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Irradiant rappel (« vert ») de « Fêtes » slaves : à nouveau le CD Supraphon « Village Stories », via 3 articles réjouis…

19jan

C’est ce vendredi 19 janvier l’article « Noces » de Jean-Charles Hoffelé sur son excellent site Discophilia,

après l’article du vendredi 17 novembre 2023 « Fêtes villageoises entre ripailles et comptines » de Pierre Jean Tribot sur le non moins excellent site du magazine belge Crescendo,

ainsi que le mien, « « , en date du lundi 8 janvier 2024 dernier, sur mon blog Mollat « En cherchant bien »,

qui m’amène à revenir me réjouir sur l’irradiante fête de musique (de Stravinsky, de Janacek et de Bartok) qu’est le très prenant CD Supraphon SU 4333-2 « Village Stories – Stravinsky- Janacek – Bartok »  du Prague Philharmonic Choir dirigé par l’excellent chef tchèque Lukas Vasilek…

NOCES

Vous courrez d’abord aux Trois Scènes de village, l’un des opus les plus abrasifs _ oui ! _ de Bartók où son folklore imaginaire pare d’une folle animation _ voilà _ ou d’un ton mystérieux (la Berceuse) des mélodies qu’il avait notées en Slovaquie. Mariage avec cris d’une verdeur incroyable ici _ oui ! _, qui retrouve l’esprit de l’ancienne version de György Lehel pour Hungaroton, Berceuse étrange dans le mezzo clair de Jana Hrochová, à laquelle Lukáš Vasilek donne des couleurs très Seconde Ecole de Vienne, Danse des filles verte _ à nouveau _ et piquante ; bref, une nouvelle version épatante _ oui, oui ! _ qui rejoint une discographie étonnamment maigre _ hélas, en effet…

Les Noces stravinskiennes, orantes, portées par des percussions cérémonielles (les quatre pianos menés ici par Kirill Gerstein en font, dans l’esprit et la lettre de Stravinski, partie) sont tout aussi saisissantes _ oui ! _, vrai théâtre porté par des solistes qui au-delà du rite dessinent des personnages, Lukáš Vasilek se gardant bien d’en exagérer les effets, privilégiant la narration, puis laissant éclater le discours au long d’un Repas de noces qui frôle la folie _ à nouveau, dans sa sauvagerie d’apothéose.

Perle du disque pourtant, les enfantines que sont Říkadla, où les Pragois savourent les idiomes de ces vignettes dont les notes sont totalement asservies aux mots. Bois verts _ cette fois encore ! _, piano impertinent, un ténor émerveillé pour les herbes _ vertes… _ de printemps avec le babil de la flûte, dix-neuf instantanés de pure poésie qui, je le crois, ont trouvé ici leur version de référence.

LE DISQUE DU JOUR

Village
Stories

Igor Stravinski (1882-1971)
Les Noces, K040


Leoš Janáček (1854-1928)
Říkadla, JW 5/17


Béla Bartók (1881-1945)


Trois Scènes de village,
BB 87b

Katerina Knežíková, soprano
Jana Hrochová, mezzo-soprano
Boris Stepanov, ténor
Jirí Brückler, baryton
Lukáš Hynek-Krämer, basse

Kiril Gerstein, piano (Stravinski)
Zoltán Fejérvári, piano (Stravinski)
Katia Skanavi, piano (Stravinski)
Alexandra Stychkina, piano (Stravinski)
Matouš Zukal, piano

Amadinda Percussion Group (Stravinski)
Dakoda Trio
Zemlinsky Quartet (Bartók)
Belfiato Quintet (Bartók)

Chœur Philharmonique de Prague
Lukáš Vasilek, direction

Un album du label Supraphon SU4333-2

Photo à la une : le chef de chœur Lukáš Vasilek – Photo : © Petra Hajska

Quelle fête, décidément !!!

Ce vendredi 19 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le CD Supraphon SU 4333-2 « Village Stories » (Stravinsky – Janacek – Bartok) du Prague Philharmonic Choir dirigé par Lukas Vasilek : une référence absolue selon le magazine Crescendo…

08jan

Comme le souligne superbement Pierre-Jean Tribot en son article « Fêtes villageoises entre ripailles et comptines » du 17 novembre dernier (2023) du Magazine Crescendo,

le CD Supraphon SU 4333-2 « Village Stories – Stravinsky – Janacek – Bartok« , du Prague Philharmonic Choir sous la direction de Lukas Vasilek _ voir la brève vidéo-teaser de ce CD par Supraphon _,

constitue désormais « une immense référence » de ce répertoire éminemment festif d’Europe centrale…

Leoš Janáček and the generation younger Béla Bartók and Igor Stravinsky were major 20th-century composers markedly influenced by folk music, bringing it to bear in their own creations. Janáček and Bartók also keenly devoted to folklore as theoreticians and collected folk songs around the villages. Stravinsky, for his part, was mesmerised by folk rituals. A case in point is Les noces, which in four choreographed scenes depicts Russian wedding customs. Following significant revisions of the instrumentation, the fourth, definitive, version of the piece received its world premiere in 1923 in Paris, as performed by Sergei Diaghilev’s Ballets Russes, to Bronislava Nijinska’s choreography. Janáček conceived his Nursery Rhymes at the age of 71, shortly after completing the opera The Makropulous Case. He too made changes to the instrumentation before arriving at a satisfactory form. The second version of the set bears witness to Janáček’s being enthralled by Stravinsky’s music. The Three Village Scenes for female voices and chamber orchestra feature arrangements of folk tunes Bartók collected in the Zvolen district in today´s Slovakia. The set is evidently influenced by Stravinsky’s style as well. The three challenging works have been undertaken by Lukáš Vasilek conducting the outstanding Prague Philharmonic Choir, which on numerous occasions have displayed its exceptional qualities and a great sense for performing music inspired by folk art. The album links up to the highly acclaimed recording of Bohuslav Martinů’s Cantatas (Gramophone Editor’s Choice, nomination for the BBC Music Magazine Award) _ je possède aussi ce CD Supraphon SU 4198-2, dirigé lui aussi par Lukas Vasilek, enregistré au Rudolfinum de Prague, en 2015 et 2016…

Voici donc ce bel et très juste article de Pierre-Jean Tribot :

Fêtes villageoises entre ripailles et comptines

LE 17 NOVEMBRE 2023 par Pierre Jean Tribot

Igor Stravinsky (1882-1971) : Les Noces (1917, rev 1923) ; Leoš Janáček (1854-1928) : Říkadla ; Béla Bartók (1881-1945) : Trois scènes de village.

Kateřina Kněžíková, soprano ;  Jana Hrochová, mezzo-soprano ;  Boris Stepanov, ténor ;  Jiří Brückler, baryton ;  Zoltán Fejérvári, Katia Skanavi, Alexandra Stychkina, Kirill Gerstein, pianos ; Amandina Percussion Group, Dakoda trio, Zemlinsky Quartet Belfiato Quintet. Prague Philharmonic Choir, Lukáš Vasilek.

2021 et 2022. Livret en anglais et en tchèque. Texte chanté traduit en anglais. 53’28’’. SU 4333-2

Il est parfois des programmes avec une évidence telle _ en effet ! _ qu’elle n’a pourtant jamais effleurée les concepteurs des programmes de disque ! Avec cet album, sans doute historique, Supraphon nous plonge dans la vie villageoise revue par trois des grands noms de la musique du XXe siècle, trois compositeurs qui ont pris leurs influences dans les danses, les transes et les comptines séculaires, voire millénaires des villages slaves et magyars _ voilà.

Dans les Noces de Stravinsky, Lukáš Vasilek amène ses choristes du Prague Philharmonic Choir, ses solistes et ses instrumentistes au plus profond des âmes _ voilà. Sa lecture du chef d’œuvre stravinskien conjugue tant la violence d’une fête qui déraille _ voilà : dans l’ivresse dionysiaque _, qu’une nostalgie des vies qui s’écoulent et du temps qui passe _ aussi.  Il y a dans la discographie des lectures plus violentes comme celle de Valery Gergiev (Mariinski) ou plus élégantes et racées comme celle de Charles Dutoit (Erato), mais cette nouvelle version conjugue comme jamais l’énergie primitive _ voilà _ avec un geste qui scanne les âmes en profondeur. Lukáš Vasilek a convoqué une équipe exceptionnelle _ oui ! _ pour l’entourer, il suffit de regarder la liste des pianistes d’où émergent les noms de Kirill Gerstein et Katia Skanavi. Tous ces artistes sont au diapason de cette interprétation qui fait briller mille détails _ mais oui : des pépites _ d’une partition que l’on pensait connaître par cœur mais dont on découvre de nouveaux aspects sous ces projecteurs musicaux.

Avant de passer aux brèves mais intenses Trois scènes de village de Béla Bartók, gorgées d’énergie et de couleurs fauvistes _ oui _, le Prague Philharmonic Choir interprète Říkadla, une sélection _ du morave Leos Janacek _ de comptines pour enfants, chansons de nourrices, issues de Bohème, Moravie ou Ruthénie subcarpatique _ qui ont formé la Tchécoslovaquie… Très courtes, chacune de ces pièces ouvre une nostalgie infinie qui émane de la simplicité de ces saynètes illustratives d’un bonheur quotidien, magnifiées par l’harmonisation du compositeur.

Enfin, les Trois pièces de village sont l’apothéose _ sublimissime _ de cet enregistrement par la force coloriste et rythmique _ oui ! _ qui se détache de cette œeuvre patchwork et unique _ rien moins ! _ dans le legs de Béla Bartók.

Tout au long de ce programme, le Prague Philharmonic Choir est superlatif _ oui ! _ tant dans son homogénéité, sa projection que dans ses multiples couleurs : impactant et fruité dans Stravinsky et Bartók, mais poétique et émouvant dans Janáček. La prise de son est magistrale _ comme toujours chez Supraphon _ et nous plonge dans la salle d’enregistrement _ le centre culturel VZLET, à Prague _ au plus près des artistes. Une immense référence  _ c’est dit !

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Une joie irradiante !!!

Ce lundi 8 janvier 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’hommage superlatif de Christophe Eschenbach à la sensualité luxuriante de Franz Schreker (1878 – 1934) en un double CD électrisant intitulé « Der Ferme Klang »

28mai

C’est un superlatif hommage à la musique somptueuse de sensualité luxuriante de Franz Schreker (Monte-Carlo, 23 mars 1878 – Berlin, 21 mars 1934)

que le chef Christophe Eschenbach,

à la tête du KonzertausOrchester Berlin, et avec le concours impressionnant de la  soprano Chen Reiss et du baryton Matthias Goerne _ quel luxe ! _

vient nous offrir en un double CD Deutsche Grammophon 486 3990, intitulé, en référence à l’opéra fameux du compositeur, « Der Ferne Klang« , créé à Francfort le 18 août 1912, « Der Ferne Klang » _ en français « Le son lointain« _ ;

avec un somptueux programme constitué de 7 œuvres du compositeur,

qui nous font percevoir comme jamais jusqu’ici le son musical idiosyncrasique _ lointain ? mais si proche du plus intime et frémissant de l’humain… _ de ce compositeur pas assez _ on comprend vraiment mal pourquoi ! _ donné de nos jours au concert, sur la scène ou au disque…

Voici trois beaux articles rendant l’hommage qu’il mérite à ce vraiment extraordinaire double album Deutsche Grammophon 486 3990 « Der Ferne Klang« 

consacré à un magnifique florilège de l’injustement trop méconnu encore des mélomanes Franz Schreker,

et cela dans l’ordre chronologique de leur parution sur les sites de Crescendo, ResMusica et Discophilia :

_ tout d’abord, en date du 21 mars dernier, sur le site de Crescendo,

la magnifique recension de Pierre-Jean Tribot, si justement intitulée, tout simplement, « Les multiples splendeurs de Franz Schreker » : 

Les multiples splendeurs de Franz Schreker

Le 21 mars 2023 par Pierre Jean Tribot

Franz Schreker(1878-1934)  : Der Ferne Klang. Orchestral Works & Songs. Nachtstück Interlude de l’acte III de l’opéra Der ferne Klang ; Valse lente ; KammersymphonieVon ewige Leben ; Fünf Gesänge ; Kleine SuiteRomantische Suite. Chen Reiss, soprano ; Matthias Goerne, baryton; Konzerthausorchester Berlin, direction : Christoph Eschenbach.  2021 et 2022. Livret en allemand et anglais. Texte chanté en allemand, traduction en anglais. DGG. 00028948639908

Le temps semble peu à peu arriver _ enfin ! L’histoire a de ces injustices !… _ d’un revival de l’œuvre de Franz Schreker. Au fil des saisons on voit poindre à travers l’Europe la programmation de certains de ses opéras ; même en Belgique, l’Opéra de Flandres avait monté son Forgeron de Gand (Der Schmied von Gent). Dans ce contexte, on accueille avec bonheur et impatience cette parution captée à Berlin qui nous propose un beau panorama d’œuvres orchestrales et deux cycles de lieder avec orchestre _ voilà.

L’écriture orchestrale de Schreker est caractérisée par un onirisme musical et sensitif _ sensualissime… _, une  instrumentation capiteuse et ensorceleuse _ voilà _ qui se déploie tant dans la puissance du grand orchestre, comme dans la superbe “Nachtstücke” tirée de l’opéra Der Ferne Klangque dans l’effectif instrumental chambriste de la Kammersymphonie ou de la Kleine suite. Le texte du livret de titre “Le maître du son” ne saurait être plus juste _ voilà _ face aux talents du compositeur qui peut délivrer une puissance digne d’un Strauss _ oui, son exact contemporain… _ et une finesse de traits _ oui ! _ qui sont ici aussi novateurs que personnels. On apprécie aussi la poésie _ absolument… _ d’un musicien dont chaque instant est une saynète dont la narration et les couleurs suggèrent une multitude d’imaginaires.

Christoph Eschenbach est un orfèvre _ oui _ qui cerne avec justesse les caractéristiques et la personnalité de cette musique. Sa direction est brillante et nuancée sans jamais en rajouter dans le démonstratif _ tout à fait… Le Konzerthausorchester Berlin est à la hauteur de la tâche avec un collectif puissant et des individualités majeures marquées par les pupitres de vents. Il déploie une palette de couleurs “fin de siècle” absolument superbes _ oui.

Les deux cycles de lieder Von ewige Leben _ sur des poèmes de l’immense Walt Whitman, excusez du peu ! _ pour soprano et orchestre et les Fünf Gesängpour baryton et orchestre sont d’autres grands moments de ce disque. L’interprétation bénéficie des performances exemplaires _ oui _ de Chen Reiss et Matthias Goerne qui font de chaque phrase un bijou ciselé avec passion. Rompu à l’accompagnement de Liederabend, Christoph Eschenbach est un partenaire attentif qui soigne les nuances.

Ce programme, inédit dans son concept, est une réussite artistique et musicale _ absolue. Individuellement, il existe d’autres très bonnes interprétations de la Kammersymphonie (Franz-Welser Möst à Salzbourg pour Warner) ou de la Romantische Suite (James Conlon à Cologne pour Warner), mais cet album, magnifié par une prise de son de démonstration _ voilà _, est une référence _ tout simplement…

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

_ ensuite, en date du 20 mai dernier, sur le site de ResMusica, un très bon article de Matthieu Roc, sobrement intitulé, lui, « Bel hommage de Christophe Eschenbach à Franz Schreker » :

Bel hommage de Christoph Eschenbach à Franz Schreker

Dans un très beau florilège de lieder et de pièces orchestrales baptisé « Le son lointain », comme son plus célèbre opéra, Christoph Eschenbach contribue à restituer à ce compositeur mal connu qu’est Franz Schreker le lustre qui lui a été usurpé.

Triste _ tragique _ destin musical, que celui de Franz Schreker. Après le démarrage de sa carrière sur des chapeaux de roue (triomphe de son opéra Der Ferne Klang en 1912, nomination au poste de directeur du conservatoire de Berlin en 1920…), sa carrière a été littéralement brisée par les nazis, qui l’ont persécuté et interdit de toute part. Il est étonnant _ et triste _ de constater que presque un siècle plus tard, Schreker peine encore _ pour quelles injustes raisons ? _ à reprendre la place qui est la sienne, celle d’un compositeur majeur _ voilà ! _ du début du XXᵉ siècle, de la même importance _ oui ! _ qu’un Gustav Mahler ou qu’un Richard Strauss. Certes, les mélomanes ont tous entendu parler de lui. Certes, on dispose de quelques belles gravures par-ci par-là, et on a joué il y a peu quelques-uns de ses plus beaux opéras (par exemple à Strasbourg en 2022, Der Schatzgräber), mais il nous manque toujours _ oui ! _ une belle intégrale, ou du moins de belles collections produites par des marques majeures. Espérons que ce très beau coffret publié par l’historique « Deutsche Grammophon Gesellschaft » marque le début d’une forme de reconnaissance et contribue à sortir Schreker de l’ornière où l’histoire l’a _ si injustement _ bloqué.

Le programme, composé comme une très longue symphonie lyrique _ oui _ en alternant des pièces orchestrales et des lieder avec orchestre, montre Schreker sous de nombreuses facettes _ en effet _ et donne une juste mesure de la profondeur _ le mot est très juste _ de son génie. Dès les premières mesures du _ sublimissimeNachtstück, on est saisi par la splendeur _ oui !!! _ des élans profonds et mesurés de ce nocturne, et par le scintillement _ vibrant et doux à la fois _ de cette nuit obscure. D’abord crépuscule nostalgique, la nuit devient peu à peu un océan magnifique de couleurs ombrées et trans-illuminées. Si Schreker fait parfois penser à ses contemporains, Mahler, Zemlinsky, Schönberg, et surtout Pfizner, il est avant tout quelqu’un qui a parfaitement appris, compris et digéré son Wagner _ sans doute. Plus mondaine, plus claire, la Valse lente apporte un peu de fraîcheur dans une œuvre toujours marquée par la gravité et la retenue _ les deux, en effet _ des émotions. La Kammersymphonie (déjà enregistrée par Eötvös, Gielen, Neuhold et Welser-Möst…) déploie ses chatoiements délicieux, et ses contrastes pseudo-mahlériens dans un luxe de couleurs proche de l’hallucination sonore. Tout aussi grisants et magnifiques _ oui _ sont la Kleine Suite et la Romantische Suite. Christoph Eschenbach est parfait _ voilà ! _ pour diriger ces œuvres, à la fois profondément lyrique _ oui... _, mais d’un lyrisme un peu gourmé, sans étalage excessif de sentimentalité. Il excelle surtout à tisser des lignes qui s’entrelacent et magnifient l’écriture subtile et raffinée _ oui _ de Schreker. Le Konzerthaus orchester de Berlin le suit admirablement dans ses intentions, très clair de texture _ oui, lumineux _, pouvant prendre à loisir des allures d’orchestre de chambre comme de grand philharmonique.

Schreker a laissé peu de Lieder, et ceux-ci sont des œuvres très abouties, riches _ à la fois _ par leur texte et par leur orchestration. Von ewigen Leben propose une méditation métaphysique d’une poésie dense _ des merveilleuses et somptueuses « Leaves of grass » , ce chef d’œuvre absolu de l’immense et sublime Walt Whitman _, à partir d’herbe, de feuilles ou de racine. La ligne de chant, acrobatique, s’insinue dans l’orchestration et s’y fond progressivement. Chen Reiss y est superbe à tout point de vue. Elle chante comme un ange _ oui ! _, se joue de tous les écarts de sa partie, et son élocution est très suffisante. Matthias Goerne, dans les Fünf Gesänge, est d’une trempe encore supérieure _ de présence _ : toujours royal voire prophétique _ voilà ! _, il trouve des couleurs de timbre qui se superposent à celles de l’orchestre et porte ses poèmes jusqu’à l’incandescence _ oui. Sa façon d’accepter la mort au terme de son cycle est simplement sublime _ oui.

Ceux qui aiment la Quatrième de Mahler, le Lied von der Erde de Mahler et la Lyrische Symphonie de Zemlinsky _ comparaisons tout à fait intéressantes ! _ n’hésiteront pas, et acquerront rapidement cet album magnifique _ indispensable même ! Il se situe au même niveau de grandeur, de poésie et de beauté _ voilà : c’est tout dire…

Franz Schreker (1878-1934) :

Nachtstück (tiré de l’opéra Der ferne Klang ) ; Valse lente ; Kammersymphonie ; Vom ewigen Leben (deux lieder) ; Fünf Gesänge für tiefe, oder mittlere Stimme (cinq lieder) ; Kleine Suite ; Romantische Suite op. 14.

Chen Reiss, soprano ; Matthias Goerne, baryton ; Konzerthausorchester Berlin, direction : Christoph Eschenbach.

2 CD Deutsche Grammophon.

Enregistrés au Konzerthaus de Berlin en mars, mai et juin 2021.

Texte de présentation et traductions en anglais.

Durée totale : 127:19

_ et enfin, en date du 22 mai, l’article justissime, intitulé » « Le son d’un nouveau monde« , qu’a donné Jean-Charles Hoffelé, sur son site Discophilia :

LE SON D’UN NOUVEAU MONDE

18 août 1912 : lorsque le rideau de l’Opéra de Francfort se lève sur la création du Son lointain _ l’opéra _, on est à deux ans de la première déflagration mondiale. Gustav Mahler s’était éteint l’année précédente. Est-ce une élégie à sa mémoire que Franz Schreker compose dans le saisissant nocturne _ la plage première, de 17′ 29″, du premier CD de ce double très riche album… _ qui sert d’entr’acte à son double CD intitulé Ferne Klang ? Christoph Eschenbach souligne l’hommage probable, comme il fera paraître derrière les diaprures de célesta de la Kammersymphonie les klangfarben de la Seconde École de Vienne.

À la croisée des chemins de la modernité, Franz Schreker perçoit la musique d’autres mondes, il échappera toujours aux écoles, mais pas à la fureur des Nazis qui détestent son art sensuel, ses teintes décadentes, ses sujets sexuels, simplement sa judéité _ voilà.

..

Avec son nouvel orchestre berlinois, Christoph Eschenbach raffine _ c’est somptueux ! _ les sensualités d’une écriture entre mystère et érotisme, avec ses touches d’or, son hommage à un romantisme déjà englouti (la Suite, Op 14) par les temps nouveaux, le ton un peu néo-baroque (avec saxophone) de la Kleine Suite, son panthéisme incarné dans Von ewigen Leben par une appropriation fascinante de deux poèmes de Walt Whitman dans leur traduction allemande dont Chen Reiss embaume les divagations de son timbre ambré _ c’est très exactement cela..

Merveille !, qui ne doit pas en cacher une autre, plus sombre et encore moins courue au disque. Ces Fünf Gesänge écrits à cheval sur la Grande GuerreSchreker les commence en 1909 pour les parachever en 1922 – dont Matthias Goerne murmure les mystères teintés de symbolisme, caresse les abimes opiacés, cycle majeur du lied postromantique que le disque avait jusque-là confié à une mezzo. Le grand violoncelle du baryton en ouvre les abimes philosophiques, en dévoile les sombres paysages.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schreker (1878-1934)


Der ferne Klang – Nachtstück
Valse lente
Kammersymphonie
2 lyrische Gesänge*
5 Gesänge**
Kleine Suite
Romantische Suite, Op . 14

*Chen Reiss, soprano
**Matthias Goerne, baryton
Konzerthausorchester Berlin
Christoph Eschenbach, direction

Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4863990

Photo à la une : le chef d’orchestre Christoph Eschenbach – Photo : © Marco Borggreve

 

Une réalisation absolument indispensable de beauté.

Écoutez-en ici les sublimissimes 17′ 28″ du Nachstück (intermède de l’acte III de l’opéra « Der Ferne Klang« )… 

Ce dimanche 28 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le parfait classicisme assumé de Christian Poltéra dans un lui-même parfait CD Bis-2507 « Haydn-Hindemith »…

06fév

À la rescousse de mon article du 22 décembre dernier, « « ,

ainsi que de celui, le 22 août précédent, sur ResMusica, de Pierre-Jean Tribot, sous le titre de « Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra« ,

voici maintenant sur ce même CD Bis Records 2507,

cet article-ci, « Le virtuose« , de Jean-Charles Hoffelé en date du 4 février 2023.

 

LE VIRTUOSE

La franchise de l’archet, le plaisir voluptueux des traits _ oui _, le vaste soleil qui inonde l’orchestre _ voilà _ dès le Moderato du Concerto en ut, comment ne pas céder au pur plaisir physique du jeu de Christian Poltéra ?

Abordant ces deux chefs-d’œuvre du classicisme _ en effet, joyeux et serein _, le violoncelliste leur ôte la patine sentencieuse dont on les aura trop souvent alourdis. Comme jadis Frédéric Lodéon, Christian Poltéra chante à archet déployé, et emporte les Finales dans des tempos fusants. Sa virtuosité est invisible _ comme cele se doit _ tant tout vole ici, et sourit, musique absolument heureuse _ oui ! _, sans une ombre, où les Adagios prennent des airs de sérénades de plein air.

Poltéra ajoute le chant noble de l’Adagio de la 13e Symphonie, vrai petit concerto pour son instrument, avant de passer de la lumière à l’ombre, renouant avec son tropisme pour le XXe siècle, et s’appropriant la Trauermusik que Paul Hindemith destinait à l’alto, quatre méditations dont les chants nostalgiques emplissent sa grande caisse. Admirable _ oui, comme toujours avec Poltéra _, mais soudain on regarde ailleurs.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Joseph Haydn
(1732-1809)


Concerto pour violoncelle et orchestre No. 1 en ut majeur, Hob. VIIb:1
Concerto pour violoncelle et orchestre No. 2 en ré majeur, Hob. VIIb:2
Symphonie No. 13 en ré majeur, Hob. I:13 (extrait : II. Adagio cantabile)


Paul Hindemith (1895-1963)


Trauermusik

Christian Poltéra, violoncelle
Münchener Kammerorchester

Un album du label BIS Records 2507

Photo à la une : le violoncelliste Christian Poltéra – Photo : © DR

Ce lundi 6 février 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

De bonnes nouvelles de l’excellent violoncelliste suisse Christian Poltéra : un très réussi CD Bis Joseph Haydn – Paul Hindemith

23déc

Parmi les assez nombreux excellents violoncellistes d’aujourd’hui,

Christian Poltéra déçoit bien rarement.

À preuve,

ce récent CD Bis SACD 2507 « Haydn Cello Concertos in C & D – Hindemith Trauermusik« ,

dans lequel le violoncelliste suisse _ né à Zurich en 1977 _ dirige aussi, de son violoncelle, le Münchener Kammerorchester.

Bien sûr, ce répertoire, bien connu pour sa qualité, compte pas mal de très bonnes interprétations au disque ;

mais la réalisation, justissime, de Christian Poltéra est sans défaut.

Un avis partagé par Pierre-Jean Tribot, sur le site de Crescendo, en date du 22 août 2022,

en un article intitulé « Haydn revisité en perspective par Christian Poltéra« :

Haydn revisité et en perspective par Christian Poltéra

LE 22 AOÛT 2022 par Pierre Jean Tribot

Joseph Haydn (1732-1809) : Concerto pour violoncelle n°1 en Ut Majeur, Hob.VIIb:1  : Concerto pour violoncelle n°2 en Ré majeur, Hob.VIIB:2 ; Symphonie n°13 en Ré majeur, Hob I:13 (« Adagio« ) ;

Paul Hindemith (1895-1963) : Trauermusik pour violoncelle et orchestre à cordes.

Münchener Kammerorchester, Christian Poltéra.

2021. Livret en anglais, allemand et français. 61’20’.’ BIS-2507.


Le violoncelliste suisse Christian Poltéra poursuit ses pérégrinations à travers le répertoire pour violoncelle _ voilà _ avec une nouvelle étape centrée sur deux piliers du répertoire : les deux concertos de Haydn, mis en perspectives avec la Trauermusik, jouée ici dans sa rare version pour violoncelle, bien moins pratiquée que la version pour alto.

Les concertos pour violoncelle de Haydn comptent parmi les œuvres les plus enregistrées _ en effet _, souvent par des jeunes solistes en quête de notoriété. On pointe trop souvent un concept interprétatif démonstratif et survitaminé qui galvaude en partie l’esprit de ces partitions. Heureusement, avec Christian Poltéra on entre au cœur de l’art de l’interprétation _ voilà. Le musicien impose un climat de musique de chambre (il faut rappeler que l’effectif orchestral est réduit) _ oui _ avec un superbe travail sur les dynamiques, les nuances et les moindres détails des partitions. Haydn scintille ici comme une pierre précieuse dans une _ sereine _ lumière d’été _ oui. Le Münchener Kammerorchester est le partenaire idéal et on apprécie son adaptabilité et sa justesse de ton et de style. Le haut degré technique et la qualité d’écoute mutuelle de ces musiciens font de l’interprétation de ces concertos, une nouvelle référence. Nos oreilles n’avait pas été aussi enthousiastes depuis l’album de Jean-Guihen Queyras pour Harmonia Mundi, il y a déjà près de 20 ans !

Le bonheur est complété par le superbe “Adagio” de la Symphonie n°13 qui met en avant le violoncelle.

Dans Hindemith, le ton est grave, et les musiciens imposent le climat de retenue et de noirceur requis _ c’est sobrement et justement dit. Un CD parfaitement équilibré.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Un CD dont je ne voulais pas me passer, et qu’il m’a fallu commander.

Ce vendredi 23 Décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

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