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« Livrez-vous ! » à la lecture, le studio de la photographe Mélanie Gribinski au coeur de la librairie Mollat du 18 avril au 9 mai : portraiturer le lecteur en sa lecture

14avr

A propos de la proposition de « portraits » _ photographiques _ de lecteurs

se livrant à la lecture

au sein même des (vastes) espaces de la librairie Mollat :

« Livrez-vous !« , du 18 avril au 9 mai,

« Mélanie Gribinski réalise votre portrait dans son studio de photographe installé au centre de la librairie Mollat à Bordeaux.

Venez accompagné du livre de votre choix,

livre du moment, livre de chevet, livre préféré, livre rare, petit ou grand livre, livre de la librairie ou de votre bibliothèque« …

Livrez-vous !

ce petit échange de correspondances

entre Mélanie Gribinski, l’artiste-photographe qui va oeuvrer en un studio monté ad hoc au sein des (larges) espaces de la librairie, rue Vital Carles (ou rue Porte-Dijeaux)

et Titus Curiosus, le blogger qui fait part de ses curiosités et enthousiasmes :

Le 12 avr. 09 à 23:35, Mélanie Gribinski a écrit :

Bonjour,
Je me permets cet envoi de la part de Bernard Plossu.
Cordialement.
Mélanie Gribinski

——– Message original ——–
Sujet:    LIVREZ-VOUS! – librairie Mollat à Bordeaux
Date:    Sun, 12 Apr 2009 22:14:31 +0200
De:    Mélanie Gribinski


LIVREZ-VOUS !
du 18 avril au 9 mai 2009

Mélanie Gribinski réalise votre portrait dans son studio de photographe installé au centre de la librairie Mollat à Bordeaux.

Venez accompagné du livre de votre choix, livre du moment, livre de chevet, livre préféré, livre rare, petit ou grand livre, livre de la librairie ou de votre bibliothèque…

Mélanie Gribinski est photographe portraitiste, spécialisée dans le portrait Noir & Blanc à la chambre grand format.

Après avoir été élève du photographe Reza à l’école de photographie MJM, dont elle est sortie, en 1989, avec le premier prix décerné à l’unanimité, elle a travaillé au laboratoire  professionnel de photographie Imaginoir à Paris avec des photographes tels que Sebastião Salgado, Sarah Moon, Gisèle Freund, Raymond Depardon…

Elle a photographié près de cinquante psychanalystes, parmi les plus grands noms de la psychanalyse française,

puis a réalisé une série de portraits de poètes, invités du Centre international de poésie à Marseille. Elle a fondé les éditions « La Chambre » et a publié notamment un recueil de photographies et de planches contacts inédites de la photographe Denise Colomb sous le titre « Instantanés« .

Elle élabore actuellement un ensemble de portraits et d’entretiens autour du travail de certains éditeurs installés en Aquitaine.

Les portraits d’artistes et d’intellectuels sont ces centres d’intérêts photographiques.

L’essentiel de son travail est visible sur le site www.melaniegribinski.com

Librairie Mollat – 15 rue Vital Carles 33000 Bordeaux tél. 05 56 56 40 00 – http://www.mollat.com/

Avec cette rafale de messages en réponse à cet « envoi » :

De :   Titus Curiosus

Objet : Rép : [Fwd: LIVREZ-VOUS! – librairie Mollat à Bordeaux]
Date : 13 avril 2009 06:07:33 HAEC
À :   Mélanie Gribinski


Merci beaucoup de votre envoi.

Bernard Plossu m’a en effet déjà parlé de vous ;
au moins pour votre travail sur les psychanalystes.
Et d’autres fois.

Portraiturer est fascinant ; et un magnifique défi…
Je viendrai avec joie !!!

En plus,
« Livrez-vous » est une « idée » (et, mieux, un « projet », un processus, un faire artistique) magnifique ;
nous tous sommes si coincés ; si peu enclins à donner quelque chose de nous ;
alors nous livrer !!!


La lecture le permet peut-être en effet davantage : l’auteur déjà s’est (plus ou moins,
et selon son degré de rapport à la vérité !)
livré lui-même en son écriture,
et se tient disponible, entre les lignes, entre les mots,

à la juste distance du rythme de lecture
et de la curiosité du lecteur ;
à condition, toutefois, que ce dernier désire le découvrir vraiment, en sa distance et en sa singularité,
sans s’identifier
stupidement à lui, ni le vampiriser…
C’est tout un art de confiance et de respect mutuel…

Alors pour ce qu’il en est du portraitureur et du portraituré !..

Votre projet est passionnant.
Et déjà la photo exemplaire de votre projet
est engageante, en sa beauté…

J’ai écrit un essai,
que Bernard Plossu a pu lire, puisque je le lui ai communiqué,
qui s’intitule « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise« ,
avec pour sous-titre « un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« …

Ainsi qu’un article « Pour célébrer la rencontre« …
qu’avait publié sur son site « Ars Industrialis »
Bernard Stiegler (en mars 2007)…

A très bientôt,

Titus Curiosus

Et

Vous pouvez aussi jeter un œil sur mon blog En cherchant bien
sur le site de la librairie Mollat ;

avec son premier article programmatique (où je cite Bernard Plossu),
le 3 juillet 2008 :
« Le Carnet d’un curieux » ;

et avec celui-ci, commentant une photo de Bernard Plossu :

« Attraverso Milano _ le carton d’invitation alla mostra »


J’en suis à plus d’une centaine d’articles depuis…

Par exemple, dernièrement, celui-ci,
à propos de 3 philosophes amis :

« Energie, joie, reconnaissance _ et amitiés aussi : la grâce des oeuvres et de l’Art : François Noudelmann, Gilles Tiberghien, Bruce Bégout »

A suivre,

Titus Curiosus

Et j’ai même adressé à Mélanie Gribinski mon article « Pour célébrer la rencontre »

qu’avait publié en mars 2007 « Ars Industrialis« ,

le site de Bernard Stiegler…

Voici ce que répond, sous cet accablement (de textes à lire), l’artiste photographe,

en pleins préparatifs (urgentissimes : le 18, c’est dans quatre jours) de son dispositif pour son travail à partir du samedi 18 avril prochain, en son studio photographique monté (pour trois semaines) en plein cœur de la librairie Mollat :

Le 14 avr. 09 à 00:15, Mélanie Gribinski a écrit :

Bonjour Titus Curiosus,

Vous m’envoyez tout à trac un flot de lecture dans lequel je n’ai malheureusement pas le temps de me plonger en ce moment, car très prise par la préparation du dispositif que je mets en place chez Mollat.
Mais je prendrai volontiers le temps de faire connaissance avec vos textes après la rencontre !

A bientôt donc.
Mélanie Gribinki

Ma réponse ce matin :

N’ayez crainte :
le temps (de…) vient (ou, parfois, pas). On le prend (ou, parfois, pas).
C’est là règle du jeu de la vie ; particulièrement dans le monde hyper-pressé (et hélas faux) qui est
(du moins se veut tant…) le nôtre
(cf les analyses de Paul Virilio sur la vitesse _ par exemple « La Vitesse de libération » ; ou « Vitesse et politique« , en 1977, aux Éditions Galilée _ ;
et les équivalences Time / Money…) ;
ou, a contrario, le temps hyper-alenti et déployé d’une psychanalyse…


Mais, justement, l’artiste est celui qui, contre ce temps faux-là (marchand ; à « rentabiliser », croient-ils…), apprend à (et sait, peu à peu) mettre en place une autre temporalité (vraie, elle),
où mieux vivre, vraiment s’épanouir
(parfois _ ce n’est pas tout à fait sur commande !.. ; ni mécanique…).

Soit la vérité (et la béatitude : par la joie ; à distinguer du plaisir) versus la plus-value monétaire…

Qu’est-ce donc que je perds quand « je perds mon temps » ; et que ma vie se passe à rien qu’à « la gagner » ?..

Notre époque

_ individu (ou plutôt la « personne » ; avec un vrai visage ; et pas rien que des « mines »…) ; individu par individu _

aurait tout « intérêt » (vrai !) à réfléchir enfin un peu (et mieux) à l’échelle de ses valeurs ; à la revoir ; à la remettre vite _ il y a urgence ! pour tous, comme pour la planète _ sur ses pieds…


Dans l’article (déjà long, en effet : plus qu’une photo faite, certes !) que je vous ai envoyé (« Pour célébrer la rencontre« ),
je développe un peu l’image du petit dieu espiègle Kairos (à apprendre à « accueillir ») ;
un dieu pourvu aussi
, en plus de ce qu’il donne (!) généreusement, d’un rasoir tranchant.

Le temps des préparatifs (d’un dispositif) est assez magnifique : car c’est un temps de préparation d’une fête (possible) à venir…
Et la fête vient !

Alors quand il s’agit de préparatifs d’un dispositif artistique !

Surtout, tout spécialement, pour ce préparatif de « rencontre » qu’est un portrait _ et photographique, qui plus est…
Quel défi (temporel) ! Stimulant !

Dans le genre des portraits, mais pas photographiques,
pour ma part, j’apprécie tout particulièrement ceux de Lucian Freud
_ cf par exemple, pour un début de « connaissance » de cet artiste majeur : « Lucian Freud : l’observation de l’animal« , par Sebastian Smee, aux Éditions Taschen…


Mais le temps de peindre
n’est certes pas le temps de photographier…


Quant au temps de lire (un livre _ puisque c’est un élément essentiel de votre dispositif « Livrez-vous !«  en votre « studio de photographe » de 3 semaines « au centre de la librairie Mollat » !) : c’est un temps d’intense intimité…

Le regard du lecteur étant tourné
vers ce que dit la parole
éminemment (et pour toujours !) vive _ désormais écrite : elle se tient tranquillement à disposition _ de l’auteur : à distance importante, voire considérable, d’espace et de temps
(et même carrément par-delà la disparition _ physiologique _ de l’auteur : devenu, dissous, poussière et « fantôme » : sans chair ni os…).

Un échange sub specie aeternitatis, dirait Spinoza (cf « L’Ethique« ) : c’est ce qu’offre la grâce de l’Art (vrai)… Une fête, absolument !!!


Je suis ravi de faire votre connaissance _ et ainsi, de cette façon (!) : à l’œuvre…
Bernard Plossu m’a à plusieurs reprises parlé de vous » : c’est un « passeur » éminemment positif…

Et le 18 avril, c’est en effet, samedi prochain, très bientôt ! Tous mes vœux vous accompagnent !!!

Titus Curiosus

Venez donc vous livrer à ce « Livrez-vous ! » !

et participer à ce projet (d’artiste) magnifique !!!


Titus Curiosus, ce 14 avril 2009

Au pays du off shore : l’élan du port de voix ; ou la vérité du style…

25nov

Sur « Voix off » de Denis Podalydès, au Mercure de France,

dans la (très) belle collection « Traits et portraits« , de Colette Fellous

(avec photos ; cf déjà ses très beaux « Tuiles détachées« , de Jean-Christophe Bailly ;

et « La première main« , de Rosetta Loy)…

_ avec un CD de 14 plages de textes, dits par Denis Podalydès lui-même

et bien d’autres (et quelle anthologie sonore !!!) :

Jean Vilar , Gérard Desarthe, André Dussolier, Jean-Louis Trintignant, Pierre Reverdy, Daniel Mesguich, Michael Lonsdale, Roland Barthes, Sarah Bernhardt, Michel Simon, Charles Denner, Marcel Bozonnet, Richard Fontana, Ludmila Mikaël, Christine Fersen, Jean-Luc Boutté, Eric Elmosnino, Orson Welles & Fernand Ledoux, Pierre Mendès-France, Coluche, Guy Lux, Roger Lanzac, Valéry Giscard d’Estaing, Jean Cocteau, Paul Claudel, Paul Léautaud, Gérard Philipe, Michel Bouquet, Jacques Weber et Bruno Podalydès… ;

et, accessoirement, prix Fémina de l’Essai 2008…

« Est-il, pour moi, lieu plus épargné, abri plus sûr, retraite plus paisible,

qu’un studio d’enregistrement ?

_ énonce tranquillement, en ouverture de ce livre (et disque), l’acteur diseur (lecteur) Denis Podalydès…

Enfermé de toutes parts, encapitonné, assis devant le seul micro, à voix haute _ sans effort de projection, dans le médium _, deux ou trois heures durant,

je lis les pages d’un livre.

Le monde est alors _ féériquement _ celui de ce livre.

Le monde _ tout entier _ est _ miraculeusement _ dans le livre.

Le monde est le livre.

Les vivants que je côtoie, les morts que je pleure, le temps qui passe, l’époque dont je suis le contemporain, l’histoire qui se déroule, l’air que je respire,

sont _ entièrement _ ceux du livre.

 J’entre _ sacralement _ dans la lecture« ,

s’ouvre

_ en beauté, et mystère, comme une cérémonie (un peu secrète) d’intronisation (à Éleusis) _

le livre, page 11 ;

et ces mêmes mots-là, et à plusieurs reprises,

soit avec (quelques) coupures,

soit avec de légères variantes,

vont revenir scander l’ouverture (ou la clôture) des divers chapitres

donnant à retentir et vibrer, à nouveau, toutes ces voix : pages 97, 153 et 219…


(…) 13 lignes plus loin, à la page 12 :

« Nacelle ou bathyscaphe,

le réduit sans fenêtre où je m’enferme _ pour l’enregistrement, en ce studio (ou studiolo)… _

autorise une immersion ou une ascension totales.

Nous

_ Denis Podalydès inclut en cette « expédition » et l’ingénieur du son et le directeur artistique (de l’enregistrement) _

descendons dans les profondeurs _ page après page, abyssales _ du livre,

montons dans un _ septième _ ciel de langue.

Je confie à la voix le soin _ = une ascèse… _ de me représenter _ furieusement, bien que tout soit tranquille _ tout entier.

Les mots écrits et lus me tiennent lieu _ métamorphose quintessentielle _ de parfaite existence. »

Et un tout petit peu plus loin, encore, page 14, le fin mot de tout ce « dispositif » :

« Mais de ma voix

_ Par l’odeur de la pluie m’était rendue _ en un « admirable tremblement du temps«  ! _

l’odeur des lilas de Combray,

par l’assourdissement des bruits dans la chaleur de la matinée,

la fraîcheur des cerises : quels délices ! _,

lisant les mots d’un autre _ Marcel Proust, en l’occurrence, pour ici

(« Combray » : l’ouverture de « La Recherche« , « Du côté de chez Swann« ) _

ceux d’un mort lointain _ le 18 novembre 1922 _,

dont la chair est anéantie _ peut-être bien… _,

mais dont le style,

la beauté de ce style,

fait surgir _ tel son pouvoir _

un monde _ oui ! _ d’échos, de correspondances et de voix vivantes _ ou le seuil ! _

par lesquelles je passe,

parlant à mon tour,

entrant dans ces voix _ soit la clé de la métamorphose ! _,

me laissant aller à la rêverie,

à l’opération précise d’une rêverie continue, parallèle et libre,

je sais que je parle,

je sais que c’est de moi qu’il s’agit,

non pas dans le texte,

bien sûr,

mais dans la diction

_ voilà l’opération de trans-substantiation qui, ici, donc, se livre _

de ces pages. »

Pour aboutir à cette ultime phrase, de l’ouverture,

et clé de tout ce « Voix off« , page 15 :

« Alors d’autres voix encore se font entendre,

dans la mienne.« 

Deux exemples, j’élirai, seulement :

d’abord,

celui d’une voix « personnelle » au récitant,

celle de « Mamie d’Alger«  _ Jeanne, la mère de son père (Jean-Claude Podalydès) ;

qui n’est même pas « la plus proche » de ses deux grand-mères ;

lui, Denis, se sentant bien davantage « du côté » des Ruat _ versaillais _, et de Mamie Odette :

« Elle parle lentement. Son accent pied-noir froisse, accroche chacune des syllabes qu’elle prononce. Discours patiemment élaboré, au discours toujours plus ralenti. La salive lui manque toujours. Phrases infiniment longues et détaillées. ses évocations ont une précision maniaque, dont Maman _ versaillaise, elle : côté Ruat ; et pas Podalydès _ gentiment se moque :

« Nous étions donc un lundi, lundi 23 février, il devait être neuf heures trente du matin, en tout cas il n’était pas dix heures, la température, je m’en souviens, était tout de même assez fraîche, tu me diras que c’est normal en février, Papi, le pauvre, ne s’était pas encore rasé, il se rase toujours au rasoir à main, tu le sais

_ l’histoire qu’elle raconte ne commence jamais avant l’inventaire de toutes les circonstances énonçables, infinies _ en effet !… _,  dont la mémoire ne lui fait jamais défaut _ ;

c’était la Saint-Lazare, je m’en souviens parce que Papi disait toujours, le pauvre, tu sais s’il était drôle, même s’il pouvait avoir des colères, mon Dieu, des colères ! Ton père a dû t’en raconter quelques unes, bon, je disais, oui, alors, bon, voilà, Papi disait qu’il était curieux de fêter les gares, de fêter celle-là particulièrement, alors qu’on ne fêtait pas la Saint-Montparnasse ! Tu comprends la blague, je pense, alors, nous étions donc le 23 février… »


L’histoire alors reprend à son début,

on s’aperçoit peu à peu qu’il n’y a pas d’histoire,

que l’histoire est ce qui précède _ en abyme(s) _ l’histoire,

que l’argument principal, par lequel, en principe, le récit a commencé depuis une vingtaine de minutes,

est perdu,

inexistant,

ou si maigre,

que sa venue enfin,

dans le cours des phrases,

ne sera pas même remarquée,

emportée _ comme chez Montaigne ! _ par les fioritures infimes et inutiles _ pas tout à fait, toutefois… _,

divisées à l’infini.


Et pourtant,

de sa voix asséchée de mélancolie et de médicaments,

ralentie par les menus détails, les regrets et lamentations sempiternels,

 elle m’en dit des choses«  : en effet ! pages 134-135…

Mon second exemple sera la voix de Roland Barthes (pages 201 à 204),

parmi les « Voix des morts« …


« On entend toujours affleurer ce qu’il désigne lui-même _ Roland Barthes _ sous l’expression l' »angoisse de délicatesse ».
La voix découpe les masses, ou plutôt les ensembles signifiants

en haïkus » _ page 201.

« Barthes échappe cependant à toute affectation.

Tout le long de ce cours  _ au Collège de France, sur le Neutre _

si précis dans la conduite de son propos

_ il faudra donc entendre qu’il y a une violence du Neutre _

malgré les sinuosités _ encore, aussi : Montaigne… _ de l’exposé

_ mais que cette violence est inexprimable _ ;

si scrupuleux dans la tension de ses paradoxes

_ qu’il y a une passion du Neutre, mais que cette passion n’est pas celle d’un vouloir-saisir _

si constamment anxieux d’échapper aux déterminations,

aux partis pris,

à toute voie trop droite

_ revoilà donc notre Montaigne ! _

mais plus encore aux attaques de sa profonde mélancolie,

dont les leçons successives révèlent le travail souterrain,

à laquelle il accorde sa place dans le système ;

et c’est peut-être à ce mélange de la mélancolie et de la méthode,

à cette acceptation d’un fond irrémédiable de tristesse dans la progression même de la pensée,

que la voix de Barthes doit sa beauté,

son phrasé généreux,

musical. » 


On voit combien l’oreille _ et la voix _ de Denis Podalydès a de justesse de générosité et de sens,

autant que de

musicalité…

Et je n’ai même pas encore écouté le CD !!!


L’écriture de Denis Podalydès est une exploration _ magnifiquement inspirée ! et de quelle justesse ! _
de ce que peut être « l’œuvre de voix »

_ c’est-à-dire l’œuvre de la voix _,
au premier chef des comédiens eux-mêmes,
et au théâtre, d’abord _ bien sûr ! _ ;

mais pas seulement d’eux ;

et elle constitue,
cette écriture même en ce livre
_ rare, et/ou peut-être même unique ! _,
un véritable « bréviaire »
théâtral
pour qui voudrait _ et voudra _ « retrouver »
ce que furent les « apports »
_ singuliers ! _ de quelques grands noms

désormais

_ car désormais _ sinon, bientôt… _ fantômes

hantant _ ou voués à « hanter »… _ rien que notre mémoire et notre nostalgie :

cf la page (page 90) consacrée au souvenir d’Annie Ducaux :

« époque où l’on s’évanouit, où l’on se pâme, en écoutant une tirade d’« Athalie«  _ C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit _ ;
époque dont Annie Ducaux, voix noble, drapée
_ Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée _
aisée, rythmée, _ Comme au jour de sa mort pompeusement parée _
capable de frapper le dernier rang de spectateurs _ J’ai senti tout à coup un homicide acier _ d’une violence inouïe qui les transperce plus vivement que le gel _ Que le traître en mon sein a plongé tout entier _,

époque révolue, dis-je,

dont Annie Ducaux est _ on note, ici, l’usage du présent ! _ peut-être la dernière manifestation vocale«  (page 91) ;

maintenant que non seulement

le moment de la « représentation »
_ ou « performance« , comme cela se dit en anglais ;

et « performance » sur la scène même, sur les « tréteaux » dressés _,
a passé

_ mais ce n’est rien là que la loi (de l’éphémère !) du spectacle vivant, hic et nunc, ce soir-là, sur cette scène-là ; et pas le lendemain, ni la veille, « au théâtre » !..  ;

et que le temps a fait son œuvre ;

et, pire que le temps,
la « maladie de la mort », aussi ;

et son fruit

_ qui tout à la fois va germer,

nous nourrir,

et pourrir…

Mais c’est ce qu’il nous faut _ et vite ! _ apprendre de la vie,

que cet « éphémère »-ci ;

et « lui rendre grâce »,

comme le fait (notre) Montaigne…


Ainsi,
Denis Podalydès a-t-il des pages bouleversantes
sur son souvenir vivant
_ ô combien ! et comment ! _
de comédiens en de derniers moments sur la scène,

ou ailleurs :

un tournage de cinéma,
ou même croisé en quelque rue :

tels que Richard Fontana (« il joue « La Fausse suivante » à la Comédie-Française« , page 94),
et Jean-Luc Boutté (« à quelques pas de moi, sur le tournage de « Mayrig« , où je fais un petit rôle » :
« il attend immobile, sans un mot ni regard. Je scrute son décharnement, sa patience, sa souffrance irradiante et mutique » (page 94, aussi) ;

ainsi que quelques _ « grands » _ autres (Gérard Philipe, Bernard Blier, page 93),
déjà…

De plus longs passages, plus loin, seront consacrés aux voix _ en action _ de ces mêmes Richard Fontana et Jean-Luc Boutté, sur la scène ;

comme
à la voix d’Éric

_ le frère de Denis, de Bruno, de Laurent Podalydès _,
suicidé « le 10 mai 1997 » (pages 144 à 147) ;

ou comme
aux « Voix des toreros« 
,

« Voix sans voix« ,

car
« nuit fait homme
il

_ le torero José Tomás , « le 10 septembre à Nîmes« , en 2007 _ ;

il appelle les taureaux d’un souffle. Ce même souffle que l’arène retient. Silence médusé. La respiration du taureau. Halètement. Ce va-et-vient du poitrail.
José Tomás avance la main. Regard du taureau. Saisi, tenu. Flexion du poignet. Ondulation de la muleta. Appel, absence de voix. Charge.
Le taureau entre dans l’illusion, la voilure fuyante du leurre. Navigation de la bête, ralentie, allégée. Courbe. Absence de voix.
Toujours du silence au principe de chaque mouvement.
« 

Etc… : encore 13 lignes…

C’est magnifique : parce que juste ! (aux pages 147-148).

Chapeau ! Monsieur le regardeur-écrivain !..

Ou

l’œil d’un artisan praticien, probe ;

et maître artiste,

simplement…

Merci…

Titus Curiosus, ce 25 novembre 2008

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