Posts Tagged ‘objet

Désir et fuite _ ou l’élusion de l’autre (dans le « getting-off » d’un orgasme) : « L’Etreinte fugitive » de Daniel Mendelsohn

08fév

Un grand beau livre _ et socio-historiquement significatif (sinon important !) _, que cette « Étreinte fugitive« , par Daniel Mendelsohn,
qui paraît cette fin janvier 2009 aux Éditions Flammarion,

traduit de l’américain « The Elusive Embrace«  _ dont le sous-titre, curieusement in-apparent ici (?), en son édition originale (« by Alfred A. Knopf« ) le 24 mars 1999, était « Desire and the Riddle of Identity » :

une clé, pourtant ! car c’est bien à cette « énigme de l’identité » (personnelle) que se confronte l’enquête éminemment personnelle _ et passionnante _ de Daniel Mendelsohn, qui n’est pas tout à fait un essai philosophique, ni une enquête socio-psychologique, voire psychanalytique à visée générale, mais bien le récit d’une quête existentielle personnelle, celle de l’individu Daniel Mendelsohn, né en 1960 dans une banlieue de New-York (sur l’île de Long Island)…

En un fort utile « Au lecteur français » (de novembre 2008), l’auteur présente ce « livre« , « L’Étreinte fugitive« , comme le premier « panneau d’une entreprise que je me suis toujours _ dès l’origine, donc ! en amont même de sa mise à l’écriture même !!! _ représentée comme un triptyque«  : afin de clairement remettre en sa perspective originelle le livre paru en France le 29 août 2007, dans une traduction de Pierre Guglielmina, et qui connaît un immense succès _ mérité : un chef d’œuvre !!! _ international : « Les Disparus« , paru initialement aux Éditions Harper Collins, le 19 septembre 2006. En fait, « The Lost«  signifie « Le Perdu«  ; par contraste avec « The Found« , « Le Trouvé« , ou même « Le Retrouvé«  : comme pour Proust, en sa « Recherche« 

et le troisième et dernier« panneau » du « tryptique« , demeurant, lui, à écrire _ et à écrire en France, maintenant, en cette année 2009, ai-je cru comprendre ; même si Daniel Mendelsohn sera aussi l’hôte de Rome et de l’Italie, en cette année 2009…

Car « à première vue, les lecteurs familiers des « Disparus« 
_ sur lequel on lira avec un immense profit le très beau compte-rendu qu’en fit, très tôt (le 30 octobre 2007), et d’un point de vue plutôt historien, Ivan Jablonka sur le site (si riche !) de laviedesidees.fr : « Comment raconter la Shoah ? _ à propos des « Disparus » de Daniel Mendelsohn » _

pourraient être tentés de penser que le sujet de ce « nouveau » livre

_ qu’est pour un lecteur francophone « L’Étreinte fugitive« , donc… _,
qui est une méditation approfondie sur la nature et le sens de ce qu’il y a de plus intime dans la vie de chacun

(les hommes et les femmes
_ et pas les « garçons« , comme il en fera la distinction d’avec les « hommes«  ; ni les « filles« , d’avec les « femmes » _
les pères et les fils
_ le chapitre « Paternité« , pages 135 à 217, étant peut-être la clé du « puzzle«  de l’« énigme«  (« riddle« ) de l’« identité » personnelle… _,
la sexualité
_ qui nous traverse tous, et d’amont en aval, et réciproquement, en de multiples pistes _),

n’a pas grand chose à voir avec le sujet de mon « précédent » livre

_ pour le lectorat francophone, donc : « Les Disparus » _
(l’histoire familiale
_ du côté maternel, les Jäger (et du côté de Bolechow, en Galicie),
bien davantage, pour ne pas dire exclusivement, que du côté paternel, celui des Mendelsohn (guère loquaces en fait d' »histoires« , à commencer par la leur, quant à eux ;
pas plus que riches en « photos » (prises et/ou conservées), non plus !
_,

la culture juive, les événements de la Seconde Guerre mondiale).

Mais, comme je l’ai souvent dit
_ et certains d’entre vous
_ Français _ m’ont peut-être entendu _ à Paris même, ou via les ondes de la radio _ le dire dans ce français que _ professeur de littérature « classique » formé au Grec et au Latin en ses études à l’Université de Virginie (à Charlottesville) et à Princeton _ je parle avec ferveur, à défaut de le parler bien _ Daniel Mendelsohn n’est-il pas aussi un très éminent lecteur d’« A la recherche du temps perdu » et de tout l’œuvre de Marcel Proust ?.. _,

je n’ai jamais conçu « Les Disparus _ « The Lost : A Search of Six of Six Million » : cette fois encore, le titre originel, non plus que le sous-titre, ne fut pas retranscrit en français par l’éditeur, Flammarion… _
comme « un livre sur la Shoah ».

Pour moi, c’est un livre qui parle _ oui ! _ de la relation angoissée, mais enrichissante, que le présent noue avec le passé
_ avec les « voix » (et regards des visages, aussi, via des photos) duquel, passé, se « re-brancher » est si nourrissant et libérateur (du présent _ polysémiquement !..) _ ;

que le moi noue
_ mais en sachant aussi s’en mettre un peu
(et pas que géographiquement :
« Géographie » est le titre, important, lui aussi, du chapitre premier de « L’Étreinte fugitive« , pages 15 à 66)
à distance
_

que le moi noue _ donc… _ avec la famille et ses traditions,
une relation que le moi a, en réalité, avec une tradition culturelle beaucoup plus vaste

_ sujets qui intéressent tout un chacun, ai-je tendance à penser _ commente au passage Daniel Mendelsohn, page 12 de ce « Au lecteur français« .

Cela n’a guère de sens, néanmoins, de réfléchir
_ ce que fait très effectivement Daniel Mendelsohn en ces « essais » d’engagement aussi très « personnels » ; et magnifiquement ! _
à ces relations cruciales
_ oui ! c’est le mot on ne peut plus juste :
à la croisée des voies et d’amont et d’aval, tant biologiquement que culturellement, bien sûr !
_

_ ne parlons pas des responsabilités intellectuelles, psychologiques et éthiques que cela implique _ et ô combien ! commente lui-même Daniel Mendelsohn _ _

sans s’être auparavant penché sur le moi qui est au centre _ du réseau vibrant _ de ces relations,
qui est le sujet de cette réflexion
_ qu’est « L’Étreinte fugitive« . Cet examen
_ oui ! et passionnant, de longue venue, pour l’auteur, et en temps comme en espace _
est, précisément le fil rouge de « L’Étreinte fugitive » : parfaitement !


Daniel Mendelsohn le précise :

« De fait, dès que vous commencerez à lire ce livre, vous verrez que si les questions qui le sous-tendent sont d’un ordre très intime

_ sur l’intime, lire Michaël Foessel : « La Privation de l’intime » (cf mon article du 11 novembre 2008 : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » ; et lire Roland Barthes : des « Fragments d’un discours amoureux » et du « Roland Barthes par lui-même » au tout récemment publié, le 5 février 2009, « Journal de deuil« , en passant par « La Chambre claire« , et d’autres _

(qui suis-je ? quelle est mon identité ? qu’est-ce que l’« identité » au bout du compte ? est-elle faite d’une seule pièce ou de plusieurs
_ suis-je une seule chose
_ « chose » ? non… _ seulement, ou davantage ? le « cœur » _ nourrissant, irriguant _ de mon identité est-il non mélangé, indépendant _ non : « nul n’est une île !«  _ du monde extérieur ; ou est-il tributaire des relations _ oui ! et redevable… _ que j’ai avec les autres _
auquel cas
_ qu’examine l’important, lui aussi, chapitre « Multiplicité« , des pages 67 à 134 _
lesquelles sont les plus déterminantes _ et selon quelle « échelle » ? _ pour établir « qui je suis » : celles que j’ai avec mes parents ? mes enfants ? les gens avec qui j’ai des relations sexuelles ? ceux dont je suis amoureux ?) _

vous verrez _ et, en effet, nous le découvrirons ! _ que si ces questions sont d’un ordre très intime _ reprend le fil, ou film, de sa phrase, après son incise, lui aussi (!), Daniel Mendelsohn _,

elles présagent tout simplement celles qui devaient nourrir
_ oui ! et combien richement et bellement ! « Les Disparus » est un chef d’œuvre somptueux !!! à lire toutes affaires cessantes ! (et il vient de paraître en édition de poche en collection « J’ai lu« , ce mois de février-ci…) _

le livre suivant _ « Les Disparus« , donc _
(qui sont les gens de ma famille ? qui sont vraiment _ l’adverbe est très important _ mes parents _ Marlène, née Jäger (en 1931) ; et Jay Mendelsohn (né en 1929) _ et mes frères _ Andrew (l’aîné, né en 1957), Matthew (le photographe, né en 1962, qui suit Daniel dans la fratrie : Daniel, lui est né en 1690), Eric (né en 1964) _ et sœurs ? _ Jennifer (née en 1968) _

quelle est ma relation _ complexe et riche _ à leur histoire _ au double sens, d’ailleurs, et de l’histoire réelle, et du récit qui affirme la narrer ! _ quelle est ma relation au passé, de manière générale, et à l’Histoire elle-même _ en remontant aux Grecs et aux Hébreux _ ?). »

Et aussi :

« De même, les grands voyages _ en Galicie, en Ukraine, en Pologne, en Israël, en Suède et jusqu’en Australie _ que j’ai décrits dans ce dernier livre  _ « Les Disparus » _ par-delà les océans et les continents,
n’auraient jamais eu lieu si je n’avais auparavant accompli ces trajets plus réduits
_ au sein des Etats-Unis ; et vers « le Sud », la Virginie ; ou dans New-York… _ dont parle mon premier livre _ « L’Étreinte fugitive » _ :

les promenades quotidiennes que je faisais lorsque j’habitais un certain quartier de New-Yor
k

_ légérement au nord de Chelsea, 25ème rue ouest : Chelsea s’étendant de la 14ème rue à la 23ème… D’où l’importance de consulter des cartes (maps) un peu précises…
cf page 51 :

« c’est pas vraiment chelsea. chelsea finit à la 23e
au-dessus de la 23e ça devient clinton t’es nulle part en fait
« ,
comme le lui avait écrit

« un type
avec qui j’avais discuté un moment
 » « alors que je participais à un chat sur Internet » ;
« comme c’était quelqu’un dont le profil en ligne et la photo
_ là-dessus lire mon article du 22 décembre « Le “bisque ! bisque ! rage !” de Dominique Baqué (”E-Love”) : l’impasse (amoureuse) du rien que sexe, ou l’avènement tranquille du pornographique (sur la “liquidation” du sentiment _ et de la personne) » à propos de « E-Love_ petit marketing de la rencontre » de Dominique Baqué _

me plaisaient beaucoup _ pour ce qu’il en avait à faire cette nuit-là, du moins... _
je lui ai donné mon adresse. » C’est ainsi que « au bout d’un moment un message est apparu dans un coin de mon écran » (page 50) : celui selon lequel, en logeant dans la 25e rue ouest de Manhattan, entre Chelsea et Clinton, on n’est, comme en Pologne _ selon le mot bien connu d’Alfred Jarry dans « Ubu roi » : « En Pologne, c’est-à-dire nulle part ! » _, « nulle part, en fait » !!!..

Fin de l’incise à propos des « promenades quotidiennes«  en « un certain quartier de New-York » ;

je reprends : « ces trajets :

le train que je prenais, et que je prends chaque semaine encore aujourd’hui, pour aller de Manhattan à une capitale de province qui est à une heure de là
_ où résident
celle
_ « une amie proche » _ qu’il a choisi d’« appeler Rose » et « qui est hétéro et célibataire«  (page 138),
et son fils « Nicholas«  ;

si importants, tous deux _ et c’est un euphémisme ! _ dans le devenir récent, depuis la naissance de Nicholas, une nuit d’août 1995 :

« après la naissance du fils de Rose, Nicholas, quelque chose d’étrange _ en effet ! _ s’est produit : je me suis retrouvé très profondément impliqué _ et tous ces mots sont décisifs ! je les relis, ces mots de la page 138 : « je me suis retrouvé très profondément impliqué«  ! Car sans pareille « très profonde implication« , on ne « se trouve » pas ; jamais !!!  _ dans la vie de Nicholas, qui a maintenant trois ans _ en 1998-99, lors de la rédaction de « L’Étreinte fugitive » ; il a aujourd’hui treize ans _ et dont je suis devenu le parrain le jour de son baptême, quand il avait trois mois. C’est arrivé _ oui ! _ petit à petit _ en effet _, et, en même temps, j’ai été pris par surprise

_ « pris par surprise« , page 139 : cela ne se recherche pas ! encore moins s’instrumentalise !!! ;

« pris par surprise« , je le répète ! :

Voilà : comme en tout amour véritable ; et non par quelque « calcul » de drague et d’orgasme (« getting off« , dit très explicitement un partenaire _ circonstanciel, occasionnel : « de passage » _ de ces jeux, page 118) simplement « escompté »…

Ce qui a commencé comme un jeu
_ les mots « ludique » et « elusive » (= « élusif » ou « élusive ») ont la même étymologie :
du latin « eludere« , constitué à partir du préfixe « ex » (= « hors de ») et du radical « ludere » (= « jouer »),
« éluder » signifie « esquiver », « éviter », « tromper » :
c’est même, selon l’excellente définition de la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie française,

« éviter avec adresse et désir de se dérober« 

ce qui a commencé comme un jeu
de rôle
pseudo parental

_ puisque Rose et Daniel ne sont ni mariés, ni le « couple parental biologique » de l’enfant (« je ne peux pas m’empêcher de penser _ par exemple « au moment où Rose allaite ; ou quand Nicholas est enveloppé dans les courbes de son corps«  _ à quel point il doit être électrisant _ oui ! _ pour des gens qui sont amants de devenir les parents d’un enfant« , confie, comme avec regret _ c’était en 1999 _, Daniel Mendelsohn, page 168) :

« j’avais toujours pensé qu’elle
_ « j’ai rencontré la mère de Nicholas en septembre 1990, lorsque j’ai commencé _ à l’âge de trente ans _ à travailler à mi-temps dans la société où elle est employée. Une partie de son travail consiste à faire des évaluations statistiques compliquées« , précisera la page 165 de « L’Étreinte fugitive » _

« j’avais toujours pensé _ un peu abstraitement ! hors contexte existentiel, en quelque sorte _ qu’elle
ferait
_ plus concrètement, alors, forcément !.. _ une mère formidable ;
et je le lui avais dit en plusieurs occasions
_ comme quoi, les effets « de longue distance » de simple paroles…

Mais elle me demandait _ très ponctuellement, ce jour-là, au début de l’année 1995 _ à présent _ donc ! _
si je pouvais l’aider _ si je pourrais
_ et cela, en plusieurs sens du terme : possiblement, d’une part ; mais aussi si j’acceptais de (ou voulais bien), amicalement, y consentir… _

si je pourrais être un « modèle masculin »,
pas exactement un père,
mais un homme qui serait présent dans la vie de cet enfant. Un
« oncle » _ en quelque sorte.


A la différence de la fois précédente
_ « près de deux ans«  auparavant, « en 1993″ : « une femme que je connais m’a invité à boire un café et demandé d’être le père de l’enfant qu’elle projetait d’avoir« , vient d’évoquer Daniel Mendelsohn à la page précédente, page 137. « Et j’ai dit non« . Alors « je ne pouvais envisager d’être responsable _ soit « répondre de » _ de qui que ce soit d’autre que moi _ certainement pas d’un enfant« …

A la différence de la fois précédente, cette requête _ de « Rose« , donc : au tout début de 1995 _ m’a plu,
je ne me suis pas senti trop impliqué
_ une affaire de nuance (ou de « dosage ») dans l’implication d’une responsabilité ! _ pour autant _ mais est-ce faute de le « re(s)sentir » alors assez, seulement ?.. _,
et j’ai donc accepté
_ en une parole néanmoins « engageante », toutefois…

Et c’est alors que vient la réflexion _ essentielle : c’est le tournant décisif ! _ reportée un peu plus haut
à propos du processus d’
« implication » dans lequel « petit à petit » s’est trouvé « pris« , et « par surprise »
_ faute d’avoir assez « mesuré » auparavant ce à quoi sa « parole » amicale , et non matrimoniale (sans parler de l’absence de tout engendrement, ou même de rapport sexuel, entre « Rose » et lui) _
Daniel Mendelsohn… :

je peux alors terminer la phrase _ demeurée en suspens !.. _, page 139

« Ce qui a commencé comme un jeu
de rôle
pseudo parental

un peu ironique _ un mode d' »être » devenu presque consubstantiel, par auto-protection, pour le gay, quasi en permanence « sur ses gardes », qu’est Daniel Mendelsohn _

est devenu une partie très importante de ma vie. »


Avec ce très joli passage, de découverte _ et naïf (le mot provient directement de « neuf »), si l’on veut ! _, page 139 :

« C’est à cause de Nicholas _ un vrai « garçon »
_ à la différence, peut-être, de ces en quelque sorte « garçons attardés » (adolescents prolongés ; voire « adulescents », selon le mot-valise qu’a proposé je ne sais quel psychologue italien, au départ), que sont ceux qui se conçoivent maintenant comme « gays«  _

c’est à cause de Nicholas _ un vrai « garçon » _ que je divise à présent
_ en 1999 ; mais le temps passe ; et les « gays » eux aussi (comme tout un chacun de vivant-mortel sexué) vieillissent _

que je divise à présent mon temps
_ de disponible, dans l’organisation, notamment, du « travail », mais aussi des « loisirs » (dont des opérations de « rencontres » _ sexuelles : exclusivement, semble-t-il… : dans le quartier de New-York qui leur est dévolu, Chelsea, juste au sud de Clinton, et (assez) au nord de Wall Street… _

entre New-York avec ses autre garçons _ jusqu’à quel âge le sont-ils donc ?.. _
et la banlieue où vivent Rose et Nicholas.

Tous les deux ont été absorbés _ inclus, sans difficultés _ dans ma grande famille _ et fratrie _ ; et Nicholas est traité comme un neveu et comme un petit-fils
_ quant à Rose, elle est, eh bien, une sorte de belle-fille, belle sœur.
« 


Avec cette conclusion-ci, encore, toujours page 139, de ce passage-ci, pour « introduire » le très intéressant chapitre 3 :  » Paternité » (pages 135 à 217) :

« Ce que vous apprenez _ ici sans avoir rien fait (de facto, si je ne crains pas trop la redondance pléonastique…) en matière d’engendrement ; puis « par surprise« , au fil des jours et de l’évolution de ses rapports avec l’enfant, qui n’est d’abord qu’un tout petit bébé : à travers l’échange des regards !!! _ avec la présence _ prenante ! _ d’un enfant dans votre vie _ au quotidien : rien d’élusif ici !!! ; et si « étreinte » il y a bien, de facto, dans la tenue du bébé, et dans les soins qu’on lui prodigue, elle n’a rien, ici, d’orgasmique ! _, c’est ceci : oubliez tout ce à quoi vous vous attendiez.« 


Autrement dit, rien à voir avec les répétitives _ fermées _ séquences de « baise », ou de « getting-off«  :
cf la remarque tellement signifiante, page 118 :

« ce genre de soulagement s’appelle le « getting-off »,
expression qui véhicule assez bien l’impulsion
_ qu’il faudrait mieux, cher auteur de l’essai, analyser !!! _ qui sous-tend ces rencontres, l’envie de se débarrasser _ « vider les vases », disait Montaigne… _ de quelque chose d’urgent,
d’une certaine quantité de sperme.

Plus d’une fois, après un « getting off » de ce genre, un type _ le terme est déjà bien significatif _ m’a dit, en ne plaisantant qu’à moitié, au moment de quitter mon appartement où il venait de passer son heure de déjeuner, « Bon, je vais pouvoir me concentrer sur mon travail, maintenant » ;
et en refermant la porte
_ le plus important, probablement ! « Out ! »_ je me suis aperçu que j’étais dans le même état d’esprit. »

Avec cet ultime commentaire de Daniel Mendelsohn, encore, pour ce passage à propos du « getting-off« , page 118 :

« Mais naturellement l’urgence _ « pressante » du besoin, confondu ici avec le désir (!) _ revient bien assez vite ; et la recherche _ volontariste et compulsionnelle : dépourvue de disponibilité à une authentique altérité d’un autre, d’une personne, d’un visage, et sans lunettes noires de soleil Armani (cf l’anecdote page 122) ; d’un visage qui soit celui, infini, et « vrai », lui, de quelqu’un qu’on aime… ; et avec le regard de cet autre que soi… _ d’un nouveau partenaire _ objet seulement ! _ recommence. »

Dispositif (de recherche = « drague ») volontariste et compulsionnel _ j’y reviens donc _ auquel Daniel Mendelsohn avoue lui aussi _ est-ce toujours le cas aujourd’hui ? pas mal d’eau ayant coulé depuis lors sous le pont (de Brooklyn)… _ se plaire (ou complaire) en la répétitivité, partenaire d’un soir après le partenaire du soir précédent _ et surtout pas le partenaire du soir prochain ! du lendemain ! « pas de futur » de ce côté-là ; rien que de l' »élusion »… _,

ainsi qu’il le décrit en un « charmant » portrait, non dépourvu d’une touche de condescendance amère _ et vengeresse, aussi (page 127) _ d’un de ses amis gay : ou « Don Juan gay » :

le passage (pages 125 à 128) succède à celui de « l’absence de regard (pages 122, puis 123 !)  _ « impossible de voir à quoi ses yeux ressemblent » (page 122, sept lignes et trois phrases plus haut que la première occurrence d’« absence de regard«  !) _ du mannequin Armani«  (la narration de l’épisode de cette photo du « garçon Armani » (page 124) se déroulant des pages 122 à 124…).

« La répétition n’est pas le problème, mais le but de toute cette affaire« , formule excellemment la chose, Daniel Mendelsohn, page 121.

Ou :

« le plaisir en soi

_ comment interpréter la traduction ? le français est ici, involontairement (probablement !) délicieusement équivoque : à côté, et au-dessous, du sens obvie d' »à lui tout seul », vient en effet se glisser cette autre piste d’un « exclusivement à l’intérieur d’un soi » (qui serait comme une « forteresse »)… _

est séparable de l’amour. »


« Au-dessus » du « bureau » de Daniel Mendelsohn, « se trouve _ en effet, encore _ une autre photo qui m’a donné l’impression de provoquer un écho en moi, à l’époque où je l’ai vue _ pour la première fois : en page d’un magazine. C’est une publicité pour des lunettes de soleil Armani ; et elle montre un jeune homme si parfait _ en l’image ! _ que, la première fois que je suis tombé dessus _ cela ne se recherche pas _, j’ai cessé de feuilleter le gros magazine que je tenais, le coin inférieur droit de la page serré dans ma main droite, et je me suis mis à la fixer. Comme il porte des lunettes de soleil, il est impossible de voir à quoi ses yeux ressemblent. Ça ne me dérange pas vraiment » _ remarque Daniel Mendelsohn, page 122…

Et il compare cela, page 123, avec le fait qu’« on ne voit pas les yeux sur la plupart des nombreuses photos qui sont postées sur les chats d’AOL (…). Ces photos ne montrent _ exposent, exhibent _ souvent qu’un torse, ou un corps  _ tronqué ; ou plutôt étêté ! _ depuis le cou jusqu’aux pieds ; ou parfois simplement le pénis en érection _ sont-ils photogéniques ? Le caractère incomplet de ces photos s’explique en partie par un désir de discrétion : certaines des personnes qui postent ces photos sont (…) bien connues dans les cercles étonnamment réduits qui constituent la société gay des grandes villes ; et, pour la plupart des hommes, l’embarras éventuel de se voir associé _ ah ! _ à la photo en ligne d’un corps exhibant une érection ne vaut pas une « séance de sexe », même géniale (sic). Ce qui m’intéresse _ et nous, lecteurs, à la suite de l’essayeur _ dans ces photos incomplètes (…), c’est le fait qu’elles ne semblent pas _ au « regardeur » _ vraiment incomplètes _ elles me paraissent parfaitement naturelles _ dit l’auteur, toujours page 123 _, comme est naturelle l’absence de regard du mannequin Armani » (sic).

Nous approchons ici du principal de l’analyse…

« Les visages _ poursuit-il _ m’ont l’air superflus ici : ce sont les corps _ les corps seuls, ajouterai-je, pléonastiquement ; des corps sans regards, ni visages : soit la pure et simple pornographie, rien moins… _ qui excitent _ soit une forme assez spécifique de « photogénie »… _ ;

les corps que, grâce à un entraînement _ exigeant et performant _ assidu, nous pouvons _ instrumentalement : telles des poupées ! ou des mannequins, en effet ! des professions à succès !.. _ façonner _ ce qui ne peut se faire (en rien !) de qui on aime (vraiment) !.. _ pour qu’ils se rapprochent d’une image _ de corps _ idéalisée,

bien mieux que nous le ferions avec nos visages _ qu’en est-il, cependant, des prouesses de la chirurgie esthétique ? sinon des techniques les plus sophistiquées (cf « Gorgias«  de Platon : 464 b465 c) du maquillage ? _ et leur idiosyncrasies _ singulières, donc _ récalcitrantes, faites de narines, de joues et de mâchoires. »

Avec ces inférences, page 124 :

« En lorgnant le garçon Armani sans regard _ because les lunettes noires (Armani !) _ et en passant tout à coup aux photos sans tête _ ni marques _ d’AOL,
je me rends compte que le premier
_ le garçon sur la photo _,
qui cherche à provoquer une sublimation
_ avec « déplacement« , dirait Freud _ (« Achète ces lunettes, c’est comme une baise fantastique »),
est aussi gay dans son essence
que les autres
_ exhibés sur AOL _,
avec leurs promesses sans ambiguïté de gratification sexuelle immédiate (
« Appelle-moi, je te promets une baise fantastique »).
 »

Et ce en quoi il est « aussi gay«  _ sur l’écran d’Internet (chez soi) _ « que les autres« , selon Daniel Mendelsohn,
« ce sont les lunettes de soleil, je m’en aperçois _ en y réfléchissant _ ;

l’absence de regard chez lui. »

Car
« sans le regard,
il ne peut être un sujet ;

pas même le sujet de son propre regard désirant ;

il ne peut être _ donc, ou en conséquence d’un tel dispositif photographique (publicitaire) _ qu’un objet  _ ce qui peut et « reposer », et « amuser » (telle une absence ; ou un voyage-crochet _ ou « tourisme » _ auprès du désert du rien…) ; « qu’un objet«  de convoitise _ pour le désir des autres. »

Il se prête (ou s’expose : très momentanément !) au désir des autres _ et surtout sans jamais s’y donner ! ni durer…

Et Daniel Mendelsohn poursuit son analyse sur « la contenance » (froide) que se donnent ces provocateurs de désir, ou du moins d’érection :

« puisque c’est cette contenance que nous _ les gays _ adoptons, comme un masque _ en effet, et en permanence similaire, en ce « jeu » érotique _ quand nous allons dans des bars ou des boîtes :

un égocentrisme _ exclusivement tourné sur soi _

tel qu’il n’exige rien de vous _ là c’est du « spectateur » « à attirer » (voire du lecteur qui participe à l’analyse par sa lecture) qu’il s’agit… _,
si ce n’est que vous le regardiez. »

Et, cette « contenance » froide
_ pour ne pas dire frigide (en même temps que « brûlante » pour qui s’y laisse prendre et entraîner : à « désirer ») _,

« c’est l’expression qui vous permet de ne pas être le sujet, celui qui désire, l’incomplet (!) qui regarde en silence
_ nous ne sommes certes pas dans la version spinoziste, ou deleuzienne, du désir ; mais dans la version « désastreuse » platonicienne (du « Banquet »


_ sur les « désastres«  du désir, lire aussi le beau passage, par la professeur de Grec à Princeton, page 100, montrant « une longue liste établie par elle, alors qu’elle écrivait un article sur la manière dont les Grecs se représentaient Eros, le désir. La liste est un catalogue d’images du désastre : maladie, mort, douleurs, refroidissements, flammes, souffrances de l’esprit et du corps, pestes littérales et figurées, armes, conflagrations, flèches, poisons déluges, batailles, défaites. Ce sont les images que ces païens de Grecs invoquaient quand ils pensaient à Eros. Dans l’imaginaire hellénique de la haute période classique, l’amour est toujours une affliction«  _ qui dépossède de soi) _ ;

mais au contraire l’objet _ celui qui est parfait _ auto-suffisant _ et désiré _ par de malheureux désirants, page 124, donc.

Voilà qui me rappelle les étonnements de ma lecture, il y a plus de vingt ans, du très riche (et courageux !) « Journal romain (1985-1986) » de Renaud Camus (aux Éditions POL, en novembre 1987), en « découvrant » ses séances _ qui me paraissaient tellement répétitives _ de « baise » (homosexuelle) à Rome ; et qui retardaient tant la lecture _ délicieuse, elle, et désirée, recherchée (je suis un passionné des « trésors » de Rome !)des pages de « découverte » ravie des merveilles singulières, elles, des beautés sises, voire même (assez souvent) cachées, tout particulièrement, même si ce n’est pas exclusivement, dans des églises et des musées romains, aux horaires d’ouverture, les unes comme les autres, si anarchiques et peu prévisibles, que pouvoir pénétrer une (unique) fois en leurs antres (par exemple, lors d’une cérémonie de mariage ; ou de funérailles) faisait ainsi figure, sinon de « miracle », du moins de « grâce »…

Quant au passage (pages 125 à 128) sur le « Don Juan » gay, « un beau jeune homme _ et plus un « garçon » ! _ à l’esprit agile et à la carrière professionnelle brillante, qui couche avec un inconnu différent chaque soir, si possible » _ et cela l’est presque chaque fois _, il est encore plus significatif que celui de la photo du « mannequin Armani » :

« Ce pour quoi il vit _ mais oui ! on a bien lu ! _, ce qui _ lui _ rend le sexe intéressant et même fascinant _ et inlassablement _,
c’est la nouveauté
_ absolument nécessaire !!! _ de chaque partenaire _ si l’on veut : pour un objet ! pour un pur réceptacle de la matière du « getting off«  ! _, l’excitation _ idéelle ; idéaliste _ qu’il ressent une fois _ l’événement de ce savoir « dure »-t-il ? _ qu’il sait _ voilà ! le plaisir pur de se figurer !.. _ qu’il a séduit » _ non seulement qu’il a « eu » ou « possédé » (par son phallus) l’autre, mais qu’il le « tient » par le désir de l’autre de « revenir », voire de « rester »…

Et Daniel Mendelsohn d’ajouter, page 126 :

« Je pense souvent à ces hommes qui quittent son _ très bel _ appartement, ruisselants d’espoir ;

et lorsque j’y pense,

ce que je vois,
c’est le regard étincelant d’excitation
_ sadique, d’abord _ de mon ami _ si élégant : « délicat, intelligent, beau et doué » (page 125) _,

le scintillement de la certitude  _ jouissive (avec une part de sadisme, donc) _ infaillible qu’il les possède plus surement encore _ désormais, ainsi _ qu’au moment
où il était sur eux,
derrière eux,
à côté d’eux,

en eux » _ page 126 : Don Juan, vous dis-je ;
le dilettante, par excellence.


Cela m’évoque « Le Problème du mal » d’Étienne Borne _ livre paru en 1958, et ré-édité aux « Presses Universitaires de France« , en janvier 2001 _, considérant le dilettantisme, l’avarice et le fanatisme comme « les trois figures essentielles du mal humain« , par le refus _ sévère, inexorable, impitoyable _ de la passion, cette « épreuve continue _ et infinie, elle !.. _ d’une vulnérabilité à autrui« , quand l’autre est vraiment réellement (= à cœur perdu ; c’est-à-dire donné ; sans rien de retenu et de gardé seulement pour soi) aimé _ car c’est comme cela que cela s’appelle ! _, comme l’analyse magnifiquement Etienne Borne, là…

Daniel Mendelsohn sait bien _ il le dit page 127 _ que « nous _ et il parle des gays, d’abord _ avons tous fait ce qu’il _ l’ami don juanesque _ fait : l’excitation de la séduction, le plaisir absolu, bref, certes, mais entêtant, de savoir qu’on vous veut« ,
suivi _ immédiatement : à la minute ! _ de la fuite, du couper court (« to elude« ) ! :

« Il faudrait que je fasse le compte des garçons que j’ai moi-même fuis après les avoir possédés » _ et Daniel Mendelsohn d’en énumérer, non sans un brin de remords, quelques uns…

Car, « une fois que c’est fait _ le « getting off » ; l’orgasme, avec sa « chute » (de tension) post coïtum _, vous avez besoin _ voilà le seul terme adéquat, et non « désir » ! _ d’en avoir _ au sens qu’on interprètera _ un autre _ « au suivant ! » _ ;

quelqu’un d’autre, quelqu’un de différent _ tous sauf le(s) même(s) ! _ ;

et vous devez donc _ en un tel dispositif de fonctionnement : comparable aux parcours indéfiniment répétables (et répétés) des longueurs de bassin de la piscine ! _ supprimer _ le mot est terrible : de la liste des partenaires (-objets) possibles _ le garçon précédent,
celui que vous mouriez d’envie d’avoir
_ c’est fait ! et n’est ainsi plus « à faire » ! au lit ! _ la veille ;

vous devez
le faire disparaître

parce que si vous le re-voyez _ et avez « r-affaire » à lui _,
il sera un garçon particulier _ une personne singulière _,

et non pas simplement Le Garçon _ une idée, une image mentale, une fiction,

même si (nécessairement : « getting-off » oblige !) bien charnelle _,

pas simplement CE qui _ pas quelqu’un ; mais un quelque chose : un leurre du désir _ vous fait rester dehors toute la nuit, ou réveillé toute la nuit, ou en ligne toute la nuit
dans l’espoir
_ réaliste (= pragmatique), et qui s' »avèrera » (= passera au stade de « réalisé »), en effet, le plus souvent, en un tel « jeu » (de manège)… _ que lui, comme tant d’autres, passera dans votre petit appartement _ et votre lit, et vos bras _ où le désir _ en ce « chez vous » _ ne concerne que « vous » _ et pas lui, ni quiconque : c’est dit noir sur blanc, page 128 _,

quelque chose _ et non pas quelqu’un, une personne, avec un visage _
que vous contrôlez _ voilà : par votre intelligence et votre volonté ; votre habileté, votre ruse _,

quelque chose qui n’a rien à voir, en fin de compte

_ le terme (de la traduction française, au moins !) est parfaitement adéquat ! _
avec la personne

_ où diantre se cache(-rait ici) pareil animal-là ?

et nonobstant (ou en dépit de) la présence apparente (et tenable : charnue) de son corps... _

qui se trouve là, pour l’heure, dans la chambre. »

« Out ! »

and « Off ! » ; « Away ! »

La page  juste avant celle (page 121) sur la répétition _ j’y reviens _,
page 120, donc,

l’auteur avait émis cette thèse-ci :


« Pour beaucoup d’hommes gay _ et par conséquent pour les hommes en général, puisque la culture gay n’est rien d’autre qu’un laboratoire _ décomplexé, probablement _ où observer ce que devient la masculinité sans les contraintes imposées _ nous y voilà ! _ par les femmes :

le sexe, pour les hommes, est finalement _ « par nature », biologiquement, en quelque sorte, par un bien beau retour de l’idéologie « naturaliste » : « chassez le naturel, il revient au galop !«  _ séparable de l’affect.

Trios, cuir, orgies, jeux de rôles _ « jeux » : pour les gays, le sexe peut être séparé _ c’est tout l’art (du « Don Juan » : schizé !!!) ! _ du moi, du sujet.

Distancié, objectivé, il peut devenir en fin de compte esthétique

_ ou une nouvelle légitimation idéologique.

Sur cette « esthétisation », lire avec profit l’excellent Yves Michaud : « L’Art à l’état gazeux _ essai sur le triomphe de l’esthétique« 

Sur le plaisir de la répétitivité, cette remarque encore, à propos de l’exercice de la natation en piscine _ pas dans l’océan, forcément : comment y « compter » quoi que ce soit ? _, pages 131-132 :

« Il y a quelque chose de profond et d’une familiarité inconsciente dans le plaisir de nager _ en piscine ! _ : le plaisir d’enchaîner _ oui ; avec « compteur » ! _ les longueurs de bassin » (…) ; soit « quelque chose qui ressemble à un mouvement, mais qui en fait ne va nulle part _ ce que, pour ma part et tout personnellement, si je puis me permettre de m’immiscer idiosyncrasiquement en ce commentaire, j’exècre et abomine !!! le comble de l’ennui… _ ; et c’est le plaisir de savoir _ plutôt que ressentir _ que les distances que vous parcourez _ en ce (petit) bassin géométrique _ peuvent toujours _ ad nauseam même, si cela nous « chante » _ être comptées en petites unités stables _ le prototype du cauchemar et de l’horreur pour moi ! _ à la répétition constante et réconfortante _ pour qui aime « compter », comme Daniel Mendelsohn (alors), dont le père, comme l’amie (« Rose ») sont, certes, mathématiciens !

« Le désir est un mouvement plutôt qu’un lieu« , énonce fort bien Daniel Mendelsohn, page 44. Mais ce mouvement-là poursuit souvent une chimère du passé ; dont l’auteur s’efforce ici de re-tracer en quelque sorte (« en amont ») l’archéologie _ de « garçon«  en « garçon« , en quelque sorte _, depuis un premier aimé et désiré _ P. : nous n’en connaitrons ici que l’initiale _ ; et qui l’a fui irrémédiablement, quelques années (d' »amitié adolescente ») plus tard. Et P. était champion de natation… Mais P., aimé, était-il seulement un « garçon« , lui, le premier (et « modèle » de la « série » des « garçons«  ne l' »équivalant », aucun, jamais…) ?..

« Quand il a atteint l’âge de quatorze ans _ en 1974 par conséquent _ « le garçon » qu’est lui-même le jeune Daniel Mendelsohn « écrit«  dans le « journal » qu’il « tient » « en cachette« , page 91 : « J’ai rencontré P. aujourd’hui, je crois _ ajoute-t-il immédiatement _ que nous pourrions devenir amis » ;

et, environ six mois plus tard, quand il souffre sévèrement de ce qu’il n’a pas encore identifié comme l’amour _ c’est dit _ : « Je refuse de croire que mon idée d’avoir un ami parfait soit, comme le dit Papa, de la « merde« . »

Mais aussi, page 101 :

« Dès que j’ai posé les yeux sur P., j’ai _ en effet, immédiatement _ su _ simultanément _ que c’était sans espoir (sic) ; que quel que fût l’endroit _ à l’autre bout du monde… _ où m’emportait mon désir, je n’y trouverais jamais (!) accomplissement ni bonheur... »

« Cela _ avec P. _ a _ cependant _ duré plusieurs années, jusqu’au début de la Terminale _ page 102 _ ; je me suis insinué _ le désir amoureux est puissant : il donne des ailes… _ dans sa vie, je connaissais ses amis, son emploi du temps _ les longueurs de bassin de piscine _, ses parents; comme si le fait de posséder ce savoir, de tout connaître de lui, me permettait d’en faire une reconstitution, de me l’approprier _ l’amour n’a pas de limites. Un jour, alors que je devais passer la nuit chez lui, je me suis soûlé ; et, comme nous parlions de ce dont parlent les adolescents quand ils dorment chez l’un ou chez l’autre, j’ai compris que je voulais lui faire violence, d’une manière ou d’une autre, que je voulais que l’intensité de mon désir pour lui, transperce _ enfin _ ou abatte les murs de son… de son quoi ? De son « moi », de son identité _ pas assez poreuse _, de ce qu’il était inévitablement et répétitivement. Mais, bien sûr, ça n’a pas marché. Il est demeuré toujours _ voire plus que jamais _ lui-même, distant et parfait _ sans moi… _ en quelque sorte ; comme si le fait d’être désiré était un accomplissement, une fin en soi _ pour lui _ ; et je suis devenu toujours plus moi-même _ = désirant ; et passionnément _ à force de le désirer.


Je pense que les choses auraient pu durer _ ainsi _ indéfiniment, mais il a commencé par sortir avec une fille que je connaissais bien. Je les observais en silence ; et même si mes yeux ne se voilaient pas, si mon ouïe ne se détraquait pas, si la sueur ne coulait pas sur mon corps pendant que je les regardais _ selon le modèle plus tard découvert du sublime « poème 31″ de Sappho _, même si je ne devenais pas plus vert que l’herbe _ idem _, je m’affaiblissais, je me renfermais sur moi-même ; j’étais de moins en moins capable d’être dans le monde _ celui qui est partagé ; et commun ; sous le regard des autres.

Il est venu me voir un jour et m’a dit que les choses devenaient _ par l’effet de contrastes nouveaux _ trop intenses ; qu’il ne me verrait plus jamais ; qu’il ne me parlerait plus jamais ;


et fidèle à sa promesse, il ne l’a _ très effectivement _ plus jamais fait ;

se détournait _ jusque là _ de moi quand il me voyait dans les couloirs, les salles de classe ou les cafétérias,

avec une maladresse si transparente et si brutale

qu’elle en tournait presque _ eh ! oui! _ à l’inverse, la tendresse _ que d’émois brûlants ! Et il s’en allait.

A ce moment-là, je me suis laissé aller à le détester ;

ce qui faisait du bien,

dans la mesure où l’aimer publiquement avait été interdit ;

et le détester publiquement _ ou la part si puissante des autres (cf le chœur antique) en ces divers processus _ était tout à fait acceptable.

Je tournais en dérision ses intérêts, la natation _ la revoilà _, ses amis, ses cheveux _ blonds paille, décolorés par le chlore des piscines _,

et j’amusais _ de ma carapace d’« ironie«  (à la Oscar Wilde) _ mes amis, auxquels j’étais désormais revenu,

avec des récits _ de « connivence » retrouvée : à quel prix ! _ de mon séjour chez les barbares _ page 103.

Page 104 : « Le premier homme avec qui j’ai couché  _ « ce devait être pendant la semaine qui a précédé mon vingt-et-unième anniversaire, au début du printemps 1981 » _ en Virginie _ avait le même prénom que lui _ P..

Et nous savons depuis la page 31, à l’occasion d’une confidence : « la première fois que j’ai fait l’expérience de désirer un autre homme dont je savais qu’il me désirait aussi _ voici la nouveauté ! par rapport à P., au lycée de la banlieue de Long Island _, c’était à l’université. (…) Nous avions tous les deux dix-neuf ans _ c’était donc en 1979. (…) C’était dans une université du Sud _ à Charlottesville, en Virginie, page 30. (…) J’étais venu là , à l’université nichée dans les contreforts du Blue Ridge, parce que j’avais aimé, au lycée, un garçon _ P., donc _ qui venait de cet Etat, un garçon qui m’avait rejeté lorsqu’il avait compris _ ou après _ que je le désirais ; je pensais qu’en allant là-bas, à l’endroit d’où il venait, je pourrais le retrouver _ le mot est capital : « re-trouver le « perdu » (« the lost«  !) _, d’une certaine façon, absorber _ en soi _ une partie de lui. Je pensais qu’être dans _ déjà _ cet endroit, avec ses collines et ses élevages de chevaux, et la crête bleutée et brumeuse de la chaîne de montagnes au loin, me permettrait de découvrir _ thaumaturgiquement _ qui était ce garçon _ ce qui est une façon tout à fait profonde d’aimer ; page 31. Mais ce jour-là de 1979, la séquence n’aboutira pas (la rencontre sexuelle sera, par timidité encore, « éludée ») : ce n’est que deux ans plus tard, en 1981 donc, que Daniel Mendelsohn va (enfin ! et toujours en ce même campus de Virginie…) « coucher avec un homme« , prénommé, lui aussi, P.

Mais, page 111 :

« Il est possible de tomber amoureux _ par le processus que Freud nomme « déplacement«  _ de quelqu’un  parce qu’il a les cheveux _ blonds _, le prénom _ P. _ ou l’ascendance _ être de Virginie _ qui conviennent _ mais pas pour longtemps. La structure du fantasme que votre désir _ votre Inconscient (peut-être névrotique) _ impose _ alors, par « projection »/ »introjection » _ à cette personne,

est vouée, à la fin, à exploser,

puisque son identité réelle _ car elle existe bel et bien ; et résiste aux seuls fantasmes ! _ va finir par remonter à la surface et venir troubler l’image _ illusoire, cf Freud : « L’Avenir d’une illusion« … _ que vous vouliez _ ou plutôt que lui, votre désir fantasmatique, ici, « voulait » ! _ y voir.

Pour la plupart des gens, le fait que l’être aimé soit différent, le fait qu’il soit lui _ en son idiosyncrasie, peut-être _,

est riche de possibilités ;

pour les autres _ comme l’auteur, semble-t-il, ici _, ce n’est pas le cas. Mais pour les autres, il y a _ toutefois _ des plaisirs différents,

les plaisirs d’une profonde connaissance _ peu à peu _ de soi _ faute que ce soit de l’autre… _,

la vision intérieure _ par la méditation intensive et suivie _ qui est plus claire _ oui ! _ que celle des _ seuls _ yeux,

la capacité de capter _ grâce à la « focalisation » ; et la méditation intense et réfléchie (« critique ») _ le son émis _ et les paroles _ par les statues qui parlent.

J’ai couché avec beaucoup d’hommes _ dit alors Daniel Mendelsohn, page 111. La plupart d’entre eux ont une apparence _ physique _ bien déterminée _ un certain « type ». Ils sont de taille moyenne et ont tendance à être plutôt jolis _ plaisants à regarder. Ils auront probablement _ statistiquement _ les yeux bleus. Ils ont l’air, vus dans la rue, ou depuis l’autre côté de la pièce, un peu solennels.

Lorsque je les tiens dans mes bras,

c’est comme si je tombais _ et littéralement _ à travers un reflet

sur mon _ propre _ désir _ seulement _,

sur la chose qui me définit,

sur mon moi _ page 112 ;

et pas « dans » eux, ces « hommes« …

Un peu plus haut _ pages 110-111 _, parce que « il y a eu une période, à l’université, avant que je ne commence la marche et la chasse _ liées par Daniel Mendelsohn à l’homosexualité _, où j’ai eu des rapports sexuels avec des femmes, assez souvent » ;

de ces accouplements _ coïts _, je me souviens de ceci :

lorsque les hommes ont des rapports sexuels avec des femmes, ils tombent dans la femme. Elle est la chose qu’ils désirent, ou parfois redoutent ; mais en tout cas elle est le point final, l’endroit où ils vont _ to come = jouir…

Les hommes gay, eux, tombent, pendant le sexe, à travers leurs partenaires,

jusqu’à eux-mêmes, inéluctablement » _ page 111.


Un livre courageux et passionnant ; même si on peut s’irriter _ contre qui ? le Destin (l’Anankè) ? _ de voir le narrateur-auteur

si peu

rencontrer vraiment

un autre : du moins avant la survenue de l’enfant Nicholas…

Sans négliger, non plus, un aussi puissant que discret

formidable humour, sous cette plume, en cette voix

de Daniel Mendelsohn… :

c’est donc non sans une certaine impatience

que nous attendons de le lire à nouveau, l’écouter, le rencontrer nous parler…


Titus Curiosus, ce 8 février 2009

de la critique musicale (et autres) : de l’ego à l’objet _ vers un « dialogue »

17juil

« De la critique musicale (et autres…) : de l’ego à l’objet » _ vers un « dialogue »

On pourra comparer

_ sans la gonfler plus que cela ne mérite : ce sont les œuvres qui importent ;
pas les doigts
(d' »intermédiaires » seulement
: les gens « de la cul-cul-ture« , si on bégayait…)
qui montrent
(cf « Homo spectator » de Marie-José Mondzain, aux Editions Bayard, en octobre 2007)
ce qui serait « à voir« , ou « pas« ,
pour les autres !
dont ils sollicitent,
et plus encore écartent
l’attention

(cf ici « Prendre soin » de Bernard Stiegler, aux Editions Flammarion, en février 2008)  _ ;

on pourra comparer, donc, en un second degré de ré-flexion,
l’affaire (du « dossier critique« )
photographique
de « Littoral des lacs« 

(édité par Images En Manœuvres Editions / Conservatoire du littoral, en mars 2008),
à certaines des réactions (la plupart excellentes :
mais qui recueille l’unanimité ?)
de la critique
musicale
et discographique
face aux « Quatuors à cordes » (CD Alpha 125) de Lucien Durosoir
par le Quatuor Diotima…

Ainsi, un correspondant
_ Marquis _
m’a-t-il gentiment adressé un courriel amusé,
que je me permets,
de publier in extenso ici,
pour
_ outre ce qui concerne directement la musique,

durosoir_alpha.JPG

les « Quatuors à cordes » de Lucien Durosoir,
et la « critique discographique », aussi _ ;
pour, donc, aussi
ce qui touche la « vie » d’un blog,
les désirs de lecture
des lecteurs de ce blog-ci
(sur le site d’une grande librairie),
conformément à l’annonce de son « programme »
dans l’article (d’ouverture) : « le carnet d’un curieux« …

Merci d’avoir déjà des lecteurs

_ ou « spectateur » (cf « Homo spectator« ) « acteur » de son « acte » de « per-ception » (cf « L’Acte esthétique« )

_ aussi intensément attentifs

De : Marquis
Objet :
Date : 6 juillet 2008 17:13:09 HAEC
À : Titus Curiosus

« Cher Titus Curiosus,

J’ai souri, pour plusieurs raisons, en lisant votre blog
(merci de me l’avoir indiqué).

Mon premier sourire était quelque peu perfide.

À vous qui écrivez : « J’espère que les oreilles de la critique vont se “désembourber” de leurs bouchons de cerumen,
et de leurs petits maniérismes de cliques, de cercles, d’initiés qui méprisent tous les autres !!! »,

voici l’écho que renvoie la plume d’un critique :
« Le contrapuntisme forcené des trois quatuors de Lucien Durosoir est de fait aussi savant que daté ; en deçà des audaces de Caplet, le fidèle mentor, et plus proche d’un dernier Fauré laborieux, voire d’un Franck brouillon que de Roussel. Encore que le fait de répéter à l’envi des formules thématiques d’un mouvement à l’autre ne suffise pas à construire une partition cyclique. Le tout requiert une parfaite discipline d’exécution et des effets de ponticello, de sourdine, de g!issandos et de pizzicatos que les Diotima, salués pour leur premier disque d’un Diapason découverte (cf. notre n° 515), maîtrisent sans faillir. Se succèdent mouvements vifs assez toniques tranchant sur une berceuse ou un adagio languissants, en dépit des frottements harmoniques censés les pimenter. Le Quatuor n° 3 marie atmosphères oniriques volontiers modales et velléités fauves rehaussées d’ostinatos vigoureux. Trop moderne pour de l’ancien, trop ancien pour du moderne en 1932 ? Réservé en tout cas aux amateurs de curiosités, dans la lignée des sonates pour violon parues chez le même éditeur (cf. notre n° 543).»

Ce texte-ci me semble relever davantage de l’allergologie que de la critique musicale ; et d’autres critiques, vous le savez sans doute, ont accompagné leurs éloges d’arguments révélateurs de ce que je pourrais qualifier de davantage de compétence et de moindre partialité.

J’ai souri également de plaisir et d’émotion en comprenant, par vos phrases, combien la musique de Lucien Durosoir peut aller au fond des êtres qui la reçoivent sans prévention, sans malignité, avec un cœur et un esprit libres et ouverts. Vous en parlez magnifiquement et vous instaurez, avec les fragments de mes propres textes, un dialogue fort et personnel. »

Et c’est ici que la réflexion de Marquis déborde le seul exemple de la musique (et du disque) :

« Je suis à la fois effrayé et ravi par toute la bibliographie que j’engrange grâce à vous. Quand aurai-je le temps de lire tout cela ? Une chose est certaine : mes deux premiers titres seront « Mendiants et orgueilleux » de Albert Cossery (il y a longtemps que je voulais le lire) et « Prendre soin de la jeunesse et des générations« , de Bernard Stiegler.

Je regrette parfois que ma vie –au demeurant passionnante – soit une course folle dans laquelle les temps de lecture sont arrachés aux temps de sommeil, les seuls disponibles par moment… Mais je comprends chaque jour davantage la chance que j’ai d’être dans un monde mental qui me permet d’échapper (à mon tour de vous citer) à l’influence des « impostures tenant le haut-du-pavé des opinions inconsistantes (mais pouvant aller jusqu’à “décourager”, par leur massivité, de jeunes ou timides encore curiosités, des préjugés et du commerce veule _ dont d’abord celui de la “grande distribution” _ ; de l’audimat, si l’on veut : aux dégâts d’ampleur catastrophique ».

Je vous adresse des salutations que je crois pouvoir dire amicales,

Marquis »

Quelle lettre magnifique, et qui va directement au coeur du rapport aux œuvres, et à ses difficiles conditions (conjoncturelles) de « temps » (à soi : pour accueillir l’altérité de l’autre, de la personne, du réel ; et principalement par le biais de ces concentrés d’essences _ de ce qui est _ que sont de vraies œuvres, mais que peut être aussi, déjà, le réel lui-même _ la « nature« , comme cela se dit _ en l’espèce de « lieux«  particuliers, spécifiques, singuliers, tels des « paysages »

_ comme si « rendez-vous« , en quelque façon « promis » ou « réservé » (de quelque « ailleurs« , « autre part« , de toute éternité), vous était, à ce moment précis-ci, donné, offert, octroyé par quelque divinité _ muse, nymphe _ locale souriante, heureuse de vous saluer : bonjour ! quelle bonne rencontre voilà !… _ ;

en l’espèce de « lieux« , donc, dont on ressent un peu étrangement _ par un léger bougé délicat dans l’air qui se respire _, le « génie« , le « génie du lieu« , qui vous effleure, à peine, très doucement, et vient ici et maintenant délicatement, en un murmure audible peut-être seulement de vous, s’adresser à votre écoute, à son accueil (de lui) ; et vous donne alors quelque accès à son secret :

il faut disposer d’une « disponibilité » (= le « loisir » vrai : l’otium, la skholè ; en fait, un simple, mais très précieux _ et d’abord un peu rare _ moment « pris » et « mis de côté » : sur « le reste » ; mais, peu à peu on s' »en » aménage, tel Montaigne ce qu’il qualifiait de son « ménage« , en la librairie de sa tour ; ou Virginia Woolf, en sa « chambre à soi« , si j’ose dire _ ; un simple, donc, moment de liberté, c’est-à-dire d’attention _ intensive _ aux choses, à autre chose que soi, son ego, ses soucis, ou que toute la propagande massive, à commencer par la télé, qui finit par « faire » le seul quotidien, et tout le quotidien, de tant et tant (qui n’en ont pas d’autre) ; qui livrent aux marchands-prédateurs « leur temps de cerveau disponible » _ merci Bernard Stiegler de revenir souvent nous le rappeler dans presque chacun de vos livres _, sans même, eux, le (leur) vendre, ils le (leur) cèdent _ en pure perte (de tout ; à partir de la perte de « leur » temps : irréversiblement sans consistance…) _ sans même s’en apercevoir !) ;

il faut disposer de la « disponibilité », donc, qui vous permet d’entrer dans un tel dialogue, à base d’écoute, toute de « probité« , en effet, et de « vraie » « liberté » _ cf l’ami Plossu (et l’article de ce blog : « Probité et liberté de l’artiste »  _ ; soit un vrai « temps libre« , auquel beaucoup n’accèdent pas, parce qu’ils sont « sous influences » aliénantes, et que, bien sûr, d’abord, ils ne le savent pas _ la prise de conscience pouvant constituer le premier déclic de la « libération » : telle était, ce déclic en forme de décharge de poisson-torpille (ou de raie), telle était la « stratégie » modeste et probe _ honnête _, d’un Socrate, que de produire cette « décharge électrique » de se rendre compte (= ré-flexivement) que ce qu’on croyait « penser » n’était qu’un « croire » mal fondé, ne donnant lieu qu’à « opinions » inadéquates…

C’est tout le drame de ce qui se présente sous les parures (aux derniers « standards » de la mode) de la « civilisation des loisirs« .

Alors, oui, nous sommes quelques uns à avoir cette chance « d’être dans un monde mental qui (…) permet d’échapper à l’influence d’impostures«  ;

mais nous désirons _ et profondément _ la donner à partager, cette « chance » ;

car la richesse de ce rapport aux œuvres et au monde (quand les « génies des lieux » viennent à vous, « vous parler« ) est à portée de main, de sens

_ des cinq sens, et en liaison avec l’intelligence, la mémoire, l’expérience (et la culture : et personnelle et commune, qui en émane) : c’est là le sens de « æsthesis » _,

de tout un chacun

_ ce que Mikel Duffrenne (1910-1995) nommait « le poétique » (cf le livre éponyme, « Le Poétique« , aux Puf, en 1963) _ ;

et sans forcément grande culture ; rien qu’en se détournant si peu que ce soit des clichés, et en prêtant nos sens à la beauté du monde, du réel (de la « nature« , disait-on autrefois), à la « vérité » (désencombrée, un peu plus dénudée) des choses et des personnes.

C’est un « dialogue« , en effet _ vous le dites _ ; c’est une écoute réciproque (entre les choses _ et les autres _ et nous) : voilà ce qu’est l' »acte esthétique » dont parlent si bien et Baldine Saint-Girons en son si beau « L’Acte esthétique » (aux Editions Klincksieck) et Marie-Josée Mondzain en son si essentiel « Homo spectator » (aux Editions Bayard) ; elles-mêmes étant des personnes « vraies » : je puis vous l’assurer : je les ai « rencontrées »…

La vie d’un blog doit être, en mon idée, une vraie vie « culturelle« 
_ au-delà de ce qui,
en ce mot (de « culturel« ) et en la chose qu’il peut désigner,
mérite, et à très juste titre, la sévérité d’un Michel Deguy (passim, ou, par exemple _ et c’est un livre lui aussi très important _, « Le sens de la visite » (aux Editions Stock, en août 2006) _ ;
et doit, cette « vie » d’un blog, « étendre » au-delà des frontières (d’un pays, et même, peut-être d’une langue _ ici le français, qu’il s’agit de « servir »),
et au-delà des mers (et océans : n’est-ce pas l’ami Denis Grenier à Québec ?)
_ grâce à ce que Bernard Stiegler appelle l' »Ars Industrialis » _,
ce qualitatif _ distinct du quantitatif, qui avec l’argent et la numérisation, aujourd’hui règne _ de l’être-au-monde

_ ce « je ne sais quoi » et « presque rien« , disait si bien Vladimir Jankélévitch  (1903-1985) en son « Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien » aux PUF, en 1957, puis, en une version révisée, aux Editions du Seuil en 1980 _

qui jadis pouvait « se confier » avec liberté et audace _ « esprit », « wit » _ dans l’espace (« non in-humain »
_ pour continuer avec le vocabulaire de Bernard Stiegler)
d’un salon, « à la Ville »
(par rapport, alors, « à la Cour » :
soit à Paris,
par rapport à Versailles, à ce moment-là de notre Histoire),
quand « la Ville » se donnait une jubilatoire et consistante
_ enfin parfois ! pas toujours… _ « liberté de juger«  _ au sens de Kant,
ou de Nietzsche,
ou de Vladimir Jankélévitch _,
je veux dire une « liberté de juger effective« , et pas (trop) illusoire,
pas rhétorique (« bon mot« , ou « dernier mot » qui méritent _ « bête » et « méchant » qu’ils signifient alors : « la bêtise, c’est de conclure« , dit Flaubert (à compléter par le travail d’Alain Roger « Bréviaire de la bêtise« , aux Editions Gallimard en février 2008) _ ; qui méritent si mal leur adjectif !) :
ce qui (« liberté de juger effective » et vraie !) n’était pas nécessairement le cas de toutes les bouches,
ni de toutes les têtes, bien sûr
(le film de Patrice Leconte « Ridicule »
_ sorti en mai 1996 ; le DVD est édité par Universal, en avril 2005 _
en donne peut-être une idée,
quand les choses dégénèrent, vers la décennie 1780…
et que certaines de ces têtes vont tomber
dans la sciure des paniers au-dessous du couteau de la guillotine) ;
mais quand même !…

La « république » des personnes
a besoin d’un minimum d' »esprits »  (et « âmes ») authentiquement libres,
ouverts, curieux, et « échangeant » leur « juger »

_ « penserions-nous bien, et penserions-nous beaucoup, si nous ne pensions pas _ au sens de ce qu’est véritablement « penser » : juger avec justesse _ pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées, et auxquels nous communiquons les nôtres ?« , proclame hardiment Kant en un article dénonçant la censure (« La Religion dans les limites de la simple raison« , disponible aux Editions Vrin), en 1793 _

hors côteries et propagandes,
plus ou moins, mais pas nécessairement, non plus, stipendiés ;
avec d’autres qui les « aident« , tant par le savoir que par le débat :
disputer à vide
et incompétemment
n’est que vaine opinionite ! maladie endémique en cette post-modernité _ ;
en « ajustant » mutuellement,
et les uns avec les autres, en s’écoutant _ avec exigence de vérité _ « goûter »,
les « essais » de leur goût (« sapere« )

_ ce « goût » se trouvant
sempiternellement « en formation », et en métamorphoses (= « plastique » : à la Montaigne) _ ;
par là fondamentalement humbles et modestes, ces « essais« ,
rien qu’avec le souci de la vérité de ce que ce goût se formant
apprend à toujours mieux
_ si possible _ accueillir et recueillir de l’objet visé même,
sans conformisme
(ou suivisme _ ni sectarisme),
de quelque nature qu’il soit, en conséquence
_ à l’encontre des « meneurs d’opinion »
et autres « tendanceurs »
travaillant pour des « marques » (ayant pignon sur rue, et affichage mondial) du « marché »
(cf ici le très perspicace Dany-Robert Dufour : « Le Divin marché _ la révolution culturelle libérale »
(aux Editions Denoël, en septembre 2007 ;
après « L’Art de réduire les têtes« , en 2003,
et « On achève bien les hommes« , en 2005, aux mêmes Editions Denoël) ;

avec d’autres qui les « aident« , tant par le savoir que par le débat, donc
à toujours un peu plus de justesse
dans la délicatesse (qualitative ; hors algorithme) de ce « juger »
avec ouverture (de culture) et allégresse et humour, si possible, d’esprit
et d’âme ;

tirant _ ce débat donc, je ne le quitte pas _ ceux qui « suivent », et cela à l’opposé des tendanceurs,
vers ce « haut »
du respect impératif et prioritaire de l’objet
visé
_ nature, lieux,
œuvres
,
au lieu de la mousse vaine et asphyxiante
de bouches seulement _ vides _ de pauvres ego ;

pauvres ego vendus souvent aussi aux propagandes
et autres fausses « modes »
se « démodant » tout aussi artificiellement qu’on les a fait apparaître…
Loin de l’idée (et promesse « tenue ») de fidélité…
Là-dessus, lire « Résister au bougisme _ démocratie forte contre mondialisation technophobe« ,
de Pierre-André Taguieff (aux Editions Mille et une nuits, en juin 2001)…


Et pour terminer sur la « formation » (infinie) du goût en musique, plus particulièrement,
j’évoquerai la mémoire et le souvenir de deux personnes de radio _ exemplaires _ auprès desquelles
j’ai, personnellement, régulièrement beaucoup appris

à « écouter » (et aimer : est-ce éloigné ?) :
Jacques Merlet, bordelais natif de Sainte-Foy-la-Grande,
formidablement généreux, et de passion formidablement communicative des « Arts Baroques » sur France-Musique : salut Jacques !
et la regrettée Claude Maupomé _ talençaise il me semble _, dont l’immense talent
était d’inviter à son « Comment l’entendez-vous ? » de deux heures qui passaient à des galaxies de l' »ennui« 
_ je retourne ici (à l’envoyeur, en quelque sorte) le mot du blogueur du site du Monde qui s’est ennuyé, le malheureux (par difficulté à sortir de son quant-à-lui, peut-être), aux si belles photos _ « virgiliennes« , dit-il : je crains que ce soit de piètre augure, eu égard au critère-« canon » de « modernisme » qui fait son credo… _ de
« Littoral des lacs » de Savoie de Plossu ;
Claude Maupomé dont l’immense talent était
d’inviter des « amateurs » (mélomanes) passionnés qui ouvraient (aux « écouteurs » de leur passion, par cette émission), à leur tour, de vastes territoires guère fréquentés (voire des « continents entiers« …) de musique _ tels, par exemple, en mon cas, les incomparables Josquin Des Près et Carlo Gesualdo, Prince de Venosa ;
le contraste étant, d’ailleurs, assez cruel pour les quelques (rares) invités « qui n’aimaient pas vraiment »
_ à la forme intransitive, le verbe « aimer vraiment« , ici ! _ ,
et donc n’avaient _ les malheureux... _ rien de vrai à vraiment partager (dire) : cela pouvait aussi arriver… ;

avec, encore,
cette note-ci, en surfant à l’instant (à la pêche aux renseignements) sur le net :

« vendredi 07 avril 2006
Comment l’entendez vous ?

En attendant de trouver le temps de rédiger une note plus conséquente,
je veux rendre hommage ici à Claude Maupomé,
décédée vendredi dernier
_ 31 mars 2006 _,
et dont les cendres ont été dispersées hier.
Claude Maupomé fut la délicieuse,
spirituelle, cultivée, pertinente et distinguée
productrice de « 
Comment l’entendez vous ? » sur France Musique,
émission qui a contribué de manière décisive
à mon éducation musicale,
et émission emblématique d’une qualité,
d’une exigence et d’une ambition
qui me semblent révolues
« ,
selon l’auteur de cette note (en ce blog « l’esprit de l’escalier ») que je m’empresse de co-signer,
si son auteur m’y autorise ; et
accessible ici :
http://l-esprit-de-l-escalier.hautetfort.com/archive/2006/04/07/comment-l-entendez-vous.html
Fin de la note.

Je termine ma remarque sur Claude Maupomé
et son indispensable « Comment l’entendez-vous ? » :

tant le désir passionné de découvrir, aimer, et partager _ serait-ce donc distinct ? _ (l’amour) des œuvres,
donne, et généreusement _ cher Jacques Merlet, chère Claude Maupomé _, une joie
qui emplit en se répandant :

au-delà de l' »Ethique » de Spinoza,
on se réjouira au (et du) magnifique travail de Jean-Louis Chrétien : « La Joie spacieuse _ essai sur la dilatation » :
des saints Augustin, Grégoire le Grand et Thérèse (d’Avila),
à Walt Whitman, Paul Claudel et Henri Michaux,
par, par exemple, un étonnant Thomas Traherne,
et un Bossuet (cf ici le CD du « Sermon sur la mort« ,
clamé, plutôt que dit, par Eugène Green _ salut à toi ! _, en ouverture de sa collection Voce Umana,
collection de littérature orale, aux Editions Alpha : CD Alpha 920, en 2002) :
aux Editions de Minuit, en décembre 2006,
cette « Joie spacieuse » ;
à cultiver « sans modération » comme ils disent…

Se reporter encore une fois à Montaigne :
« Pour moi donc, j’aime la vie
et la cultive telle qu’il a plu à Dieu nous l’octroyer
« …
_ « Essai«  De l’expérience« , livre III, chapitre 13 ;
le mot crucial étant celui de « cultiver« , à la forme active et expérimentée…
Car, pour « la vie« ,
« nous l’a Nature mise en main, garnie de telles circonstances et si favorables,
que nous n’avons à nous plaindre qu’à nous si elle nous presse
et si elle nous échappe inutilement
« ,
vient-il de dire deux pages avant,
en commentant
« cette phrase ordinaire de passe-temps
et de passer le temps« …
Avec cette conclusion provisoire du paragraphe :
« A mesure que la possession du vivre est plus courte,
il me la faut rendre plus profonde
et plus pleine.
« 

Et il enchaîne :
« Les autres sentent la douceur d’un contentement et de la prospérité ;
je la sens ainsi qu’eux,
mais ce n’est pas en passant
et glissant.

Si
la faut-il étudier,
savourer
et ruminer,
pour en rendre grâces condignes
à celui qui nous l’octroie
«  :
tout un art ;
mais à portée humaine,
« non-in-humaine«  _ cher Bernard Stiegler _, du moins…
Titus Curiosus, ce 17 Juillet

Probité et liberté de l’artiste

15juil

A propos de « Littoral des lacs » de Bernard Plossu (édité par Images En Manoeuvres Editions / Conservatoire du littoral, en mars 2008)

Exposition de Bernard Plossu, Littoral des lacs, Annecy

J’avais l’intention,
pour poursuivre mes articles de photographie,
de publier mes échanges de mails en mai avec Bernard Plossu :
après celui à propos de l’invito alla mostra milanese « Attraverso Milano »
(et ma remarque  « Kafka » pour ce Milan-là ) ;

celui à propos de l’album
(édité par Images En Manoeuvres Editions / Conservatoire du littoral, en mars 2008)
« Littoral des lacs »
(et ma remarque « Rousseau » pour cette Savoie-là,
reprise par Bernard Plossu :
« oui rousseau et kafka
c’est formidable tes commentaires !
necessaire .
plo
 » )

d’autant plus vite que
le mot de « Rousseau » dans ce mail de Bernard Plossu du 22 mai à 7h48
« oui rousseau et kafka »
est, « rapporté » en cet état (en l’article du blog du 4 juillet)
hors de compréhension du lecteur…
Ce qui est un comble (d’incongruité)
pour un blog !…

Mais l’énigme (« oui rousseau et kafka » ?),
pour qui s’en serait avisé (!!!),
va immédiatement se résoudre ;
et au-delà de ce que je pouvais en imaginer
,
attendre, espérer, on va le constater : vive le blog !!!

Car voici que Bernard Plossu,
de retour de ses campagnes photographiques
et bretonne (trois îles : Houat, Molène et Bréhat)
et espagnole,

prenant connaissance de mes courriels (certains anciens de trois semaines)
_ au milieu de la ribambelle de ceux qui ont pu s’accumuler ce long temps-là _,

réagit à mon article « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra » du 4 juillet,
et m’adresse
_ cette nuit : 1h07, 1h09 et 1h10 _
3 courriels passionnants
qui y ont indirectement ou directement « trait »
: qu’on en juge !

En deux temps, si on le veut bien :
d’abord nos échanges de courriels de mai.
Puis, les tout récents, de juillet.

D’abord, en un premier moment, l’échange
(sur une durée de quinze jours, déjà : le « photographe » était en « expédition »)
des courriels des 6, 21 et 22 mai :

De : Titus Curiosus
Objet :  « Littoral des lacs » : un sublime de poésie de la simplicité
Date :     6 mai 2008 06:52:36 HAEC
À : Bernard Plossu

face à l’album « Littoral des lacs »
entre mes doigts tournant les pages, et sous mon regard

et juste après le courriel expédié 6 secondes auparavant
Objet :  Courir après son ombre en quel couloir ? En minuscules géantes : Milano !…
Date :     6 mai 2008 06:52:31 HAEC

à propos, lui, de l’image « fabuleuse »
du carton d’invitation à « Attraverso Milano » à la galerie Bel Vedere
(et accessible sur « En cherchant bien » depuis le 5 juillet)…

Voici pour « Littoral des lacs » :

Quelle merveille de poésie que « Littoral des lacs » !

Quelle connaissance tranquille, sublimement paisible,
à la distance qu’il faut des lieux,
tout à la fois connus (aimés) et respectés,

dans une familiarité d’ il y a longtemps, d’il y a toujours,
d’enfance même
sans doute _ ce serait le « secret » _,
car pas même « retrouvée »,
mais simplement fidèle : toujours là, en quelque sorte _ mais il a aussi fallu y arriver _
et elle, et toi ;
vous donc ensemble ;
de compagnie,
mais sans confusion aucune,
sans effusion bruyante de fusion : on peut y goûter la qualité et les couleurs du silence,
à la distance « naturelle » d’un respect où l’on perçoit, si l’on s’y focalise si peu que ce soit,  l’effleurement du vent, de la brise, dans les feuillages qui chantonnent.

Compagnie vrai amour,
comme la ritournelle, en accompagnement, donc, à peine fredonnée, d’une chanson de ce pays même,
gambadant juste sur la pulpe des lèvres
_ et pas à plein gosier.

N’est-ce pas aussi,
simplement,
le résultat honnête du cahier des charges,
et ordre de mission
d’un « Conservatoire, en effet,  du littoral »
?
Un « Conservatoire » qui n’en est plus à faire ses gammes (avec ses couacs),
mais qui s’enchante de la petite sereine musique (de jour) du fruit de son discret travail…

Une merveille de simplicité de l’expérience, tout simplement,
oui.

Titus

Ensuite, ceci, en deux temps, l’espace de la nuit :
d’abord, le 21 mai au soir :

De : Bernard Plossu
Objet :  Rép : « Littoral des lacs » : un sublime de poésie de la simplicité
Date :     21 mai 2008 22:37:48 HAEC
À : Titus Curiosus

wow , merci de ce que tu dis des lacs en photos !
romantique à souhait , hein ?
plo

Puis, le 22 mai au matin,
et en « réponse » aux deux courriels à la fois (sur « Milano » et « les Lacs » de Savoie) du 6 mai (6h52, les deux…) :

De :  Bernard Plossu

Objet :     Rép : « Courir après son ombre en quel coul…
Date :     22 mai 2008 07:48:12 HAEC
À :  Titus Curiosus

oui rousseau et kafka
c’est formidable tes commentaires !
necessaire .
plo

Voilà pour le premier moment de l’échange.

Et voici maintenant ce que donne la seconde « étape » :

Au départ, mon envoi de l’article « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra » du 4 juillet,
au sein de ce courriel du 10 juillet :

Cher Bernard,

Le blog a démarré sur mollat.com
avec 3 articles :
le premier (« le carnet d’un curieux« ) de présentation de ce blog
le second (« Musique d’après la guerre« ) sur un CD de quatuors à cordes d’un musicien (1878-1955) ayant survécu à 14-18 et s’étant mis à composer en 1919 : Lucien Durosoir
le troisième (« Attraverso Milano« ) sur la carton d’invitation (« invito« ) de ton expo milanaise.

Déjà, je suis curieux d’avoir tes impressions de chacun des trois, un peu « détaillées ».
On peut aussi se parler au téléphone, si tu préfères parler qu’écrire un peu en détails… Enfin, comme ça te chante, bien sûr !..

Je n’ai pas mis en ligne les 2 articles (« Ombres dans le paysage _ pays, histoire (et filiation) » ; et « Lacunes dans l’Histoire« ) à propos du récit d’enquête historique « Jeudi saint » de Jean-Marie Borzeix
pour plusieurs raisons :
d’abord ils sont très longs (J-M Borzeix qualifie le premier d' »étude critique consacrée à (s)on livre« ) ;
ensuite, j’aimerais que ces deux articles (que je trouve « importants »…) disposent de photos (!) ;
et enfin, je vais les faire précéder d’un « avertissement » quant à leur « longueur » : peu banale sur un blog.

Et même j’ai rédigé un article de réflexion sur la longueur (et le style) de mes articles.
Et ce que j’appelle ma « méthode » : « attentive intensive« …

Je vais te l’adresser aussi :
d’abord, pour que tu y mettes à ton inspiration une ou deux photos…
Faire dialoguer texte et photo provoque un formidable gain d’espace pour la pensée-réflexion du lecteur…
Et aussi pour savoir si j’y laisse ou pas une remarque concernant l’histoire de la photo du carton d’invitation d' »Attraverso Milano« ,
cette photo « fabuleuse »
_ je ne l’ai pas laissée.

J’ai en préparation plusieurs articles :
outre celui de réflexion sur la longueur et le style des articles…

_ d’abord, sur le livre « Littoral des lacs« ,
sur le principe de l’article « Attraverso Milano » :
c’est-à-dire me contenter de reprendre notre échange de mails en mai dernier
(ou une sélection : il y a parfois des coupures à faire),
à propos, donc, du livre cette fois, « Littoral des lacs« .
A ce propos, ce serait bien de disposer d’une image de bonne qualité
de la photo de couverture du livre : « Marais de l’Enfer _ lac d’Annecy »
j’ai bien, déjà, celle du carton d’invitation au vernissage,
mais la qualité de l’image importe aussi…
Je viens de re-regarder le livre en recherchant la légende de la photo
(je me souvenais qu’elle était prise au lac d’Annecy) : quelle beauté paisible en émane…
Oui, le « Rousseau » de l' »état _ fictif _ de nature« ,
enfin presque : parce de tels paysages demeurent « travaillés » !..

_ ensuite, sur le DVD du film de David Cronenberg _ cinéaste qui m’intéresse _ « Les promesses de l’ombre » _ :
l’article (avec la thématique des « ombres » de mon article _ non encore en ligne _ sur « Jeudi saint« ) est pas mal avancé ; mais je suis maniaque : j’allonge, je coupe, je peaufine… jusqu’à ce que ça « aille » à peu près…

_ puis, j’en ai 3 en projets assez simples :
un petit article sur « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler (chez Flammarion), que je viens de terminer de lire.
Le sujet est crucial : former l’attention ; et protéger contre les politiques audiovisuelles de destruction de l’attention.
J’essaierai d’être bref et percutant : il y a le feu au lac !!!

Et  deux autres petits articles de photo sur des livres forts tous les deux :
sur « Prague 1968 » de Joseph Koudelka (aux Editions Tana) : magnifique de vérité (et à pleurer, comme on les voit pleurer de rage !!!
et « The Americans » de Robert Frank (aux Editions Steidl) : un reportage d’est en ouest et du nord au sud aussi perspicace que riche…

_ puis, il va me falloir me mettre à l’article sur « Les années d’extermination » de Saul Friedländer, une très grande chose pour le XXième siècle ; et pas seulement (hélas !)…

J’espère que tes moissons bretonne et espagnole ont été opulentes : je ne me fais pas trop de soucis là-dessus…

A très bientôt, et de diverses façons,

Titus,
toujours trop abondant, comme tu le constates !

Et ce matin, je trouve une brassée de messages de la nuit,
dont des trois-ci qui font passer le « dossier » « Littoral des lacs » à un cran (de « passionnant ») supplémentaire :

dans l’ordre :

De : Bernard Plossu
Objet :     Trans. : BERNARD EN RESIDENCE EN BRETAGNE par le TELEGRAMME DE BREST !
Date :     13 juillet 2008 01:06:58 HAEC
À : Titus Curiosus

infos

b

De :  Ami
Date : 5 juillet 2008 15:29:57 HAEC
À : Bernard Plossu
Objet : BERNARD EN RESIDENCE EN BRETAGNE par le TELEGRAMME DE BREST !

http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/morbihan/bernard-plossu-en-residence-en-bretagne-20080630-3356338_1378695.php#

Bernard Plossu. En résidence en Bretagne
C’est l’une des figures de la photographie, souvent en voyages, presque toujours en noir et blanc, un grain épais qui l’a rendu célèbre. Bernard Plossu est en résidence en Bretagne. Rencontre à Lorient.
Bernard Plossu est en résidence sur trois îles bretonnes : Houat, Molène et Bréhat.

Trois galeries, trois départements, trois îles et un photographe.
Le Lieu, à Lorient, L’Imagerie, à Lannion (22) et Le Centre Atlantique de la Photographie, à Brest (29) invitent Bernard Plossu à une résidence sur les îles d’Houat, Molène et Bréhat, le projet Archipel, et trois expositions en novembre.
C’est un regard nouveau qui se pose sur la Bretagne, celui d’un grand reporter photo, homme du lointain : Nevada, Californie, Sahara ou Mexique…
Toujours avec le même objectif de 50 mm, celui de son Nikkormat, Bernard Plossu est un grand monsieur de la photographie :
« Ma photo a la rigueur de l’École française, un mélange de Corot et de Malevitch, une sobriété qui paraît facile », explique-t-il.
C’est cette sobriété et son grain qui le font choisir pour réaliser une photo d’Isabelle Huppert pour un livre et une exposition sur la comédienne, aux côtés d’illustres photographes, Boubat, Doisneau, Gassian, Lartigue ou encore Lindbergh…
« Je redécouvre la France. »

Il voit la Bretagne comme les falaises de Californie, la même rudesse, le même côté sauvage.

« J’ai toujours habité très loin, je redécouvre la France : le magnifique Aubrac, l’Aveyron, le Jura, la Bretagne… J’y trouve ce que j’allais chercher ailleurs… Des coins sauvages. En Bretagne, ce sont les belles lumières, les beaux gris. »

Très vite, dès ses premiers pas sur l’île d’Houat, Plossu a beaucoup photographié, dès le premier jour, paysages et collines. « Après, j’en ai moins fait. Je vais peut-être aller refaire une photo avec une lumière différente, mais j’ai un ressenti immédiat. » Une bonne sœur qui passe devant une vitrine : photo. Une femme dans la rue : photo. « La photo vient à moi. »

Nourri de peinture, de Constable à Courbet, mais surtout très influencé par le cinéma, et particulièrement la Nouvelle Vague. Il a aussi travaillé sur quelques films de Robert Altman. « Je suis beaucoup allé à la Cinémathèque, et petit, j’étais dans la même classe que Frédéric Mitterrand : il était premier de la classe, et moi dernier ! »

Puis celui-ci :

De : Bernard Plossu
Objet : Trans. : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !
Date : 13 juillet 2008 01:09:26 HAEC
À : Titus Curiosus

t avais je envoyé ça ?
plo

_ réponse, au passage : pas encore !!!
maintenant, oui !

De : Ami
Date : 26 juin 2008 15:55:08 HAEC
À : Bernard Plossu
Objet : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !

Saluti  Mister Plo !
Je crois bien, que tu étais à Thonon, hier soir, pour le vernissage de Littoral des Lacs, enfin, je suppose !
J’ai pour ma part bien aimé l’extrait du texte de François Carassan déniché , je ne sais trop où , sur le WEB !

Désolé, de voir cette critique à l’égard de ton ouvrage !

On s’en fout , on ira se faire des photos dans un paradis perdu, loin des critiques !
ça pourrait faire une chanson,comme celle de Bénabar !
Bien à toi
Ami

http://deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr/

14 mai 2008

Littoral des lacs

®© Bernard Plossu, « Littoral des lacs« , Images en Manoeuvres Editions, 98 pages.

Bernard Plossu LITTORAL DES LACS

« J’ai pu être un ardent admirateur de Bernard Plossu. Notamment du « Jardin de poussière » que je tiens, aujourd’hui encore, comme l’une des plus magiques séries de photo minimaliste. Ce mince ouvrage publié en 1989 par Marval me semble toujours l’expression d’une photographie “point, ligne, plan” à rebours de toutes les représentations exaltées de l’Ouest américain. De Plossu, j’aime également quelques images isolées : cette branche de palmier dans le vent, cette vision d’un enfant sur un pont de bateau… Son « Voyage Mexicain » (Contrejour, 1979) tenu par certains comme fondateur d’une modernité “on the road” de la photographie européenne me laisse plus dubitatif. De nombreuses images sont faibles même si elles vibrent d’une tension toute adolescente. D’être bien plus tard, embringué au côtés de Max Pam ou de Paolo Nozolino dans la défense de la “photographie créative” chère à Jean-Claude Lemagny, a offert à Plossu une reconnaissance institutionnelle, en France du moins. Problème, me semble-t’il, cette doctrine a fossilisé ses adeptes dans une démarche poétisante refusant la déferlante documentaire qui a marqué la photographie contemporaine depuis vingt ans.

Conséquence de l’alignement de Plossu sur l’institution, les commandes publiques pleuvent sur lui depuis des années, donnant la plupart du temps lieu à parution. Voici, à titre d’aperçu, un petit florilège de publications de commande : « Paris, Londres, Paris » (1989), « L’Archipel de Riou » (1993) « Marseille en autobus » (1996), « Porquerolles, Port-Cros : Bernard Plossu, les îles » (1999), « Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, Mémoires » (2002), « Au Nord » (2006), « Des mots de lumière dans les musées de Strasbourg » (2007), « L’étrange beauté de la ville d’Hyères » (2007)… Si l’on ne peut que se réjouir qu’un auteur trouve des commanditaires, on ne peut que déplorer l’esprit moutonnier des institutionnels à la recherche de “valeurs sures” et surtout non conflictuelles.

Le Conservatoire du Littoral, institution précieuse qui soustrait des milliers de kilomètres de côtes et de bords de lacs à la spéculation, a donc à nouveau passé commande à Bernard Plossu pour « Littoral des lacs » . Le résultat en est navrant. Sentiers herbeux sinuants vers la rive, paysages lacustres masqués par les feuillages… Le photographe fait de son mieux pour illustrer la beauté virgilienne de ces paysages protégés. Pourtant, le lecteur s’ennuie à la vue de ces images bucoliques que nulle modernité ne vient troubler, ni dans le cadre, ni dans la prise de vue. Le talent de Plossu s’épuise dans ces exercices de style et on en vient à se demander si Conservatoire a forcément partie liée avec conservatisme. »

Voilà la « critique acerbe« , donc.

Et enfin, au moins provisoirement, du moins,
mais l’aventure (des courriels ; et du blog) déjà me paraît, cette fois encore, prodigieuse
_ vivent les artistes ! ils font déjà parler, même s’ils n’enchantent pas
tout le monde
tout le temps !..
et amitiés comme déplaisirs y ont leur place _

ceci :

De : Bernard Plossu
Objet : Trans. : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !
Date :     13 juillet 2008 01:10:06 HAEC
À : Titus Curiosus

et ma reponse
plo

De : Bernard Plossu
Date : 30 juin 2008 18:12:20 HAEC
À : Ami
Objet : Rép : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !

salut Ami

de retour …. d’une commande justement, dans les iles bretonnes !

je trouve ton mail,
et ce qui est interessant , c’est que cette commande pour les Lacs Alpins du conservatoire du Littoral,
je l’avais faite justement exprès dans cet esprit romantique XIX° siecle  avec résolument rien de moderne   ,
car c’est l’ambiance que les lieux m’avaient  très explicitement dictée !
( pensé à Balzac ) .

la critique du coup devient  tres interessante
car ces photos sont bien faites ainsi exprès ,
et non  pas par facilité ou nullité banale … !
il ne s ‘agit en aucun cas  » d’une commande de plus » ,
mais de quelque chose au ton bien réfléchi :   et de tout façon je ne bacle jamais une commande , c’est trop important !

et c’est publique , pas le droit de prendre ça à la légère .

ton amigo
el plo

ps : si tu repondais a ce blog ,  ce que je te dis compte , hein  !

Alors ma toute première réaction (« Rousseau« ) à l’album s’éclaire aussi encore
Qu’on relise un peu et « Les Confessions » _ savoyardes pour beaucoup, auprès de Madame de Warens ;
et « Les rêveries d’un promeneur solitaire« , même si ce n’est pas tout à fait la Savoie, et un peu plus tard qu’en la jeunesse,
à l’île Saint-Pierre du lac de Bienne…
Pas assez « moderne » ni « minimal« , forcément (c’est-à-dire « moderniste« ), pour le critique doctrinaire, arc-bouté sur sa vulgate de l’histoire de la photographie (ses « dogmes », « chapelles », « hérésies »).
Quand Plossu, lui (« c’est l’ambiance que les lieux m’avaient très explicitement dictée !«  : on ne saurait mieux dire l’exigence ; et la maîtrise artistique _ « poétique » pouvant vous faire carrément fusiller du regard… _ de la visée toute d’humilité et de grâce du regardeur vrai de ces lieux) ;

quand Plossu, lui, est tout à la fois probe et libre : face à
_ et avec _
l’objet :
en son altérité foncière singulière
: d’objet,
abordée avec respect (réciproque) et énigmatique :

soit, le fin mot de l’énigme des choses _ pas de l’ego !
et de son importune obscénité bouffie de vanité _
en leur altérité…

Titus Curiosus, ce 13 juillet 2008

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur