Ce matin du 3 août,
découverte de deux articles,
Diminution, Division: Distraction Or Artful Enrichment ? sur ClassicsToday (sous la plume de David Vernier)
et
Leonor de Lera, pour interpréter la musique de la manière la plus précise possible sur ResMusica (sous la plume de Maciej Chiżyński),
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consacrés au récent travail de la violoniste Leonor de Lera
concernant le développement de l’art de la diminution instrumentale, à la jointure de la Renaissance et du début du Baroque ;
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et à l’occasion de la parution du CD L’Arte di diminuire Works by Marini, Uccellini, Rossi, Kapsberger, others,
le CD Challenge Classics 72843, par L’Estro d’Orfeo, dirigé par Leonor de Lera, violon baroque.
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Une réflexion qui me rappelle celle des musiciens d’il y a au moins 30 ans, qui exploraient ce répertoire de la Renaissance et des débuts du Baroque ;
et tout particulièrement les Traités de diminutions
qu’ils découvraient _ et dévoraient de curiosité ! _ avec une passion communicative dans quelques bibliothèques italiennes ou espagnoles..
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Les voici, ces deux articles :
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Le 31 juillet 2020 par Maciej Chiżyński
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Leonor de Lera est fondatrice, directrice artistique et violoniste de L’Estro d’Orfeo, un ensemble de musique ancienne spécialisé dans le répertoire instrumental du XVIIe siècle, dont nous avons récemment chroniqué le dernier disque _ l’article (de Cécile Glaenzer), le 26 avril dernier, s’intitulait Guirlandes musicales par L’Estro d’Orfeo.
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ResMusica : Comment avez-vous conçu le programme de votre nouveau disque ?
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Leonor de Lera : Je voulais créer un programme qui souligne et mette en évidence l’importance _ essentielle _ des diminutions _ voilà _ dans la musique de la Renaissance et au début du Baroque. Les diminutions, pratique de l’ornementation improvisée ou variation mélodique propre à cette période, se trouvent systématiquement dans les traités et la musique de l’époque, ce qui indique clairement qu’il s’agissait d’un sujet d’une importance primordiale _ voilà. Les diminutions n’étaient pas seulement utilisées pour embellir un morceau musical mais aussi pour créer _ voilà _ de nouvelles mélodies, ce qui, à mon avis, donne une musique merveilleuse _ la création n’étant jamais tout à fait ex nihilo... L’idée qui sous-tend ce disque était de présenter cela au public, ainsi que d’explorer et d’approfondir la pratique répandue alors des diminutions, tout en incarnant _ sonorement, au concert et au disque _ le rôle du musicien de l’époque. Pour cela, j’ai choisi un programme qui inclut les exemples publiés par les grands compositeurs de l’époque sur les motets renommés, des diminutions – ou variations – sur des mélodies et des danses populaires de l’époque, et enfin _ et aussi ! _ des diminutions ajoutées par les interprètes de l’ensemble L’Estro d’Orfeo, ce qui était l’objectif du musicien cherchant à maîtriser _ in concreto _ le sujet des diminutions.
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RM : Comment percevez-vous les œuvres que vous abordez : comme une musique laissant s’exprimer, tour à tour, les différents instrumentistes, ou plutôt comme une musique mettant en avant le dialogue entre leurs parties ? Comment voyez-vous le rôle du dialogue dans la musique instrumentale baroque des premières décennies du XVIIe siècle ?
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LDL : Je pense qu’il y a les deux : c’est une musique qui permet de s’exprimer chacun à son tour, et aussi de dialoguer. Cela dépend bien sûr du morceau. Nous trouvons des pièces écrites en forme de dialogue où les lignes se manifestent les unes après les autres ; parfois elles se relaient, parfois elles « parlent » en même temps. Nous percevons des questions, des affirmations, des exclamations _ voilà : avec affects bien sensibles… _, tout cela dans le langage abstrait _ du moins non verbal _ qu’est la musique. D’un autre côté, nous trouvons également des pièces qui sont délibérément écrites pour faire ressortir chaque instrument à tour de rôle comme soliste. Un exemple clair de cela nous est offert dans le Vestiva i colli a doi de Bartolomé de Selma y Salaverde que vous pouvez trouver dans notre CD. Cela étant dit, les dialogues et l’expression plus soliste de chaque instrument n’est pas propre aux morceaux écrits _ mais concerne aussi les nécessaires improvisations des interprètes sur le vif de leur jeu. Ce répertoire nécessite une grande contribution _ et engagement créatif _ de la part de l’interprète ; les dialogues peuvent donc susciter un embellissement supplémentaire à la musique _ quand c’est pleinement réussi _, proposé par l’instrumentiste. D’autre part, les pièces écrites sur une basse obstinée (comme par exemple une Ciaccona) donnent assez de liberté aux interprètes et sont de bons exemples où l’on peut ajouter quelques mesures pour que la basse continue improvise _ voilà _ , leur donnant ainsi la possibilité de s’exprimer individuellement _ selon leur idiosyncrasie.
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Je pense que le dialogue était très important dans cette musique _ oui. Nous le trouvons écrit mais l’idée était aussi de contribuer _ chacun des interprètes, à leur tour, à partir de ce qu’a lancé le compositeur en son écriture, ou son jeu, quand lui-même joue… _ aux morceaux afin de rendre la musique plus vivante _ oui, par ce qu’apporte, à son tour, l’invention du jeu des instrumentistes _ et plus personnelle _ selon, bien sûr, la qualité de l’esprit de chacun, et même du moment… Nous devons utiliser les mêmes outils que nous le ferions en langage parlé _ qui invente sur le champ ce qu’il dit, en improvisant à bon escient, ou pas. En fin de compte, la musique est une autre forme _ mais autre que verbale _ de langage, donc le dialogue est, à mon avis, indispensable _ absolument ! se contenter de reproduire (ou de re-lire) des formules toutes faites est stérile et cruellement ennuyeux !
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RM : Vous abordez des œuvres de compositeurs du baroque précoce, notamment italiens, mais aussi espagnols, y compris une page de Francesco Rognoni. Vous êtes-vous familiarisée avec son traité sur la musique avant d’interpréter sa partition et si oui, comment cet ouvrage, ainsi que d’autres traités, ont-t-il influencé votre réflexion ?
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LDL : Oui, effectivement ce disque est presque en totalité composé de musique italienne _ pour des raisons simplement historiques : c’est en Italie qu’est apparue cette pratique musicale. J’ai décidé tout de même d’inclure un compositeur espagnol (Bartolomé de Selma y Salaverde) car une de ses pièces me paraissait un bel exemple de diminutions écrites pour deux instruments solistes. Il était parti en Italie _ voilà ! _ dans sa jeunesse pour continuer ses études de musique, et son ouvrage est clairement influencé par l’école italienne. J’ai donc pensé qu’il cadrait bien avec le reste du programme du CD.
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D’autre part, Francesco Rognoni est, avec son père Riccardo Rognoni, l’un des principaux musiciens à avoir consacré des traités au sujet des diminutions. Violoniste lui-même, son travail est en effet très important et indispensable pour quiconque souhaite approfondir ce sujet, en particulier les violonistes. Je connais très bien son travail, en fait j’utilise son traité sur les diminutions _ paru en 1620 _ dans mes exercices journaliers, et il a été ma première source de référence et d’inspiration pour ce disque. J’ai évidemment utilisé comme référence aussi l’œuvre d’autres compositeurs comme Dalla Casa, Bovicelli, Bassano, Spadi, etc. car je pense qu’il est important et nécessaire de connaître les différents styles de chaque compositeur _ oui _ et leurs « écoles » respectives _ en effet _ afin d’interpréter la musique de la façon « la plus précise » possible _ oui.
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RM : La musique que vous jouez appartient au style moderne _ par rapport à la Renaissance. Comment comprenez-vous, musicalement parlant, la révolution qui s’est déroulée lors du passage de la prima prattica à la seconda prattica ? Quels sont les éléments phares de la musique « moderne » : est-ce la théâtralité, l’expressivité flamboyante, la liberté du discours ou bien tous ces éléments réunis ?
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LDL : Effectivement, la seconda prattica a été une révolution, qui d’autre part était inévitable. La musique, comme tous les Arts, doit évoluer _ par élémentaire sollicitation créative de l’imageance : seulement reproduire et répéter est mortel… _, et l’évolution à son tour, signifie le changement. C’était nécessaire, non pas parce que la musique précédente n’était pas de bonne qualité (bien au contraire ! _ elle-même incitant à créer (et avec bonheur) à son tour, à partir d’elle, et en s’en déprenant plus ou moins… _) mais parce qu’il y avait encore beaucoup de choses à découvrir _ et inventer, créer _ et dont bénéficier _ à son tour. La musique instrumentale en est un bon exemple. Avant la seconda prattica, les instruments étaient principalement utilisés pour accompagner _ d’abord, et presque seulement _ la voix humaine. Avec la « nouvelle musique », les instruments ont commencé à trouver _ eux aussi, et en émulation avec la voix _ leur propre voix. Les possibilités techniques des instruments ont été explorées _ voilà ; de même qu’ont été créés de nouveaux instruments… _ et leurs limites se sont élargies _ oui _ comme jamais auparavant _ et en fonction de nouveaux usages, de nouvelles demandes (et commandes !) de mécènes, dans les diverses Cours princières, en Italie, tout particulièrement ; mais plus loin aussi. Grâce à cela, de nouvelles musiques sont apparues ; la musique instrumentale a commencé à gagner en importance _ voilà, en s’émancipant de ses fonctions principalement religieuses, d’abord… : le devenir de la musique étant lié de près à l’Histoire générale… _ et, finalement, la virtuosité instrumentale est née _ en effet ! Il s’agissait pour les interprètes, eux aussi, de se démarquer, de se faire remarquer (et mieux valoir, apprécier ! des mécènes qui leur assuraient le quotidien). Cette période de l’histoire de la musique est extrêmement importante pour la musique instrumentale ; c’est là que tout s’est joué _ tout à fait !
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Je pense que tous les éléments que vous avez mentionnés font partie de cette musique dans une certaine mesure. La liberté _ inventive, créative _ du discours _ musical _ est un élément particulièrement important, mais j’ajouterai également la virtuosité instrumentale car, comme je l’ai déjà dit, elle est née _ pour elle-même (pour le fun !) ; et pour un public à même de l’apprécier _ à cette époque-là _ en effet.
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RM : Quels sont, selon vous, les caractéristiques de la musique instrumentale baroque du XVIIe siècle qui lui assurent son indépendance par rapport à celle façonnée à l’époque du baroque avancé _ plus tardif _ ?
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LDL : Langage, liberté et ornementation. La musique du début du XVIIe siècle a un langage très particulier, qui est nettement différent de la musique ultérieure. Il y a quelque chose de très spécial et unique dans cette musique. C’est un langage que nous n’entendons pas aussi souvent ; et donc nous n’en avons pas l’habitude ; et parfois il peut nous sembler bizarre. L’utilisation de l’harmonie, la structure des pièces et bien sûr l’ornementation étaient toutes très particulières à cette époque. L’ornementation est, à mon avis, l’un des éléments les plus distinctifs. Les diminutions, leur style, leur approche et leur exécution, étaient clairement différents _ il faudrait préciser un peu plus en quoi _ de l’ornementation de la musique plus tardive. De plus, une composition écrite telle quelle par le compositeur était souvent considérée comme une matière première _ de départ, seulement _, et il était normal et même demandé aux musiciens d’embellir _ ensuite, et nécessairement : c’était strictement attendu ! _ les œuvres interprétées. Cela donnait une liberté incroyable _ oui, follement ! _ à l’interprète et, en conséquence, rendait un morceau de musique _ ainsi interprété _ très personnel _ chaque fois. Nous avons perdu cette liberté au fil du temps _ oui, au fur et à mesure de l’importance prise par l’écriture des partitions, et leur respect, lors de concerts publics de plus en plus élargis… _ et elle deviendra de plus en plus limitée tout au long de l’histoire de la musique _ oui.
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RM : Quelle est la marge de liberté interprétative laissée par les compositeurs dans les œuvres que vous jouez sur ce disque ? Ces partitions, sont-elles très précises dans leur écriture ou bien, au contraire, vous permettent-elles des improvisations ?
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LDL : Comme je l’ai mentionné précédemment, il y a beaucoup de liberté _ essentielle _ dans cette musique. Il va sans dire que les musiciens devaient _ absolument _ embellir les _ trames des _ morceaux _ fournis _ ! Bien sûr, tout dépend aussi du morceau de musique, lequel peut nous donner plus ou moins de latitude pour ajouter des embellissements. Il faut également savoir quand et où ajouter l’ornementation _ certes ! Les traités sont clairs à ce sujet et leurs auteurs insistent sur l’importance d’acquérir une bonne connaissance et de l’expérience sur le sujet afin d’éviter de jouer avec « mauvais goût » et « ridicule » _ bien sûr ! et c’est aussi très important ! La musique de ce CD comprend deux pièces qui ne laissent pas beaucoup de marge pour ajouter quoi que ce soit, comme les sonates d’Uccellini ou les diminutions de Francesco Rognoni et de Girolamo Dalla Casa. En revanche, des pièces comme la Romanesca per violino e basso de Marini, offrent beaucoup de possibilités d’embellisement des sections répétées. De plus, ne pas embellir une répétition n’aurait pas été correct _ en effet _ à l’époque !
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RM : Quels sont vos projets discographiques pour l’avenir ? Que faites-vous pendant cette période de confinement ?
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LDL : Notre prochain CD sera très probablement consacré à l’intégrale des sonates pour violon écrites par un compositeur italien très spécial _ lequel ? Beaucoup sont passionnants ! _ et que j’aime beaucoup. Je préfère ne pas donner plus de détails pour le moment ; bien que j’espère que nous pourrons l’enregistrer, qui sait ce qui peut arriver !
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Pendant le confinement, je fais pas mal de violon. En fait, j’ai commencé à travailler sur le programme de ce qui, je l’espère, sera notre prochain disque ! Je lis, je mets à jour le site web et les réseaux sociaux de L’Estro d’Orfeo, et j’essaie essentiellement de rester positive et de ne pas me laisser décourager par le sombre avenir qui semble attendre les artistes.
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Crédits photographiques : © L’Estro d’Orfeo
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Review by: David Vernier
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Artistic Quality: 9
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Sound Quality: 9
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For some period during what we now call the Renaissance and Baroque, it was popular practice for vocalists and instrumentalists to embellish or ornament a melodic line by dividing longer note values into many shorter, more elaborate figures as a means of variation. This was nothing so “ordinary” as a little trill or turn, or even a run up or down the scale (although it could include such devices); in fact, we have a modern version of this practice common among most of today’s young pop singers–so if you’ve ever heard one of them sing, say, The Star-Spangled Banner, and think they’re never going to get to the end of a phrase, you know exactly what I’m talking about.
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Yet, unlike today’s performers, who in these situations are all about sheer emotive expression (and who have no allegiance to things like tempo), these early singers and instrumentalists spent much time actually studying the techniques, which were codified and taught, providing the ways and means to fill the spaces in between notes, introducing, in the most refined manner, as many thrills and spills, flights and flourishes as possible before the demands of tempo and the need to get on with it forced the melody on its way. You may have surmised that I’m not (and truth be told, never have been) a fan of this practice (then or now), the fad of choice and more than that–an essential test of a solo performer’s credentials for a period. An art? Yes, I agree; but necessary? Or in any way a value-added endeavor? I admit that I said as much to the proprietor of this recording, violinist and artistic director Leonor de Lera, when she inquired about a review. We don’t promise anything, and I will very likely not have a positive impression, but I would listen. I was wrong–about the negative impression.
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This is, for all its immersion in “diminution”, the relevant term for this practice of variation and embellishment, is one of the more attractive, engaging, and eminently repeatable recitals you will hear of 16th and 17th century music for strings–baroque violin, gamba, viola bastarda, theorbo, baroque guitar, harpsichord–and rather than a “distraction”, as is my usual complaint, those embellishments almost invariably enhance the melodies and juice the rhythmic energy, melding neatly into the overall flow of the lines of the supporting instruments.
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De Lera is an excellent–virtuoso–violinist, and she strives with this program to introduce us to the various compositional forms that tended to incorporate this lively variation style: transcriptions of motets or madrigals from celebrated composers (tracks 3 & 4); arias (track 6); works highlighting the viola bastarda, a viol with exceptional range ideal for playing diminutions (track 7); lively, short, dancing popular tunes (track 13 ). Composers, both familiar and not so well known, include Uccellini, Kapsberger, Marini, and Rossi, as well as De Lera herself, contributing modern but wholly compatible companions to the early works. De Lera’s sonorous, delicately-spun lines and beautifully integrated ornaments are on display everywhere, as are similar offerings from her colleagues, all expert players and ideal ensemble partners.
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But, there are one or two reminders of this style’s more tedious tendencies–one of them being De Lera’s version of Giovanni Felice Sances’ Usurpator tiranno, a nearly seven-minute-long grind over a relentless, repetitive ground bass (please, make it stop!). And then there’s the concluding (nearly five-minute) “Tarantella” that sounds totally out of place, like a leftover from another recording. You may disagree, of course, and if so, all to the good. All I can say is that, as a very skeptical listener in the beginning, I was won over.
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Recording Details:
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Album Title: L’Arte di diminuire
Works by Marini, Uccellini, Rossi, Kapsberger, others
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Bravo pour ces passionnantes initiatives !
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Ce lundi 3 août 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa
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