, le choc Don Giovanni,

qui détaille avec une parfaite justesse, en particulier, sur le détail des prestations des divers chanteurs, et leurs incarnations respectives des divers personnages de ce dramma giocoso, les qualités de cette très marquante production d’opéra.

Le voici, donc :

À Salzbourg, le choc Don Giovanni

Teodor Currentzis et Romeo Castellucci construisent ensemble une lecture forte et exigeante _ oui _ au cœur _ oui _ du Don Giovanni de Mozart _ qui n’a jamais aussi magnifiquement lisible ! Tant dans sa continuité, parfaitement fluide, qu’en son détail, merveilleusement éclairé ! Quel régal tant musical que visuel…

Après les trilogies Da Ponte exsangues signées successivement par Claus Guth (2006-2011), où seules les Noces avaient un intérêt, et Sven Eric Bechtolf (2013-2016), le Festival de Salzbourg avait bien besoin de remettre sur le métier le cœur de la production opératique de l’enfant du pays. Il ne pouvait pas le faire avec plus d’éclat _ oui ! _ que par ce Don Giovanni singulier et puissant _ oui ! Il marque ! _, et on peut espérer qu’il restera longtemps présent au répertoire du festival. Plus que la distribution, ce sont les deux maîtres d’œuvre principaux du spectacle qui font naître cette réussite _ oui, c’est parfaitement juste.

Teodor Currentzis est la star mozartienne du festival depuis la première année de la direction de Markus Hinterhäuser en 2017, et une Clemenza di Tito qui avait ému le public salzbourgeois. Déjà connue par un enregistrement de 2015, son interprétation trouve tout son sens à la scène. Les tempi, bien sûr, ne sont ceux d’aucune tradition, et Currentzis n’entend pas en faire une vérité absolue ; la tendance générale est rapide, parfois un peu trop pour le bien des chanteurs, mais il sait aussi ralentir _ oui. Le récitatif d’Elvira In quagli eccessi est pris très lentement : ce n’est certes pas conforme à la partition, mais c’est juste émotionnellement _ oui _, comme un gros plan qui révèle l’âme du personnage. _ voilà. Le travail de Currentzis ne se limite pas à des questions de tempo qu’on peut toujours contester à loisir : quoi de plus passionnant que cet art de creuser chaque phrase, de chercher une transparence parfaite _ c’est tout à fait cela _ qui révèle à chaque instant des détails dont on avait toujours su qu’ils étaient là mais jamais vraiment consciemment entendus ? Son extraordinaire orchestre, où de nombreux solistes internationaux viennent rejoindre une troupe majoritairement russe, permet toutes les audaces, ne recule devant aucun détail _ sans jamais rien alourdir… _, et réagit au quart de tour aux moindres inflexions de la direction : les spectateurs auront du mal, après une telle performance, à retourner à la routine des grandes maisons d’opéra _ probablement.

Profusion de symboles et vrai théâtre

Cette fois, ce n’est pas Peter Sellars qui est à ses côtés, mais Romeo Castellucci, qui à son habitude signe aussi bien la mise en scène que les décors, costumes et lumières. Dès l’Ouverture, un bouc, une jeune fille nue _ oui _ : la scène mythologique, les symboles archaïques abondent chez Castellucci, et il présente à la fin de l’opéra les survivants comme les corps inertes des victimes de Pompei _ en effet _ : des humains face à _ et définitivement figés par _ la catastrophe _ survenue. Les symboles surabondent dans ce spectacle, mais il y une bonne nouvelle : contrairement à beaucoup d’autres de ses travaux (dont sa Salome salzbourgeoise), ils ne sont pas cette fois un frein au théâtre. La scène initiale, dans le silence (ou plutôt dans les commentaires intempestifs d’une partie du public), illustre la problématique religieuse dont il ne se défait pas _ en effet _ : des ouvriers entrent dans une église pour en retirer tous les symboles religieux, statues, crucifix, tableaux _ et c’est fondamental… Déjà,plus d’un siècle plus tôt, le Dom Juan de Molière procédait ainsi par rapport au Don Juan tenorio de Tirso de Molina…

Pour Castellucci, Don Giovanni est le diable, non pas le mal absolu, mais le double négatif de Dieu, celui qui vient détruire _ oui : malicieusement… _ ce que son double a créé. Les réjouissances nuptiales de Zerlina et Masetto à l’acte I sont une sorte d’Arcadie, de paradis originel ; il suffit que Don Giovanni pénètre la scène pour que les invités recouvrent leurs blancs costumes d’un bleu et se retrouvent au travail. Les pommes deviennent alors produits de consommation alors qu’elles étaient jusque là symboles sensuels, pommes du paradis terrestre, pommes d’or des Hespérides. À la fin de l’acte I, la liberté _ voilà ! _ invoquée par Don Giovanni n’est pas une promesse d’accomplissement individuel, c’est un appel au chaos _ oui : par le débridement fou des désirs…. Castellucci mène la danse au gré des transformations du décor unique, souvent couvert par un voile qui l’abstrait, avec un sens du rythme épatant _ c’est très juste ! _, une capacité à prendre chaque scène pour ce qu’elle est _ oui _ sans perdre _ jamais _ la conception d’ensemble _ et c’est très important _ : le spectacle _ en sa parfaite et très réjouissante fluidité _ est extrêmement divertissant tout en prenant au sérieux chaque strate de cette œuvre si riche _ oui.

Au second acte, ce sont les femmes qui mènent la danse. Castellucci invite sur scène une bonne centaine de « femmes de Salzbourg », de tous âges et de toute origine, parfois victimes désignées du séducteur, mais de plus en plus muettes accusatrices d’un monde _ qui advient _ dont Don Giovanni est le révélateur _ oui, celui de désirs débridés, dont apparaît bien clairement la litanie développée de divers instruments de violence (une panoplie très variée d’armes…) qui accompagnent leurs conflits… Le sacré revient bien à l’occasion, avec un crucifix inversé et noir, et plus encore avec la présence du commandeur indiquée _ seulement _ par de simples lumières. Don Giovanni meurt _ lentement foudroyé _ seul en scène, séparé de son seul compagnon Leporello par un voile infranchissable : le destructeur lui-même finit par être dévoré par son œuvre _ de destruction _, mais on ne saurait dire _ certes… _ si c’est une bonne chose _ et tous et chacun d’hésiter…

Quant aux chanteurs, leur grande qualité est leur intégration _ oui _ dans le double projet _ parfaitement unifié _ du chef et du metteur en scène. On aimerait un peu plus de chair _ oui ! _ et un peu plus de volume _ aussi _ pour le rôle-titre (Davide Luciani) _ l’incarnation est en effet pâlichonne, surtout dans le premier acte, d’ailleurs… _, et même _ à un bien moindre degré cependant _ pour Vito Priante en Leporello _ dont la plus grande prestance lui aurait permis d’intrepréter plutôt Don Giovanni _ ; on aimerait surtout un autre Commandeur que le pâle Mika Kares, aussi loin des attentes qu’il y a quelques semaines en roi Marke à Munich. C’est à Michael Spyres, en Ottavio nettement comique dans son désir vain _ mais c’est le livret qui le programme ainsi _ de bien faire, qu’il revient de sauver _ très brillamment musicalement ! _ l’honneur masculin _ oui ! _ dans cette distribution ; les dames, elles, sont tout de même plus satisfaisantes _ oui. Nadezhda Pavlova est une habituée du travail avec Currentzis (elle a entre autres été sa Traviata), et cela s’entend, mais son Non mi dir chanté à la limite du souffle n’est pas très loin de la rupture. Beaucoup plus émouvante est Federica Lombardi _ excellente _ en Elvira, dont Castellucci fait la représentante de l’ordre établi. La distribution est couronnée _ oui ! _ par une Zerlina rayonnante _ c’est vrai _, aussi en voix qu’en verve scénique, Anna Lucia Richter : elle seule crée l’événement ici _ probablement… ; mais l’engagement scénique des divers chanteurs est, lui, excellent ! Romeo Castellucci a su les diriger…

On aurait aimé une distribution plus brillante _ musicalement, peut-être _, c’est certain, mais l’opéra, ce ne sont pas d’abord les chanteurs : c’est d’abord l’œuvre _ voilà ! _, dont les chanteurs sont les serviteurs _ on ne saurait mieux dire... Grâce à une mise en scène créatrice, riche et maîtrisée _ oui ! d’une très grande lisibilité, et sans nulle épaisseur ; et surtout merveilleuse d’engagement de chacun des personnages… _, grâce à un chef qui va _ musicalement _ au fond des choses _ oui _, le festival de Salzbourg assume ici fièrement sa mission _ oui.

Crédits photographiques : © SF / Ruth Waltz (photo 1) ; Monika Rittershaus (photos 2 et 3).

Salzbourg. Grosses Festspielhaus. 10-VIII-2021.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Don Giovanni, opéra en deux actes sur un livret de Lorenzo da Ponte.

Mise en scène, décors, costumes, lumières : Romeo Castellucci ; chorégraphie : Cindy van Acker.

Avec : Davide Luciano (Don Giovanni) ; Mika Kares (Il Commendatore) ; Nadezhda Pavlova (Donna Anna) ; Michael Spyres (Don Ottavio) ; Federica Lombardi (Donna Elvira) ; Vito Priante (Leporello) ; David Steffens (Masetto) ; Anna Lucia Richter (Zerlina) ;

MusicAeterna Choir ; MusicAeterna Orchestra ;

direction : Teodor Currentzis.

Voilà qui est parfaitement bien rendu…

Ce samedi 14 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. Et un postlude, pour les images « tendant vers l’abstraction »

13nov

Dans le choix des deux listes (de 13, puis, complémentaire, de 22) de mes préférences personnelles parmi les 80 images du récent sublime « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, aux Éditions Textuel,

j’ai fait le choix principiel d’écarter les images qui tendent _ une image photographique procède toujours d’un réel originel, qui a ensuite été saisi par le geste du photographe sur une pellicule, puis choisi, puis tiré, puis exposé… _ un peu trop, pour moi, vers l’abstraction,

alors que je sais bien la place de cœur que de telles images, quasi abstraites, ou plutôt « tendant vers l’abstraction« ,

occupent au sein du goût personnel de l’ami Bernard Plossu

_ cf ce qu’il en dit dans ses passionnantes, très précises, merveilleusement détaillées, conversations avec Christophe Berthoud dans l’indispensable « L’Abstraction invisible« , en 2013, déjà aux Éditions Textuel.

Mais, à quelque niveau, ou moment, que ce soit, opérer un choix nécessite toujours forcément des sacrifices

_ et en l’occurrence ici, pour moi, celui d’images à ne pas retenir parmi mes préférences personnelles… Et exclure et rejeter (et a fortiori jeter) m’est toujours difficile : mon tropisme de fond est de tout retenir…

Et en effet, pour moi, ces images « tendant vers l’abstraction »

_ une telle image ne pouvant bien sûr pas, dans l’absolu, s’abstraire totalement, absolument, de ce réel dont viendra (ou est venue) sourdre, justement, sur la pellicule nécessairement impressionnée, l’image photographique... _

font plutôt partie de ce que j’appellerais une sorte de « cahier d’exercices » préparatoires du photographe,

telles ce que sont, pour le peintre figuratif, les dessins préparatoires, les  premiers jets, les esquisses _ du moins avant Fragonard _,

le travail de « l’artiste«  _ et je sais que Plossu n’aime pas du tout ce terme-là pour lui être appliqué ! _, du moins en une certaine conception classique _ pour un Molière, par exemple ; même si celui-ci s’est aussi amusé à monter des « Impromptus » un peu audacieux, sortant quasi effrontément des normes officielles des genres en cours (et de la cour)… _,

consistant à _ le plus adroitement et subtilement possible _ effacer dans l’œuvre finale la moindre trace d’effort, de travail long et pénible, difficile, d’exercice préliminaire préparatoire compliqué, afin de donner, a contrario, le plus grand sentiment de « naturel » et d’aisance immédiate possible, de la part de l’auteur de l’œuvre parfaitement accomplie, à qui viendra admirer la grâce aisée la plus évidente, et confondante, de la performance géniale, d’où résulte, comme magiquement, le chef d’œuvre exposé…

Ces exercices d’abstraction sont donc certes bien intéressants pour comprendre d’un peu près la genèse un peu tâtonnante et complexe, nécessairement, et toujours, d’une œuvre, au fil des réalisations successives _ avec bien des « ratés« , forcément : il existe fort peu de miracles du « premier jet«  _ de son auteur,

mais n’offrent pas tout à fait _ à mes yeux de regardeur, du moins _ la qualité de sidération admirative la plus sincère des images dont est clairement mieux perçue la filiation _ figurative _ issue du réel perçu en la ressource immensément généreuse de sa profuse concrétude…

Même si l’artiste est bien sûr, lui aussi, et le premier, placé face à de très nécessaires choix, artisanaux _ de représentation : il s’agit là de sa cuisine interne, de ses démarches d’atelier… _, par rapport à ce si formidablement riche réel à figurer : afin de nous en faire ressentir et partager, sans faisandé trucage, la « poésie » la plus « vraie » de l' »ambiance« , pour reprendre certains des mots de Bernard Plossu…

Et ici, c’est moi qui ai à justifier les options esthétiques de mes injustes (!) choix ici…

Bref,

parmi les 80 images de ce nouveau proprement merveilleux « Tirages Fresson« ,

je viens de choisir encore 3 images « tendant vers l’abstraction » :

à la page 44, l’image référencée « Dans le train, Italie, 2008« ,

à la page 45, l’image référencée « Barcelone, Espagne, 2019« .

et à la page 46, l’image référencée « Mexico, Mexique, 1966« .

Bernard Plossu aime beaucoup, en ses nombreux voyages, se déplacer en train : cela lui donne l’occasion d’images à prendre depuis le compartiment du wagon _ cf son livre « Col treno« , avec Jean-Christophe Bailly, aux Éditions Argol, en 2014

 et cf aussi l’image que j’avais tout spécialement choisie pour l’article inaugural et programmatique de mon blog « En cherchant bien« , intitulé « Le Carnet d’un curieux« , le 3 juillet 2008 :

(sans titre) © Bernard Plossu

 

  _,

et cela lui permet de se plonger, l’assez long moment du voyage, dans la lecture suivie d’un livre de littérature,

qui vient aussi nourrir l’acuité de la sensibilité de sa quête iconique à venir…

L’image de la page 44,

légendée « Dans le train, Italie, 2008« ,

et qui n’occupe que la moitié supérieure de la page de gauche de l’album,

donne ainsi à percevoir la porte ouvrant sur le couloir d’une voiture _ d’un train, en Italie, en 2008, donc _, avec les deux premières fenêtres du couloir, d’où l’on devine _ à la couleur _ le défilement à grande vitesse du paysage _ de verdure _ traversé. C’est principalement le jeu géométrique des lignes qui anime l’image, avec un contraste dominant de noir et de blanc…

L’image qui lui fait face, et sur la page entière cette fois _ et la composition de la mise en page est, bien sûr, toujours très importante ! _,

à la page 45,

est légendée « Barcelone, Espagne, 2019« .

Cette fois-ci, l’image, au contenu très riche, ne se laisse pas aisément immédiatement décrypter,

tant l’entremêlement des lignes et des surfaces colorées _ blanc, gris, noir, avec aussi deux courtes lignes rouges _,

ne permet presque pas d’identifier ce dont il s’agit en cette scène,

saisie ainsi _ à dessein _ de très près :

il pourrait peut-être s’agir là d’un bateau, à quai _ Barcelone est aussi un grand port… _, mais c’est peu discernable…

Cette image a pour moi quelque chose de kafkaïen _ Franz Kafka : 1883 – 1924 _ ;

et aussi, vaguement _ mais plus lointainement _, de Juan Gris _ 1887 – 1927…

Enfin, à la page 46, se trouve l’image légendée « Mexico, Mexique, 1966 » :

qui compte parmi les toutes premières de la carrière photographique de Bernard Plossu, né en 1945

_ Bernard Plossu avait alors ses grands-parents maternels qui vivaient au Mexique…

L’image n’a pas un brin vieilli.

Il s’agit d’une vue, légèrement de biais, prise à travers les barreaux, noirs, d’une fenêtre très moderne,

d’un immeuble très moderne, lui aussi, tout blanc, et au semblable fenêtrage noir ;

avec une unique fine ligne verticale rouge, doublant une fine ligne verticale noire, partageant toutes deux l’image en deux parties égales.

L’effet obtenu en l’image

a quelque chose d’un pastiche réussi de la géométrie d’un Mondrian… 

Ce vendredi 13 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : la parfaite jubilation des chansons un peu lestes de Marc-Antoine Charpentier, par le cher Henri Ledroit en 1987

17juin

Existe tout un versant comique

dans l’œuvre musical de Marc-Antoine Charpentier 

( – 1643, Paris, 24 février 1704),

notamment à partir de sa collaboration avec Molière

(Paris, 15 janvier 1622 – Paris, 17 février-1673),

par exemple pour les ballets (copieux !) du Malade imaginaire,

créé le 10 février 1673.

J’aime tout spécialement deux _ prestes, superbement troussées _ chansons :

« Auprès du feu l’on fait l’amour… » (H. 446)

et « Ne fripez pas mon bavolet » (H. 499a), intégrée en 1679 à une reprise de la pièce à machines L’Inconnu… ;

et dans l’interprétation si pleine d’esprit _ et de vie ! _ du cher _ et irremplacé ! _ Henri Ledroit

(Villacourt, 11 mars 1946 – Nancy, 10 mai 1988),

en un superbe CD Charpentier Orfée descendant aux Enfers,

le CD Ricercar RIC 037011,

enregistré à Stavelot du 28 janvier au 2 février 1987.

Et avec une précise et très intéressante présentation de Catherine Cessac, dans le livret.

Un talent (de chansons) assez peu couru,

et surtout pas assez fréquenté par les interprètes,

dans la tradition musicale française.

Mais là, je suis plus que probablement très injuste !

Écoutez donc les podcasts de ces deux chansons :

« Auprès du feu l’on fait l’amour…« 

et « Ne fripez pas mon bavolet« …

Et réjouissez-vous !

Ce mercredi 17 juin 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa 

Une splendide redécouverte de Marco Horvat (et Faenza) : Charles Coypeau Dassoucy (1605 – 1677)

13mar

Les Éditions Hortus nous font un splendide cadeau musical

avec le merveilleux CD Hortus 169 des Airs à 4 Parties du Sieur Dassoucy,

de l’Ensemble Faenza

et son directeur Marco Horvat.

Airs à quatre parties du Sieur Dassoucy

 

Jusqu’ici,

Charles Coypeau Dassoucy (Paris, 16 octobre 1605 – Paris, 29 octobre 1677)

demeurait un nom

 à peine entr’aperçu en quelques textes

_ divers,

y compris autobiographiques ! : Les Aventures, Les Aventures d’Italie, Les Pensées, La Prison de Dassoucy… ;

ou de recueils poétiques siens : L’Ovide en belle humeur, Les Rimes redoublées…  _

du XVIIe siècle ;

ou l’image d’un musicien itinérant, accompagnant quelque temps _ en Languedoc _,

« un luth sur l’épaule et un sourire aux lèvres« , la troupe de L’Illustre Théâtre

dans le _ marquant ! _ film Molière (en 1978) d’Ariane Mnouchkine

Et voici que,

grâce à Marco Horvat,

la musique Dassoucy nous parvient enfin !

Ce qui me rappelle, très personnellement,

ma propre joie _ alors que je ne suis même pas musicien ! _ d’avoir participé _ par mon travail de recherche, en 1994-95, pour La Simphonie du Marais _ à donner à entendre _ au CD, en 1996 _

l’unique œuvre parvenue jusqu’ici _ un hapax donc ! _ d’un musicien contemporain de Dassoucy,

et mieux encore, et surtout, ami de lui :

 

le luthiste et chanteur Pierre de Nyert !

Et ayant accompli, comme Dassoucy, le voyage d’Italie !

Et pour des raisons totalement musicales :

y parfaire son art…

Pierre de Nyert fut aussi le maître de chant du grand Michel Lambert (1610 – 1696) le futur beau-père de Lully…

Ainsi que de la plupart des chanteurs de la cour…

Du bayonnais Pierre de Nyert

(Bayonne, 1597 – Paris, 1682, premier valet de chambre des rois Louis XIII et Louis XIV,

et choisi à ce poste par Louis XIII pour ses talents de luthiste et chanteur ! dont celui-ci désirait jouir en permanence auprès de lui),

il s’agissait

de l’air Si vous voulez que je cache ma flamme,

interprété par Bernard Deletré et La Simphonie du Marais, direction Hugo Reyne,

en le CD EMI Virgin Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1996

_ dont je suis pour une très large part, par mes recherches, l’auteur du programme…



« Une redécouverte » :

ainsi intitule son texte de présentation dans le livret du CD Dassoucy

Marco Horvat :

« Si nous avons bien vocation _ oui ! _, en tant qu’interprètes de musique ancienne, à redonner vie _ voilà ! _ à des musiques oubliées, il est bien rare que nous ayons le plaisir d’accéder à des corpus jamais étudiés ni interprétés. (… Et)

la découverte d’œuvres non répertoriées est devenue rarissime. Quand cette découverte répond, de surcroît, à une attente de plusieurs décennies, l’émotion est alors à son comble.

C’est pourquoi le jour où Frédéric Michel _ claveciniste, pédagogue et chercheur infatigable _ m’envoya une copie numérique du dessus manquant des Airs à 4 Parties du Sieur Dassoucy _ partie de dessus offerte en 2015 à la Bibliothèque de l’Arsenal par Jean-Robert Henry ; ce livre d’Airs était paru chez l’imprimeur Ballard, en 1653 _, mon sang ne fit qu’un tour et je sus immédiatement qu’à moins d’une mauvaise surprise sur la qualité de cette musique, je me devais, avec Faenza, d’en réaliser l’enregistrement.

Le personnage de Dassoucy a _ en effet _marqué mon imaginaire d’adolescent, lorsque je l’ai « croisé » pour la première fois _ en 1978 _ dans le film Molière  d’Ariane Mnouchkine où on le voit accompagner quelque temps _ en 1655 _ la troupe de L’Illustre Théâtre, un luth sur l’épaule et un sourire aux lèvres« . (…)

Il est bien difficile _ faute de documents autobiographiques _ de se faire une idée _ un peu précise et riche de détails _ du vécu d’un musicien de l’Ancien Régime. (…) Les données biographiques sont rarement suffisantes _ en effet _ pour nous ouvrir une fenêtre sur leur intimité _ voilà. S’il n’est pas indispensable de connaître la vie d’un compositeur pour comprendre sa musique, il n’est pas indifférent de savoir qui il était, comme c’est le cas pour Dassoucy, bon vivant, joueur, colérique, moqueur, froussard ou fidèle à ses amis.

Il est _ ainsi _ plaisant de voyager avec lui _ en Languedoc, en Savoie, en Italie (Turin, Mantoue), à Rome _ d’auberges en demeures aristocratiques, passionnant de connaître _ aussi _ son avis sur d’autres compositeurs, ou son goût _ affirmé _ pour la musique populaire. (…)

Dans de nombreux extraits de son autobiographie, en plus de nous amuser par des descriptions cocasses, Dassoucy nous renseigne sur les conditions d’interprétation _ voilà _ de la musique de son époque. Mais là où son apport littéraire devient particulièrement touchant, c’est lorsque, tel un compositeur romantique avant la lettre _ en effet _, il entrouvre _ aussi _ pour nous les arcanes de la création artistique et nous en révèle les affres. (…)

Travailler sur les airs de Dassoucy tout en relisant ses mémoires m’a donné pendant quelques semaines l’illusion d’être plus proche de lui et a constitué un antidote au doute que je ressens bien souvent quant à la légitimité de nos interprétations, à nous musiciens du XXIe siècle qui ne pouvons (…) faire aux compositeurs du XVIIe siècle « l’honneur de les venir voir » » _ pour nous entretenir très pragmatiquement avec eux.

Les 7 pages _ pages 7 à 13 du livret _ du texte « Charles Coypeau Dassoucy » de Nathalie Berton-Blivet

sont bien sûr passionnantes

par leur irremplaçables précisions musicales !

On y découvre comment l’œuvre de Charles Coypeau Dassoucy (1605 – 1677)

se situe entre celles de ses prédécesseurs

que sont Pierre Guédron (1570 – 1620) et Antoine Boesset (1587 – 1643),

ou contemporains, tel Étienne Moulinié (1599 – 1676),

et la musique qui va naître sous le règne de Louis XIV… 

« L’enregistrement des Airs à quatre parties de Dassoucy que propose l’ensemble Faenza permet _ enfin _ de redécouvrir les talents d’un compositeur dont toutes les autres œuvres musicales sont aujourd’hui _ pour le moment _ perdues. Les Airs de 1653 virent le jour à une époque charnière _ voilà ! _, au cours de laquelle se généralisa la pratique de la basse continue _ c’est très important. Héritiers _ oui _ de la longue tradition de l’air de cour polyphonique, illustrée par des compositeurs tels que Pierre Guédron ou Antoine Boësset, certains airs comme Doux objets de mes sens ou le magnifique C’est trop délibérer, se caractérisent encore par une pensée contrapuntique. D’autres airs révèlent une pensée déjà plus harmonique, comme Vous m’ordonnez, belle Sylvie, une composition où les différentes voix évoluent de manière homophonique. Dassoucy, en musicien attentif au texte qu’il mettait en musique, veillait à ménager certains effets et savait particulièrement bien tirer parti de ces deux types d’écriture qui ne s’excluaient nullement. En témoigne l’air Il s’en va, l’amant infidèle, où la fuite est évoquée systématiquemùent dans la première partie par une écriture fortement contrapuntique, où les voix sont en décalage (Il s’en va, l’amant infidèle / Il fuit et sa rigueur cruelle), en fort contraste avec les affirmations Et vainement je suis ses pas / Refuse de voir mon trépas, lesquelles reposent sur une écriture plus harmonique. »

Cela s’entend fort bien.

Et nous avons bien dans l’oreille diverses interprétations de ces compositeurs du premier dix-septième siècle ;

ainsi, bien sûr, que de celles qui apparaissent en ce milieu du siècle en France,

notamment à la Cour du jeune Louis XIV… 

Un CD magnifique à tous égards

que ce CD Dassoucy !

Ce mercredi 13 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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