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Continuer d’apprendre à marcher

07août

Sur « Éloge de la marche » de David Le Breton (aux Editions Métailié, paru en mai 2000)

J’achève à l’instant « Éloge de la marche » de David Le Breton
avec une très vive satisfaction.

D’abord, déjà, d’un titre aussi juste : remercier (par l' »éloge » !) pareille activité _ qu’est « marcher » _

comme une des grâces du bien vivre

Mais qui doit cependant _ ce « marcher » _ « se cultiver« ,
dans une civilisation qui incline fortement à la paresse, à la passivité
(et à la lâcheté).

Nous retrouvons ici
et Kant (« Qu’est-ce que les Lumières ? » en 1784)
et Bernard Stiegler (« Prendre soin _ de la jeunesse et des générations« ) :
toujours autour de la question de la hiérarchie (contre la confusion _ et l’inversion) des moyens et des fins
pour ce qui concerne le devenir
et de l’individu humain
(ou « non in-humain« ,
ainsi que le précise justement Bernard Stiegler)
et de l’humanité,
en son devenir historique et civilisationnel
(face à la tentation
_ cf Nietzsche, le discours du sur-humain, et du « dernier homme« , au Prologue d' »Ainsi parlait Zarathoustra » _
du nihilisme :
ah ! la jouissance sauvagement « inculte »
et « barbare » (cf Michel Henry : « La Barbarie« , en 1987)
du détruire, du ruiner,
et de se détruire _ et de se suicider…)…

« Le corps,
dit David Le Breton page 13,
est un reste contre quoi se heurte la modernité _ technicienne, mécanique, motorique : par les prodiges d’ automatisation de l’ingénierie technologique, procurant au corps mille prothèses qui finissent par nous le rendre inutile, encombrant, obsolète dans le moindre de ses anciens gestes et efforts : à quoi bon se fatiguer quand la machine (voiture, ascenseur, escalator : on vient s’y figer…) vous porte, transporte, jusqu’à vous remplacer vous-même en tant que simple moyen (pour d’autres _ voire, et c’est là le comble du raffinement ! _ pour soi) ? Ainsi en 1999, David Le Breton a-t-il pu écrire un « Adieu au corps« …

(…) Cet effacement (du corps) limite son champ d’action sur le réel,
diminue le sentiment de consistance du moi,
affaiblit sa connaissance des choses.

(…) Les pieds servent davantage à conduire des voitures
ou à soutenir le piéton quand il se fige sur l’escalator

_ ce qui me peine considérablement chaque fois, mais oui !
par tout ce que cela implique du rapport de soi au vivre _
ou le trottoir,
transformant la majorité de leurs usagers

_ de ces pieds _
en infirmes
_ rien moins ! _
dont le corps ne sert plus à rien, sinon à leur gâcher la vie » (page 13, donc) !


Avec ce versant positif-ci, page 14 :
« Les marcheurs
_ eux, dans le monde contemporain, rappelle David Le Breton _
sont des individus singuliers
qui acceptent des heures
et des jours
de sortir de leur voiture pour s’aventurer corporellement dans la nudité du monde.

La marche est le triomphe du corps _ et de la « sensorialité« , ré-activée alors _ selon le degré de liberté _ d’initiative et de fantaisie re-trouvée (des jeux de l’enfance) _ du marcheur. »

Et page 15 :
« Jouissance du temps, des lieux,
la marche est une dérobade, un pied de nez à la modernité
(motorisée et stipendiée).
Elle est un chemin de traverse dans le rythme effréné de nos vies,
une manière propice de prendre de la distance.
« 

Avec ce mode d’emploi-ci, page 16 :
« Mon intention _ d’auteur, précise-t-il, liminairement à son propos _ est de parler de la marche consentie plaisir au ventre,
celle qui sollicite la rencontre,
la conversation,
la jouissance du temps,
la liberté
_ ou fantaisie re-gagnée, j’y insiste _ de s’arrêter ou de continuer le chemin.

Invitation au plaisir _ gratuit _,
et non guide
_ à suivre, copier, imiter _ pour bien faire.
Jubilation tranquille de penser et de marcher
 »
_ les deux allant l’amble…

« Il s’agit seulement
_ en ce petit livre, donc _
de marcher ensemble
_ auteur et lecteur _
et d’échanger
_ en le dialogue actif et amical de l’écriture et de la lecture _
des impressions
_ ouvertes _
comme si nous étions autour d’une bonne table dans une auberge du bord de route,
quand la fatigue et le vin délient les langues
 » :
ainsi, me souviens-je d’un périple
_ à vélo, il est vrai, l’été 1969, sur le chemin de Saint-Jacques (l’année de « La Voie lactée« , de Luis Buñuel) _,
où nous avons dîné deux fois, dans une semblable auberge « du bord de route« , à Deva, en Guipuzcoa,
rien que pour le plaisir de partager notre bonne humeur avec la bonne humeur de convives venant de s’attabler
alors que nous achevions, bien malencontreusement (d’abord _ mais qu’à cela ne tienne ! cela fut vite « réparé » !), notre dessert…

J’admire l’écriture de David Le Breton,
tant pour ce qu’il dit du « fond » des choses
_ et c’est bien du « fondamental » (ou « élémentaire » : c’est le titre du chapitre page 74) qu’il s’agit ici : par le corps, et l’usage ouvert et lucide des sens
(ou « sensorialité » : le mot se trouve dès la seconde phrase, page 11 ;

et encore à la dernière page, au pluriel, cette fois : à propos « d’autres provisions d’images et de sensorialités« , quand « heureusement nous repartirons en balades dans les villes du monde, les montagnes, les déserts« , page 168) ;

et c’est bien du « fondamental » qu’il s’agit, en effet, ici : se repérer _ un minimum _
afin de vivre,
survivre
et d’abord bien vivre (ou vivre au mieux, vivre plus pleinement) ;
que par la méthode : tissant _ magnifiquement _ sa réflexion à celles d’auteurs
dont il se réjouit de citer les belles et justes paroles
, en leur « jus »,
dans le rythme de leur écriture originale (= leurs phrases, leur phraser ;
c’est-à-dire le souffle syncopé de leur respiration.
Ou le génie poétique,
qui se déploie lui-même en une marche,
en quelque sorte, pas après pas posé (ou dansé) sur le sol ;
les pas frappant ce sol,
selon la tonalité diversifiée et le grain du terrain…).

Ce qui donne, pages 16 et 17 : « Balade en toute simplicité
et en bonne compagnie
où il importe aussi
à l’auteur de dire son plaisir non seulement de la marche
mais aussi de maintes lectures
et le sentiment constant
_ la phrase le marque bien _ que toute écriture
est nourrie de celle des autres
et qu’il est légitime
dans un texte de rappeler
cette dette de jubilation

_ ô la belle et juste expression ! _
qui alimente souvent la plume _ et le penser juste et inspiré _ de l’écrivain« .

Avec cette dernière phrase pour conclure (page 17) cette « ouverture », intitulée « Seuil du chemin«  :
« Pour le reste,
ce sont des souvenirs qui défilent,
des impressions,
des rencontres
_ oui ! _,
des conversations à la fois essentielles et dérisoires
_ comme c’est la loi, cela se découvre, pour le « fondamental » _,
en un mot
_ et ce sera le titre d’un livre ultérieur
(en février 2006 _ et sous-titré « Une anthropologie des sens » : j’y adhère pleinement !)
de David Le Breton _
la saveur du monde« .

A propos de « l‘élémentaire » re-trouvé
_ comme le temps chez Proust (dans « Le Temps retrouvé« , au final de « la Recherche« ) _
par l’exercice effectif
_ et on s’en rend on ne peut plus physiquement et physiologiquement compte _
de la marche,
ces quelques remarques-ci, page 74 :
« La relation au paysage est toujours une affectivité à l’œuvre
_ mais oui : elle travaille, et elle crée _
avant d’être _ rien que _ un regard _ détaché du contexte
(just a glimpse).
Chaque espace
_ et son génie
(de lieu : genius loci)
ainsi manifesté,
consentant à nous adresser un petit signe, discret, de connivence véridique _
contient en puissance des révélations
_ rien moins _
multiples
_ polyformes _,
c’est pourquoi aucune exploration n’épuise jamais
un paysage ou une ville

_ et ses ressources (ou trésor) de sens, à l’infini.
On ne se lasse que de vivre » _ tiens donc !
Et voici bientôt le crucial :
« La marche est confrontation
_ de visages qui se regardent, aussi, et enfin, presque de face : en confiance _
à l’élémentaire,
elle est tellurique
et si elle mobilise un ordre social marqué dans la nature
(routes, sentiers, auberges, signes d’orientation, etc.),
elle est aussi immersion
_ ou bain _ dans l’espace,
non seulement sociologie,
mais aussi géographie
_ corps de la terre-mère _
météorologie,
écologie,
physiologie,
gastronomie,
etc.
 » _ tout ce qui tient au lieu.

Avec cette conclusion provisoire :
« En le soumettant à la nudité du monde

Sans titre © Bernard Plossu

_ cf le merveilleux « L’Usage du monde » de Nicolas Bouvier, sur son voyage initial de juin 1953 (au départ de Belgrade) à décembre 1954 (à l’arrivée au Pakistan) _,
elle sollicite en l’homme le sentiment du sacré.« 
David Le Breton le précise ainsi :
« Emerveillement _ au sens propre _ de sentir l’odeur des pins chauffés par le soleil,
de voir
_ simplement voir (= rece-voir, ici, accueillir) _ un ruisseau couler à travers champ,
une gravière abandonnée avec son eau limpide au milieu de la forêt,
un cerf s’arrêter dans la futaie pour regarder passer les intrus.
La tradition orientale parle du
darshana d’un homme ou d’un lieu
pour désigner
un don de présence,
une
aura
qui transforme
_ en se donnant (cela devient rare en un monde marchandisé) _

ceux qui en sont les témoins
_ soit une éducation ; et un soin _,
pages 74 et 75.

Quatre grandes parties pour cet « Éloge de la marche » : la première (et principale)
intitulée « le Goût de la marche« 
(de la page 18 _ « Marcher » _ à la page 99 _ « La réduction du monde où marcher« )
concerne la randonnée pédestre par les bois, par les champs, par les plaines, par les montagnes,
sac au dos.
J’énumère pour le plaisir ses têtes de chapitre :
« Marcher ; le premier pas ; la royauté du temps ; le corps ; bagages ; seul ou à plusieurs ; blessures ; dormir ; silence ; chanter ; de longues marches immobiles ; ouverture au monde ; les noms ; la comédie du monde ; l’élémentaire ; animaux ; l’obliquité sociale ; promenades ; écrire le voyage ; la réduction du monde où marcher« .

La seconde,
tel un intermède
_ peut-être un peu « expédié » : mais ce sont là des cas-limites (ou « héroïques ») _,
de la page 100 à la page 120,
intitulée « Marcheurs d’horizon« ,
concerne des « marches extrêmes« , pour la vie (sauver sa peau),
ou pour l’exploit _ quand il y avait encore des « explorateurs » :
autour de 4 exemples :
Cabeza de Vaca (« des côtes de Floride à celles du Pacifique« , page 101),
René Caillé (« vers Tombouctou« , page 102),
Richard Burton (et John Speke : « en quête des sources du Nil » blanc, page 109)
et Michel Vieuchange (vers Smara : « une ville mythique, abandonnée, au coeur du désert et du danger« , en Mauritanie, page 117) ;
Soit, pour les dates _ et les époques :
_ 1527-1537 ;
_ 19 avril 1827 – 20 avril 1828 – et à Tanger le 7 septembre ;
_ 1857 – 1863 ;
_ septembre 1929 – 2 novembre 1930 – et (bref) retour.

David Le Breton aurait pu citer aussi,
dans le genre
(de celle de Cabeza de Vaca)
les « marches de la mort » _ hors « les camps » _ de 1945 :
celle de Robert Antelme, par exemple (dans « L’Espèce humaine« )
ou celle _ via la Russie _ que racontera Primo Levi dans « La trêve« …

La troisième, très belle et très juste, à nouveau,
bien qu’un peu « rapide » _ elle aurait mérité plus ample « développement » _
de la page 121 à la page 146,
s’intitule « Marche urbaine« 
_ et c’est celle qui, personnellement, me passionne.
Ses têtes de chapitre :
« Le corps de la ville » (de la page 121 à la page 132);
« Rythmes de marche » (de la page 132 à la page 135) ;
« Entendre » ; « Voir » ; « Sentir » ; « Humer » (de la page 135 à la page 146)

appellent bien des commentaires…


Une dernière partie, comme en appendice « spirituel »,
s’intitule « Spiritualités de la marche«  (de la page 147 à la page 166) ;
avec comme têtes de chapitre : « Itinérances spirituelles » ; « Marcher avec les dieux » ; « La marche comme renaissance » : car « dans la trame du chemin » peut « se retrouver le fil de l’existence« … (page 166)


Et une rapide conclusion de 2 pages (167 et 168) : « La Fin du voyage«  :
« Le voyage nous fait et nous défait ; il nous invente« .
Et « nous repartirons en balades dans les villes du monde,
les forêts, les montagnes, les déserts

_ wilderness, dit, après d’autres, Catherine Larère (c’était le vendredi 28 mars dans la salle des Actes de l’Université Bordeaux3-Michel-de-Montaigne, je l’ai écouté le développer, autour d’Emerson, et Thoreau, et John Muir, et Aldo Leopold : « Almanach d’un comté des sables« , etc… : c’était en un colloque sur le « sauvage » organisé par Bruce Bégout et Barbara Stiegler) _,
pour d’autres provisions d’images et de sensorialités _ oui ! _,
découvrir d’autres lieux et d’autres visages _ ne sont-ils pas étonnamment liés ? _,
chercher prétexte à écrire, renouveler notre regard, sans jamais oublier que la terre est faite pour les pieds plutôt que pour les pneus
et que tant que nous avons un corps
il convient de s’en servir
« .
Et, passé une phrase : « dans la jubilation d’être venu là.
Les sentiers, la terre, le sable,
les bords de mer,
même la boue ou les rochers,
sont à la mesure du corps
et du frémissement d’exister
« .

Merci à David Le Breton de ce généreux et salubre (r-)appel…

Titus Curiosus, le 5 août 2008

Sans Titre - © Bernard Plossu

Photographies : Sans Titre, © Bernard Plossu

Probité et liberté de l’artiste

15juil

A propos de « Littoral des lacs » de Bernard Plossu (édité par Images En Manoeuvres Editions / Conservatoire du littoral, en mars 2008)

Exposition de Bernard Plossu, Littoral des lacs, Annecy

J’avais l’intention,
pour poursuivre mes articles de photographie,
de publier mes échanges de mails en mai avec Bernard Plossu :
après celui à propos de l’invito alla mostra milanese « Attraverso Milano »
(et ma remarque  « Kafka » pour ce Milan-là ) ;

celui à propos de l’album
(édité par Images En Manoeuvres Editions / Conservatoire du littoral, en mars 2008)
« Littoral des lacs »
(et ma remarque « Rousseau » pour cette Savoie-là,
reprise par Bernard Plossu :
« oui rousseau et kafka
c’est formidable tes commentaires !
necessaire .
plo
 » )

d’autant plus vite que
le mot de « Rousseau » dans ce mail de Bernard Plossu du 22 mai à 7h48
« oui rousseau et kafka »
est, « rapporté » en cet état (en l’article du blog du 4 juillet)
hors de compréhension du lecteur…
Ce qui est un comble (d’incongruité)
pour un blog !…

Mais l’énigme (« oui rousseau et kafka » ?),
pour qui s’en serait avisé (!!!),
va immédiatement se résoudre ;
et au-delà de ce que je pouvais en imaginer
,
attendre, espérer, on va le constater : vive le blog !!!

Car voici que Bernard Plossu,
de retour de ses campagnes photographiques
et bretonne (trois îles : Houat, Molène et Bréhat)
et espagnole,

prenant connaissance de mes courriels (certains anciens de trois semaines)
_ au milieu de la ribambelle de ceux qui ont pu s’accumuler ce long temps-là _,

réagit à mon article « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra » du 4 juillet,
et m’adresse
_ cette nuit : 1h07, 1h09 et 1h10 _
3 courriels passionnants
qui y ont indirectement ou directement « trait »
: qu’on en juge !

En deux temps, si on le veut bien :
d’abord nos échanges de courriels de mai.
Puis, les tout récents, de juillet.

D’abord, en un premier moment, l’échange
(sur une durée de quinze jours, déjà : le « photographe » était en « expédition »)
des courriels des 6, 21 et 22 mai :

De : Titus Curiosus
Objet :  « Littoral des lacs » : un sublime de poésie de la simplicité
Date :     6 mai 2008 06:52:36 HAEC
À : Bernard Plossu

face à l’album « Littoral des lacs »
entre mes doigts tournant les pages, et sous mon regard

et juste après le courriel expédié 6 secondes auparavant
Objet :  Courir après son ombre en quel couloir ? En minuscules géantes : Milano !…
Date :     6 mai 2008 06:52:31 HAEC

à propos, lui, de l’image « fabuleuse »
du carton d’invitation à « Attraverso Milano » à la galerie Bel Vedere
(et accessible sur « En cherchant bien » depuis le 5 juillet)…

Voici pour « Littoral des lacs » :

Quelle merveille de poésie que « Littoral des lacs » !

Quelle connaissance tranquille, sublimement paisible,
à la distance qu’il faut des lieux,
tout à la fois connus (aimés) et respectés,

dans une familiarité d’ il y a longtemps, d’il y a toujours,
d’enfance même
sans doute _ ce serait le « secret » _,
car pas même « retrouvée »,
mais simplement fidèle : toujours là, en quelque sorte _ mais il a aussi fallu y arriver _
et elle, et toi ;
vous donc ensemble ;
de compagnie,
mais sans confusion aucune,
sans effusion bruyante de fusion : on peut y goûter la qualité et les couleurs du silence,
à la distance « naturelle » d’un respect où l’on perçoit, si l’on s’y focalise si peu que ce soit,  l’effleurement du vent, de la brise, dans les feuillages qui chantonnent.

Compagnie vrai amour,
comme la ritournelle, en accompagnement, donc, à peine fredonnée, d’une chanson de ce pays même,
gambadant juste sur la pulpe des lèvres
_ et pas à plein gosier.

N’est-ce pas aussi,
simplement,
le résultat honnête du cahier des charges,
et ordre de mission
d’un « Conservatoire, en effet,  du littoral »
?
Un « Conservatoire » qui n’en est plus à faire ses gammes (avec ses couacs),
mais qui s’enchante de la petite sereine musique (de jour) du fruit de son discret travail…

Une merveille de simplicité de l’expérience, tout simplement,
oui.

Titus

Ensuite, ceci, en deux temps, l’espace de la nuit :
d’abord, le 21 mai au soir :

De : Bernard Plossu
Objet :  Rép : « Littoral des lacs » : un sublime de poésie de la simplicité
Date :     21 mai 2008 22:37:48 HAEC
À : Titus Curiosus

wow , merci de ce que tu dis des lacs en photos !
romantique à souhait , hein ?
plo

Puis, le 22 mai au matin,
et en « réponse » aux deux courriels à la fois (sur « Milano » et « les Lacs » de Savoie) du 6 mai (6h52, les deux…) :

De :  Bernard Plossu

Objet :     Rép : « Courir après son ombre en quel coul…
Date :     22 mai 2008 07:48:12 HAEC
À :  Titus Curiosus

oui rousseau et kafka
c’est formidable tes commentaires !
necessaire .
plo

Voilà pour le premier moment de l’échange.

Et voici maintenant ce que donne la seconde « étape » :

Au départ, mon envoi de l’article « Attraverso Milano : le carton d’invitation alla mostra » du 4 juillet,
au sein de ce courriel du 10 juillet :

Cher Bernard,

Le blog a démarré sur mollat.com
avec 3 articles :
le premier (« le carnet d’un curieux« ) de présentation de ce blog
le second (« Musique d’après la guerre« ) sur un CD de quatuors à cordes d’un musicien (1878-1955) ayant survécu à 14-18 et s’étant mis à composer en 1919 : Lucien Durosoir
le troisième (« Attraverso Milano« ) sur la carton d’invitation (« invito« ) de ton expo milanaise.

Déjà, je suis curieux d’avoir tes impressions de chacun des trois, un peu « détaillées ».
On peut aussi se parler au téléphone, si tu préfères parler qu’écrire un peu en détails… Enfin, comme ça te chante, bien sûr !..

Je n’ai pas mis en ligne les 2 articles (« Ombres dans le paysage _ pays, histoire (et filiation) » ; et « Lacunes dans l’Histoire« ) à propos du récit d’enquête historique « Jeudi saint » de Jean-Marie Borzeix
pour plusieurs raisons :
d’abord ils sont très longs (J-M Borzeix qualifie le premier d' »étude critique consacrée à (s)on livre« ) ;
ensuite, j’aimerais que ces deux articles (que je trouve « importants »…) disposent de photos (!) ;
et enfin, je vais les faire précéder d’un « avertissement » quant à leur « longueur » : peu banale sur un blog.

Et même j’ai rédigé un article de réflexion sur la longueur (et le style) de mes articles.
Et ce que j’appelle ma « méthode » : « attentive intensive« …

Je vais te l’adresser aussi :
d’abord, pour que tu y mettes à ton inspiration une ou deux photos…
Faire dialoguer texte et photo provoque un formidable gain d’espace pour la pensée-réflexion du lecteur…
Et aussi pour savoir si j’y laisse ou pas une remarque concernant l’histoire de la photo du carton d’invitation d' »Attraverso Milano« ,
cette photo « fabuleuse »
_ je ne l’ai pas laissée.

J’ai en préparation plusieurs articles :
outre celui de réflexion sur la longueur et le style des articles…

_ d’abord, sur le livre « Littoral des lacs« ,
sur le principe de l’article « Attraverso Milano » :
c’est-à-dire me contenter de reprendre notre échange de mails en mai dernier
(ou une sélection : il y a parfois des coupures à faire),
à propos, donc, du livre cette fois, « Littoral des lacs« .
A ce propos, ce serait bien de disposer d’une image de bonne qualité
de la photo de couverture du livre : « Marais de l’Enfer _ lac d’Annecy »
j’ai bien, déjà, celle du carton d’invitation au vernissage,
mais la qualité de l’image importe aussi…
Je viens de re-regarder le livre en recherchant la légende de la photo
(je me souvenais qu’elle était prise au lac d’Annecy) : quelle beauté paisible en émane…
Oui, le « Rousseau » de l' »état _ fictif _ de nature« ,
enfin presque : parce de tels paysages demeurent « travaillés » !..

_ ensuite, sur le DVD du film de David Cronenberg _ cinéaste qui m’intéresse _ « Les promesses de l’ombre » _ :
l’article (avec la thématique des « ombres » de mon article _ non encore en ligne _ sur « Jeudi saint« ) est pas mal avancé ; mais je suis maniaque : j’allonge, je coupe, je peaufine… jusqu’à ce que ça « aille » à peu près…

_ puis, j’en ai 3 en projets assez simples :
un petit article sur « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » de Bernard Stiegler (chez Flammarion), que je viens de terminer de lire.
Le sujet est crucial : former l’attention ; et protéger contre les politiques audiovisuelles de destruction de l’attention.
J’essaierai d’être bref et percutant : il y a le feu au lac !!!

Et  deux autres petits articles de photo sur des livres forts tous les deux :
sur « Prague 1968 » de Joseph Koudelka (aux Editions Tana) : magnifique de vérité (et à pleurer, comme on les voit pleurer de rage !!!
et « The Americans » de Robert Frank (aux Editions Steidl) : un reportage d’est en ouest et du nord au sud aussi perspicace que riche…

_ puis, il va me falloir me mettre à l’article sur « Les années d’extermination » de Saul Friedländer, une très grande chose pour le XXième siècle ; et pas seulement (hélas !)…

J’espère que tes moissons bretonne et espagnole ont été opulentes : je ne me fais pas trop de soucis là-dessus…

A très bientôt, et de diverses façons,

Titus,
toujours trop abondant, comme tu le constates !

Et ce matin, je trouve une brassée de messages de la nuit,
dont des trois-ci qui font passer le « dossier » « Littoral des lacs » à un cran (de « passionnant ») supplémentaire :

dans l’ordre :

De : Bernard Plossu
Objet :     Trans. : BERNARD EN RESIDENCE EN BRETAGNE par le TELEGRAMME DE BREST !
Date :     13 juillet 2008 01:06:58 HAEC
À : Titus Curiosus

infos

b

De :  Ami
Date : 5 juillet 2008 15:29:57 HAEC
À : Bernard Plossu
Objet : BERNARD EN RESIDENCE EN BRETAGNE par le TELEGRAMME DE BREST !

http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/morbihan/bernard-plossu-en-residence-en-bretagne-20080630-3356338_1378695.php#

Bernard Plossu. En résidence en Bretagne
C’est l’une des figures de la photographie, souvent en voyages, presque toujours en noir et blanc, un grain épais qui l’a rendu célèbre. Bernard Plossu est en résidence en Bretagne. Rencontre à Lorient.
Bernard Plossu est en résidence sur trois îles bretonnes : Houat, Molène et Bréhat.

Trois galeries, trois départements, trois îles et un photographe.
Le Lieu, à Lorient, L’Imagerie, à Lannion (22) et Le Centre Atlantique de la Photographie, à Brest (29) invitent Bernard Plossu à une résidence sur les îles d’Houat, Molène et Bréhat, le projet Archipel, et trois expositions en novembre.
C’est un regard nouveau qui se pose sur la Bretagne, celui d’un grand reporter photo, homme du lointain : Nevada, Californie, Sahara ou Mexique…
Toujours avec le même objectif de 50 mm, celui de son Nikkormat, Bernard Plossu est un grand monsieur de la photographie :
« Ma photo a la rigueur de l’École française, un mélange de Corot et de Malevitch, une sobriété qui paraît facile », explique-t-il.
C’est cette sobriété et son grain qui le font choisir pour réaliser une photo d’Isabelle Huppert pour un livre et une exposition sur la comédienne, aux côtés d’illustres photographes, Boubat, Doisneau, Gassian, Lartigue ou encore Lindbergh…
« Je redécouvre la France. »

Il voit la Bretagne comme les falaises de Californie, la même rudesse, le même côté sauvage.

« J’ai toujours habité très loin, je redécouvre la France : le magnifique Aubrac, l’Aveyron, le Jura, la Bretagne… J’y trouve ce que j’allais chercher ailleurs… Des coins sauvages. En Bretagne, ce sont les belles lumières, les beaux gris. »

Très vite, dès ses premiers pas sur l’île d’Houat, Plossu a beaucoup photographié, dès le premier jour, paysages et collines. « Après, j’en ai moins fait. Je vais peut-être aller refaire une photo avec une lumière différente, mais j’ai un ressenti immédiat. » Une bonne sœur qui passe devant une vitrine : photo. Une femme dans la rue : photo. « La photo vient à moi. »

Nourri de peinture, de Constable à Courbet, mais surtout très influencé par le cinéma, et particulièrement la Nouvelle Vague. Il a aussi travaillé sur quelques films de Robert Altman. « Je suis beaucoup allé à la Cinémathèque, et petit, j’étais dans la même classe que Frédéric Mitterrand : il était premier de la classe, et moi dernier ! »

Puis celui-ci :

De : Bernard Plossu
Objet : Trans. : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !
Date : 13 juillet 2008 01:09:26 HAEC
À : Titus Curiosus

t avais je envoyé ça ?
plo

_ réponse, au passage : pas encore !!!
maintenant, oui !

De : Ami
Date : 26 juin 2008 15:55:08 HAEC
À : Bernard Plossu
Objet : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !

Saluti  Mister Plo !
Je crois bien, que tu étais à Thonon, hier soir, pour le vernissage de Littoral des Lacs, enfin, je suppose !
J’ai pour ma part bien aimé l’extrait du texte de François Carassan déniché , je ne sais trop où , sur le WEB !

Désolé, de voir cette critique à l’égard de ton ouvrage !

On s’en fout , on ira se faire des photos dans un paradis perdu, loin des critiques !
ça pourrait faire une chanson,comme celle de Bénabar !
Bien à toi
Ami

http://deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr/

14 mai 2008

Littoral des lacs

®© Bernard Plossu, « Littoral des lacs« , Images en Manoeuvres Editions, 98 pages.

Bernard Plossu LITTORAL DES LACS

« J’ai pu être un ardent admirateur de Bernard Plossu. Notamment du « Jardin de poussière » que je tiens, aujourd’hui encore, comme l’une des plus magiques séries de photo minimaliste. Ce mince ouvrage publié en 1989 par Marval me semble toujours l’expression d’une photographie “point, ligne, plan” à rebours de toutes les représentations exaltées de l’Ouest américain. De Plossu, j’aime également quelques images isolées : cette branche de palmier dans le vent, cette vision d’un enfant sur un pont de bateau… Son « Voyage Mexicain » (Contrejour, 1979) tenu par certains comme fondateur d’une modernité “on the road” de la photographie européenne me laisse plus dubitatif. De nombreuses images sont faibles même si elles vibrent d’une tension toute adolescente. D’être bien plus tard, embringué au côtés de Max Pam ou de Paolo Nozolino dans la défense de la “photographie créative” chère à Jean-Claude Lemagny, a offert à Plossu une reconnaissance institutionnelle, en France du moins. Problème, me semble-t’il, cette doctrine a fossilisé ses adeptes dans une démarche poétisante refusant la déferlante documentaire qui a marqué la photographie contemporaine depuis vingt ans.

Conséquence de l’alignement de Plossu sur l’institution, les commandes publiques pleuvent sur lui depuis des années, donnant la plupart du temps lieu à parution. Voici, à titre d’aperçu, un petit florilège de publications de commande : « Paris, Londres, Paris » (1989), « L’Archipel de Riou » (1993) « Marseille en autobus » (1996), « Porquerolles, Port-Cros : Bernard Plossu, les îles » (1999), « Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, Mémoires » (2002), « Au Nord » (2006), « Des mots de lumière dans les musées de Strasbourg » (2007), « L’étrange beauté de la ville d’Hyères » (2007)… Si l’on ne peut que se réjouir qu’un auteur trouve des commanditaires, on ne peut que déplorer l’esprit moutonnier des institutionnels à la recherche de “valeurs sures” et surtout non conflictuelles.

Le Conservatoire du Littoral, institution précieuse qui soustrait des milliers de kilomètres de côtes et de bords de lacs à la spéculation, a donc à nouveau passé commande à Bernard Plossu pour « Littoral des lacs » . Le résultat en est navrant. Sentiers herbeux sinuants vers la rive, paysages lacustres masqués par les feuillages… Le photographe fait de son mieux pour illustrer la beauté virgilienne de ces paysages protégés. Pourtant, le lecteur s’ennuie à la vue de ces images bucoliques que nulle modernité ne vient troubler, ni dans le cadre, ni dans la prise de vue. Le talent de Plossu s’épuise dans ces exercices de style et on en vient à se demander si Conservatoire a forcément partie liée avec conservatisme. »

Voilà la « critique acerbe« , donc.

Et enfin, au moins provisoirement, du moins,
mais l’aventure (des courriels ; et du blog) déjà me paraît, cette fois encore, prodigieuse
_ vivent les artistes ! ils font déjà parler, même s’ils n’enchantent pas
tout le monde
tout le temps !..
et amitiés comme déplaisirs y ont leur place _

ceci :

De : Bernard Plossu
Objet : Trans. : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !
Date :     13 juillet 2008 01:10:06 HAEC
À : Titus Curiosus

et ma reponse
plo

De : Bernard Plossu
Date : 30 juin 2008 18:12:20 HAEC
À : Ami
Objet : Rép : Une critique acerbe de « Littoral des Lacs » !

salut Ami

de retour …. d’une commande justement, dans les iles bretonnes !

je trouve ton mail,
et ce qui est interessant , c’est que cette commande pour les Lacs Alpins du conservatoire du Littoral,
je l’avais faite justement exprès dans cet esprit romantique XIX° siecle  avec résolument rien de moderne   ,
car c’est l’ambiance que les lieux m’avaient  très explicitement dictée !
( pensé à Balzac ) .

la critique du coup devient  tres interessante
car ces photos sont bien faites ainsi exprès ,
et non  pas par facilité ou nullité banale … !
il ne s ‘agit en aucun cas  » d’une commande de plus » ,
mais de quelque chose au ton bien réfléchi :   et de tout façon je ne bacle jamais une commande , c’est trop important !

et c’est publique , pas le droit de prendre ça à la légère .

ton amigo
el plo

ps : si tu repondais a ce blog ,  ce que je te dis compte , hein  !

Alors ma toute première réaction (« Rousseau« ) à l’album s’éclaire aussi encore
Qu’on relise un peu et « Les Confessions » _ savoyardes pour beaucoup, auprès de Madame de Warens ;
et « Les rêveries d’un promeneur solitaire« , même si ce n’est pas tout à fait la Savoie, et un peu plus tard qu’en la jeunesse,
à l’île Saint-Pierre du lac de Bienne…
Pas assez « moderne » ni « minimal« , forcément (c’est-à-dire « moderniste« ), pour le critique doctrinaire, arc-bouté sur sa vulgate de l’histoire de la photographie (ses « dogmes », « chapelles », « hérésies »).
Quand Plossu, lui (« c’est l’ambiance que les lieux m’avaient très explicitement dictée !«  : on ne saurait mieux dire l’exigence ; et la maîtrise artistique _ « poétique » pouvant vous faire carrément fusiller du regard… _ de la visée toute d’humilité et de grâce du regardeur vrai de ces lieux) ;

quand Plossu, lui, est tout à la fois probe et libre : face à
_ et avec _
l’objet :
en son altérité foncière singulière
: d’objet,
abordée avec respect (réciproque) et énigmatique :

soit, le fin mot de l’énigme des choses _ pas de l’ego !
et de son importune obscénité bouffie de vanité _
en leur altérité…

Titus Curiosus, ce 13 juillet 2008

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