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La seconde de deux révélations majeures dans le stupéfiant CD de « L’heure espagnole » de Maurice Ravel par François-Xavier Roth et Les Siècles : le discret mais tout à fait crucial talent du chef de choeur (et pianiste) Mathieu Pordoy…

21juin

Dans la continuité de mon article d’hier mardi 20 juin, « « ,

et le prolongement de mes deux articles des vendredi 17 et samedi 18 juin derniers : «  » et « « ,

ainsi, et d’abord et surtout, dans la poursuite des mouvements de l’onde de ravissement éprouvée à la vision de la vidéo _ que je me repasse en boucle avec de plus en plus d’admiration à chaque fois ! _ de l’enregistrement proprement miraculeux de la plage 24 du CD  : « Un financier… Et un poète… Un époux ridicule… Une femme coquette…« ,

avec la conclusion chantée en chœur à 5 : « C’est la morale de Boccace : entre tous les amants, seul amant efficace, il arrive un moment dans les déduits d’amour, ah !, où le muletier a son tour !« 

à comparer, et c’est bien intéressant, avec le podcast (d’une durée, cette fois, de 3′ 06) de l’interprétation, considérée jusqu’ici comme de référence, sous la direction de Lorin Maazel, en 1965, et avec les chanteurs Jane Berbié (Concepcion), Michel Sénéchal (Gonzalve), Jean Giraudeau (Torquemada), Gabriel Bacquier (Ramiro) et José Van Dam (Don Inigo Gomez) : excusez du peu !.. Il leur a seulement probablement manqué, ce jour-là, le petit plus, un rien, mais qui fait toute la différence, de la patte d’un chef de chant aussi génial, oui, que Mathieu Pordoy… Et ce peut bien être à pareille aune-là qu’on peut mesurer par ici (Roth) et par  (Maazel) le degré de qualité, poétique et proprement magique, oui, de  l’exceptionnel talent (de chef de chant) de Mathieu Pordoy… _,

voici, ce mercredi 21 juin _ jour de la fête de la musique _,

la seconde des deux révélations majeures sur laquelle il me tient très à cœur de mettre ici le projecteur et l’accent, et que je tiens beaucoup à partager _ la première des fonctions de ce blog « En cherchant bien«  étant de bien partager mes enthousiasmes ; cf mon article programmatique (et d’ouverture de ce blog), publié le jeudi 3 juillet 2008, mais rédigé le 20 mai précédent : « «   _,

concerne, et cela au cœur le plus intime et secret de ce qui fait obtenir la magie stupéfiante du résultat artistique de ce miraculeux CD de « L’Heure espagnole – Bolero » de François-Xavier Roth et son orchestre Les Siècles _ d’eux, de leur jeu tellement juste et vivant, du choix si rigoureux et adéquat de leur instrumentarium, et de l’extraordinaire prise de son, aussi, qui y concourt, je ne ferai jamais, non plus, assez l’éloge ! _,

je veux dire par là le travail exceptionnel réalisé par les chanteurs, sous la direction _ le coaching extrêmement juste et rigoureux _ du discret _ son nom n’apparaît qu’une unique petite fois dans le texte du livret : en haut de la page 2, juste à la suite du nom des cinq chanteurs de « L’Heure espagnole«  _, chef de chant qu’est Mathieu Pordoy :

car c’est bien son travail _ de qualité vraiment exceptionnelle ! _ de parfaite mise en bouche du texte chanté qui a permis de réaliser ce prodige d’intelligence et de vie qu’est l’idéale incarnation obtenue _ et donnée à l’enregistrement : c’était les 24 et 25 mars 2021… _ par les cinq chanteurs de ce CD _ cf la magique vidéo (d’une durée de 3′ 21) de cette magistrale réalisation tant vocale que dramatique, en ce CD-ci des Siècles, des chanteurs-comédiens Julien Behr, Jean Teitgen, Loïc Félix, Thomas Dolié et Isabelle Druet.. _ des cinq personnages-protagonistes _ Gonzalve (le bachelier poète), Don Inigo Gomez (le banquier financier), Torquemada (l’horloger époux ridicule), Ramiro (le muletier amant efficace) et Concepcion (l’épouse coquette infidèle) … _ de cette pochade délicatissime d’esprit _ si français… _, qu’est cette « Heure espagnole » de Maurice Ravel et Franc-Nohain,

d’esprit si fin et subtilissime, par-dessus l’apparente gaudriole du genre plutôt populaire choisi, autant que terriblement difficile à « attraper » et obtenir-réaliser-donner dans le jeu et le chant par les interprètes- chanteurs auxquels pareil défi d’incarnation de ces rôles est proposé.

Et dont le quintette virtuose en apothéose finale de la pochade est extraordinairement difficile à obtenir, sur la scène ou dans l’enregistrement du CD, dans le détail de ses moindres inflexions de parole et de chant, par les chanteurs…

C’est donc sur le travail et la personnalité du discret et invisible _ sous-terrain _ chef de chant de ce si réussi travail qu’il me tient à cœur de diriger, pour une fois le projecteur :

Mathieu Pordoy…

Mathieu Pordoy,

enfant d’une famille landaise _ d’origine béarnaise : de Larrau, en vallée d’Ossau _, de Saint-Paul-lès-Dax _ né le 12 avril 1981, Mathieu Pordoy a maintenant 42 ans _,

présente son travail en une éclairante petite vidéo (de 3′ 37), filmée en sous-sol, intitulée « Billet de service #7 KATIA KABANOVA« , réalisée en 2016 à Avignon, à l’occasion de sa participation à la mise en place _ ou making of… _ de l’opéra de Janáček « Katia Kabanova » _ créé à Avignon le 27 novembre 2016 ; cf donc cette vidéo-ci _,

mais que lui, sur son site « Mathieu Pordoy pianiste – chef de chant« , préfère, très justement, nommer « Qu’est-ce qu’un chef de Chant ?« …

Interrogé, et avec un malicieux sourire complice, il y qualifie (à 2′ 37  de cette vidéo) son métier de chef de chant de « métier-clé », de  » métier de l’ombre« , et (à 2′ 52) son travail de fond avec les chanteurs, de « travail de l’intime« …

Nous y sommes…

Sur ce métier de chef de chant et de travail « intime » avec les chanteurs,

afin de contribuer au mieux à leur permettre de donner, par leur jeu et par leur voix, le meilleur d’eux-mêmes en chantant ainsi,

on peut se référer aux repères majeurs que sont les témoignages qu’en ont donné, par exemple, Irène Aïtoff (Saint-Cast, 30 juillet 1904 – Paris, 5 juin 2006) _ cf le DVD du film « Irène Aïtoff : la grande Mademoiselle« , de Dominique Delouche, en 2008 _ ; et Janine Reiss (Paris, 23 novembre 1921 – Saint-Arnoult, 1er juin 2020) _ cf le livre « La Passion prédominante de Janine Reiss : la voix humaine » de Dominique Fournier, paru aux Editions Actes-Sud en 2013…

Sur l’inscription landaise de Mathieu Pordoy,

consulter cet article de Sud-Ouest en date du 12 mai 2011 _ il y a 12 ans déjà… _ intitulé « Le Retour de l’enfant-prodige« .

Le retour en musique de l’enfant prodige

Formé à Saint-Paul, Dax, Bayonne et Paris, le pianiste professionnel Mathieu Pordoy jouera demain à domicile.

Demain soir, c’est un ancien élève de l’école de musique de Saint-Paul-lès-Dax qui donnera un concert en « guest star » en l’église de Saint-Paul-lès-Dax. À 30 ans _ à la date du 12 mai 2011 de cet article de Sud-Ouest… _, Mathieu Pordoy est aujourd’hui un pianiste reconnu qui parcourt la France et l’Europe, entre Paris et Aix-en-Provence, Vienne et Monte-Carlo. « Je crois que je n’ai jamais joué à Saint-Paul ou à Dax depuis que je suis parti, commente le jeune musicien. C’est l’association culturelle des Quatre Chemins qui m’a proposé ce concert. Mes parents ont aussi joué un rôle ! J’en suis ravi car c’est l’occasion de jouer devant des gens qui savent que je voyage beaucoup mais ne m’ont jamais entendu. »

Mathieu Pordoy a donc commencé par faire ses gammes et à jouer du violon et du piano à l’école saint-pauloise _ la date nen est pas donnée. Trois ans plus tard, il intègre l’école de musique de Dax avant de poursuivre son parcours au Conservatoire de Bayonne. Lycéen à Borda, il décroche un bac S : « Je n’avais pas du tout l’intention d’être musicien. Je voulais être médecin. Et puis j’ai pris une année sabbatique après le bac. »

Un an non à l’étranger comme souvent, mais dans le coin, à jouer « beaucoup de musique » avec le Conservatoire de Bayonne. Sa spécialité : les accompagnements. « Je n’aime pas faire du piano seul, mais avec les autres _ c’est très intéressant…. C’est un instrument d’autiste devant lequel on peut passer 15 heures. J’adore, mais la vie selon moi n’est pas devant le clavier et dans le seul studio de répétition. »

Accompagné

Au bout de cette année _ non spécifiée non plus… _, comme plusieurs de ses amis bayonnais, le Landais passe le concours du Conservatoire de Rueil-Malmaison. Il fait partie des 30 candidats sélectionnés. Deux ans plus tard _ même remarque _, le Saint-Paulois intègre le Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSMDP). Adieu la faculté de médecine et bonjour la musique à titre professionnel. Il ressort de la prestigieuse école parisienne en 2006 _ enfin une date : Mathieu Pordoy a alors 25 ans _ avec son diplôme de formation supérieure « mention très bien avec les félicitations du jury ». « J’ai très vite commencé à travailler et été autonome financièrement. » Mathieu Pordoy devient chef de chant : « C’est la personne qui a la responsabilité dans une production d’opéra de faire répéter les chanteurs avant l’arrivée de l’orchestre. De s’assurer du bon rythme, et de la justesse du style et de la langue » _ voilà ! Soit le français, l’italien, l’anglais et l’allemand. À son actif déjà _ en 2011, donc ; Mathieu a alors 30 ans _, une vingtaine d’opéras. « Zaïde », « Zampa », « Carmen », « Pelléas et Mélisande », « Marius et Fanny », « Djamileh », « Il Tabarro »… Mais aussi de nombreux récitals _ en soliste ? en accompagneur de chanteurs ? _ dont un récemment avec le chœur de Radio France.

Demain soir, dans la commune de son enfance, Mathieu Pordoy sera accompagné de la mezzo-soprano Marie Lenormand et du ténor Yann Beuron _ un chanteur que personnellement j’apprécie beaucoup... Deux pointures d’envergure internationale qui ont également accepté l’invitation saint-pauloise pour ce concert au bercail, entre Mozart, Gounod, Liszt, Massenet ou Donizetti.

Concert de Mathieu Pordoy, Marie Lenormand, Yann Beuron demain soir à 20 h 30 à l’église de Saint-Paul-lès-Dax. Entrée, 13 euros, 8 euros pour les moins de 14 ans. Locations à l’Office de tourisme. Tél. 05 58 91 60 01.


On porra lire aussi cette brève présentation de son cursus par lui-même,

pour les Saisons de musique de Gordes :

Mathieu Pordoy

Études Musicales / Piano
Brief info

Pianiste et chef de chant, Mathieu Pordoy est régulièrement et notamment invité dans les plus grands théâtres, au Wiener Staatsoper (Don Carlos), à l’Opéra national de Paris (Les Huguenots, L’Enfant et les Sortilèges) et au Staatsoper de Zurich (Les Contes d’Hoffmann).


Très intéressé par l’enseignement, il est invité pour encadrer _ voilà _ de jeunes chanteurs à l’International Vocal Art Institute à Tel-Aviv et Montréal, ainsi que par les Académies du Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg, de l’Opéra national de Paris et du Festival d’Aix-en-Provence.


En 2019, il fait ses débuts au Carnegie Hall de New York dans Lélio de Berlioz sous la direction de Sir John Eliot Gardiner, et en récital avec Sabine Devieilhe, lors duquel il est remarqué par le New York Times comme « un partenaire superbe, dont le talent artistique a contribué à faire de ce récital un moment privilégié de musique de chambre ».
En qualité de spécialiste du répertoire français _ voilà _, l’Opéra-Comique, la Monnaie de Bruxelles, l’Opéra de Monte-Carlo, le Théâtre des Champs-Elysées, les Chorégies d’Orange, le London Symphony Orchestra, l’Opéra de Cologne le sollicitent régulièrement pour prendre part à leurs productions.


Son activité comprend aussi de nombreux récitals et concerts _ en tant que pianiste soliste ou pianiste accompagnateur de chanteurs… _, notamment avec Sabine Devieilhe aux Musicales de Normandie, ainsi qu’au Grand Théâtre de Genève et au Festival d’Aix-en-Provence dans un programme Mozart-Strauss, capté pour Arte Concert, avec Marina Rebeka au Capitole de Toulouse et à la Salle Gaveau dans un programme italien-russe, repris dans la prestigieuse grande salle du Conservatoire Tchaikovsky. Marina et Mathieu ont enregistré pour le label Prima classic en association avec le Palazzetto Bru-Zane un album de mélodies intitulé « Voyage(s) » _ cf cet article « Beau voyage aux frontières de la mélodie française avec Marina Rebeka » de Matthieu Roc sur le site de ResMusica en date du 11 octobre 2022. Cette saison, ils se produiront au Teatro Real de Madrid ainsi qu’au Palau de les Arts de Valencia.


Partenaire privilégié _ et ami _ du ténor Michael Spyres, il donne avec ce dernier une série de récitals aux Opéras de Bordeaux et Francfort _ accéder ici à la vidéo de ce superbe récital d’une durée de 94′ 47, donné à l’Opéra de Frncfort le 18 juin 2019 _, ainsi qu’au Festival de Lanaudière au Québec et à La Corogne, Las Palmas de Gran Canaria en Espagne. Leur programme 100% Rossini : « Mr Crescendo » a été un succès au Théâtre de L’Athénée, au Capitole de Toulouse et à l’Atelier lyrique de Tourcoing. En septembre 2022, ils sont invités pour deux récitals à Armory Park Avenue à New-York ainsi qu’au Kennedy Center à Washington.


L’été 2021, Mathieu a débuté au Festival de Salzbourg pour un récital remarqué avec Benjamin Bernheim _ autre merveilleux interprète _, capté pour Medici TV. Ce récital a été repris au Théâtre des Champs Elysées ainsi qu’au Konzerthaus de Vienne. Il se sont produits au festival d’Aix en Provence dans le cadre de l’édition 2022 dans les Dichterliebe de Schumann. Il a parmi ses projets : Werther à Monte-Carlo, Giulio Cesare, Les Mamelles de Tirésias/ Le Rossignol, La Flûte enchantée et Werther au Théâtre des Champs-Elysées et Henry VIII au Théâtre de la Monnaie.
Originaire du Sud-Ouest _ Saint-Paul-lès-Dax _, il obtient son premier prix de direction de chant à l’unanimité et avec les félicitations du jury au Conservatoire national supérieur de musique de Paris _ en 2006 _, établissement où il enseigne _ immédiatement en suivant l’obtention de son diplôme _ de 2006 à 2011 _ des dates intéressantes.

Et sur son cursus, on pourra lire aussi ceci,

paru sur le site du Festival de Salzbourg en 2021 :

Mathieu Pordoy

Current as of August 2021

French collaborative pianist Mathieu Pordoy is one of the most promising coaches of his generation.

He has worked at various leading opera houses in a broad range of repertoire, including Don Carlos at the Vienna State Opera, Les Huguenots and L’Enfant et les sortilèges at the Paris Opéra and Les Contes d’Hoffmann at the Zurich Opera. Mathieu Pordoy also has given masterclasses at the Mariinsky Academy of Young Opera Singers, and been a member of the staff at the Canadian Vocal Arts Institute in Montreal, and the International Vocal Arts Institute in Israel.

He made his double debut at Carnegie Hall in 2019 in Berlioz’s Lélio with John Eliot Gardiner, as well as in recital with Sabine Devieilhe, with whom he has also appeared at the Grand Théâtre de Genève, the Festival d’Aix-en-Provence and Festival Pulsations in Bordeaux _ voilà ! _ in a programme of Strauss and Mozart that was recently broadcast on Arte Television and France Musique. Other musical partners include US tenor Michael Spyres _ oui ! _, with whom he has given recitals throughout Europe and Canada, and Latvian soprano Marina Rebeka, appearing together in France and Russia, as well as on a live broadcast for Rossiya K and a 2021 album _ « Voyage«  _ for Prima Records in association with the Palazzetto Bru Zane in Venice.

A specialist in French opera _ oui _, Mathieu Pordoy is regularly invited to work at opera houses such as the Opéra Comique in Paris, the Opéra de Monte-Carlo, the Grand-Théâtre de Luxembourg and La Monnaie in Brussels. Since 2008, he has collaborated on productions every summer in Aix _ c’est important _ and has served as coach _ voilà ! _ for the Académie at the Festival. He has also worked as a vocal coach _ oui _ and accompanist and served on the music staff at opera houses such as the Théâtre des Champs-Élysées, the Auditorio de Tenerife, Les Chorégies d’Orange, the Cologne Opera and the Teatro Municipal de Santiago, as well as working with conductors including Fabio Luisi, Gianluigi Gelmetti, Gianandrea Noseda, Daniele Gatti, François-Xavier Roth, Mikko Franck and Raphaël Pichon.

..

Mathieu Pordoy graduated with honours from the Paris Conservatoire, where he taught _ voilà ! _ from 2006 to 2011.

Mathieu Pordoy mérite très amplementent pareil éclairage…

Mais surtout qu’on réécoute encore et encore, grâce à cette vidéo de 3′ 21, ce chef d’œuvre inouï jusqu’ici _ du moins _ d’interprétation du final _ en général inaudible (ce n’est alors qu’un insipide caquetage !), ou bien c’est très plat et très vide : de purs contresens… _ de « L’Heure espagnole« …

Ce mercredi 21 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’événement de la parution du double CD « Psyché » (de 1678) de Lully, par Christophe Rousset à la tête de ses Talents Lyriques…

19jan

Les Français sont _ et c’est là biendommage ! _ un peu moins que d’autres fiers de leur patrimoine musical, dont ils négligent trop souvent la défense, et même le simple accès, par exemple au concert, ou par l’enregistrement discographique…

Je m’en suis déjà fait l’écho sur ce blog, ne serait-ce que pour l’œuvre génialissme d’un Jean-Philippe Rameau, dont continuent scandaleusement de manquer encore au disque quelques œuvres…

Et il en va encore aussi d’un compositeur aussi important qu’un Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687)…

Aussi faut-il saluer bien bas la toute récente parution en un double CD Château de Versailles – spectacles, le N° 16 de sa collection « Opéra français« , de la « Psyché » de Lully, sur un livret de Thomas Corneille et Bernard Le Bovier de Fontenelle, créée le 19 avril 1678 à l’Académie royale de musique à Paris,

par les soins de Christophe Rousset, dirigeant ses Talens Lyriques ;

soit le superbe coffret CVS 086…

 

Ce jeudi 19 janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’admirable engagement du ténor Michael Spyres : deux passionnants entretiens sur l’humanité splendide de son parcours pas seulement musical

19déc

En écoutant le très beau récital Espoir _ soit le CD Opera Rara ORR251 _

du ténor américain Michael Spyres

_ né en 1980 à Mansfield (Missouri) _,

admirable tout spécialement tant dans le répertoire rossinien que dans Berlioz

ainsi que l’opéra français,

je découvre un  très bel _ et très attachant : quelle humanité splendide éclaire et fait rayonner cet artiste !!!entretien, en 2018, de celui-ci

avec Emmanuelle Giuliani.

Le voici _ avec mes farcissures.

Entretien avec Michael Spyres

 

 

 

 

 

Afin de préparer un portrait, à paraître dans La Croix (publié ce vendredi 5 octobre, veille de la représentation, samedi 6, de Fidelio au Théâtre des Champs-Élysées où le ténor américain incarne Florestan), j’ai eu la chance _ oui ! _ de recueillir cet entretien avec Michael Spyres.

Il est long mais si éclairant sur la personnalité et l’engagement de ce formidable artiste que je vous le propose dans son intégralité. Non sans remercier chaleureusement ma collègue Célestine Albert qui en a assuré la traduction, bien mieux que je ne l’aurais fait.

Bonne lecture et à très bientôt !


 Vous interprétez prochainement à Paris le rôle de Florestan dans Fidelio de Beethoven. Comment abordez-ce personnage ? Comment le décrire musicalement et psychologiquement ? Quelle sont les difficultés du rôle.

Michael Spyres : Je pense que la meilleure façon d’aborder le personnage de Florestan est de le faire à travers le prisme des Lumières _ en effet. Il faut comprendre _ bien sûr ! _ la densité et la profondeur des personnages typiques de cette période. L’allégorie de la grotte de Platon est très présente dans le livret et l’on doit voir Florestan comme l’incarnation de l’injustice ou, en des termes qui correspondent davantage à la philosophie jungienne, de l’animal piégé dans une forme humaine.

Le personnage de Florestan représente la condition humaine et la lutte intérieure qu’un homme éprouve dans sa quête d’espoir et de liberté _ une thématique qui résonne puissamment dans la personnalité même de Michael Spyres, et son parcours existentiel, au-delà de son parcours professionnel. Beethoven, comme Mozart avant lui, était bien conscient de ces mythes ancrés dans la tradition maçonnique (il n’y a certes toujours pas de preuve irréfutable que Beethoven ait été lui-même Franc-maçon, mais il avait de nombreux amis qui l’étaient). En fait, le parcours et la dualité de Florestan et Leonore sont à mettre en parallèle avec ceux de Pamina et Tamino, dans la Flûte enchantée. L’objectif est de réaliser que nous devons œuvrer ensemble à trouver une harmonie intérieure, au sein du monde physique. Nous devons tous aspirer à être justes et courageux _ un idéal en perte de vitesse à l’heure du narcissisme égocentré d’un utilitarisme de très courte vue… _, afin de donner un sens à ce monde. Tous les personnages et thèmes évoqués mettent en perspective les désirs du public de l’époque de se libérer de gouvernements tyranniques _ oui.

Face à l’étendue de ces sujets, je dirais que la plus grande difficulté dans l’interprétation du rôle de Florestan est de rester dans la technique et de ne pas se laisser emporter par l’émotion en chantant…

 Votre répertoire est extrêmement vaste. Est-ce important pour vous de chanter des œuvres si variées, de Mozart à Gounod en passant par Berlioz ? Comment abordez-vous un nouveau personnage ? Y en a-t-il que vous savez que vous allez abandonner avec l’évolution de votre voix ? Est-ce difficile ?

..;

Michael Spyres : C’est amusant que vous me demandiez cela, car j’ai fait énormément de recherche sur les répertoires des chanteurs passés _ et pas seulement des compositeurs : voilà qui est passionnant. Florestan sera mon 77e rôle dans, au total, 70 opéras différents. Placido Domingo est le seul ténor contemporain ayant interprété plus de rôles que moi, et j’ai bon espoir de rattraper son total de 150 rôles ! Je ne dis pas cela pour me vanter, mais plutôt pour que les gens prennent conscience qu’il n’est pas si rare qu’un chanteur ait une carrière aussi variée _ un point notable _ que la mienne, même au XXe siècle _ voilà qui élargit considérablement les focales… Si l’on s’intéresse _ culturellement _ aux grands ténors du passé, tels que Jean de Reszke, Mario Tiberini, Manuel Garcia, Giovanni David ou, le plus grand d’entre tous, son père Giacomo David, on constate à quel point les répertoires de ces chanteurs légendaires étaient vastes. Leur carrière _ et ce qui en découle pour l’interprétation _ est devenue pour moi une réelle obsession. Si eux l’avaient fait, j’en étais capable aussi _ voici le défi que se donne Michael Spyres pour ses propres interprétations…

Au fil de mon parcours, j’ai appris quelque chose d’absolument essentiel, que peu de gens ont la chance d’intégrer : la voix et la technique ont besoin de ces variations _ de répertoire _ pour rester performantes, ne pas devenir rigides _ voilà. Je dois avouer qu’il est de plus en plus difficile _ physiquement, pour la voix, en son évolution _ de maintenir certains rôles à mon répertoire, comme les Rossini les plus légers, mais je chanterai toujours du Rossini et du Mozart, tout en continuant, dans les années à venir, à m’essayer aux répertoires plus lourds : Verdi, Wagner et le grand opéra français.

Au Met à la fin des années 1800, De Reszke chantait Roméo, Tristan et Almaviva dans la même semaine, ce qui nous semble insensé aujourd’hui. Très peu de personnes sont prêtes à sortir de leur zone de confort, mais c’est pourtant précisément ce qui m’a permis d’acquérir l’expérience _ voilà _ et la technique _ aussi _ qui en découle _ tout se tient… _, pour survivre dans cette folle profession !

De plus en plus, vous devenez un grand interprète de l’opéra français. Est-ce un répertoire que vous aimez particulièrement ? Pourquoi ? Et comment avez-vous travaillé votre diction pour parvenir à ce point de perfection ? 

Michael Spyres : J’aime le répertoire français dans toute sa splendeur _ c’est dit. La musique et les sujets abordés _ qui importent donc à Michael Spyres _ sont d’un génie inégalé. Les idéaux fondamentaux de la Renaissance et de la Révolution sont au cœur même du Grand Opéra français _ voilà _ et il n’y a pas de forme d’art plus élevée qu’une pièce comme Les Troyens de Berlioz _ en effet !

J’ai grandi en pensant que j’aimais l’opéra italien, puisque c’est l’une des seules formes d’opéra populaire aux Etats-Unis. Mais dès que j’ai commencé à étudier l’opéra sérieusement, le style français a pris possession de mon cœur et mon âme _ voilà une affinité essentielle qu’a ainsi découverte Michael Spyres. Si les grandes questions de la vie vous importent _ voilà _ et que vous lui cherchez un sens _ au-delà des utilités fonctionnelles de circonstance… _, comment ne pas être en admiration face aux accomplissements de la France _ et du génie français, voilà _, depuis l’époque Baroque _ dès le début du XVIIe siècle et le gallicanisme des rois Bourbon _ et jusqu’au XXe siècle ? La France était le centre névralgique de tous les idéaux occidentaux _ oui _ et il n’est pas étonnant que Rossini, Donizetti, Meyerbeer et Verdi soient tous allés chercher leur liberté artistique _ voilà le concept _ en France.

Quant à mes capacités linguistiques en Français, je suis totalement autodidacte. J’ai toujours été assez entêté, mais je crois aussi que, comparé à d’autres, j’ai un don pour imiter les sons _ les phonèmes _ parfaitement, parce que je suis obsédé par la conception même des sons. Pour tout vous avouer, mon objectif dans la vie était de devenir doubleur de dessins animés, et c’est d’ailleurs ainsi que je me suis mis au chant. Honnêtement, le français est la langue que j’ai eu le plus de mal à maîtriser à cause de  son incroyable manque de logique en termes de voyelles ! Ce n’est pas du tout une critique, mais tout comme avec l’anglais, il est très difficile pour une personne dont le français n’est pas la langue maternelle d’en maîtriser toutes les exceptions…

Quelle est votre relation avec votre voix ? Est-ce toujours une amie, devez-vous parfois lutter avec elle? Devez-vous penser à la ménager ou au contraire à repousser ses limites ?

Michael Spyres : Je peux sincèrement dire que ma vie est le chant. J’ai commencé à chanter avant même de savoir parler. Je viens d’une famille qui vit en musique, dans laquelle chaque personne sait chanter et a toujours chanté. Ma mère _ Terry Spyres _ et mon père _ Eric Spyres _ étaient tous deux professeurs de chant _ voilà _ et nous chantions en famille à chaque mariage, enterrement, ou événement de notre enfance. Ma sœur _ Erica Spyres _ est aujourd’hui à Broadway, et mon frère _ Sean Spyres _ et moi tenons la compagnie d’opéra _ the Springfield Regional Opera _ de notre ville natale _ Springfield, Missouri, est en effet la grande ville proche de sa petite ville natale, Mansfield, Missouri. Ma femme _ Tara Stafford-Spyres _ est également chanteuse et, en avril dernier, nous avons produit ma version et traduction de Die Zauberflöte. Ma femme chantait la Reine de la nuit, ma mère _ Terry _ s’est chargée des costumes, mon père _ Eric _ a fabriqué le décor et mon frère _ Sean _ interprétait Tamino en plus d’être assistant metteur en scène. Comme vous pouvez le constater, je ne suis jamais seul dans mon voyage musical et je peux toujours compter sur ma famille lorsque j’ai besoin d’aide.

Je crois qu’il est nécessaire de repousser ses limites en tant que chanteur pour comprendre _ voilà _ son instrument. J’ai le sentiment que très peu de personnes explorent réellement leur voix _ l’authentique curiosité est bien rare ! _ et, du coup, très peu savent la maîtriser. J’ai eu la chance d’avoir assez tôt deux professeurs de musique en l’espace de trois ans. Ils m’ont appris les bases d’une bonne technique lyrique, mais j’ai abandonné les études à 21 ans pour prendre une direction radicale. J’ai constaté que la seule façon pour moi de prendre le contrôle de ma vie et de réussir dans le monde de l’opéra était d’apprendre de mon côté _ de manière autonome _ à contrôler cet instrument qui est en moi. Le chemin pour devenir ténor a été long et plein d’épreuves mais, finalement, le chant doit être un accord organique entre vous et votre voix, sans influence extérieure _ « Vademecum, vadetecum« , telle est la juste devise des éducateurs libérateurs… Les professeurs et livres de technique ont un rôle inestimable mais, si vous n’avez pas une confiance absolue dans vos propres axiomes et votre structure, vous êtes voué à l’échec _ oui. L’apprentissage cultivé (à bonne école) de son autonomie est en effet fondamental.

Il y a peu de ténors, c’est une voix qui fascine le public, et on imagine que vous subissez une grande pression de la part du monde musical. Comment y résistez-vous ? Comment refusez-vous les propositions qui ne vous conviennent pas ou ne vous plaisent pas ?

Michael Spyres : Pour être tout à fait honnête, je n’arrive pas vraiment à dire non, et c’est quelque chose que j’essaye d’apprendre avec l’âge _ oui, cela aussi s’apprend, et toujours à son corps défendant ; en apprenant, peu à peu, à toujours un peu mieux résister. L’an dernier _ en 2017, donc _, je suis arrivé à un stade de ma carrière assez crucial, parce qu’ il y a dix ans, je m’étais fixé comme objectif  d’explorer un maximum de répertoires, et je m’épanouis dans les « challenges » _ les défis à soi-même. Mais j’ai été confronté à mes limites physiques et au vieillissement. Au cours de la saison 2017-2018, j’ai joué dans 8 productions, fait 7 concerts dans 8 pays différents et j’ai fini par devoir, pour la première fois, annuler un concert et une représentation parce que j’étais malade. Au cours de cette dernière année _ 2017 _, mes opportunités de carrière ont vraiment pris un tournant et je suis dans la position merveilleuse _ oui, à l’âge de 38 ans en 2018 _ de pouvoir choisir ou décliner une proposition.

La plupart des gens considèrent que le chanteur est seul responsable de son parcours, mais vers 20 ans, j’ai constaté que l’image que l’on se fait de sa propre voix n’est pas forcément celle que se font les autres. L’une des principales raisons qui m’a poussé à varier autant mon répertoire venait aussi du constat que chaque pays avait sa propre opinion _ réception _ de ma voix _ toujours en fonction d’un contexte culturel particulier… J’ai découvert que, pour réussir _ professionnellement : obtenir des contrats _, il fallait trouver un compromis entre ce que vous voulez faire et les besoins de l’industrie et du marché musicaux. Je fais _ donc désormais _ partie d’un groupe très restreint de chanteurs qui peuvent dire non. Mais le plus important dans ma prise de décision est de savoir si le rôle me correspond _ vocalement et culturellement _et s’il fait évoluer _ positivement : progresser _ ma carrière _ selon l’idéal que Michael Spyres se donne.

Je n’ai que récemment atteint un niveau qui me permet de choisir un rôle. Je me demande alors : « cette œuvre a-t-elle une bonne raison d’exister ? » _ en elle-même, et indépendamment du contexte des circonstances où  elle a pu voir le jour… La plupart des gens n’aiment pas l’avouer mais de nombreux opéras ont été composés simplement dans une recherche _ très circonstancielle _ de profit ou par pur narcissisme _ de son créateur _, et, de ce fait, me semblent n’avoir guère ou même aucune de raison d’être _ maintenant, et à l’aune de l’éternité _ interprétés.

Je ne me prononce pas sur les différentes productions, intellectuelles ou non, mais je suis vraiment heureux de pouvoir désormais choisir sans avoir à dire oui à tout. Je veux aller de l’avant _ artistiquement et culturellement : voilà ! _ et je consacre ma carrière à promouvoir les opéras les plus bouleversants et les plus importants, ceux qui ont été composés pour élever l’humanité _ culturellement _ à un plus haut niveau de conscience en nous forçant à l’introspection et à l’éveil de notre esprit _ cette prise de position est donc à bien remarquer.

Quels sont les interprètes actuels ou passés, chanteurs ou instrumentistes (ou même comédiens, écrivains, peintres…) qui vous inspirent et enrichissent votre propre travail d’artiste ?

Michael Spyres : La liste est longue mais je dirais que les personnes qui m’ont le plus influencé sont, toutes catégories confondues _ on remarquera ici que Michaël Spyres commence par citer des peintres, bien avant des chanteurs, des chefs d’orchestre (un seul : John Eliot Gardiner) et des compositeurs (deux : Rossini et Berlioz) _  : Wassily Kandinsky, Francisco Goya, René Magritte, Hieronymus Bosch, Michael Cheval, Norman Rockwell, Harry Clarke, Thomas Hart Benton, Jan Saudek, Hundertwasser, Alphonse Mucha, Jordan Peterson, Jonathan Haidt, Thomas Sowell, Michio Kaku, Stephen Pinker, Camille Paglia, Mario Lanza, Nicolai Gedda, Roger Miller, Nick Drake, Tom Waits, Air, Andrew Bird, Harry Nilsson, Kishi Bashi, Sleepwalkers, J Roddy Walston and the Business, Vulfpeck, Maria Bamford, Hans Teeuwen, Norm Macdonald, Reggie Watts, Thaddeus Strassberger,  Le Shlemil Theatre, John Eliot Gardiner, Wes Anderson, Terry Gilliam, Alejandro Jodorowsky, Rossini, Berlioz, et surtout, ma famille.

Comment avez-vous décidé de consacrer votre vie au chant ? Avez-vous parfois douté ? Comment, aux Etats-Unis, la musique classique (et, plus particulièrement l’opéra) est-elle considérée dans la société ? Est-ce un art populaire ou au contraire plutôt élitiste ?

Michael Spyres : Comme je vous le disais, la musique coule dans les veines de ma famille, mais je ne me suis mis à envisager cette carrière qu’à 21 ans. Mon rêve était de devenir le futur Mel Blanc (la voix _ le fait est très remarquable _ qui doublait tous les dessins animés d’antan) et d’entrer dans ce milieu de l’animation, si possible en devenant acteur pour Les Simpson. Après une période de réflexion, j’ai compris que si je ne tentais pas une carrière dans la musique _ et pas seulement la diction _  et plus particulièrement, l’opéra, je le regretterais.

Je suis l’homonyme de mon oncle Michael. Son rêve était de devenir chanteur d’opéra mais il est décédé d’un cancer de la gorge à l’âge de 38 ans, alors que je n’étais qu’un bébé. J’ai grandi dans l’ombre de cette histoire, en sentant que mon destin était au moins d’essayer d’embrasser la carrière qu’il n’avait jamais pu avoir.

Bien-sûr, j’ai eu des doutes, toute ma « vingtaine » a été remplie de doutes… Mais quand j’ai eu trente ans, j’ai su avec certitude que je pouvais faire carrière dans l’opéra.

La musique classique, et l’opéra en particulier, sont considérés comme une forme d’art élitiste aux Etats-Unis, mais cette perception est en train de changer avec les plus jeunes générations qui découvrent la joie et les messages profonds _ c’est donc fondamental pour Michael Spyres _ véhiculés par la musique. Mais soyons honnêtes, l’opéra et la musique classique ont, en effet, toujours été une forme d’art élitiste, tout simplement parce qu’il faut beaucoup d’argent et de temps _ bien sûr _ aux artistes pour arriver au niveau de compétence _ artisanale _ nécessaire _ oui ! _ à cette profession. Pour réussir quelque chose d’aussi beau que le classique ou l’opéra, l’élitisme est et a toujours été une force. Même si je pense que tout le monde peut apprécier cet art, il reste dominé par un petit groupe d’artistes et de philanthropes.

Je peux dire toutefois que l’opéra et la musique classique me semblent bien plus démocratiques aux Etats-Unis qu’en Europe où une grande partie du budget est subventionné par l’Etat. Chez nous, les gens sont très fiers d’apporter leur soutien et nos budgets sont presque entièrement financés par des personnes privées.

Êtes-vous engagé sur le plan social, éducatif, voire politique ? Être un artiste donne-t-il selon vous des responsabilités dans la société ?

Michael Spyres : Je suis très investi dans le monde des arts et je crois de tout mon cœur qu’il est de notre devoir en tant qu’artistes d’enseigner _ oui ! _ et de donner son temps à la communauté et à la société au sens large _ c’est là une mission civilisationnelle. L’enseignement est aussi dans mon ADN, puisque tous les membres de ma famille ont été professeurs à un moment ou un autre.

J’ai, en outre, la chance de pouvoir changer la vie de beaucoup de personnes à travers mon rôle de directeur artistique de la compagnie d’opéra de ma ville natale : l’opéra régional de Springfield _ Missouri. Mon frère _ Sean _, ma mère _ Terry _ et moi avons réalisé des projets ensemble, ils ont notamment écrit deux opéras pour enfants _ dont Voix de ville. Nous avons tourné dans les écoles les plus pauvres de notre région avec ces deux créations originales et, à travers l’opéra, nous avons réussi à transmettre des leçons importantes sur la vérité et la responsabilité.

Je crois que beaucoup d’artistes oublient qu’il est de leur devoir de mettre en lumière certains problèmes de la société. Éduquer le public au sens large est primordial _ et c’est fondamental : face à la crétinisation galopante des esprits. Mon père, comme professeur de musique, m’a appris que cet art était une forme de méta-éducation et qu’à travers elle, on pouvait enseigner une grande variété de sujets _ bien sûr. Qu’est-ce qu’une éducation qui n’est pas artistique !?! Avec une simple chanson, vous pouvez apprendre une langue, des maths, de la géographie, de la sociologie, de la philosophie… La musique est un point d’entrée vers la compréhension de l’humanité _ oui _ et, en tant qu’artistes, nous sommes en possession d’un outil de transmission _ et plus encore formation-libération _ très puissant, qui connecte _ de manière désintéessée et généreuse _ les gens _ pour le meilleur, et pas pour le pire.

Lorsque vous voyagez pour vos concerts, avez-vous le sentiment que, depuis l’élection de Donald Trump, l’Amérique est vue différemment dans le monde ?

Michael Spyres : Je suis sûr que certaines personnes perçoivent désormais les Etats-Unis différemment, mais cela n’a jamais été un problème pour moi. Ayant vécu 17 ans en Europe, dans six pays différents, j’ai pu voir des aspects à la fois merveilleux et terribles dans chacun d’entre eux, y compris le mien.

Mais j’ai fini par comprendre qu’il ne fallait pas s’attarder sur les effets que la pensée ou la projection collective d’une nation toute entière peuvent avoir sur vous. Je crois en la souveraineté individuelle _ de la personne ayant conquis son autonomie _ et à l’éveil intellectuel _ et culturel : seul vraiment épanouissant _ et j’essaye de vivre et d’avancer en fonction de cela.

L’un des plus beaux moments de ma vie a été de chanter en duo avec ma femme _ Tara _ à Moscou, à un moment où la relation avec les Etats-Unis était assez compliquée… Après le concert, deux hommes sont venus nous parler dans un anglais parfait pour nous dire à quel point cela les avait touchés de m’entendre chanter dans leur langue natale et combien ils pensaient que notre concert avait apaisé les tensions. Certaines personnes se sont mises à pleurer lorsque j’ai chanté « Kuda, kuda… » _ l’admirable air de Lenskidans Eugène Oneguine et il n’y a pas de sentiment plus grand, ni de façon plus douce, d’apaiser les mœurs que par la musique.

J’ai l’impression que, trop souvent, les gens se laissent dominer par des tendances naturelles « tribales », mais un grand air ou lied peut transcender tout cela _ vers l’universel _ et aider au bien commun de l’humanité, dans la lutte, la joie, le deuil ou l’amour.

En dehors du chant, quelles sont les arts ou les activités qui vous sont nécessaires, qui nourrissent votre esprit et votre émotion ? Comment parvenez-vous à garder votre équilibre de vie avec un métier si exigeant et si prenant ?

Michael Spyres : J’ai très peu de hobbies parce que ma vie est principalement partagée entre ma carrière de chanteur, ma compagnie d’opéra et mon rôle de père. Je joue de la guitare et du piano quand j’en ai l’occasion, chez moi, et j’aime emmener mes fils explorer les bois de notre ferme. Mais honnêtement, quand je ne travaille pas, je passe une grande partie de mon temps à lire des livres de philosophie, de psychologie, d’économie et de sciences _ des livres d’humanités.

Quant à la recherche d’un certain équilibre, c’est vraiment le défi le plus difficile à mes yeux, parce que lorsque vous adorez votre job et que vous aimez travailler autant que moi, vous devez constamment vous forcer à faire des pauses _ certes. Le fait d’avoir mes deux fils et ma femme m’aide à rester ancré dans la réalité _ oui _ et je dirais que le plus dur avec cet emploi du temps de plus en plus chargé est de trouver l’équilibre entre mon temps de travail et ma famille.

J’ai beaucoup de chance d’avoir cette carrière et je n’ai pas encore trouvé beaucoup d’aspects négatifs liés au succès, outre la pression grandissante que je m’impose pour me donner à 100% _ bien sûr. J’ai eu beaucoup d’emplois différents dans ma vie, gardien, jardinier, professeur, serveur, ouvrier du bâtiment, et je suis vraiment heureux de pouvoir gagner ma vie en rendant les gens heureux… Qu’y a-t-il de plus gratifiant ?

Une nouvelle saison musicale commence, vous préparez bien sûr les prochaines… quels sont les projets mais aussi les envies qui vous tiennent le plus à cœur : nouveaux rôles, nouveaux chefs, metteurs en scène ou partenaires, nouveaux pays ?

Michael Spyres : Comme l’an passé, je suis incroyablement pris mais j’ai évidemment hâte de jouer dans Fidelio et ensuite, de retourner au Carnegie Hall avec John Eliot Gardiner _ que Michael Spyres apprécie tout particulièrement. En octobre _ 2018 _, je ferai mes débuts au Concertgebouw d’Amsterdam, et juste après _ le 6 novembre 2018 _, j’interprèterai mon premier récital _ intitulé Foreign Affairs (avec le merveilleux À Chloris, de Reynaldo Hahn)_ avec Mathieu Pordoy _ au piano _, à Bordeaux _ au Grand-Théâtre. Au début de l’année 2019, je jouerai pour la première fois au Teatro Carlo Felice de Gênes à l’occasion d’un récital avec ma chère amie Jessica Pratt, puis je me rendrai au Wiener Staatsoper !

Après Vienne, je ferai mes débuts à Genève, aux côtés de ma collègue Marina Rebeka, pour une Le Pirate de Bellini que nous enregistrerons également. En avril _ du 30 mars au 9 avril _, j’aurai le privilège de jouer le fameux rôle de Chapelou dans la production de Michel Fau _ merveilleux metteur en scène _ du Postillon de Longjumeau _ d’Adolphe Adam _, qui sera présenté pour la première fois depuis 1894 à l’Opéra-Comique _ bravo ! Fin avril, j’aurai la chance de réaliser un nouveau rêve en m’associant avec de fantastiques collègues, Joyce Didonato et John Nelson, dans l’interprétation et l’enregistrement pour Erato de mon rôle préféré : Faust dans La Damnation de Faust, de Berlioz

_ cf mes articles des 13  et 14 décembre derniers :  et

En mai 2019, je reviens une fois de plus à Paris en tant que soliste du Lelio de Berlioz, avec François Xavier-Roth. Je ferai également mes débuts en tant que Pollione dans Norma de Bellini, et le mois sera marqué par mon retour à l’Opernhaus de Zurich. Entre ces deux performances, je retournerai à l’Oper Frankfurt dans le cadre d’une tournée en récital. Je terminerai la saison en jouant le rôle principal dans l’opéra épique Fervaal, de Vincent D’Indy, au Festival de Radio France Occitanie, à Montpellier.

Souhaitez-moi bonne chance et… une bonne santé ! _ certes !

Emmanuelle Giuliani

Voici encore un autre très intéressant entretien _ en anglais cette fois, en janvier 2016, et avec Rose Marthis _ avec Michaël Spyres, et à propos de son engagement très actif auprès du Springfield Regional Opera,

chez lui, dans le Missouri :

SIX QUESTIONS WITH MICHAEL SPYRES

The Mansfield native has performed in operas all over the world, and is now artistic director of Springfield Regional Opera.


BY ROSE MARTHIS

Jan 2016

Michael Spyres of the Springfield Regional Opera

Photo by Kevin O’Riley

Michael Spyres spent his childhood in Mansfield _ Missouri _ singing at every town wedding and funeral with his musically-inclined family. He became interested in opera because he was named after an uncle who aspired to be an opera singer but died at a young age _ 38 ans _ from throat cancer. His mother _ Terry _ and father _ Eric _ were both music teachers, and he grew up on stage. After landing his first role at the Springfield Regional Opera when he was 18 years old, Spyres found his way to Europe at age 24. Now, in addition to his singing career, he has come back to take over the artistic direction of the opera company that gave him a shot—and he’s bringing innovations that could usher in a new era in opera.

… 

417 Magazine : Why did you decide to come back to SRO _ Springfield Regional Opera _ while continuing your career in Europe?


Michael Spyres : The big reason I wanted to come back was to help out the company that gave me the first chance _ voilà. I wouldn’t be in this position without having had the opportunities that I had in Springfield. By the time I was 22 years old, I had already done six roles in a real opera company with an orchestra. Most of my colleagues and friends when I was in these other programs were 22 but they had never even gotten to sing with orchestras. Because Springfield was such a perfect place for me to learn, I got to grow with this company. I just thought it was a perfect time in my career for me to come back and teach the next generation of people _ voilà : donner (avec reconnaissance) comme l’on a reçu _ and give them what has been lacking in the last few years. Give some of these wonderful talented kids from our Ozarks area _ son terroir natal _ a direction and show them that it is absolutely possible and you can achieve your dreams _ oui : « Deviens ce que tu es » !.. _ and do exactly what I did.  I’m from the smallest town you can think of where people have never even heard of opera, but now they know what opera is because I sing all over the world. And I did it from the Ozarks.

…  

417 : Did you make any connections in Europe that can help you in your new role?


M.S. : I have some really good friends in France, Italy and Austria that I’ve kind of recruited and have talked to them about my vision for the opera company. They have all agreed to come to Springfield for very little money and help me with my vision to turn Springfield into an internationally known regional company that does innovative things _ bravo !

… 

417 : Tell us about your vision for SRO.


M.S. : One of the big things that we’re going to be doing is streaming our operas live on YouTube and Facebook. The technology has been around for a couple years but no one has ever done it. Most of my friends who are well known directors, they are going to be coming to Springfield and will be bringing a completely international flair to Springfield by putting on their productions. We’ll be using local talent for singers, and a few of my other friends who are bigger names will come in and be able to sing with our company while teaching at the same time. I want it to be a training grounds _ quel projet  magnifique !

417 : How do you want opera to influence the arts scene in 417-land?


M.S. : I love Springfield but it does seem that a lot of the arts organizations think that there’s a competition going on, but there isn’t. There’s enough public, there’s enough money in the art scene for it to all go around, and it all helps if we bring each other in and we help each other. That’s one of the big things that Christopher Koch, the new music director, and I have been talking about a lot. It’s the inclusion and taking everybody from the theater, and the symphony and the ballet to come together for a project. The opera is a very, very important art form because it’s the first and only one that includes everybody _ oui _ : actors, singers, dancers, composers, directors, lighting people, sound tech, everything is all in one. That’s what opera was originally conceived to do, to be a conglomeration of all the arts _ oui _, where everyone was working together. One of our biggest goals is to always have a project that connects either the symphonies or ballet or street actors or circus performers.

417 : How do you want to partner with the other local arts organizations?

I don’t want to give too much away, but we do have the next three years planned. In opera, we don’t use amplification of the voice;  it’s the natural human voice that has to project over the orchestra. That’s why opera is such a different art form than musicals. Traditional musicals were like that, and they are now sometimes, but for the most part everyone’s miked, which takes away, for me, some of the art and the craft. We are definitely going to be showing people what the power of the human voice can be and how incredible it is _ voilà. To go, wow are they going to get through and be able to sing it ? You know, make it a spectator sport.

… 

417 : What do you want people here to learn about opera?


M.S. : The big thing that I want to do in these next years is educate people about what opera actually is and what it isn’t _ voilà. Everyone has these preconceived notions about what opera is. You say “opera” and they all think, “Oh yeah, fat lady with horns.” And they just think Wagner _ oui. It’s just so not that. Once you understand the origins of what opera is you start to realize, oh my gosh, that’s what influenced everything. Musicals and movies and everything was composed after opera _ oui. Opera was the base for everyone to come together with ideas. Movies would have never happened without opera _ c’est dit.

Five Tips for Opera Novices

Springfield Regional Opera artistic director Michael Spyres shares what you need to know about opera.

1. Opera was conceived as an art form that was the first of its kind in an attempt bring together all of the various art forms into one performance. Opera was born out of the Renaissance period and the etymology of the word actually means “to work”. The Italians chose this word for their new art form in order to symbolize the message of this new art form. Opera was truly conceived to be a transformative art form both for performers and the public as it sought to enlighten and inspire change in society _ l’opera est en effet conçu comme ouvert à un large public : à Venise d’abord.

2. Not all Opera is in Italian ! While it is true that many Operas are composed in Italian, Operas have been written in virtually every language. Generally speaking they are categorized into Italian, German, French, Russian and English genre operas. In the last 150 years new operas have been and are still being composed in various languages spanning entire globe. Again, Opera is a transformative and reflective art form that most always seeks to hold up a mirror to society in order to provoke change _ oui _ and so it is no wonder that Opera is being composed in almost every language worldwide!

3. Opera is an art form, but also as a collaboration, a partnership of people and community. There is no grander form of live entertainment (with the exception of live television.) Depending on the size of production an Opera will bring together anywhere from a hand full to more than 300 participants working simultaneously backstage as well as in the orchestra and on stage _ oui : l’entreprise est collective. You can see why many people consider Opera to be a living art form in that massive amounts of people come together for a common cause and every performance is different. In fact, if Opera had not laid out this massively collaborative art form we would surely not have our beloved art forms of musicals or even movies.

4. Don’t worry if you don’t speak the language that it is in. Supertititles (Translation to a screen above) are the norm in most opera houses. Even if there are no supertitles if you just pay attention and enjoy the art form that is in front of you, you will easily understand what is going on onstage. A good rule of thumb is to do just a little bit of research online before coming to the Opera _ par exemple _ ; so you can get a good framework of the storyline. After all most of us don’t go blindly to a movie without researching beforehand and opera is no different.

5. Don’t be afraid of Opera. We all have preconceived notions about what Opera is (large people yelling in funny hats often comes to mind) but if you have never been to an Opera you really are missing out. If you ask yourself “why is this artform still around after over 400 years ?” you are on the right track. The answer to this question I would propose is because of its intoxicating potion of complexity. Opera is an evolving artform that is tailored to evoke thought and change within _ voilà. It is true that some opera was conceived to just have a good time and entertain like most Hollywood box office films, but the majority of opera is composed in essence like folk music in that there is a reason and strong story behind the subject matter. Love, anger, reverence, and awe are just some of the emotions that are within us ; and Opera provides a beautiful art form in which to celebrate and transform the human condition. Don’t just take my word for it, come see for yourself!

L’admirable degré d’humanité _ et engagement de terrain _ de Michael Spyres

est splendide !

Ce jeudi 19 décembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et encore l’opéra lullyste : l' »Issé » d’André Cardinal Destouches par Les Surprises et Louis-Noël Bestion de Camboulas _ la délicate tendresse de l’opéra baroque français

22nov

Et voici que,

dans la continuité, encore, des CDs de Lully et des lullystes,

paraît l’Issé d’André Cardinal Destouches (1672 – 1749),

pastorale héroïque créée en décembre 1697.

Voici la présentation qu’en donne ce jour,

sur son blog Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé,

en un article intitulé Apollon démasqué :


APOLLON DÉMASQUÉ



Louis-Noël Bestion de Camboulas
 _ le frère de Simon-Pierre Bestion, qui dirige l’Ensemble La Tempête _ et Les Surprises ont de la suite dans les idées, ils poursuivent leur explorations du catalogue de Destouches _ 1672 – 1749 _ pour nous offrir _ après, en avril 2016 (et déjà chez Ambronay) l’opéra-ballet Les Éléments (de 1721), composé avec Michel-Richard Delalande (1657 – 1726) _ le premier enregistrement de cette Issé, œuvre d’un jeune homme de vingt-cinq ans tout juste sorti de l’atelier de Campra _ à peine plus âgé que lui : 1660 – 1744. La première d’Issé eut lieu au château de Fontainebleau le 7 octobre 1697


Elle lui assura mieux qu’un succès, que les circonstances périlleuses de sa création rendaient incertaines – l’œuvre fut commandée et donnée en décembre 1697 à l’occasion des noces du Duc de Bourgogne _ le fils aîné du Grand Dauphin _ et de la Princesse de Savoie _ les parents du futur Louis XV _ à Trianon, sous les jugements d’une cour sévère dont elle triompha de toutes les prévenances (ou plutôt préventions) –, une renommée.


Le genre de la “pastorale héroïque” allait connaître _ bientôt _ les faveurs de la cour _ de plus en plus hédoniste _, suscitant des chefs-d’œuvre jusque chez Rameau _ Zaïs, Naïs, Acanthe et Céphise, Daphnis et Églé en 1748, 1749, 1751 et 1753 _ : son monde de bergers et de bergères se liant d’amour avec les Dieux charmait des spectateurs qui savaient y lire bien des allusions _ cf déjà l’affection de La Fontaine pour cet univers de bergers, en l’Epître à M. de Nyert, en 1677 ; et par opposition au genre un peu trop « idéologique« , voire militaire, que Lully développait au service de Louis XIV…


Le livret d’Houdar de La Motte est habile, autant que celui de la future Europe galante _ en 1697 aussi _ de Campra, il le remania avec encore plus d’à propos pour la reprise de l’œuvre à l’Opéra _ le 7 décembre 1719 au Palais Royal _, lui donnant la stature classique de la tragédie lyrique : un prologue et cinq actes, avouant la source de son inspiration, rien moins que l’Acis et Galatée de Lully _ créé à Anet le 6 décembre 1686, pour le Grand Dauphin.


Le public parisien ne s’y trompa guère, il plébiscita l’œuvre. Issé allait rester un des piliers du répertoire lyrique jusqu’à la chute de l’Ancien Régime _ et même au-delà : le 17 décembre 1797, au Petit-Trianon. L’œuvre est merveilleuse _ le merveilleux étant le ressort principal de l’opéra français à l’ère dite Baroque _, autant par la grâce _ voilà ! _ de ses parties vocales que par l’imagination d’un orchestre où Destouches fait entendre les symphonies de la nature avec un art confondant _ anticipant en quelque sorte le génie propre de Rameau.


Louis-Noël Bestion de Camboulas se saisit littéralement de l’œuvre, soulignant tout ce que Rameau reprendra _ voilà ! _ à son compte. Ce n’est pas le moindre des trésors de cette partition solaire, révélée par une équipe de chant relevée où brille particulièrement l’Apollon de Mathias Vidal, mais tous sont parfaits, de l’Issé élégante de Judith van Wanroij à l’Hylas sonore de Thomas Dolié.


Et si demain Les Surprises nous révélaient Omphale _ créé à l’Opéra de Paris le 10 novembre 1701 _ ?


LE DISQUE DU JOUR


André Cardinal Destouches(1672-1749)
Issé

Judith van Wanroij, soprano (Issé)
Chantal Santon-Jeffery, soprano (Doris)
Mathias Vidal, ténor
(Apollon, sous les traits du berger Philémon)
Thomas Dolié, baryton (Hylas)
Eugénie Lefebvre, soprano
(La première Hespéride, Une nymphe, Une Dryade)
Etienne Bazola, baryton (Hercule, Le Grand Prêtre)
Matthieu Lécroart, baryton (Jupiter, Pan)
Stéphen Collardelle, ténor (Un berger, Le Sommeil, L’Oracle)

Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Ensemble Les Surprises
Louis-Noël Bestion de Camboulas, direction

Un album de 2 CD du label Ambronay MAY053

Photo à la une : © DR


De bien belles découvertes d’œuvres idiosyncrasiques du _ tendre et délicat _ génie musical français…

Ce vendredi 22 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Accéder au merveilleux des opéras de Lully : par le DVD ou le CD _ les exemples de l’Isis et Phaéton de Jean-Baptiste Lully par Christophe Rousset et Vincent Dumestre…

20nov

La tragédie lyrique _ ou le principal de l’opéra baroque à la française aux XVIIème et XVIIIème siècles _

est bien moins populaire

que ne le devint très vite l’opéra italien

_ destinée, que cette tragédie lyrique était, en priorité à l’Académie Royale de Musique, et au Roi,

avec ses très puissants enjeux idéologiques… (cf ici la passionnante très significative Épître à M. de Nyert, sur l’opéra de La Fontaine, en 1677 ;

et l’usage que j’en ai fait dans le livret du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru en 1996 chez EMI, pour Hugo Reyne et La Simphonie du Marais ;

Jean-de-la-fontaine,-un-portrait-musical-:-[airs,-chansons,-livrets-d'opéra,-lettres-et-écrits-sur-la-musique-de-La-Fontaine]

voir mon article récent du 13 mars 2019  ) _ ;

et tout spécialement pour le mélomane du XXIème siècle

y accédant.

Alors que dès ses débuts, à Venise, l’opéra italien s’adressait, lui, à un bien plus large public : à séduire, très vite _ dans l’instant ! _, tout particulièrement par la virtuosité de l’art des chanteurs _ et non la tendresse (à fondre de plaisir) du discours, et sa mise en musique…

D’où la relative rareté des enregistrements discographiques de l’opéra français des XVIIème et XVIIIéme siècle ;

sans compter celle, déjà, de leurs productions scéniques

d’où la prévalence discographique (comme à la scène), aujourd’hui, de récitals-florilèges d’airs, aux dépens de réalisations d’opéras entiers.

La comparaison

de mon expérience ces deux jours

de l’écoute de l’Isis de Lully (de 1677)

dans la réalisation, au CD, de Christophe Rousset (et ses Talens lyriques)

_ soit le double CD Aparté AP 216 _,

et de la vision du Phaéton de Lully (de 1683)

dans la réalisation, au CD et au DVD, de Vincent Dumestre (et son Poème harmonique) et Benjamin Lazar,

ainsi que le chœur et l’orchestre musicÆterna

_ soit le double CD + le DVD Château de Versailles Spectacles CVS 015 _,

me paraît riche d’enseignements quant à la réceptivité-réception des œuvres

autrement qu’à la scène…

Je suis frappé d’abord par l’importance du livret _ de Quinault : quelles magnifiques réussites !

Philippe Quinault : Paris, 3 juin 1635 – Paris, 26 novembre 1688 _

par rapport à la musique elle-même ;

il n’est que de comparer leur importance respective dans l’œuvre de Lully

avec les places respectives des paroles et de la musique dans les œuvres de Rameau,

presque un demi-siècle plus tard _ Armide et Acis et Galatée de Lully furent créés en 1686 (le 15 février, pour Armide, et le 6 septembre 1686, pour Acis et Galatée) ; et d’Achille et Polyxène, Lully (qui meurt le 22 mars 1687) n’a composé que le premier acte ; c’est l’excellent Pascal Collasse, son secrétaire, qui a, en effet, terminé l’œuvre, qui fut créée le 7 novembre 1687… ;

alors que Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) furent créées à l’Académie Royale de Musique le 1er octobre 1733 ; soit 46 ans après la disparition de Lully.


Cependant l’œuvre de Lully a considérablement marqué la tradition française de l’opéra, au-delà même des premiers soubresauts de la Querelle des Bouffons (1752 – 1754) ;

de même que les livrets de Quinault, et plus longtemps encore, tout au long du XVIIIème siécle

_ cf sur le site de Res Musica l’article (du 14 mai 2014) de Françoise Ferrand Le Livret d’opéra en France au XVIIIème siècle à propos de l’ouvrage majeur et passionnant de Béatrice Didier Le Livret d’opéra en France au XVIIIème siècle (Voltaire Foundation), paru le 21 janvier 2013 ;

et la place qu’y occupe Quinault…

Lully, Quinault, Rameau : Quand l’Europe parlait Français,

selon le titre du beau livre de Marc Fumaroli, dont la première édition (De Fallois) est parue le 23 octobre 2001.

Tout un immense fond culturel capital !

Et aux enjeux ô combien essentiels aujourd’hui…

D’autre part et enfin,

et peut-être surtout,

dès son origine, l’opéra n’est pas qu’à entendre et écouter, mais aussi à voir et regarder

par des spectateurs auxquels il s’adresse

et cherche à enchanter :

c’est un spectacle total !

D’où l’intérêt et l’avantage du DVD sur le CD ;

à la condition, bien sûr, et assez difficile à respecter, trouver, obtenir

_ au DVD comme à la scène : sinon, le résultat est abominable ! _

que le rendu de l’imageet du spectacle sur la scène, déjà _ trahisse le moins possible,

mais au contraire serve au mieux

_ et cf ici, bien sûr, les enchantements des mises en scène merveilleuses de Benjamin Lazar _,

ce qu’avait été la beauté _ et même le merveilleux ; et ce facteur est même crucial ! _ du spectacle

désirée par le compositeur… 

Ce mercredi 20 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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