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La poésie toute de délicatesse de Tanguy de Williencourt brossant de son art du piano les paysages vaporeux de Franz Liszt (2)…

03oct

Comme en réponse à mon article «  » du 30 septembre dernier _ il y a 3 jours… _,

voici ce jeudi 3 octobre l’article « Grand Liszt » de Jean-Charles Hoffelé,

qui permet de comparer nos approches respectives de cette superbe réalisation discographique, le CD Mirare MIR 746 « Muses – Franz Liszt » de l’excellent Tanguy de Williencourt…

GRAND LISZT

Les héroïnes _ égéries, en fait _ de Liszt sont le prétexte _ seulement ?.. Peut-être : j’ai éprouvé moi aussi ce soupçon… _ de ce voyage qui s’attarde longuement _ et très heureusement _ en Suisse. La nature dorée du beau Steinway du Kulturzentrum de Toblach _ oui, et il faut en effet insister sur son apport… _ est un parfait miroir pour l’élégance native _ oui ! _, la fluidité _ oui _, le grand son ouvert _ oui _ que Tanguy de Williencourt dispense au long de l’album.

Au lac de Wallenstadt atmosphérique, jeux d’eau quasi ravéliens d’Au bord d’une source, méditation et orage appassionato pour une ombreuse Vallée d’Obermann dont la donnée romanesque ne s’absente jamais, Cloches de Genève irréelles à force de nuances, quatuor parfait _ oui ! _ qui fait regretter _ c’est très juste _ de ne pas avoir toute la Première Année de pèlerinage sous de tels doigts de poète _ si sensible aux atmosphères des lieux.

L’art de phrasé emplit le Liebestraum, plus encore l’Impromptu en fa dièse majeur qui lui répond en ajoutant un rossignol, il envolera une saisissante Bénédiction de Dieu dans la solitude avant d’anoblir les tourments et les visions de la Sonate _ que j’ai personnellement resssentie comme plus abstraite… _, dont l’arche est mise en lumière avec une rare science de la tension harmonique, qui déjà surprenait dans la Vallée d’Obermann : ce piano si kaléidoscopique ne craint pas l’épique, infuse une poésie et un lyrisme qui empêchent _ très justement _ de tonitruer, vraie leçon de style _ oui… _ d’un musicien dont chaque disque surprend en bien.

LE DISQUE DU JOUR

Muses

Franz Liszt (1811-1886)


Liebestraum en la bémol majeur, S. 541/3 (Oh Lieb, so lang du lieben kannst)
Années de pèlerinage I, S. 160 – Suisse (4 extraits : II. Au lac de Wallenstadt, IV. Au bord d’une source, VI. Vallée d’ObermannIX. Les cloches de Genève)
Impromptu en fa dièse majeur, S. 191 (Nocturne)
Bénédiction de Dieu dans la solitude, S. 173/3
Sonate pour piano en si mineur, S. 178

Tanguy de Williencourt, piano

Un album du label Mirare MIR746

Photo à la une : le pianiste Tanguy de Williencourt –
Photo : © Jean-Baptiste Millot

 

Une nouvelle fois merci !

Ce jeudi 3 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Surpendre, et sans recherche d’effets, ou la force très tranquille de la sobriété du style sans style de Bernard Plossu : un superbe double portrait de Françoise Nuñez et Bernard Plossu par Brigitte Ollier, en un très juste article « Bernard Plossu, best regards », sur le site blind-magazine.com, en date du 17 août 2022

23août

Ce mardi matin 23 août, à 8h 57, l’ami Bernard Plossu m’adresse par courriel un superbe article _ justissime ! _ de Brigitte Ollier

intitulé « Bernard Plossu, best regards« ,

paru le 18 août dernier sur le site blind-magazine.com…

Et par retour rapide de courriel, à 9h 16, je réponds ceci à Bernard :

« Bravo pour ce superbe double portrait, tellement juste.

Et chaleureuses felicitations à Brigitte Ollier, qui comprend si bien la sobriété de ton style sans style

_ une question que bien sûr toujours, à chaque fois surpris et émerveillé, je me suis forcément aussi posée…

Merci !
Francis« 

Voici donc ce justissime article de Brigitte Ollier :

Héritiers d’un temps suspendu, leurs images ne cessent d’enrichir l’histoire mondiale de la photographie et nos regards impatients. Souvenirs de quelques rencontres plus ou moins magiques avec ces virtuoses de l’objectif, solistes du noir & blanc ou de la couleur, artistes fidèles à l’argentique ou totalement envoûtés par le numérique.
Aujourd’hui : Bernard Plossu, la traversée intime du paysage.

Avec ou sans appareil photo, Bernard Plossu est un homme émerveillé _ pour nos perpétuels ravissements. J’écris ces mots qui me paraissent sensés, pourtant, ils sonnent faux. Françoise Nuñez n’est plus là, un cancer irréversible, et depuis le 24 décembre 2021, la vie n’est _ hélas _  plus la vie pour Plossu, et aussi pour nous qui respections le silence dont Françoise aimait à s’entourer les jours où elle se voulait invisible. Extrême pudeur _ oui. Elle ressemblait à l’héroïne de Charulata, regard fervent, presque du feu, le feu intérieur de la passion _ voilà. 

Dans ma mémoire, leurs souvenirs se confondent. Françoise courant sur une plage andalouse avec leurs enfants, et Bernard à La Ciotat, parmi les pins, la mer au loin, le ciel bleu inimitable, le sable comme du sable. C’est l’un des atouts des photographies de Bernard Plossu, le temps s’arrête _ en l’instantanéité pure d’une approche innocentissime d’éternité _, et souffle l’imaginaire, comme dans ces films de la Nouvelle Vague dont il était si friand, ou dans ces classiques découverts à la Cinémathèque du Trocadéro, « dans les beaux quartiers », à Paris. Il aurait pu être cinéaste, nombreux films avec sa caméra super 8. Il est devenu photographe _ mais le saisissement de l’instant, à lui seul, contient le défilé complet de tout le film qui aurait été possible.

Cf l’admirable « Plossu Cinéma«  de Yellow Now, en février 2010, sur une intuition-suggestion de Michèle Cohen. 

Quand je l’ai vu pour la première fois, lors d’un vernissage, il m’a paru hippie new look, cheveux longs, écharpe en coton. Il était entouré d’amis et de compagnons de marche (son dada, il part souvent en « randonnée philosophique »). Il était très beau, il l’est encore. Je ne lui ai pas parlé ce soir-là, et nous nous sommes peu vus pendant longtemps. Et puis, en 1998, Élisabeth Nora, qui le connaissait bien et appréciait ses photographies, a eu envie de lui consacrer un portfolio dans la revue L’Insensé. Idée géniale. Nous sommes parties en train à La Ciotat, la prodigieuse cité des frères Lumière. Trois jours inoubliables.

Françoise était là, présence furtive, comme si elle jouait à cache-cache, et Bernard, le crayon sur l’oreille et sifflotant, fouillait dans ses archives avec une précision déconcertante _ oui, oui ! Il allait droit au but _ j’ai pu le constater, en effet, moi aussi _, et à chaque tirage retrouvé, se tournait vers nous avec un air de victoire. Je n’ai jamais compris comment il était possible de classer des négatifs, mais, visiblement, ça l’était, Bernard, qu’on aurait pu estimer planant, est très ordonné, très méticuleux _ voilà ; et avec une implacable mémoire aussi… Il est un vrai photographe argentique, la technique, les planches-contact, le labo, l’impression, tout ça _ l’artisanat complet de la photo _ l’intéresse de près _ oui. 

Nous bavardions, de tout de rien, tandis que je l’observais. Sa façon de bouger, sa vivacité façon Fanfan la tulipe, sa concentration. Ses onomatopées. Sa gaité _ oui _ en extrayant les tirages des boîtes, comme s’il participait à une chasse au trésor _ avec ses mille découvertes. Et des anecdotes _ circonstancielles ; car le contexte de l’image saisie importe toujours infiniment ! _ à foison, sur lui, ses photographies, ses amis photographes. Sur sa façon de photographier, par exemple : « La seule unité de ce que je fais, c’est le 50 mm. Le grand angle, ça exagère les choses, ça ne me convient pas. Le 50, oui, ça me va bien. Le 50, c’est Corot, c’est sobre _ voilà ! _ et c’est mon seul style. Ce qui me permet de confirmer que mon seul style, c’est de ne pas faire de style _ oui, oui ! Comme disait Gauguin, je le cite de mémoire, ‘Les effets, ça fait bien, ça fait de l’effet. »

Pas d’effet, donc, no tralala, mais quoi, quoi d’autre ? Peut-être Plossu, d’une génération quasi toquée des objectifs (le 50 mm, son préféré) et des appareils-photo avec pellicules (« Je suis de la tradition 24 x 36, absolument prêt tout le temps avec mon troisième œil »), s’est-il d’abord servi du médium comme d’un carnet de notes _ oui ; cf la présente admirable Expo « Plossu/Granet Italia discreta » actuellement au Musée Granet à Aix-en-Provence, et jusqu’au 28 août prochain ; dans laquelle les images de Plossu (1945 -) sont confrontées aux images des carnets de voyage de François-Marius Granet (1775 – 1849) ! Utile lors de ses voyages – il est au Mexique en 1965, il a vingt ans, il enregistre « la route, des amis, la liberté. » Trois mots simples qui font écho à cette phrase qui le résume pleinement : « Je suis possédé par la photographie. »

Un envoûtement précoce (premier clic à onze ans, une dame en manteau rouge dans un parc, à l’automne 56), nourri par les beaux livres achetés par sa mère (Paris des rêves, Izis Bidermanas), et les photos en noir et blanc de son père, Albert Plossu, prises au Sahara en 1937 lors de ses aventures à dos de chameau avec Roger Frison-Roche dans le Grand Erg occidental.

Mais plus que tout, ce qui constituera visuellement Plossu, c’est le paysage _ même les (rares) portraits de Plossu sont en fait fondamentalement des paysages _, son évocation _ oui, avec le flou qui souvent l’accompagne… _ plus que sa représentation. Comme si chaque bout de territoire parcouru, au Mexique, où il naîtra « professionnellement » à la photographie, aux États-Unis, en Inde, au Sénégal, au Maroc, en Espagne, en Italie, en Égypte, etc, engendrait une telle intimité émotionnelle _ oui _ qu’elle s’inscrirait dans l’image et s’y épanouirait, naturellement _ voilà. Pas d’effet miroir, mais un lien si fort, si intense qu’il révèle son enracinement avec chaque paysage traversé _ enracinement, voilà ! l’espace du pur instant de cette image, saisie au vol, à la volée même du geste photographique dansé…  _ et, au-delà, son dialogue constant _ oui, toujours ouvert, toujours curieux _ avec le monde _ en sa profonde vérité ainsi devenue accessible. 

À cet égard, son Jardin de Poussière (Marval, 1989) dédié à son grand héros Cochise (c.1870-1874), le chef des Apaches Chiricahuas, en est l’illustration parfaite. Il marche dans l’Ouest américain, il pense aux Apaches (il photographiera plus tard Nino, le petit-fils de Cochise). Comme avec tous ses livres – peut-être 150, dit-il, « tous faits pour surprendre » -, il s’agit d’inscrire ses pas dans l’histoire, mais sans revendiquer une quelconque place _ non, Plossu, toujours, n’est qu’un simple et humble passant qui passe... Plossu ne cherche pas à être en haut de l’affiche _ jamais : il est bien trop sensible au ridicule des postures et impostures… _, il avance step by step _ oui : un simple pas après l’autre, sur la route _, vers ses rêves. Il faut de « la sagesse et du délire », et noter, principe de base, que « c’est un casse-tête terrible de vivre de la photo. »

À Nice, en 2007, grâce à l’invitation de Jean-Pierre Giusto, nous avons préparé une _ sublimissime !!! _ exposition autour de son travail en couleur au Théâtre de la Photographie et de l’Image, aujourd’hui musée de la Photographie Charles Nègre. Son titre : Plossu, couleur Fresson. Fut édité un petit catalogue utile _ je l’idolatre !!! _ à qui veut comprendre comment Plossu est tombé dans le bain de la couleur. Je me souviens de nos balades autour du Théâtre, Bernard passait son temps à disparaître et à apparaître, et je ne cessais de le chercher. Ce qu’il faisait ? Il photographiait.

Plossu est à l’âge des rétrospectives (naissance le 26 février 1945 au Vietnam), il en a eu très tôt, il peut imaginer des projets apaisants. Ainsi Françoise – aussi photographe, aussi amoureuse des voyages – est au cœur de son futur : « Nous étions tellement ensemble dans la vie comme dans la photographie. »

Pour en savoir plus

Dernières parutions :

Deux portfolios exceptionnels proposés par Anatole Desachy, jeune libraire audacieux et consciencieux.

36 vues, éditions Poetry Wanted, directeur de collection Rémi Noël. Trente-six images racontées par Plossu.

Musée de la photographie Charles Nègre, à Nice.

https://museephotographie.nice.fr/expositions/

Deux de ses galeries, en France :

Galerie Réverbère & Galerie Camera Obscura

https://www.galeriecameraobscura.fr/

Prochaine exposition, à Hyères, à La Banque, Musée des Cultures et du Paysage, fin octobre.

L’un des livres préférés de Françoise Nuñez :

Avant l’âge de raison, éditions Filigranes. Texte de William Lord Coleman.

Mon livre préféré de Françoise, également paru chez Filigranes, L’Inde jour et nuit, texte de Jean-Christophe Bailly.
Mon livre préféré de Bernard, paru chez Marval, nuage/soleil, texte de Serge Tisseron.
Et, bien sûr, Le voyage mexicain, Contrejour, texte de Denis Roche).

Bernard Plossu, Arizona, 1980 © Dave Ronan
Bernard Plossu, Arizona, 1980 © Dave Ronan

Voilà donc ce magnifique justissime regard de Brigitte Ollier sur Bernard Plossu (et Françoise Nuñez).

Et je me permets de renvoyer ici _ en plus des très nombreux articles que sur ce blog « En cherchant bien » j’ai consacrés à l’œuvre toujours nouvelle et toujours surprenante de l’ami Bernard Plossu _ à mon très précieux entretien (de 60′) avec Bernard Plossu, dans les salons Albert-Mollat, à Bordeaux, le 21 janvier 2014,

à partir de la publication de son récent alors _ 18 septembre 2013, aux Éditions Textuel _ « L’Abstraction invisible« …

Ce mardi 23 août 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. Avec un court répertoire des images nouvelles et des déjà montrées… Episode 2.

04nov

Avant de présenter mon _ très _ modeste choix personnel _ forcément subjectif… _

d’images _ de tirages Fresson couleurs _

qui me bouleversent, enchantent et fascinent,

de l’ami Bernard Plossu,

je désire noter d’abord,

dans la comparaison des trois albums de « tirages Fresson couleur » que je connais à ce jour,

quelles sont,

parmi les images que je préfère,

celles qui me paraissent _ eu égard à ma connaissance, plus que probablement incomplète de la très généreusement profuse œuvre-Plossu _ inédites par rapport

au « Plossu Couleurs Fresson » de l’exposition de Nice, au Théâtre de la photographie et de l’image, en 2007 ;

et au « Couleurs Plossu » de l’album paru aux Éditions Hazan, en 2013.

Entre les 80 images du « Tirages Fresson » de 2020 (aux Éditions Textuel)

et les 97 images du « Plossu Couleurs Fresson » de 2007 (dans le catalogue de l’exposition de Nice),

je remarque, ainsi, que sont co-présentes _ Bernard Plossu tient donc particulièrement à elles, pour une raison, ou une autre _ 20 images

_ sommairement légendées d’un lieu, suivi d’une année, sans autre précision,

aux pages 95 (de l’opus de 2020) et 33 (de l’opus de 2007) : « Mexique, 1966«  ;

76 et 35 : « Mexique, 1966«  ;

77 et 59 : « Guanajato, 1966« 

36 et 65 : « Paris, 1968«  ;

69 et 80 : « Sud du Nouveau Mexique, 1980«  ;

86 et 86 : « Santa Fé, 1982«  ;

61 et 95 : « le sofa rouge de Carlos Serrano, Madrid, 1980«  ;

28 et 98 : « le jus d’orange, États-Unis, 1980«  ;

60 et 99 : « Grenoble, 1974«  ;

96 et 100 : « Californie, 1974«  ;

40-41 et 105 : « Taos, 1979«  ;

67 et 106 : « Ranchos de Taos, 1977«  ;

15 et 108 : « Taos, 1978«  ;

24 et 109 : « Nouveau-Mexique, 1978«  ;

87 et 111 : « Mexique, 1981«  ;

54-55 et 114 : « Grenoble, 1988«  ;

29 et 115 : « Californie, 1977«  ;

70 et 118 : « Nijar, 2003«  ;

6 et 130 : « Mexico, 1966«  ;

et enfin 47 et 131 : « Françoise, Paris, 1986« .

Entre les 80 images du présent « Tirages Fresson » de 2020

et les 143 images du « Couleurs Plossu _ séquences photographiques 1956 – 2013 » de 2013 (aux Editions Hazan),

sont co-présentes 24 images

_ aux pages 36 (de l’opus de 2020) et 27 (de l’opus de 2013) : « Foire du Trône, Paris, 1968«  ;

67 et 53 : « Ranchos de Tao, 1977«  ;

87 et 56 : « Nord Mexique, 1981«  ;

24 et 59 : « Taos, 1978«  ;

95 et 65 : « Mexico, 1966«  ;

76 et 66 : « Mexico, 1966«  ;

74 et 73 : « Molène, 2008«  ;

98 et 79 : « Ventotene, 2010«  ;

37 et 81 : « Mer du Nord, 1970«  ;

54-55 et 82 : « Grenoble, 1988«  ;

97 et 94 : « Palerme, 2008«  ;

44 et 97 : « en train, en Italie, 2008«  ;

28 et 101 :« Californie, 1980«  ;

58 et 102 : « San Francisco, 1966«  ;

60 et 104 : « Grenoble, 1974«  ;

61 et 105 : « le sofa rouge de Carlos Serrano, Madrid, 1975«  ;

38 et 106 : « Italie, 2009«  ;

57 et 108 : « Milan, 2008«  ;

86 et 116 : « Santa-Fé, 1982«  ;

18 et 117 : « Palerme, 2008«  ;

77 et 118 : « Guanajato, 1966«  ;

85 et 121 : « Paris, Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, 2007«  ;

46 et 122 : « Mexico, 1966«  ;

et 47 et 122 : « Françoise, Paris, 1986« .

parmi lesquelles 15 d’entre elles sont co-présentes dans les trois albums de 2007, 2013 et 2020

_ aux pages 36 (de l’opus de 2020), 27 (de l’opus de 2013) et 65 (de l’opus de 2007 ) : « Foire du Trône, Paris, 1968«  ;

67, 53 et 106 : « Ranchos de Tao, 1977«  ;

87, 56 et 111 : « Nord Mexique, 1981«  ;

24, 59 et 109 : « Taos, 1978«  ;

95, 65 et 33 : « Mexico, 1966«  ;

76, 66 et 35 : « Mexico, 1966«  ;

54-55, 82 et 114 : « Grenoble, 1988«   ;

28, 101 et 98 : « Californie, 1980«  ;

58, 102 et 29 : « San Francisco, 1966«  ;

60, 104 et 99 : « Grenoble, 1974«  ;

61, 105 et 95 : « le sofa rouge de Carlos Serrano, Madrid, 1975«  ;

86, 116 et 86 : « Santa-Fé, 1982«  ;

77, 118 et 59 : « Guanajato, 1966«  ;

46, 122 et 130 : « Mexico, 1966«  ;

et enfin 47, 122 et 131 : « Françoise, Paris, 1986«  .

Pas mal d’annotations de lieux demeurent ainsi vagues,

car l’important,

pour Bernard Plossu à l’adresse de son public,

n’est jamais _ disons bien jamais _ la localisation géographique de cette partie de réel que son image a saisie ;

et ces annotations de lieux, pays et d’années dénotent aussi, assez souvent, que le vague de la localisation du lieu de la prise de cette image, à la volée,

n’exprime qu’un travail postérieur approximatif _ mais bien suffisant pour sa fonction purement pragmatique _ de repérage par _ et à destination de _ la mémoire

_ de la part de l’auteur de ces images exposées ; et à la seule destination de lui-même… _,

qui n’a pas besoin de localisation géographique précise pour légender, a minima, cette image :

un pays, une province, et une année, ça _ lui _ suffit largement _ pour ses propres repères d’archivage mémoriel _ ;

 

pas mal de vues, aussi, ont été prises _ au vol _ depuis la fenêtre d’un train, d’une voiture ou d’un autobus _ en marche _ ;

et beaucoup, encore, en chemin _ le saisisseur de l’image, lui-même cheminant… _,

au cours de longues randonnées, à l’aventure, souvent dans des zones peu habitées _ de montagnes, plateaux, plus rarement savane ou jungle _ ou carrément désertiques…

Dénuée, surtout, de tout pittoresque et anecdotique _ ainsi que de visée esthétisante séductrice, en un désir malvenu de plaire… _c’est la force même _ en quelque sorte brute et immédiate, quasi totalement décontextualisée… _ de l’image elle-même _ en une sorte, pour l’instant au moins, de quasi auto-suffisance à soi, à elle, l’image ; même si ce ne peut être, bien sûr, jamais absolument le cas : les images, comme le langage, ou l’expérience vécue, se renvoyant, elles aussi (afin de faire sens), les unes aux autres… _,

qui nous attache _ nous, leurs simples regardeurset enflamme _ en une presque pure douce jouissance _ à sa contemplation :

car les images de Bernard Plossu ne sont jamais _ j’y reviendrai ! _ totalement abstraites _ même quand, c’est-à-dire toujours !, les sous-tend quelque « abstraction invisible » ; cf l’important livre de ce nom, « L’Abstraction invisible« , aux Éditions Textuel, en 2013 ; de même que mon passionnant et très riche entretien avec Bernard Plossu, le 31  janvier 2014, dans les salons Albert Mollat, à Bordeaux, à propos de ce très important témoignage de Bernard Plossu sur son parcours photographique : … ; un article qui comporte un très commode lien au podcast (d’une durée de 60′) de ce très éclairant entretien dans lequel Bernard Plossu s’explique et livre de passionnantes clés à tout son travail…  _ ;

ces images entretiennent toutes et toujours un vivant (et très riche) rapport avec le réel _ perçu originaire : source de l’émotion matricielle d’où viendra sourdre l’image précise saisie sur  la photo _ qui a suscité le geste photographique de leur auteur, et dont _ ce réel déclencheur _ elles sont consubstantiellement, justement, une image, une vue, issues aussi du regard _ cadré dans la fulgurance de la volée _ de leur auteur…

Ces images proviennent ainsi tout à la fois du réél rencontré _ inspirateur matriciel du geste photographique _ et du regard photographique singulier _ inspiré et respiré _ de leur auteur, en l’occurrence le fantastique bonhomme Plossu…

Et d’ailleurs, dans ses expositions photographiques, Bernard Plossu choisit de ne surtout pas légender ses « images » _ ce qui risquerait, à ses yeux, de détourner, de l’image elle-même, au profit, parasite, de l’anecdotique du cartouche-légende, le regard présent du visiteur-regardeur, qui doit tout au contraire se plonger absolument en cette image ; et ici le grain succulent, mais pudique, des tirages Fresson est d’un très grand secours…

Pas plus que le livre dont on tourne les pages,

l’exposition que l’on parcourt ne doit constituer une sorte de témoignage-reportage _ touristico-géographique _ sur quelque lieu qu’il s’agirait de visiter ;

même si pas mal de l’âme des personnes _ très rarement saisies frontalement _ et des lieux, nous est aussi indirectement et pudiquement livré par ce qu’a su en percevoir et donner à partager avec une extrême acuité de sensibilité l’œil photographique de Bernard Plossu, en ses fascinantes merveilleuses images du réel le plus vrai…

Alors que la mémoire photographique de Bernard Plossu, elle, est formidablement infaillible,

en sa capacité de se faire un chemin assuré parmi le labyrinthe extraordinairement riche et foisonnant de ses milliers de pellicules et planches-contact, soigneusement conservées et classées :

il s’y repère quasi immédiatement, tel l’animal en son terrier-tanière aux milliers de couloirs, niches et cases… Il y est foncièrement chez lui, en son monde…

Alors, je réserve à demain l’expression de mon choix de préférences un peu personnelles

parmi ce florilège somptueux d’images saisies au vol par l’ami Plossu tout le long de sa vie de photographe voyageur et marcheur

hyper-attentif aux détails et paysages enchanteurs _ cadrés au vol par sa prise de vue _ du réel rencontré _ à saisir : c’est son jeu… _  par son fabuleux merveilleux œil photographique.

Ce mercredi 4 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’excellence de Leila Schayegh (et Musica Fiorita) dans les Quatre Saisons de Vivaldi

13oct

Le talent de Leila Schayegh

_ violoniste virtuose _

est puissant ;

et ici

_ le CD The Four Seasons de Vivaldi, le CD Glossa 924 203 _,

il est à son apogée.

Ainsi qu’elle même, Leila Schayegh, l’écrit dans le livret de ce CD Glossa,

le génie musical d’Antonio Vivaldi (1678 – 1741)

et le talent d’interprétation de Leila Schayegh et de Musica Fiorita,

transcendent spectaculairement,

mais en parfaite justesse musicale,

ce qu’expriment

_ des paysages de Venise et de Vénétie au fil des quatre saisons de l’année _

les quatre sonnets d’inspiration de la musique

que la magie de Vivaldi

métamorphose en musique

d’une incroyable vie _ et beauté.

Un CD tout bonnement indispensable !



Ce dimanche 13 octobre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir un cinéaste : Xavier Beauvois _ au dossier : douceur et puissance ; probité, élan et magnifique générosité

25sept

Avec ce film _ sublime ! _ qu’est Des hommes et des dieux,

je viens de découvrir un très grand artiste créateur ;

en conséquence,

voici ici quelque chose comme un dossier

sur l’œuvre en cours du cinéaste Xavier Beauvois _ un grand !

Qu’il veuille me pardonner de l’avoir méconnu jusqu’ici… Mais toute rencontre comporte ses conditions de hasard _ = contingence _ ; l’important est seulement de ne pas passer à côté quand la rencontre vient, surgit, survient ! Savoir la goûter, la tâter, retenir _ cf ici Montaigne, en son sublime dernier essai « De l’expérience«  (Livre III, chapitre 13)… _ au lieu de la laisser filer et se perdre dans les sables de l’inconsistance de l’inattention…

C’est là qu’un Art vrai nous enseigne à apprendre à, à notre tour, enfin bien sentir-ressentir !

Les artistes vrais sont des passeurs-filtreurs du sens du réel

irremplaçables !

En la puissance de vérité de la probité

de ce qu’ils apprennent eux-mêmes, pour eux-mêmes d’abord, puis pour les autres (auxquels ils le donnent) à faire de leurs propres élans de regardeurs-contemplateurs face au réel,

face aux choses ;

et d’abord face aux autres : visages et corps, au premier chef _ au lieu de vivre dans la purée de poix du brouillard, et de ne faire, alors, que sans cesse esquiver les ombres (des autres) que nous croisons !..

Xavier Beauvois, donc

_ et l’acteur, et le cinéaste…

Puisque je viens d’être subjugué par le film Des hommes et des dieux, vu vendredi dernier au cinéma ;

et que, aussi, j’ai déjà pu visionner une première fois,

et avec une semblable admiration,

le DVD de son second film (en 1995) « N’oublie pas que tu vas mourir« 


Voilà un auteur-artiste

d’ampleur considérable.

Sur le synopsis de Des hommes et des dieux,

cf cet article « qui va à l’essentiel » d’Eric Vernay,

sur le site de Fluctuat.net :

« N’oublie pas que tu vas mourir« 

Ses films précédents en témoignent, Xavier Beauvois aime observer _ pour les comprendre intimement et vraiment ! _ les communautés, et les décrire dans les moindres détails, parfois à la lisière du documentaire _ c’est que le rapport au réel aimante, et superbement (frontalement : avec une douceur de toucher profonde et radicale !), le regard de Xavier Beauvois en ce qu’il (nous) donne à voir du monde en ses films… Aux ouvriers normands (Selon Matthieu) et flics parisiens (Le Petit lieutenant) succèdent donc les moines chrétiens _ cisterciens-trappistes _ d’Algérie, dans Des hommes et des dieux, Grand Prix du Jury à Cannes.

Quinze ans après son prix du Jury pour le beau N’oublie pas que tu vas mourir, ce cinéaste rare _ un film tous les cinq ans _, disciple de Jean Douchet, retrouve la compétition cannoise avec un film basé sur _ et un peu plus que cela ; mais complètement de l’intérieur ! _ des faits historiques : le massacre des moines de Tibéhirine en 1996. En plein tumulte, l’Algérie est gangrénée par l’intégrisme religieux. Après le massacre d’un groupe de travailleurs étrangers _ des Croates travaillant sur un chantier non loin de Médéa… _ par les terroristes, l’Etat algérien propose _ à grand renfort de troupes (avec hélicoptère sonorement, et plus, intrusif) ; et autres explications d’un envoyé du gouvernement _ son aide aux moines, menacés. Frère Christian (Lambert Wilson), le chef _ élu par ses Frères _ de la communauté cistercienne installée dans les montagnes, la refuse catégoriquement. Pour lui, c’est une question de principe.

Cet entêtement personnel, typique _ en effet : du côté de la grandeur existentielle _ des personnages de Beauvois, donne d’abord lieu à un débat au sein du monastère, théâtre d’un huis-clos décisif : tel un jury de tribunal se prononçant sur sa propre peine _ à nuancer ! ce n’est pas un suicide ! _, les huit hommes ne sont pas en colère, mais apeurés et à l’écoute, _ presque, tant la circonstance d’abord les interpelle, voire les bouscule… _ mis à mal dans leur foi _ pas vraiment, toutefois !.. A quoi bon _ mais ce ne sont pas, eux, des utilitaristes ! _ finir en martyr ? Fuir, est-ce renoncer à sa mission ? Et s’ils partaient, qu’adviendrait-il de la population du petit village voisin, à qui les moines apportent _ très effectivement, au quotidien _ soins, médicaments et instruction ? Quel message enverraient-ils _ par le témoignage effectif de leurs actes _ à ceux qui croient encore au dialogue entre les religions ? A mesure que le film avance, au rythme apaisé des psaumes et des cantiques _ et de la pleine observance du rite par cette communauté orante _, les arguments penchent en faveur de la décision _ primitivement proclamée _ du Frère Christian _ de Chergé, élu, par eux, « leur prieur«  _ : les moines ne cèderont pas à la peur. Ainsi, ils donneront un signe _ = un témoignage de foi _ de paix fort, et vivront dans l’intégrité de leur foi _ surtout, et très simplement : les gestes comptant ici bien davantage que les paroles _ jusqu’à la fin _ c’est-à-dire inconditionnellement ; pleinement dans l’absolu. Car « Rester ici, c’est aussi fou que de devenir moine« , affirme le charismatique moine, à l’ironie pleine de lucidité. Or moines, ils sont déjà _ car telle est, tout simplement, la folie du Christ : « Quitte tout et suis-moi« 

« N’oublie pas que tu vas mourir » pourrait être _ ainsi, cette fois-ci encore ! _ le sous-titre de Des hommes et des dieux. Sans rechercher la verve et la puissance romanesque _ romantisante de la part d’un jeune homme idéaliste en la décennie même de ses vingt ans _ de son deuxième long-métrage, dans lequel un jeune séropositif choisissait de vivre _ frontalement _ au mépris de sa maladie, Xavier Beauvois exprime au fond la même idée. Face à la certitude de la mort, l’accomplissement _ voilà l’enjeu ! c’est aussi celui des Lumières, à la suite et dans le sillage de l’inspiration en ce sens-ci d’un Spinoza… _ d’un homme _ ici en une communauté _ est possible. Mais pour cela bien sûr, il faut du courage, de l’abnégation, bref, il vaut mieux avoir _ et puissamment, ici _ foi en la vie _ qu’être défaitiste ou, carrément, nihiliste… Plutôt que l’esbroufe _ maniériste ou mal baroquisante _, la mise en scène joue une partition sobre, dépouillée _ parfaitement : d’où l’intensité très puissante de cette vitalité ainsi tendue : à la façon d’un classicisme comme « corde la plus tendue du Baroque«  A la fois ample _ oui ! _ et tendu _ sans le moindre pathos _, ce film aux accents naturalistes _ pour ce qui concerne la lumière souveraine sur les paysages larges de l’Atlas : magnifique travail de l’éclairage de Caroline Champetier, cette fois, comme toujours ! _ bénéficie d’une interprétation pleine de tact et de retenue (superbe _ et c’est encore un euphémisme, je trouve ! _ casting, notamment Michael Lonsdale et Lambert Wilson _ mais aussi tous les autres ! sans la moindre exception ! _), à l’instar de la photo subtile _ lumineuse ! _ de Caroline Champetier, tour à tour matinale et crépusculaire _ voilà… Comme si toute la lumière émanait de l’intériorité en tension des personnes ; et des états de grâce !..

Forçant parfois un peu _ je ne partage absolument pas cette impression, ici, d’Eric Vernay _ ses intentions, notamment dans un dernier tiers métaphysique plus maladroit (allusion lourde _ pas du tout _ à la Cène, paysage forcément enneigé _ non ! l’hiver perdure en cette fin mars 1996 sur les monts de l’Atlas _ pour dire la mort _ nous savons tous, et tout le temps que se développe ce que montre le film en ces visages, comment tout cela se terminera, quand on retrouvera (hors film) seulement sept têtes coupées ; et rien du tout des corps… _), Beauvois ne signe certes pas son chef d’œuvre _ c’est à voir !!! _ avec Des hommes et des dieux, mais un film humble _ oui _, réflexif _ certes : d’une méditation sans déluge de phrases _, donnant richesse et humanité _ et à quel degré de sublime, mais un sublime parfaitement contenu ! sans tomber dans quelque baroquisme… _ à un sujet casse-gueule au possible.

Des hommes et des dieux
De Xavier Beauvois
Avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin
Sortie en salles le 8 septembre 2010

Illus © Mars Distribution

Eric Vernay…

Sur cette image-photo du film, prise par Frère Luc (qu’interprète _ ou plutôt incarne ! _ avec une sobriété magistrale Michaël Lonsdale), on peut voir, de gauche à droite, les sept autres de la communauté : Frère Célestin (qu’interprète _ incarne _ Philippe Laudenbach), Frère Christophe (qu’interprète _ incarne _ Olivier Rabourdin), Frère Christian (qu’interprète _ incarne _ Lambert Wilson), Frère Michel (qu’interprète _ incarne _ Xavier Maly), Frère Jean-Pierre (qu’interprète _ incarne _ Loïc Pichon), Frère Amédée (qu’interprète _ incarne _ Jacques Herlin) et Frère Paul (qu’interprète _ incarne _ Jean-Marie Frin).

De ces sept + un-là, seuls survivront _ ils ont pris soin de se cacher _ Frère Amédée et Frère Jean-Pierre ; et aux six victimes que seront Luc, Célestin, Christophe, Christian Michel et Paul, s’ajoutera aussi Frère Bruno (qu’interprète _ incarne _ Olivier Perrier), en visite à Tibéhirine _ depuis la maison-mère de l’ordre des cisterciens-trappistes, d’Alger _, ce soir-là, de leur enlèvement, le 26 mars 1996…

Je voudrais, maintenant, citer un excellent commentaire, très fin, et plus juste, à mon avis, de Jacques Mandelbaum, paru dans Le Monde, au moment de la présentation du film au Festival de Cannes, le 20 mai 2010 :

SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION :

« Des hommes et des dieux » : la montée vers le martyre des moines de Tibéhirine

LEMONDE | 19.05.10 | 09h56  •  Mis à jour le 20.05.10 | 08h51


MARS DISTRIBUTION
Michael Lonsdale joue le rôle de Frère Luc, médecin du monastère, dans le film de Xavier Beauvois, « Des hommes et des dieux« .

Le 26 mars 1996, durant le conflit qui oppose l’Etat algérien à la guérilla islamiste, sept moines français installés _ pour six d’entre eux du moins : les frères Christian, Luc, Christophe, Célestin, Michel et Paul ; le septième, Frère Bruno, était en visite, depuis la maison-mère de l’ordre, en Algérie, à Alger… _ dans le monastère de Tibéhirine, dans les montagnes de l’Atlas, sont enlevés par un groupe armé. Deux mois plus tard, le Groupe islamique armé (GIA), après d’infructueuses négociations avec l’Etat français, annonce leur assassinat. On retrouvera leurs têtes, le 30 mai 1996. Pas leurs corps.

L’affaire eut un énorme retentissement. En 2003, à la faveur d’une instruction de la Justice française, des doutes sont émis sur la véracité de la thèse officielle. En 2009, à la suite de l’enquête du journaliste américain John Kiser _ qui en a tiré son livre Passion pour l’Algérie _ les moines de Tibhirine _ et des révélations de l’ancien attaché de la défense français à Alger _ en 1996, le général François Buchwalter _, l’hypothèse d’une implication de l’armée algérienne est avancée.

On en est là, aujourd’hui, du fait divers atroce qui inspire

_ cf plus bas ce que Xavier Beauvois dit du « sujet apparent«  et du « vrai sujet«  d’un film… _

un film au réalisateur français Xavier Beauvois, troisième et dernier cinéaste français à entrer en lice après Mathieu Amalric (Tournée) et Bertrand Tavernier (La Princesse de Montpensier).

Très attendu pour toutes ces raisons, le film surprend, au sens où il défie les attentes. On pouvait imaginer un état des lieux _ historicisant ! _ du post-colonialisme, une évocation de la montée des intégrismes, une charge politique sur les dessous de la guerre. Or Xavier Beauvois nous emmène ailleurs _ oui : dans l’intériorité (inquiète) des consciences ; et résistant (ensemble) à la terreur _, et signe un film en tous points admirable _ absolument !

Cinquième long métrage, en dix-huit ans, du réalisateur de Nord (1991) et de N’oublie pas que tu vas mourir (qui reçut le Prix du jury à Cannes en 1995), Des hommes et des dieux est d’abord un film sur une communauté humaine mise au défi de son idéal par la réalité _ voilà !


Le film est tourné de leur point de vue _ oui : intradiégétique, si l’on veut : depuis leurs visages… _, et partant, de celui d’un ordre cistercien qui privilégie le silence et la contemplation, mais aussi le travail de la terre, la communion par le chant, l’aide aux démunis, les soins prodigués aux malades, la fraternité avec les hommes _ c’est magnifiquement résumé par Jacques Mandelbaum ici… C’est de cette exigence spirituelle _ c’est cela ! _ que le film veut _ en et par son image _ rendre compte, de ce sentiment pascalien de la finitude de l’homme, de l’ouverture à autrui qu’il implique _ très essentiellement : c’est  lumineusement fort !


Sa lenteur, son dépouillement, sa fidélité au rituel de la communauté _ oui _, la connivence partagée avec leurs frères musulmans _ oui _, la beauté déconcertante _ oui _ du paysage (le monastère a été reconstitué au Maroc), sont pour beaucoup _ en effet _ dans la réussite de cette ambition. La troupe d’acteurs, d’une remarquable _ le mot est faible : ils « incarnent«  ceux qu’ils représentent (figurent), font vivre, de nouveau ; ou pour l’éternité : dans le quotidien de leur questionnement alors… _ justesse (parmi lesquels Lambert Wilson et Michael Lonsdale), donne corps _ et chair présente _ à ces antihéros refusant de se rendre à la raison _ la realpolitik et sa basse police… _ du monde tel qu’il est _ = fonctionne.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film, mardi 18 mai, Lambert Wilson a livré une information sur sa préparation qui permet d’expliquer cette justesse : « Curieusement, cette fusion qu’ont ressentie les moines, nous l’avons aussi vécue. Nous avons fusionné dans les retraites _ monastiques : à l’abbaye de Tamié _ et fait des chants liturgiques. Le chant a un pouvoir fédérateur. »

Puis vient l’heure de la crise, de la mise à l’épreuve _ voilà : tout homme passe par là, même si ce n’est pas nécessairement aussi tragiquement. Le hideux visage de la terreur se rapproche, des ouvriers croates sont égorgés non loin de là _ aux environs de Médéa. Elle finit par frapper à la porte _ même _ du monastère, une nuit de Noël. Les terroristes sont à la recherche d’un médecin et de médicaments pour leurs blessés. Les moines refusent de se déplacer, mais accepteront de soigner les blessés dans l’enceinte du monastère. Une scène capitale a lieu ici : la poignée de main entre le prieur de la communauté (Wilson) et le chef des terroristes.

Ce geste opère un rapprochement entre deux extrêmes irréconciliables de la conviction mystique : la conquête des esprits par la violence et le sacrifice de soi-même pour l’exemplarité de l’amour _ oui. C’est au cheminement héroïque _ ou saint _ des moines vers ce second terme qu’est consacrée la majeure partie du film _ en effet. Refusant l’aide _ très pressante _ de l’armée _ en guerre civile, ne l’oublions pas ! _, préservant la fraternité avec la population locale _ oui ! c’est très important pour eux (tous)… _, surmontant leur peur et leurs divisions internes _ du début _, les moines prendront à l’unisson, comme dans le chant qui les rassemble _ oui _, la décision _ du courage _ de rester.

Quelques scènes magnifiquement inspirées _ le mot est particulièrement juste ! _ ponctuent cette lente montée vers le martyre _ potentiellement (= à l’avance) assumé sans être ni recherché, ni défié… La lutte visuelle et sonore entre l’hélicoptère vrombissant de l’armée et le chant des frères rassemblés. Ou encore cette bouleversante série de travellings sur les visages des moines, à l’issue de la décision qui engage leur vie, accompagnée par le déchaînement lyrique du Lac des cygnes de Tchaïkovski. Il fallait oser ce plan digne de Dreyer et de Pasolini _ oui ! _, au risque de la boursouflure, du credo béni-oui-oui _ mais ce n’est pas le cas ; l’initiative du geste est attribuée, ici, à Frère Luc…

Beauvois a osé, et il a bien fait _ oui ! Et le reste est quasi silence ; de la part des moines… C’est bien le diable si ce très beau film _ discrètement sublime, pour mon regard, du moins… _ produit par Pascal Caucheteux (déjà bienheureux en 2009 avec Un prophète) ne remporte pas à Cannes _ et auprès des spectateurs de cinéma de par le monde, maintenant _ quelque chose de grand à l’heure du jugement suprême.

Film français de Xavier Beauvois avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Jacques Herlin. (2 h 00.) Sortie le 8 septembre.

Jacques Mandelbaum
Article paru dans l’édition du 20.05.10

Et pour compléter en beauté mon dossier,

voici cet excellent entretien avec Xavier Beauvois

réalisé par Thomas Baurez :

Xavier Beauvois : « Réaliser un film comporte une bonne dose d’inconscience« 

publié le 07/09/2010 à 13:00 sur le site de L’Express :

REUTERS/Vincent Kessler

Un an après Audiard et son Prophète, c’est au tour de Xavier Beauvois de remporter le grand prix du Festival de Cannes. Des hommes et des dieux confirme la puissance d’une mise en scène pure et gracieuse. Rencontre avec un cinéaste habité.


« J’ai eu la chance d’apprendre le cinéma en côtoyant des critiques de cinéma comme Jean Douchet et Serge Daney. Ils m’ont montré les liens qui peuvent exister entre un film, l’architecture, la psychanalyse, le théâtre ou encore la littérature. J’ai compris également que le véritable sujet d’un film n’est pas forcément celui _ sujet apparent : montré _ que l’on voit sur l’écran. Avant, le cinéma ressemblait à une 4L, une voiture agréable pour rouler, et tout d’un coup des mecs m’ont donné les clés d’une Bentley ! Vous réalisez que ce que vous considériez comme un divertissement est un art total _ voilà l’horizon (perceptible et justifié !) de l’œuvre (entier, probablement) de Xavier Beauvois. Pour paraphraser un entraîneur de foot anglais, je dirais: « Le foot, ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est beaucoup plus important que ça ! » Claude Chabrol abuse peut-être quand il affirme que la mise en scène peut s’apprendre en un quart d’heure, mais techniquement, ce n’est effectivement pas très compliqué. L’important _ au-delà de ce « techniquement«  _ est de se construire une morale de cinéma, savoir ce que l’on veut dire et comment l’exprimer _ that’s it !!! J’ai commencé comme stagiaire sur des tournages, notamment sur Les innocents, d’André Téchiné. Je me suis incrusté dans la salle de montage, puis j’ai assisté au mixage. Je me suis également formé en regardant beaucoup de films, surtout les mauvais. Avec les bons, tu ne vois rien, tout est très discret _ là est la délicatesse de l’Art _, les points de montage, les mouvements de caméra sont invisibles. Lorsque la mise en scène saute aux yeux, c’est qu’il y a un souci. Faire du cinéma, ce n’est rien d’autre qu’apprendre à désapprendre _ mais c’est le cas de tout Art : transcendant ses techniques-moyens… On a beau connaître toutes les théories du monde, il faut savoir s’adapter _ à l’absolument inconnu qu’il s’agit et d’approcher et saisir-cueillir, et le donner à ressentir. Pour cela, il faut absolument inventer, improviser, créer : avec courage ! en se jetant soi-même à l’eau… Prenez le travail sur le son pour Des hommes et des dieux. Nous tournions dans un monastère où tout est silencieux, il n’y avait pas besoin d’en rajouter _ en effet… Il faut simplement le donner à entendre… J’ai coutume de dire: « Lorsque je suis flippé dans la rue, il n’y a pas un quatuor à cordes qui joue derrière moi ! »

DR

Les comédiens du film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois _ incarnant les moines de la communauté de Tibéhirine ; c’est le huitième, celui incarnant Frère Luc, qui prend cette photo…

Ecouter son film

Désapprendre _ voilà l’Art _, c’est aussi savoir mettre le scénario de côté au moment du tournage. Le script n’est qu’un vulgaire outil de travail, pas une œuvre d’art. Sur le plateau, les choses me viennent dans le feu de l’action _ tout Art est ainsi : fils de ce feu-là… Il faut écouter son film, comme s’il avait une âme _ idea, au moins. On a beau échafauder des plans, au final, il faut _ toujours _ composer avec son instinct _ le feu de l’intuition inspirée. Si on ne sent pas _ æsthesis _ les choses, il faut passer à autre chose et tout réinventer. J’ai réalisé mon premier long métrage, Nord, en 1992, à seulement 25 ans. Sur le plateau, je me suis comporté comme un petit chef nazi. Je hurlais parce que j’avais la tronche d’un lycéen qui passe son bac face à des types qui avaient la cinquantaine. Je devais montrer que j’étais le patron. Réaliser des films comporte _ comme tout Art _ une bonne dose d’inconscience _ à commencer par la part cruciale de ce feu, toujours lui… Si on commence à trop réfléchir _ sans l’élan… _, on ne fait plus rien _ que de la technique : réduite… J’ai su également écouter mes collaborateurs _ au cinéma, tout particulièrement : travail d’équipe s’il en est… J’ai gagné beaucoup de temps. Le but est d’essayer de faire des films plus intelligents que soi. Le plus dur, c’est de savoir comment y parvenir. Lorsque vous mettez en scène, vous êtes _ consciemment ou pas _ porté par des références artistiques. Dans une interview, Patrice Chéreau a dit: « On ne peut pas filmer un homme allongé sans penser au tableau du Christ de Mantegna. » Ainsi, dans la séquence où le terroriste blessé est soigné par frère Luc, je l’ai cadré de la même manière. Je ne me suis pas appesanti pour autant et j’ai immédiatement cassé l’effet. Toutefois, s’interdire de le faire serait une erreur. Le cadrage est parfait. Je pique des idées un peu partout _ bien sûr : le tout étant de les faire (vraiment) siennes, dans le motus proprius de l’œuvre… Au début du Petit lieutenant, par exemple, je me suis souvenu de ce conseil d’Hitchcock : « Si vous avez des choses compliquées à filmer, prenez du recul et cadrez la scène de très loin. » Dans mon film, je voulais montrer mon protagoniste qui monte à la capitale. C’était son rêve, il est très impressionné. À la base, je voulais le montrer dans différents endroits touristiques. Finalement, je suis monté en haut de la tour Eiffel et j’ai fait un panoramique sur tout Paris. En un plan, tout était dit.

REUTERS

L’équipe du film sur les marches du Palais des Festivals à Cannes

Traîner dans les décors

C’est un ami producteur qui m’a fait parvenir anonymement le scénario de Des hommes et des dieux. Il s’appelait: Les sept moines. C’était librement inspiré de la tragédie des moines cisterciens de Tibéhirine, enlevés et exécutés en Algérie en 1996. J’ai accepté à condition de pouvoir réécrire le script _ le faire vraiment sien : qu’il exprime « son » monde : c’est capital !.. Je me suis rapproché un peu plus de la vraie histoire _ intime ; et pas pseudo historique. Avant de commencer à bosser, je suis parti en retraite dans une abbaye en Savoie pendant quelques jours. La mise en scène a commencé _ vraiment _ à partir de là. Très vite, je me suis aperçu, qu’il était idiot de faire des travellings durant les offices. Des cadres fixes suffisaient, en respectant des axes purs de caméra. En revanche, lorsqu’ils sont en extérieur, ils sont plus mobiles, donc la caméra peut bouger. Je n’oublie pas que mon travail consiste à faire la mise en scène d’une mise en scène _ voilà _, en l’occurrence celle de la vie des moines, parfaitement réglée _ par le rituel. Il convient donc de rester humble _ certes _ par rapport aux choses que vous filmez. Avant le premier jour de tournage, j’ai montré à toute mon équipe Les onze fioretti de François d’Assise, de Roberto Rossellini, afin d’indiquer dans quel esprit _ voilà : rossellinien ! _ nous devions travailler. C’était une façon de rendre hommage au cinéma _ le medium de l’œuvre à réaliser _ avant de rentrer sur le terrain _ réel. Car une fois que le tournage débute, on devient un mauvais spectateur, on remarque _ parce qu’on s’y focalise _ tous les petits détails, pourtant invisibles d’habitude. Je collabore avec des gens en qui j’ai une entière confiance. Il y a ma chef opératrice, Caroline Champetier, mon décorateur, Maurice Barthélémy, ou encore mon producteur, Pascal Caucheteux. Ensemble, nous allons dans le même sens.

Le monastère où nous avons réalisé Des hommes et des dieux est situé au Maroc. Il était totalement abandonné, nous lui avons redonné des couleurs afin de retrouver la bonne lumière _ si décisive ici ! C’est important pour un cinéaste de traîner _ oui _ dans ses décors _ qui ont une âme ; et sont habités par le génie du lieu… La mise en scène se construit aussi à partir de là. Je me suis donc posé seul pour m’imprégner _ voilà : méditativement, d’abord _ de l’atmosphère _ par l’æsthesis la plus ouverte et la plus concentrée, en même temps. Comme nous tournions dans un décor unique, j’ai pu travailler dans la chronologie. C’est toujours préférable _ pour le sens. J’ai utilisé le Cinémascope, comme un western, afin de mettre en valeur les paysages _ c’est parfaitement réussi ! Pour la séquence où l’armée débarque au monastère, j’ai mis à fond la musique d’Il était une fois dans l’Ouest (rires). Sur le plateau, je définis d’abord mon cadre avec Caroline, puis je la laisse faire pour me concentrer sur les acteurs _ les visages, les postures des corps et des mouvements. La plupart du temps, je tourne avec un objectif de 40 mm qui se rapproche le plus de l’œil humain. Chaque séquence est imaginée comme un tableau vivant _ voilà. Ma scripte insiste pour que je fasse un découpage technique en amont pour anticiper _ un minimum _ les choses au moment _ du feu de l’action _ du tournage, mais je n’y arrive pas _ ça déborde ! Tout se met en place sur le moment _ bien sûr ! J’ai la chance de travailler avec des gens rapides _ à la détente de l’entente à instantanément trouver ! Dans l’esprit indiqué et visé…

REUTERS

Xavier Beauvois reçoit le Grand Prix au Festival de Cannes des mains de Salma Hayek

Des acteurs, pas des comédiens !

Sur mes plateaux, dès que je vois un comédien, il dégage tout de suite ! Je veux uniquement des acteurs, c’est-à-dire des gens qui, entre « moteur » et « coupez« , vont être _ voilà _ un prêtre et ne vont _ surtout _ pas chercher à le jouer. Alain Delon disait qu’acteur, c’est un accident : c’est Lino Ventura, un catcheur qui fait du cinéma. Ce n’était pas prévu. Je ne fais pas d’essais, ni de lecture _ c’est l’invention risquée sur le champ, à la seconde, d’une incarnation juste. Tous mes interprètes sont partis ensemble faire une retraite dans un monastère. Ils ont ensuite pris des cours de chant dans une église à Neuilly. Enfin, ils sont venus à la maison, manger un barbecue afin que nous devenions potes _ l’empathie était nécessaire. Il fallait qu’entre eux, je forme un groupe _ celui d’une communauté. Notre conseiller sur le film m’a dit, lors de la préparation: « Les moines de Tibéhirine étaient comme des fleurs des champs, ni belles, ni originales, mais tous ensemble ils formaient un bouquet merveilleux.« 

Sur le plateau, je suis derrière mes acteurs sans arrêt, je ne laisse rien passer _ il le faut : la vision finale est unique. Dès que je sens qu’ils jouent, je les corrige. Prenez la séquence à la fin où ils sont tous à table et écoutent Le lac des cygnes. Pour les mettre en condition, je les avais prévenus dès le départ de l’importance de cette séquence. Il faudrait qu’ils donnent tout _ un défi ! _ et seraient en très gros plan. Au moment du tournage, j’ai mis la musique, je leur parlais énormément quitte à faire des blagues, j’ai apporté du vin et roulez jeunesse ! La caméra de Caroline Champetier passait de l’un à l’autre, sans savoir quelles émotions elle allait trouver sur leur visage. Nous avons tourné pendant des heures et des heures _ oui : comme le photographe mitraille ; afin de pouvoir choisir, à la fin, un entre mille clichés : Bernard Plossu me l’a appris. Dès que nous n’avions plus de pellicule, nous rechargions le magasin de la caméra, et c’était reparti. Quand ils en ont eu marre de Tchaïkovsky, j’ai passé La passion selon saint Matthieu, de Bach. Une musique qui émeut beaucoup Lambert Wilson. Il s’est mis tout de suite à pleurer. Pour que cette séquence fonctionne, j’ai pris le soin d’éviter de faire des gros plans sur les prêtres pendant la première heure et demie de film, afin qu’à ce moment-là, le spectateur soit touché en les voyant _ à ce moment, plus tard : comme jamais autant auparavant _ si proches. Cette séquence m’est venue à l’esprit au volant de ma voiture. Je roulais en écoutant des musiques au hasard sur mon iPod, et puis d’un coup, j’ai entendu Le lac des cygnes. J’ai immédiatement visualisé la scène _ c’est là le travail d’imageance de l’artiste-créateur… Comme disait Godard, le travelling est une affaire de morale. Tout ce que je fais est d’une grande logique finalement, il n’y a rien d’extraordinaire ! »








DR


Voilà : un grand,

qui fait désormais partie de ceux dont je suivrai les pas,

sans trop de risque de déception…


Le travail ici,

en cet admirable film qu’est Des hommes et des dieux,

de Xavier Beauvois

articule magnifiquement ce que Baldine Saint-Girons,

en son très important récent opus Le Pouvoir esthétique _ cf mon récent article du 12 septembre 2010 : « les enjeux fondamentaux (= de civilisation) de l’indispensable anthropologie esthétique de Baldine Saint-Girons : “le pouvoir esthétique”« _,

nomme :

le plaire et enseigner du Beau,

l’inspirer et ébranler du Sublime,

et le charmer et concilier de la Grâce,

qu’elle baptise « les trois principes du pouvoir esthétique« 

(cf son tableau synoptique récapitulatif aux pages 136-137 de ce livre majeur !)…

Si l’Art _ de cinéma : il le fait sien ! _ de Xavier Beauvois tend spontanément

vers l’émotion (si puissante) du Sublime,

c’est aussi avec la douceur (formidable) de la Grâce

et la retenue (intense et calme) du Beau

qu’il sait le faire,

quasi miraculeusement…

La force _ maximale _ de sa générosité

est tout simplement

merveilleusement bouleversante…

Et pour finir ce dossier,

cette lettre

_ testamentaire ? d’outre-tombe : sans son corps retrouvé… _

à méditer

de Frère Christian de Chergé :

Quand un A-DIEU s’envisage…

S’il m’arrivait un jour _ et ça pourrait être aujourd’hui _

d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant
tous les étrangers vivant en Algérie,
j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille,
se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie
ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu’ils prient pour moi :
comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?
Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes
laissées dans l’indifférence de l’anonymat.
Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre.
Elle n’en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance.
J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal
qui semble, hélas, prévaloir dans le monde,
et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.
J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité
qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu
et celui de mes frères en humanité,
en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort.
Il me paraît important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir
que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre.
C’est trop cher payé ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre »
que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit,
surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam. Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l’Islam qu’encourage un certain idéalisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience
en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme.
Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu,
y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile
appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église,
précisément en Algérie, et déjà, dans le respect des croyants musulmans.
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison
à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste :
« qu’Il dise maintenant ce qu’Il en pense !« .
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.
Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu,
plonger mon regard dans celui du Père
pour contempler avec lui Ses enfants de l’Islam
tels qu’ils les voient, tout illuminés de la gloire du Christ,
fruit de Sa Passion, investis par le Don de l’Esprit
dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion
et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière
pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie,
je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui,
et vous, ô amis d’ici,
aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs,
centuple accordé comme il était promis !
Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « A-DIEU » en-visagé de toi.
Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux,
en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. AMEN !
Insha ‘Allah !

Titus Curiosus, le 25 septembre 2010

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