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Le conformisme de l’Aktuel (opportuniste réaliste) versus l’intempestif : le scandale de l’irréaliste succès du film de Xavier Beauvois auprès de la bien-pensance germanopratine

29sept

Samedi 25 septembre dernier (2010), le quotidien Libération consacre ses pages 2, 3 et 4

_ soit rien moins que 7 articles ! signés

Didier Arnaud et Didier Péron (« La France chauffée aux moines » _ avec ce sous-titre : « Sorti il y a deux semaines, Des Hommes et des dieux, sur les derniers mois des religieux de Tibéhirine, rencontre un succès inattendu dans les salles«  _),

Christophe Ayad (« Tibéhirine, un mystère persistant » _ avec le chapeau : « L’enquête sur le meurtre des moines, en 1996, est toujours en cours«  _),

Olivier Séguret (« Xavier Beauvois ou la simplicité du microscope » _ avec le chapeau : « Dans la lignée de Dreyer, le cinéaste filme la foi nue et sans parti pris«  ),

François Sergent (l’éditorial « Sucré Sacré » !..),

ainsi que 3 interviews :

de l’historien Benjamin Stora par Didier Péron (« Des victimes françaises de l’histoire algérienne« , avec le chapeau « L’historien Benjamin Stora s’étonne de l’absence de tout débat politique autour de la sortie du film« …),

du philosophe (« de l’éthique et de la création« ) Paul Audi par Catherine Coroller (« On rêve de pouvoir créer un univers calme et ordonné« ),

et de la théologienne (et dominicaine) Véronique Margron par Catherine Coroller (« Le film montre la violence et le refus de cette violence« )… _,

en plus de sa une : « Cinéma : un succès tombé du ciel« 

_ commenté, lui, par ce sous-titre : « Un million d’entrées en quinze jours : Des Hommes et des dieux, film exigeant de Xavier Beauvois sur les moines de Tibéhirine, est devenu le phénomène de la rentrée«  _,

le quotidien Libération consacre ses pages 2, 3 et 4,

non pas au film de Xavier Beauvois « Des Hommes et des dieux » lui-même,

mais à l’incroyable imprévisible et (très) irrationnel succès auprès du public français _ ouh ! la honte !!! l’objet (médiatique) auquel se consacrent ces 3 pages est qualifié de « l’événement » !.. _ de ce malheureux film : à rebours de la roue de l’Histoire !

Pauvres Français ! Toujours aussi ringards ! Incapables de se faire vraiment (= réalistement) à la modernité !!!

« L’événement » n’étant pas artistique, ou cinématographique,

mais sociologico-historique ! C’est plus sérieux !!!

C’est aussi cela que je voudrais ici commenter,

en complément de mon article d’il y a trois jours

sur le film, lui ;

le choc intense et profond de sa beauté, de sa grâce, de son sublime :

Découvrir un cinéaste : Xavier Beauvois _ au dossier : douceur et puissance ; probité, élan et magnifique générosité

sur ceux qui s’en laissent, eux, toucher…

De ce « dossier« 

que Libération a cru bon de consacrer, non au film lui-même, donc,

mais à l' »événement » _ sociologique : vivent les sciences humaines ! _ de son succès auprès du public français,

la motivation

se trouve excellemment résumée par l’éditorial « Sucré sacré« 

de François Sergent,

à la page 3 du quotidien ;

le voici :

Culture 25/09/2010 à 00h00

Sucré sacré

3 réactions

Par FRANÇOIS SERGENT


Faites le test _ ce n’est qu’un petit jeu de société ! mais tellement significatif ! Lancez la conversation entre amis, au bureau ou en famille, sur Des hommes et des dieux. Ou comment frère Luc, alias Michael Lonsdale, octogénaire et trappiste, écrase Angelina Jolie au box-office français. Chacun y va de son interprétation _ c’est-à-dire de ses fantasmes et projections subjectives ! Dieu, bien sûr, reconnaîtra les siens. La grâce et le sacré, le sens et le sacrifice, les images et les mirages. Aucune école de marketing _ voilà donc la norme (réaliste utilitariste !) du journaliste éditorialiste de Libération ! _ n’aurait parié _ un kopek _ sur un film sur des moines et des islamistes _ l’envers même du pragmatisme de l’efficience moderniste ! Pourtant, un million de spectateurs sont allés deux heures durant suivre la dure _ peu divertissante ; et encore moins jouissive… _ règle trappiste, sur fond de guerre civile et finalement de sacrifice _ ah ! le dolorisme masochiste !.. quel succès ! _ au nom de Dieu et de son prochain. Pas de sexe, pas de violence, au moins exhibée _ sinon la scène hyper-soudaine et hyper-rapide de l’égorgement des ouvriers croates : mais elle survient tellement surprenamment qu’on en reste totalement étourdis ! en nos fauteuils face à l’écran… _ , même si on connaît la fin tragique des moines de Tibéhirine. Les chrétiens, bien sûr, ne peuvent que se réjouir. Pour une fois que l’Eglise ne se résume pas aux prêtres pédophiles et à un pape gaffeur et maladroit. Les autres, incroyants ou agnostiques, à genoux devant les moines _ ils s’inclinent devant leur si bizarroïde singularité : cette placidité sacrificielle… _, parleront du sens donné _ enfin ! _ à la vie par ces hommes en robe de bure. Toute société est myope _ sur soi _ et chacun y va de son couplet _ hyper-convenu ! _ sur la rapidité et la dureté des temps, comme si le monde de la Révolution industrielle ou de la guerre, pour prendre deux exemples, étaient moins éprouvants que notre confortable XXIe siècle _ ah ! mais… Ou le Sens de l’Histoire ! Le Progrès positif !!! A la Auguste Comte… Comme si ce film lent et contemplatif permettait à chacun de déverser _ idéologico-imaginairement _ ses doutes et ses questions _ fantasmatiques… Un peu comme on écoute du chant grégorien _ sur la platine de son salon, en sirotant une petite chartreuse ou une petite bénédictine ! _ pour se donner un petit shot _ à bon compte ! _ de spiritualité après le boulot. Une forme de sacré sucré _ à déguster confortablement dans son fauteuil moelleux… _, un prêt-à-porter divin _ bien commode pour la satisfaction spirituelle de la bonne conscience rétro-nostalgique _ en dehors de l’histoire et des réalités du monde _ soit, pour ce qui en est du monde (d’aujourd’hui, du moins), le business, as usual… Alors l’intempestif ! et l’éternité !!!

François Sergent

Ce que d’autres,

pourtant un peu plus hautement inspirés _ tel un Bergson ; cf cependant une des critiques (hyper-virulente !) à son encontre : La Fin d’une parade philosophique : le bergsonisme, par Georges Politzer : l’incisif pamphlet a été publié en 1930 _,

ont pu qualifier, un peu malencontreusement, probablement,

de « supplément d’âme«  (in Les Deux sources de la morale et de la religion, en 1932)…

Cf aussi la formule (empruntée à l’anesthésie _ Marx, in Critique de la philosophie du Droit de Hegel, en 1843… _) d' »opium du peuple« …

L’anesthésie, ici, est esthétique, artistique !

C’est le refus de se laisser toucher

par la générosité courageuse et désintéressée !!!

Vade retro, humanitas !

En prenant son pragmatisme réaliste et utilitariste _ positif : germano-pratin ! _

pour le sens même (unique !) de l’Histoire

_ Vae victis ! de toutes les façons… Ou la marche du monde même…

Le « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels » de Spinoza,

est, tout pareillement, hors sens ;

de même que l’intempestive « épreuve de l’éternel retour du même » de Nietzsche :

face au présentisme massif

et triomphant

impérialistement

du seul Aktuel !!!

Alors l’irréalisme de ces malheureux moines de l’Atlas !..

Balivernes vernaculaires…

Titus Curiosus, le 29 septembre 2010

Le livre va-t-il « survivre » à Internet ? une « alerte » et une stratégie de « riposte » de Bruno Racine (cf aussi Roger Chartier…)

31oct

Un très intéressant article dans l’édition de ce samedi 31 octobre du « Monde » _ « Il ne faut pas édifier de ligne Maginot«  _ « sous la plume » (ou par les doigts sur le clavier…) de Bruno Racine, Président de la Bibliothèque nationale de France ;

juste après une « libre opinion » passionnante dans ce même « Monde » il y a quatre jours _ intitulée « L’avenir numérique du livre«  _ par Roger Chartier,

Président du Conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France, ce très grand « historien des pratiques culturelles (qui) a pris pour objet principal de son étude la lecture, ainsi que le livre sous l’Ancien Régime et dans les temps modernes, y compris dans leurs aspects les plus matériels (diffusion, sociétés de pensée, bibliothèques, académies, imprimeries, etc.)« , auteur des « Origines culturelles de la Révolution française«  (aux Éditions du Seuil, 1990, réédité depuis), suivi de nombreux travaux scientifiques comme « Culture écrite et société. L’ordre des livres (XIVe -XVIIIe siècle) » (aux Éditions Albin Michel, 1996) ou « L’Histoire de la lecture dans le monde occidental » (avec Guglielmo Cavallo, aux Éditions du Seuil, 1997-2001)…

et dans le champ des explorations lucidissimes d’un Bernard Stiegler _ par exemple dans l’important « Pour en finir avec la mécroissance«  (avec les contributions éclairantes d’Alain Giffard et de Christian Fauré, aux Éditions Flammarion en 2009) ; cf mon article du 31 mai 2009 : « Très fortes conférences…«  _

et d’un Régis Debray en son « labourage » méthodique de la « médiologie » _ « Cahiers de médiologie : une anthologie« 

Voici cette contribution à l’action de connaissance, ainsi qu’au débat, de Bruno Racine, ce jour _ avec mes farcissures ! (ou sans : « Il ne faut pas édifier de ligne Maginot« , au choix…) _ :

« Après avoir bouleversé les industries de la musique et de l’audiovisuel, la lame de fond numérique _ voilà la « révolution en marche » !.. pas rien qu’un tsunami ponctuel ! une irréversible fractale qui modifie sans retour toute la géographie installée des continents !.. _ aborde au rivage du livre. Ne pleurons pas la fin d’un monde : l’histoire de l’écrit _ cf Roger Chartier et Régis Debray, passim _ est jalonnée d’évolutions techniques _ successives ; Bernard Stiegler renvoie régulièrement au travail-maître de Sylvain Auroux « La révolution technologique de la grammatisation« , paru aux Éditions Pierre Mardaga, le 1er avril 1995… _ qui en ont modifié le support, le contenu et les modes de lecture _ un objet d’analyse passionnant ! et aux enjeux (« civilisationnels« ) assez considérables (cf Bernard Stiegler…) que ces « modes de lecture«  ; ainsi que leur(s) « déstabilisation« (s) _, entraînant dans leur sillage les mutations culturelles et économiques successives qui fondent _ de fait ? de droit ? _ notre civilisation _ pouvant aussi l’effondrer ?.. Et ce ne sont pas (jamais) tout à fait les mêmes (personnes, classes, institutions, États, etc… : en tout cas des forces qui avancent leurs pions, se taillent des territoires…) qui en « profitent«  ; ou en subissent les conséquences… Des batailles féroces se livrant sur ces « champs » : « réformes«  (et « contre-réformes« ), « révolutions » (et « contre-révolutions« ), etc… Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle étape de cette histoire. Les maillons traditionnels de ce qu’il est convenu d’appeler en France « la chaîne du livre » s’en trouvent bousculés _ et doivent y réagir ; envisager, sinon une riposte, du moins une stratégie, non seulement de « survie » plus ou moins « précautionneuse« , mais d’« adaptation« , ou plutôt « accommodation«  (un distinguo crucial !) offensive ; de « mise à profit » (et « conquête » !) : en déterminant, au-delà simplement des moyens à mettre en œuvre, les finalités (essentielles !) à servir ; et selon quelles priorités (ou hiérarchie) !!!

L’arrivée en Europe du Kindle d’Amazon, l’annonce par Google de l’ouverture prochaine d’un service de librairie en ligne _ et à rien moins que l’échelle du monde : instantanément, quasiment, ainsi « googelisé » ?.. _ et, bien plus largement, la révolution de l’accès au savoir _ sans tri ? sans le tamis de quelque « krisis » (= une « critique« … ; relire, après le « Socrate«  rendu à jamais (en dépit de ses propres arguments : éternisés, in « Phèdre« , contre l’écrit !) accessible, en sa « voix« , par les « Dialogues«  de Platon (qui envisage et œuvre pour une autre forme de pouvoir ! que celle de Socrate…) ; relire, donc, Kant : sa décisive « Critique du jugement«  !..) ? _ rendue possible par les nouvelles technologies de l’information et de la communication _ Bernard Stiegler préfèrant, quant à lui, substituer à ces expressions (« obsolètes« , dit-il) celles de « technologies cognitives et culturelles«  _ suscitent des inquiétudes _ voire des paniques _ parmi lesquelles il importe de faire le tri _ voici l’apport que se propose de nous offrir en cet article Bruno Racine. Le numérique invite à reconsidérer la définition même de l’objet livre _ peut-être : en sa matérialité physique, manipulable : tourner ses pages au rythme de lecture et de notre œil et de notre intellect, du moins… _ et à repenser l’écosystème _ vaste, riche, complexe ; matérialisé, lui aussi, notamment, en des murs d’« entreprises«  ayant pignon sur rue ; investies dans de la pierre aussi… _ qui s’est construit autour de lui. La numérisation massive des fonds conservés par les bibliothèques _ oui ! _ et l’usage qui en est fait _ plus encore : il s’agit bien sûr de « services » (plus ou moins publics ou privés, aussi : les enjeux socio-politiques en sont considérables ! et « civilisationnels« , je ne dis pas !!! cf le jeu des forces qui s’y empoignent, à commencer électoralement ! mais à quels degrés de conscience ??? bien divers…)… _ par des opérateurs privés _ nous y voici ! et voilà ce qui mobilise aujourd’hui, en cet article-ci, et la réflexion et la plume de Bruno Racine _ transforment notre rapport _ à tous et à chacun : lecteurs alphabétisés (et plus ou moins « cultivés« , au participe passé, et « se cultivant« , au participe (actif et créatif !) présent !.. y compris ces « oisifs qui lisent«  que Nietzsche, en son indispensable (« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne« , Livre premier, chapitre « Lire et écrire« ), disait « haïr«  !.. : « je hais les oisifs qui lisent«  ; et « se crétinisent« , pourrions-nous préciser ; même si des moyens beaucoup plus performants en vitesse (audio-visuels) ont été depuis mis en place pour y aider… _ au patrimoine écrit _ que gèrent, notamment, des bibliothèques telle que celle (Nationale de France) dont Bruno Racine a présentement la responsabilité politique…


Parallèlement, les liseuses, téléphones intelligents et ordinateurs de poche se multiplient et offrent des supports de lecture supplétifs _ voilà _ du livre papier dont on aurait tort toutefois de prédire la disparition prochaine _ en effet : à preuve par l’exemple : une librairie performante comme la librairie Mollat est, en ce temps de crise, assez richement « achalandée«  ; on afflue en ses nombreuses allées… Enfin, la place prise dans l’économie de la culture par les grands opérateurs privés du numérique _ voilà ! _ et leur pénétration rapide _ oui _ des marchés français et européens abolissent les frontières des métiers du livre _ certes _ et en ébranlent les fondements économiques et juridiques _ un fait très important : une dynamique qui ignore le vide en s’y engouffrant…

Prenons garde à ne pas tomber dans la déploration prématurée _ sans rien faire contre ce qui la menace ? cf à nouveau Bernard Stiegler, « Pour en finir avec la mécroissance » et « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » ; même si celui-ci ne se tient certes pas dans le registre de la « déploration«  ! ni de l’inactivité !.. ce n’est pas un « mélancolique«  _ de la mort de la lecture attentive _ s’en soucier, cependant : à l’école ! tellement esquintée, cette école ; si peu (et mal) centrée sur l’activité exigeante et formatrice d’actants authentiquement dynamiques !.. _, de l’agonie des circuits de distribution et de médiation classiques _ l’édition, les librairies _, voire de la fin programmée de l’exception culturelle française _ assez mal en point sous les coups de boutoir des auto-prétendus « réalistes » « aux manettes«  en France comme à l’Union Européenne (et ailleurs aussi…)… _, sans voir aussi dans cette nouvelle donne _ offerte et imposée par les applications avancées de ces applications inventives et pragmatiques, elles-mêmes, du numérique _ un formidable élan vers des formes d’expression, de création et de partage inédites _ en effet ! à commencer par un blog tel que celui-ci !..

Nouvelle donne

Il n’y a là nul angélisme : le numérique interpelle _ dynamiquement ! _ la chaîne du livre et ses acteurs traditionnels _ et met au défi les ressources du « génie » (= l’ingéniosité ; appuyée sur l’ingénierie…) pour y « répondre » efficacement : autrement que par quelque « ligne Maginot » (en 39-40 ; lire ici Marc Bloc : « L’Etrange défaite«  : admirable analyse de la défaite…), si l’on s’appuie déjà sur la métaphore (militaire) du titre de l’article, mise en avant par Bruno Racine en son titre ici… La législation sur la propriété littéraire et le système de rémunération des auteurs ne pourront rester immuables _ sans doute. La question du prix du livre numérique, les modalités de réutilisation et de partage des fichiers, leur protection et leur sauvegarde, ou encore l’interopérabilité de leurs formats constituent autant d’enjeux majeurs _ certes ! _ qui doivent faire l’objet d’une concertation _ dont l’ordre est à préciser ! _ avec les pouvoirs publics _ à quel échelon ? que sont-ils ? que valent-ils (en terme de « démocratie« , veux-je dire…) ? _ et ne peuvent _ en droit ? selon quels fondements ? une question aussi « à creuser » d’urgence ! au secours Antoine Garapon ! et Mireille Delmas-Marty ! _ faire les frais _ certes ! _ de règles imposées _ sans répliques… _ par les seuls opérateurs privés _ qui ont aussi le bras assez long politiquement (cf les lobbies de Bruxelles, aussi ; et d’ailleurs…). La nouvelle donne numérique _ s’installant ainsi très vite _ implique de redéfinir _ et très urgemment _ les liens qui unissent ces acteurs _ certes ! « embarqués« , volens nolens, sur un même bateau… La Bibliothèque nationale de France (BNF) s’y est attelée depuis plusieurs années _ dont acte, Monsieur le Président…

Le signalement d’ouvrages de l’édition contemporaine dans « Gallica« , qui met en place une offre légale et payante de contenus sous droits, participe d’une volonté d’établir de nouveaux modèles économiques _ oui _ et de contribuer à fédérer _ certes : un concept utile… (en phase de faiblesse…) _ la chaîne du livre français. Les discussions menées _ maintenant _ par la BNF avec des partenaires privés s’inscrivent dans le dialogue nécessaire _ vitalement ! _ avec les nouveaux acteurs du numérique _ partenaires de « négociations«  devenus (bien) « obligés«  _ et ne constituent en aucun cas un renoncement _ nous notons bien le distinguo… _ à ses missions de service public _ officielles ; statutaires _ qui consistent notamment à diffuser ses fonds patrimoniaux _ un bien public fondamental, en effet.

Qu’ils s’appellent Google ou Amazon, les géants du numérique ont su _ de fait ! _ séduire l’internaute _ sur un marché d’offre « libre«  Ils font peur parce qu’ils sont dotés de moyens financiers sans commune mesure _ sur le marché de fait (voire la « guerre« ) de la concurrence _ avec les nôtres, et parce que leurs desseins, en profondeur _ voilà le principal : les finalités sous-jacentes ; et le plus souvent masquées : hors d’atteinte des décisions (et d’abord débats) politiques authentiquement (ou même pas, d’ailleurs !) « démocratiques«  !!! _, diffèrent de nos attentes. Alors, menace, concurrence ou complémentarité ? Tout dépendra du rapport de forces _ voilà ! et celui-ci dépend de ce que font (et avec quel succès) ou ne font pas (ou font mal) les divers « acteurs » de ce jeu (qui s’impose à eux) en situation (au départ du moins) défensive ; réagissant (avec un petit temps de retard) aux offensives d’autres, plus entreprenants et avec de remarquables succès… Ce qui est certain, c’est que l’on ne répondra pas à ce défi _ en effet _ en édifiant d’improbables « lignes Maginot« , comme l’a dit le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand _ le ministre de tutelle de Bruno Racine ; et dont l’oncle avait pu lire le « Vers l’armée de métier » d’un certain Charles de Gaulle, publié en 1934...

En France et en Europe, les libraires, les éditeurs, les bibliothèques sont loin d’être démunis _ certes _ : leur histoire, leur savoir-faire, leurs fonds sont des atouts de poids, mais ces atouts risquent d’être très amoindris _ voilà une donnée conjoncturelle, ou circonstancielle, si l’on veut, importante en une « guerre de mouvements » comme celle qui fait l’objet de l’article (et des soins, sur le terrain, plus encore !) de Bruno Racine… _ si chacun agit en ordre dispersé. La lame de fond numérique n’a pas encore _ voilà _ déferlé sur la chaîne du livre _ dont les maillons ont une « solidarité » factuelle ! _, mais tous les signes précurseurs sont là _ avec la conséquence que « à bon(s) entendeur (s), salut !«  Si, grâce à l’engagement de l’Etat et de l’Union européenne, les différents acteurs savent s’unir _ est-ce donc un « savoir » difficile ? y aurait-il, aussi, « des loups » déjà « dans la bergerie«  ?.. _ sur des positions communes _ et lesquelles ?.. _, il sera possible de faire prévaloir _ voilà ! _ la diversité des contenus _ une donnée factuelle, sinon « de droit« , importante jusqu’ici des cultures européennes _ et le rayonnement de notre culture » _ menaçant, lui, d’être de plus en plus « éteint«  ; toutefois, on peut aussi s’inquiéter du précédent de ce que déjà la France ou l’Europe n’a (ou n’ont) pas su faire dans l’immédiat après-guerre sur le front de l’industrie cinématographique (face à  l’entreprise « Hollywood« ) ; je me souviens bien d’avoir entendu, il y a quelques années à Mérignac, au « Pin Galant« , une intervention particulièrement judicieuse sur ce fait historique-là de Catherine Lalumière, lors d’une « rencontre« , autour de l’« Europe de la culture« , organisée par Sylviane Sambor (et le « Carrefour des Littératures« ) ; étaient présents aussi, je me souviens, José Saramago et Eduardo Lourenço…

Titus Curiosus, ce 31 octobre 2009

Post-scriptum :

A cet article (d' »alerte«  :

en faveur d’une action véritablement « commune » des acteurs concernés)

de Bruno Racine,

je joins ici l’article de Roger Chartier cité plus haut,

« L’avenir numérique du livre«  _ toujours avec mes farcissures ;

ou sans : « L’avenir numérique du livre« , au choix…) _ :

« Googlez « google » sur Google Recherche dans www.google.fr : l’écran indique la présence du mot et de la chose dans « environ 2 090 000 000 » documents. Si vous n’êtes pas inquiet du sacrilège, renouvelez l’opération en googlant « dieu » : « environ 33 000 000 » de documents vous seront alors proposés.

La comparaison suffit pour comprendre pourquoi, ces derniers mois ou ces dernières semaines, tous les débats à propos de la constitution de collections numériques ont été hantés _ voilà ! _ par les incessantes initiatives _ de légitimité à examiner _ de l’entreprise californienne. La plus récente, annoncée il y a quelques jours à la Foire du livre de Francfort, est le lancement de la librairie numérique payante Google Edition, qui exploitera commercialement une partie des ressources accumulées dans Google Books.

L’obsession « googlienne« , aussi légitime soit-elle, a pu faire oublier certaines des questions fondamentales _ ce sont celles-là que Roger Chartier commence dans cet article-ci à inventorier _ que pose la conversion numérique _ cf « La Grande conversion numérique«  de Milad Doueihi, aux Éditions du Seuil _ de textes existant dans une autre matérialité, imprimée ou manuscrite. Cette opération _ de numérisation _ est au fondement même de la constitution de collections numériques permettant l’accès à distance des fonds conservés dans les bibliothèques.

Bien fou serait celui qui jugerait inutile ou dangereuse cette extraordinaire possibilité offerte à l’humanité. « Quand on proclama que la bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant », écrit Jorge Luis Borges _ in « La Bibliothèque de Babel« , dans le (grand !) recueil « Fictions«  _ ; et c’est une même immédiate félicité que produit la nouvelle Babel numérique. Tous les livres pour chaque lecteur, où qu’il soit : le rêve est magnifique, promettant un accès universel aux savoirs et à la beauté _ wow !

Il ne doit _ cependant _ pas faire perdre raison. Le transfert du patrimoine écrit d’une matérialité à une autre n’est _ certes _ pas _ en effet _  sans précédents _ historiques. Au XVe siècle, la nouvelle technique de reproduction des textes _ par l’imprimerie _ se mit massivement au service _ forcément ! _ des genres qui dominaient _ déjà _ la culture du manuscrit : manuels de la scolastique, livres liturgiques, compilations encyclopédiques, calendriers et prophéties.

Dans les premiers siècles de notre ère, l’invention du livre qui est encore le nôtre, le codex, avec ses feuillets, ses pages et ses index _ un tournant décisif _, accueillit dans un nouvel objet les écritures chrétiennes et les œuvres des auteurs grecs et latins. L’histoire n’enseigne _ cf déjà Hegel… _ aucune leçon, malgré le lieu commun, mais, dans ces deux cas, elle montre un fait essentiel pour comprendre le présent, à savoir qu’un « même » texte n’est plus le même _ voilà !!! _ lorsque change le support de son inscription ; donc, également, les manières de le lire et le sens que lui attribuent ses nouveaux lecteurs _ soient ses « réceptions » actives ; soit toute une « constellation«  vibrionnante cruciale (= « contextuelle«  mouvante…) tout « autour«  de ce « texte« 

Les bibliothèques _ professionnellement, en quelque sorte… _ le savent, même si certaines d’entre elles ont pu avoir, ou ont encore, la tentation de reléguer loin des lecteurs, voire de détruire, les objets imprimés dont la conservation semblait assurée par le transfert sur un autre support : le microfilm et la microfiche d’abord, le fichier numérique aujourd’hui. Contre cette mauvaise politique, il faut rappeler que protéger, cataloguer et rendre accessible (et pas seulement pour les experts en bibliographie matérielle) les textes dans les formes successives ou concurrentes qui furent celles où les ont lus leurs lecteurs du passé, et d’un passé même récent, demeure une tâche fondamentale _ une mission de « droit«  universelle… _ des bibliothèques _ et la justification première _ voilà ! _ de leur existence comme institution et lieu de lecture _ publics ! et « universels«  (« de droit«  !)…

A supposer que les problèmes techniques et financiers de la numérisation aient été résolus ; et que tout le patrimoine écrit puisse être _ très effectivement _ converti sous une forme numérique, la conservation et la communication de ses supports antérieurs n’en seraient pas moins _ elles aussi _ nécessaires _ « de droit«  ! donc… Sinon, le « bonheur extravagant » promis _ aux « lecteurs » les plus curieux et boulimiques, du moins ; tels un Borges ; ou un Bioy… _ par cette bibliothèque d’Alexandrie enfin réalisée se paierait au prix fort de l’amnésie _ on ne peut plus effective : dans les têtes de millions de personnes !.. pas aussi curieuses, ni boulimiques qu’un Borges… _ des passés qui font que les sociétés sont ce qu’elles sont.

Et ce d’autant plus que la numérisation des objets de la culture écrite qui est encore la nôtre (le livre, la revue, le journal) leur impose une mutation bien plus forte _ aujourd’hui _ que celle impliquée _ jadis _ par la migration des textes du rouleau au codex. L’essentiel _ nous y voici !!! _ ici me paraît être la profonde transformation de la relation _ à effectuer ! par le « lecteur«  effectif… _ entre le fragment et la totalité _ cette dernière se trouvant alors « oubliée« , effacée des esprits ainsi « oublieux« 

Au moins jusqu’à aujourd’hui, dans le monde électronique, c’est la même surface illuminée de l’écran de l’ordinateur qui donne à lire les textes, tous les textes _ identiquement, ainsi… _, quels que soient leur genre ou leur fonction _ sans nul « relief« , ni « hiérarchie«  Est ainsi rompue la relation _ effective… _ qui, dans toutes les cultures écrites antérieures, liait étroitement des objets, des genres et des usages _ avec reliefs et hiérarchies, précisément ; rappelés par la matérialité même des « supports » et des « cadres » (de l’opération de « lecture« ) forcément sensiblement perçus… C’est cette relation qui organise les différences immédiatement perçues _ voilà ! par des personnes qui en soient (vraiment !) ; soient des « lecteurs« , et pas de simples « déchiffreurs » (d’« informations« ) _ entre les différents types de publications imprimées _ proposées ! _ et les attentes _ esquissées, avancées, construites _ de leurs lecteurs _ actifs _, guidés dans l’ordre ou le désordre des discours par la matérialité même _ voilà ! _ des objets qui les portent _ matériellement _ cf dans cet « ordre de choses« , la difficilement résistible expansion actuelle des feuilles de journaux « gratuits« 

Et c’est cette même relation qui rend visible _ au « lecteur«  un peu plus que « déchiffreur«  _ la cohérence _ et « consistance«  aussi … _ des œuvres _ au-delà de la « page«  lue _, imposant la perception _ par le « lecteur«  _ de l’entité textuelle _ intégrale _, même à celui qui n’en veut lire que quelques pages. Dans le monde de la textualité numérique, les discours ne sont plus inscrits dans des objets _ matériels spécifiques : le livre, la revue, le journal, etc… _, qui permettent de les classer, hiérarchiser _ voilà _ et reconnaître dans leur identité propre _ voire singulière. C’est un monde de fragments décontextualisés, juxtaposés _ épars, quasi brisés (schizophréniquement…)… _, indéfiniment recomposables _ en d’infinies alternatives (kaléidoscopiques !) dénuées le plus souvent de tout « relief« _, sans que soit nécessaire ou désirée _ ni même seulement envisagée !.. par qui « déchiffre«  à la va-vite… _ la compréhension de la relation qui les inscrit _ voilà ; et les « relie » avec une certaine « consistance » ainsi... _ dans l’œuvre dont ils ont été extraits _ ou « coupés«  (« schizés« …) : la signification même de la réalité (et « consistance« , donc) d’une « œuvre » pouvant aller, même, jusqu’à être « perdue de vue« , « noyée« 

On objectera qu’il en a toujours été ainsi dans la culture écrite, largement et durablement construite _ in concreto _ à partir de « recueils » d’extraits, d' »anthologies » de lieux communs (au sens noble de la Renaissance), de « morceaux choisis« . Certes. Mais, dans la culture de l’imprimé, le démembrement _ voilà ! la « mise en pièces«  par charcutage… _ des écrits est accompagné de son contraire _ tout aussi effectif _ : leur circulation _ physique _ dans des formes qui respectent leur intégrité et qui, parfois, les rassemblent _ toujours physiquement ; pour commencer, du moins… _ dans des « œuvres« , complètes ou non. De plus, dans le livre lui-même, les fragments sont nécessairement, matériellement, rapportés à une totalité textuelle, reconnaissable _ matériellement, donc _ comme telle..

Plusieurs conséquences découlent de ces différences fondamentales _ entre le jadis (le codex, puis le livre imprimé) et le maintenant « numérique«  L’idée même de « revue » devient incertaine, lorsque la consultation des articles n’est plus liée à la perception immédiate d’une logique éditoriale _ entreprise par un éditeur ou une équipe éditoriale : « responsable« … _ rendue visible _ in concreto _ par la composition de chaque numéro ; mais est organisée à partir d’un ordre _ seulement _ thématique _ inerte _ de rubriques. Et il est sûr que les nouvelles manières de lire _ le plus souvent proches du déchiffrage minimal… _, discontinues et segmentées _ kaléidoscopiques _, mettent à mal les catégories qui régissaient le rapport _ activement pensé, lui… _ aux textes et aux œuvres, désignées, pensées _ voilà ! _ et appropriées dans leur singularité et cohérence _ et mises en relation à des « auteurs« , responsables de leur signature, en bout de « ligne«  de ces diverses opérations et « acteurs« 

Ce sont justement ces propriétés fondamentales de la textualité numérique et de la lecture face à l’écran _ tels étant les facteurs à prendre ici en compte _ que le projet commercial de Google entend exploiter _ à divers égards. Son marché _ c’est là sa logique dominante ! _ est celui de l’information _ ponctuelle (et rapide : « Time is money«  ; comme « Money is time« ) ; pas celui de la pensée, de la méditation, de la réflexion, de la culture critique « filée« Les livres, tout comme d’autres ressources numérisables, constituent un immense gisement _ quasi immédiatement disponible _ où elle _ cette « information« , donc _ peut être puisée _ et livrée telle quelle, plus ou moins (et plutôt plus que moins…) brute… Comme l’a écrit Sergey Brin, l’un des cofondateurs de l’entreprise _ Google _ : « Il y a _ en soi, déjà là… _ une fantastique quantité _ juteusement intéressante ! _ d’informations dans les livres. Souvent, quand je fais une recherche _ au moins thématiquement « active » !.. _, ce qui se trouve _ déjà ; « placé«  là (pas n’importe comment !) par un « auteur«  : en effet !.. _ dans un livre est cent fois au-dessus de ce que je peux trouver sur un site électronique » _ faute de « vrais » « auteurs » ; de « vraies » « personnes« , commenterais-je…

De là, la perception immédiate et naïve de tout livre, de tout discours comme une banque de données _ la métaphore est déjà parlante… _ fournissant les « informations » à ceux qui les cherchent. Satisfaire cette demande et en tirer profit, tel est le premier but _ pragmatique à très court terme (faute de « patience«  sollicitée…) ; et très juteux : pour l’entreprise au premier chef ! _ de l’entreprise californienne ; et non pas construire une bibliothèque universelle _ à la Borges de la nouvelle de « Fictions«  _ à la disposition de l’humanité.

Google ne semble d’ailleurs pas très bien _ technologiquement _ équipé pour le faire, à en juger par les multiples erreurs de datation, de classification et d’identification produites par l’extraction automatique _ certes : algorithmique… _ des données et relevées avec ironie par Geoffrey Nunberg _ dans son article « Google’s Book Search: A Disaster for Scholars«  _ dans The Chronicle of Higher Education du mois d’août _ le 31 août précisément. Pour le marché de l’information, ces bévues sont secondaires _ statistiquement négligeables eu égard à la somme (= foultitude !) des « services rendus«  informationnels… Ce qui importe, c’est l’indexation et la hiérarchisation des données et les mots-clés et rubriques qui permettent d’aller au plus vite _ le temps et l’argent pressent !.. _ aux documents les plus « performants » _ « thématiquement » (et non « problématiquenent« , pour reprendre un distinguo très utile d’Élie During _ cf mon article du 17 avril 2009 : « élégance et probité d’Elie During…« … ;

voici la citation : « La pensée a une forme, mais elle doit se comprendre dans toute son extension, de façon à y inclure formats et dispositifs, gestes et procédés _ disait Elie During _ : c’est là le facteur décisif ; ce qui distingue irrémédiablement une problématique (effective : dynamisante !) d’une thématique (inerte ; et par là stérilisante, plombante : aveugle et sans filiation en aval) ; problématique où se donne à ressentir (et retentir, pour commencer) la complexité en jeu des modalités actives de l’espace et du temps, tout d’abord » ; fin de la citation de cet article du 17 avril…),

selon la satisfaction « de fait«  (et non « de droit«  !..) des « usagers« 

Cette géniale découverte d’un nouveau marché _ fructueux pour l’entreprise initiatrice _, toujours en expansion, et les prouesses techniques qui donnent à Google un quasi-monopole sur la numérisation de masse ont assuré le grand succès et les copieux bénéfices _ voilà ! tel étant l’« étalon«  de mesure de la valeur (marchande) ! _ de cette logique commerciale. Elle suppose la conversion électronique de millions de livres, tenus comme une inépuisable mine d’informations  _ voilà…

Elle exige, en conséquence, des accords passés ou à venir avec les grandes bibliothèques du monde _ principaux « lieux«  (et aisément repérables !) de ce « gisement« _, mais aussi, comme on l’a vu, une numérisation d’envergure _ c’est la « somme » totale qui « compte«  ; on ne regarde pas tant au « détail« … ; le raisonnement, quantitatif, fonctionne sur de « grandes masses«  _, guère préoccupée par le respect _ et selon quelles normes de droit ? là où tout, « sans tabous« , « se négocie » et « se marchande«  _ du copyright ; et la constitution d’une gigantesque base de données, capable d’en absorber d’autres et d’archiver _ aussi : vive la capacité mémorielle simplement algorithmique !… _ les informations les plus personnelles sur les internautes _ = un gigantesque fichier (à exploiter, comme à vendre…) de clients potentiels !.. _ utilisant les multiples services proposés par Google.

Toutes les controverses actuelles _ qui agitent les divers « acteurs » de ce « jeu«  aux enjeux capitaux ! du devenir et du « livre«  et de la « lecture«  elle-même… _ dérivent de ce projet premier _ de Google. Ainsi, les procès faits par certains éditeurs (par exemple La Martinière) pour reproduction et diffusion illégales d’œuvres sous droits ; ou bien l’accord passé entre Google et l' »Association des éditeurs » et la « Société des auteurs » américains, qui prévoit le partage des droits demandés pour l’accès aux livres sous copyright (37 % pour Google, 63 % pour les ayants droit)… Ce « settlement » inquiète _ en effet _ le Department of Justice puisqu’il pourrait constituer une possible infraction à la loi antitrust ; et il reviendra le 9 novembre devant le juge new-yorkais chargé de le valide _ puis à la Cour suprême des Etats-Unis…

Ou encore, le lancement spectaculaire de Google Edition, qui est, en fait, une puissante librairie numérique _ « en ligne« _ destinée à concurrencer Amazon dans la vente _ on ne peut plus effective… _ des livres électroniques. Sa constitution a été rendue possible par la mainmise de Google _ déjà _ sur cinq millions de livres « orphelins« , toujours protégés par le copyright _ certes _, mais dont les éditeurs ou ayants droit ont disparu _ et ne se plaindront donc pas ! _, et par l’accord qui légalisera _ par transaction « amiable«  _, après coup, les numérisations pirates _ d’abord « illégales » ; mais plus ensuite de cela : merci les avocats et les juges…

Les représentants de la firme américaine courent _ donc _ le monde et les colloques pour proclamer _ urbi et orbi _ leurs bonnes intentions _ rhétoriques _ : démocratiser l’information ; rendre accessible les livres indisponibles ; rétribuer correctement auteurs et éditeurs ; favoriser une législation sur les livres « orphelins« . Et, bien sûr, assurer la conservation « pour toujours » d’ouvrages menacés par les désastres qui frappent les bibliothèques _ comme le rappelle _ si opportunément : à la bonne heure !.. _ Sergey Brin dans un article _ « A Library to Last Forever«  _ récent _ le 8 octobre _ du New York Times, où il justifie l’accord soumis au juge par les incendies qui détruisirent la bibliothèque d’Alexandrie ; et, en 1851, la bibliothèque du Congrès _ de Washington : « pour durer éternellement«  ; enfin !.. ô la merveilleuse « assurance«  (contre la mort même)…

Cette rhétorique _ juridique, commerciale et idéologique : oui ! relire ici la force de la mise en garde de Socrate in le plus que jamais pertinent (et urgent) « Gorgias«  de Platon… _ du « service du public » et de la « démocratisation universelle » ne suffit _ hélas _ pas pour lever les préoccupations _ de droit, surtout _ nées des entreprises de Google. Dans un article _ « Google & the Future of Books«  _ du New York Review of Books du 12 février et dans un livre très bientôt publié « The Case for Books : Past, Present and Future » (Public Affairs), Robert Darnton convoque les idéaux des Lumières pour _ nous _ mettre _ tous _ en garde contre _ l’impérialisme de _ la logique du profit _ non désintéressé _ qui gouverne les entreprises googliennes. Certes, jusqu’ici une claire distinction est établie entre les ouvrages tombés dans le domaine public, qui sont accessibles gratuitement sur Google Books, et les livres sous droits, orphelins ou non, dont l’accès et maintenant l’achat sur Google Edition sont payants.

Mais rien n’assure que dans le futur l’entreprise, en situation de monopole _ avec ce qui en découle pragmatiquement… _, n’imposera pas _ de fait, et selon ce que devient, de par le monde (et les États…), la « Justice«  _ des droits d’accès ou des prix de souscription considérables _ en l’absence de concurrence effective alors… _ en dépit de l’idéologie _ doucereuse, sirénique… _ du bien public et de la gratuité qu’elle affiche _ généreusement _ actuellement. D’ores et déjà, un lien existe _ bien _ entre les annonces publicitaires, qui assurent les profits considérables _ voilà ! _ de Google, et la hiérarchisation _ essentiellement comptable… _ des « informations » qui résulte de chaque recherche _ d’« utilisateurs » internautes… _ sur Google Search _ certes : beaucoup le « savent«  déjà ; mais pas tous ; pardon pour l’euphémisme !..

C’est dans ce contexte _ historique : de court comme de long (et très long) terme : brûlamment « actuel«  donc !.. _ qu’il faut situer les débats suscités par la décision _ d’ores et déjà advenue _ de certaines bibliothèques de confier la numérisation de tout ou partie de leurs collections à Google, dans le cadre d’une convention ; ou, plus rarement, d’un appel d’offres _ concurrentiel, lui… Dans le cas français, de tels accords et les discussions ouvertes pour en signer d’autres ne concernent jusqu’à maintenant que les livres du domaine public _ ce qui, on l’a vu, ne protège pas les autres, scannés dans les bibliothèques américaines. Faut-il poursuivre dans cette voie ?

La tentation _ pragmatico-économique _ est forte dans la mesure où les budgets réguliers _ fort minces ; et le plus souvent en fortes baisses !.. _ ne permettent pas de numériser _ in concreto_ beaucoup et vite. Pour accélérer la mise en ligne, la Commission européenne, les pouvoirs publics et certaines bibliothèques ont donc pensé _ jugé… _ qu’étaient nécessaires _ plus qu’utiles : judicieux, financièrement d’abord… (et par là « légitimes«  !.. dans « le monde tel qu’il va«  désormais ; « réalistement« , donc !.. au moins eu égard à la pression des « comptables«  !..) _ des accords avec des partenaires privés et, bien évidemment, avec le seul qui _ de fait _ a _ présentement _ la maîtrise technique (d’ailleurs gardée secrète _ forcément !..) autorisant des numérisations massives _ inutile de le nommer… Au nom du « réalisme«  pragmatique le mieux entendu…

De là, les négociations, d’ailleurs prudentes et limitées, engagées entre la Bibliothèque nationale de France (BNF) et Google. De là les désaccords _ se faisant jour, de-ci, de-là… _ sur l’opportunité _ ou « légitimité » ?.. selon quels « fondements » ?.. _ d’une telle démarche, tant en France qu’en Suisse, où le contrat signé entre la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne et Google a entraîné une sérieuse discussion (_ « Google dévore les livres« _ Le Temps du 19 septembre).

A constater la radicale différence qui sépare les raisons, les modalités et les utilisations des numérisations des mêmes fonds lorsqu’elle est portée par les bibliothèques publiques et _ c’est là l’autre terme de l’alternative ! _ par l’entreprise californienne, cette prudence est plus que justifiée ; et pourrait, ou devrait, conduire _ par prudence quant à la détermination de qui dispose du « final cut » !.. ; et de qui s’en dessaisit… _ à ne pas céder à la tentation. L’appropriation privée _ voilà ! _ d’un patrimoine public, mis à disposition d’une entreprise commerciale, peut apparaître comme choquante _ bel euphémisme…

Mais, de plus, dans de nombreux cas, l’utilisation par les bibliothèques de leurs propres collections numérisées par Google (et même s’il s’agit d’ouvrages du domaine public) est _ d’ores et déjà _ soumise à des conditions _ acceptées par contrat signé par elles : un « passage«  par quelques « fourches caudines » ?.. _ tout à fait inacceptables, telles que l’interdiction d’exploiter les fichiers _ ainsi _ numérisés _ « de leurs propres collections« , donc !.. _ durant plusieurs décennies ; ou celle de les fusionner avec ceux d’autres bibliothèques. Tout aussi inacceptable _ eu égard au droit public des démocraties : dont le « souverain » demeure (en théorie) « le peuple« _ est un autre secret : celui qui porte sur les clauses _ notamment financières ; mais pas seulement, loin de là… _ des contrats signés avec chaque bibliothèque.

Les justes réticences _ avance donc Roger Chartier, s’en faisant ici le rapporteur… _ face à un partenariat _ cf Jean de La Fontaine : « Le Pot de terre et le Pot de fer« , « Fables« , V, 2… ; et « Les Animaux malades de la peste« , VII, 1 ; voire « Le Chat, la belette et le petit lapin« , VII, 16 _ aussi risqué _ telle la signature d’un chèque en blanc ?.. _ ont plusieurs conséquences _ quant à des mesures de garanties préventives à prendre impérativement et d’urgence ! D’abord, exiger _ pour les éventuels contrats à passer : mais comment l’obtenir concrètement, au-delà de (vagues, si elles sont seulement énoncées…) « promesses«  qui ne seront guère (ou pas du tout !) tenues… ; on ne peut plus cyniquement… _ que les financements publics des programmes de numérisation soient _ de la part des gouvernements des États ! _ à la hauteur des engagements, des besoins et des attentes _ des usagers les mieux exigeants _ ; et que les États _ que deviennent-ils donc, eux-mêmes, au fait (!), par les temps qui courent ?.. _ ne se défaussent pas sur des opérateurs privés _ comme cela se pratique pourtant de plus en plus ; et s’affiche même comme « ligne politique«  « saine«  !.. _ des investissements culturels à long terme qui leur incombent _ l’acceptent-ils donc ? ces États ?.. et devant les « peuples » ? dont ils ne sont, in fine, que les « représentants«  (strictement contractuels, « mandatés«  ; et pour une période strictement limitée) ?..

Ensuite, décider des priorités _ sans abandonner un tel pouvoir de décision (du choix de ces « priorités« …) à d’autres ; et contrôler ce qu’il en advient… _, sans nécessairement penser que tout « document » a _ en soi _ vocation à devenir numérique ; puis, à la différence du « gisement d’informations » googlien, construire _ d’intelligence « la meilleure » (en consultant « vraiment » des « autorités » « culturelles » incontestables compte tenu des formidablement majeurs ! enjeux « civilisationnels«  !) ; pas seulement l’intelligence performante technologiquement ; ou rien que rentable financièrement… : il s’agit là rien moins que de la responsabilité des « valeurs«  de référence de notre « monde commun«  à bâtir (cf Cornélius Castoriadis : « L’Institution imaginaire de la société » ; ou Bernard Stiegler : passim : par exemple « Mécréance et discrédit«  _ des collections numériques cohérentes, respectueuses des critères d’identification et d’assignation des discours qui ont organisé et organisent encore la culture écrite et la production imprimée _ un point capital !

L’obsession, peut-être excessive et indiscriminée, pour la numérisation ne doit pas _ non plus _ masquer un autre aspect de la « grande conversion numérique », pour reprendre l’expression du philosophe Milad Doueihi _ cf « La Grande conversion numérique« , aux Éditions du Seuil _, qui est sans doute, avec Antonio Rodriguez de las Heras _ l’auteur du livre électronique « Los estilitas de la sociedad tecnológica« , notamment… _, l’un de ceux qui insistent sur la capacité de la nouvelle technique à porter des formes d’écriture originales _ vraiment ! _, libérées des contraintes imposées, à la fois, par la morphologie du codex et le régime juridique du copyright _ c’est un facteur intéressant… Cette écriture palimpseste et polyphonique, ouverte et malléable, infinie et mouvante _ ce peut-être une richesse de vraie « création«  de la part du « génie » humain, en effet ; et de ses capacités formidables de « progrès«  (authentique !)… _, bouscule les catégories qui, depuis le XVIIIe siècle, sont le fondement de la propriété littéraire.

Ces nouvelles productions écrites, d’emblée numériques _ tels les blogs… _, posent dès maintenant la difficile question _ concrète et hypertechnologique _ de leur archivage et de leur conservation. Il faut y être attentif _ aussi ! _ ; même si l’urgence aujourd’hui _ et la priorité, selon Roger Chartier _ est de décider comment et par qui doit être faite _ et surveillée (contre des « abus«  de droit humain authentique) : l’enjeu (de « pouvoir« ) est, et au plus beau sens du terme, « politique«  !!!.. il concerne la Cité (mondiale, désormais…) d’un monde « commun«  et vraiment « humainement«  « partagé«  _ la numérisation du patrimoine écrit ; en sachant que la « république numérique du savoir » _ son concept est utile autant que beau ! _, pour laquelle plaide avec tant d’éloquence l’historien américain Robert Darnton _ de lui, par exemple : « Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIème siècle« , aux Éditions Gallimard… _, ne se confond _ décidément _  pas _ tristement réductivement… _ avec ce grand marché de l’information auquel Google et d’autres proposent leurs produits ».

Roger Chartier est professeur au Collège de France.

de quelques symptômes de maux postmodernes : 1) en Italie, selon Erri De Luca

28avr

Deux forts articles de journaux, encore : afin d’un peu bien « décrypter » et « mettre à (un peu meilleure) lumière du jour » les impostures _ graves ! _ du « monde comme il va« ,

et depuis pas mal de temps, maintenant ; ou ce que Nietzsche appelle _ le présent lui convient toujours ! _ la « maladie«  _ endémique ; et suicidaire _ du nihilisme :

une (magnifique !) interview d’un Erri De Luca dans un très grand jour, descendu, exprès de la région du lac de Bracciano, où il vit désormais, en un café_ soit le Café Rosati ; soit le Caffè Canova : ils se font face sur la Place… _ de la Piazza del Popolo, à Rome, se prêter à un « entretien » avec le journaliste d' »El Pais« , Miguel Mora : « Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« ,

à l’occasion de la parution de la traduction espagnole (« El día antes de la felicidad« , paru aux Éditions Siruela le 22 avril 2009) de son « Il giorno prima la felicita«  (paru, lui, aux Éditions Feltrinelli le 1er janvier 2009) ;

dans « El Pais » du samedi 25 avril ;

et une « tribune libre » : « L’Etat français : dernier refuge de la « culture du résultat » ?..« , du philosophe Michel Feher dans « Le Monde » du dimanche 26 avril 2009.

« Une interview très intéressante : remarquable même !..
Erri de Luca était dans un très bon jour, ce jour-là, à ce moment-là,
Piazza del Popolo, en dégustant (au Rosati ? au Canova ?) un excellent café
_ même si pour ma part, je préfère prendre le café au Sant’Eustachio
ou à Tazza d’Oro, les deux tout à côté du Panthéon…
Ou à Campo dei Fiori !

En italien, le livre dont il s’agit s’appelle « Il Giorno prima la felicita«  »…

Titus

écrivais-je sur l’instant à l’ami Bernard Plossu en découvrant (puis en le lui adressant illico presto) cet article-ci d' »El Pais » :

ENTREVISTA : LIBROS – Entrevista Erri de Luca

« Nápoles transmite una educación sentimental nerviosa« 


MIGUEL MORA 25/04/2009

Ex militante revolucionario y ex obrero de Fiat, el autor italiano ha obtenido con sus obras anteriores el aplauso de la crítica y hoy le llega el del público con « El día antes de la felicidad« .

Erri de Luca es un tipo misterioso. Tiene cara de lord inglés, pero es napolitano y viste como un agricultor. Traduce obras del hebreo antiguo y del yiddish, pero asegura que tampoco es judío y que lo aprendió para leer la poesía de primera mano. Su cara de no haber roto un plato encubre un pasado agitado y comunista : fue militante revolucionario en Lotta Continua, y dice no arrepentirse en absoluto de haber vivido « el tiempo en que los obreros follaban« . Sus manos enormes y curtidas remontan también a ese momento : él mismo fue obrero en Fiat (montaba motores de camiones), y albañil, aunque sostiene que llegó tarde a la fiesta.

« En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia »

Hoy, a los 58 años, De Luca es un escritor, poeta y cuentista fuera de normas y etiquetas con títulos como « Aquí no, ahora no » _ « Une fois, un jour » _ y « Montedidio« . Alpinista ocasional, vive en el campo, cerca del lago de Bracciano, a 50 kilómetros de Roma. Su última novela encabeza la lista de los libros más vendidos del país. Es « El día antes de la felicidad«  (Siruela) _ on traduit donc Erri De Luca bien plus vite _ 1er janvier – 22 avril !!! _ en espagnol qu’en français !.. Es un relato sencillo y poético, con toques de historia y de humor napolitanos. Narra la educación sentimental de un joven huérfano, que crece en los años sesenta protegido por un portero de finca. Don Gaetano, sabio y memorioso, le explica cómo escondió a un judío durante la ocupación nazi, cómo fue la revuelta y la liberación. Mientras le escucha, el héroe va forjándose un carácter; el amor y el futuro los encontrará lejos.
La protagonista es Nápoles, ciudad de la que De Luca se largó a los 18 años. Hoy ha bajado a Roma, y llega antes de la hora a su café preferido _ le Rosati ? le Canova ? _ de Piazza del Poppolo.

PREGUNTA. ¿ Se siente italiano o napolitano ?

R. Como escritor y hablante, vivo en la lengua italiana. La lengua italiana es mi patria, pero no tengo sentimientos patrióticos respecto a mi país. Si suena el himno no se me acelera el pulso, con la bandera tampoco. Pero la lengua me gusta. Nací y crecí en napolitano y me convertí en un escritor en italiano. No soy un escritor italiano, sino en italiano. Acabé dentro de la lengua de mi padre.

P. ¿ Cambió de patria ?

R. De lengua. Mi padre pretendía que en casa hablásemos italiano sin acento. La mamma hablaba en napolitano. Ella era el lugar, era Nápoles.

P. Sé que murió hace unos días y vivía con usted. ¿ Tenían buena relación ?

R. Una relación tardía, adulta, pero buena, fuerte. Vinieron los dos a vivir conmigo porque no les llegaba el dinero.


P. ¿ Cómo era Nápoles cuando se fue ?

R. Una ciudad del sur del mundo. Tenía la más alta mortalidad infantil y la más alta densidad de Europa, vivíamos apezuñados. Era una ciudad tomada por los americanos, la sede de la VI Flota _ ce que raconte magnifiquement Ermanno Rea, à propos de la vie et de la mort de la militante Francesca Spada-Nobili, dans « Mystère napolitain » ; ou Domenico Starnone, à propos de ses parents, dans « Via Gemito » : deux grands livres sur la Naples d’alors… _ y estaba siempre abierta y vendida para las salidas de los miles de militares americanos, que eran la mayor fuente de renta. Vendida porque, si cometían un delito, respondían ante sus jueces militares. Era una ciudad entregada. Se parecía a Manila, a Saigón…

P. Una colonia…

R. Con toda la ilegalidad secundaria que eso comporta. Era el mayor burdel del Mediterráneo y el centro del contrabando europeo. Hoy es uno más entre tantos matices del norte, aunque sigue siendo una ciudad poco italiana, más bien española _ les Napolitains continuant superbement d’ignorer que leur chère « Via Toledo«  porte depuis pas mal de temps officiellement le nom de « Via Roma«  Los españoles estuvieron mucho tiempo _ avec les Aragon, les Habsbourg, puis les Bourbon _ y se hicieron napolitanos _ comme le troisième fils de Carlos III, Ferdinando ; son père (un grand roi !) parti occuper le trône de Madrid, en 1759, à la mort de son frère aîné, le roi Fernando VI… Et laissant le trône de Naples (ou plutôt « du Royaume des Deux-Siciles« ) à ce troisième fils… Los reyes que triunfaban hablaban el dialecto. Nápoles es _ en conséquence (peut-être ?..) en partie de quoi… _ anárquica y monárquica. Siempre le gustó tener un rey para los domingos _ c’est largement assez !.. Los otros seis días le gusta estar a su aire y que el rey _ suffisamment bonasse _ deje hacer.

P. ¿ La Camorra _ là-dessus, cf le grand « Gomorra« , de Roberto Saviano (ainsi que le tout récent « Le Contraire de la mort _ Scènes de la vie naplitaine« , du même Saviano… _ es española o americana ?

R. La palabra es española, la práctica es toda nuestra. Nada que ver con la Mafia, no tiene unidad de mando. Son 200 familias que se reparten el terreno en pequeños trozos, en permanente bronca entre ellas. Por eso es ingobernable. Existía con los españoles, se adaptó a los americanos, y cuando se fueron los americanos se volvió a adaptar.

P. ¿ Quién le contó la ocupación nazi ?


R. Mi madre. La historia la contaban las mujeres porque los hombres o estaban en el frente o en la cárcel o emboscados. Nápoles fue la ciudad más bombardeada de Italia. En ese momento en que se preparaba la batalla militar entre los alemanes y los norteamericanos surgió la insurrección, por pura acumulación de tensión. Fue una mezcla de pequeñas historias _ cf aussi Curzio Malaparte : « La Peau« 

P. ¿ Alguna heroica ?


R. En Nápoles no gustan los héroes. Siempre reducimos las historias heroicas, las deformamos, les quitamos importancia. Fue una combinación de miedo, cotilleos y cosas cómicas. Todo junto les hizo vencer _ la force (de vie comme de destruction) de Naples est terrible…


P. ¿ Por qué contó la historia a través de Don Gaetano ?


R. Porque uno escucha a las mujeres pero aprende de los hombres. Las mujeres son la fuente de información, pero la herencia _ surtout au Sud ?.. _ es un acto masculino, paterno. Es el padre el que transmite y entrega la pertenencia a un lugar. A través de ese relato masculino el chico se da cuenta de no ser un huérfano sino el hijo de una ciudad _ oui… _ de la que debe aprender a marcharse.

P. ¿ Nápoles es padre o madre ?

R. En mi caso fue una ciudad-causa. Fui consecuencia de ella, me transmitió una precisa educación sentimental nerviosa. Aprendí los sentimientos constitutivos del hombre, la cólera, la compasión y la vergüenza. Y me templó el sistema nervioso una octava por encima de lo normal _ ou le « tempérament », pas seulement musical, en l’occurrence… En eso Nápoles se parece a Jerusalén. Tiene esa misma tensión nerviosa. Disimula, no quiere escrutarte, finge ignorarte, pero en realidad te percibe _ toi… _ con todos los demás sentidos, con el olfato, las orejas, la vibración del cuerpo…

P. ¿ Sintió pena al irse ?

R. Me despegué como pude _ c’est là le drame de la plupart (tel Domenico Starnone, qui me l’a personnellement confié, en son passage à Bordeaux) des Napolitains qui doivent absolument la fuir pour respirer vraiment et pouvoir créer (à la notable exception près d’un Giuseppe Montesano : cf ses très beaux « Dans le corps de Naples«  et « Cette vie mensongère« ). Tenía encima una mole que me expulsaba. Me arranqué como un diente de una encía _ la formule est parlante ! Luego no pude reimplantarme _ vraiment _ en ningún sitio. Cuando me fui supe que no volvería, pero allí no podía seguir _ c’était l’asphyxie. Estaba solo. Luego _ juste après 68 _ encontré a mi generación _ pas tout à fait une famille _ en la calle, rebelde primero y revolucionaria después, y ahí sentí otra pertenencia, en vez de a un lugar, al tiempo _ c’est-à-dire « l’époque«  ; l‘ »esprit du temps«  Soy _ en cela _ un producto del tiempo, del 900 _ le XXème siècle.


P. Y de la revolución fallida.


Ici, on passe à l’après-Naples d’Erri de Luca, les
« années 68« 

R. Fui revolucionario a tiempo completo todo el decenio de los setenta. Milité en « Lotta Continua » hasta 1976, y cuando acabó me hice obrero y seguí _ dès lors _ solo. Fue la herencia del tiempo, y hoy lo veo con lealtad _ une vertu assurément importante. No me gusta la nostalgia, pero soy leal _ sans reniement _ con las razones de aquel tiempo. Pienso que aquel hombre joven que fui reconocería en mí a la continuación de sí mismo _ ce n’est certes pas rien ! Quiero pensarlo.

P. ¿ Hizo la cosa justa ?

R. Cuando las cosas hay que hacerlas, justo o injusto, no hay elección.

P. Pero no tomaron el poder.

R. Era una revolución rara. Era más cuestión de entorpecer al poder y hacer crecer a la sociedad _ que de prendre le pouvoir. No fue inútil. Fue necesario, y dio resultados _ sans précision de plus. No en las vidas personales, ahí lo pagamos caro porque fuimos la generación más encarcelada de la historia, incluida la que vivió el fascismo.


P. ¿ Usted hizo cárcel ?

R. Poca y muy temprano, en 1968 o 1969.

P. ¿ Y lucha armada ?

R. Prefiero no contestar _ les plaies demeurent ouvertes ; et pas seulement du fait du pouvoir de la droite italienne (Sivio Berlusconi, Gian-Franco Fini, etc…). Pero toda revolución prevé recurrir a las armas.

P. ¿ Defiende todavía el 68 ?

R. La historia la escriben los vencedores, no los condenados _ certes ; mais il faut aussi voir à long terme…. El 68 fue sólo _ et pas davantage _ el momento de la salida, la campana que sacó a los estudiantes de clase _ pour une brève récréation ? Era el periodo en que los obreros follaban. Ser obrero era una posición social de prestigio _ en effet. Eran un punto de referencia _ une sorte d’aristocratie (du travail). La vanguardia. Tenían poder y encanto _ soit du prestige et du charme…

P. ¿ Usted folló mucho ?

R. Yo no, me hice obrero tarde. Y entonces no teníamos derecho al amor, el amor era… un pretexto para retirarse.

P. ¿ Fue una guerra civil ?

R. No desde el punto de vista de las pérdidas, pero sí de las condenas : 5.000 condenados por banda armada. No existía la responsabilidad individual. Por eso esa generación hizo los hijos muy tarde. Yo ni eso, porque soy estéril como un mulo. Pire : Muchos compañeros míos se mataron con la heroína para ajustar cuentas rápido. Y unos pocos se hicieron periodistas o cambiaron de chaqueta _ sans commentaire.

P. ¿ Usted ajustó las cuentas ?

R. Hay todavía prisioneros, las cuentas sólo están suspendidas.

P. ¿ Y no piensa que Berlusconi es en parte consecuencia de esa lucha ?

R. No, es la alegre consecuencia de que hemos pasado de ser un país de emigrantes a un país de propietarios de casas, primera y segunda. Italia es un país de nuevos ricos, con todos los tics del nuevo rico. Por eso elige como primer ministro al más rico _ Silvio Berlusconi à trois reprises (1994-1995 ; 2001-2006 ; et depuis 2008) _, como presidente de la República _ Carlo Azeglio Ciampi (de 1999 à 2006) _, a un ex dirigente del Banco de Italia _ de 1979 à 1993 _, y como opositor, a un profesor de economía _ Romano Prodi. Italia ha idolatrado la economía, sólo piensa en el dinero. Es como Suiza, pero con más gente.

« El día antes de la felicidad« . Erri de Luca. Traducción de Carlos Gumpert. Siruela. Madrid, 2009. 132 páginas. 13,90 euros.


+ , en bonus, un article :

« La felicidad del héroe sin batallas » sur ce même livre (« El día antes de la felicidad« ) dans « Publico » (22 avril 09)

La felicidad del héroe sin batallas

El escritor italiano Erri De Luca cuenta en ‘El día antes de la felicidad’ la pérdida de la inocencia de un huérfano en plena Segunda Guerra Mundial

y participa hoy en un espectáculo sobre don Quijote.

El escritor italiano cree que la felicidad es pasajera.

REYES SEDANOPEIO H. RIAÑO – Madrid – 22/04/2009 22:59

Los invencibles se levantan una y otra vez, visten con camisa a cuadros y tienen manos tan grandes como sus botas para caminar por la montaña. Los invencibles son quijotes que lucharon en 1969, como Erri De Luca, que a los 18 años formaba parte de una generación insubordinada y rebelde a la que acompañó dentro del movimiento « Lotta Continua » hasta que fueron conscientes de que no podían cambiar el mundo. Un héroe que durante 39 años creyó que la revolución se hacía en la calle hasta que escribió, hace ahora 20 años, su primera novela, « Aquí no, ahora no » (Editorial Akal) _ en français « Une fois, un jour« , peut-être son plus beau livre (aux Éditions Verdier) _, acerca de su infancia napolitana.

Desde entonces, su arma cambió ; y esas manos gigantes que se frotan una contra otra con detenimiento y fruición, como buscando forzar sus pensamientos, se empeñan en predicar que la enseñanza es la base de la libertad de los pobres, de los trabajadores, porque como dice uno de los personajes de su nuevo libro « El día antes de la felicidad » (Siruela) : « La instrucción nos daba importancia a nosotros los pobres. Los ricos se habrían instruido de todas las formas. La escuela daba peso a quien no lo tenía, lograba la igualdad. No abolía la miseria, pero entre sus muros permitía la igualdad« .

Esas palabras que Erri De Luca pone a la deriva en el relato de una Nápoles convulsa y rebelde contra la ocupación alemana, donde un muchacho huérfano aprende a trompicones entre las enseñanzas de don Gaetano ; y el encuentro con el primer amor ; y la huida de su ciudad, también son las del propio autor. « En mi ciudad después de la guerra, la escuela pública era el lugar donde sucedía la igualdad« , explica el escritor a Público, en el Círculo de Bellas Artes de Madrid, a donde ha llegado para presentar hoy un espectáculo « Don Quijote y los invencibles« .

A fuerza de cultura

Una biblioteca nutrida consigue que el ciudadano llegue a otras posibilidades que no le estaban pronosticadas : « Fuera de la escuela, todo eran opresores y oprimidos, uno sobre el otro. Pero en la escuela todos estábamos juntos, los hijos de la burguesía con los hijos de la pobreza que no marchaban a trabajar. Es así como un chico pobre puede asumir una nueva condición y abrirse un nuevo camino que cuestione los confines designados por los avatares de la vida. »

« La felicidad es un golpe imprevisto, una cita sin preparar« 

Algo así buscó don Quijote, un personaje que Erri De Luca (Nápoles, 1950) considera irreductible, porque tras encajar reiteradas derrotas jamás se rinde, ni se acobarda. Por eso el homenaje en escena, por eso Don Quijote y los invencibles, con una puesta en escena en la que él cuenta las historias de un ser que jamás ganó una batalla, pero que no se dejó de plantear seguir peleando por el mundo que había imaginado, junto con un guitarrista y cantante y un clarinetista.

« ¿ Que por qué darle carne al relato y hacer teatro ? Porque yo soy un tipo que cuenta historias y las cuento oralmente y también por escrito« , explica para aclarar que los tres se benefician del noble lugar del teatro, pero simplemente se sitúan en torno a una mesa, hablando y cantando. « No hay ninguna otra acción« .

« Invencible » es una de las palabras que persiguen a alguien que ha luchado toda su vida por imponerse a su destino. De Luca es un Quijote sin batallas en su haber, porque como él mismo dice « los invencibles no son los que ganan las batallas, sino aquellos que continuamente derrotados, nunca dejan de levantarse para afrontar otra batalla« . Los invencibles tienen otra virtud, que les hace moverse sin tener nada fijo, sin saber qué será de ellos, y es que buscan la felicidad aunque son conscientes de que si llegan a conocerla alguna vez, deberán olvidarla inmediatamente. Esa es la esencia de la novela « El día antes de la felicidad« .

Esto de la felicidad

Erri de Luca se recoge las mangas de su camisa azul y blanca a cuadros, vuelve a frotarse las manos y explica que la felicidad « es un golpe imprevisto« . Esa es la razón por la que no se puede contar con ella para nada, « porque a lo sumo es un empujón de alegría« . De hecho, está convencido de que la mayor parte de las veces que pensamos en la felicidad es para referirnos al pasado, como memoria. « La felicidad es una cita para la que uno nunca está preparado, aunque sabe que la va a tener« , remata.

« En la escuela pública es el  lugar donde sucede la igualdad »

Aparentemente « El día antes de la felicidad » es el diario de alguien que recuerda su historia en un « cuaderno de rayas mientras el barco se encamina hacia la otra punta del mundo« . El personaje en esta maravillosa novela lucha por tratar de reconocer la felicidad, pero el autor le hace pasar por agravios que le harán comprobar en sus carnes que hay que olvidarla tan rápido como llegue, « porque como viene se va« .

En ese sentido, podríamos entender que toda una vida es el día antes de la felicidad, siempre a la espera de su aparición. Pero Erri De Luca lo niega: « No, porque si no sería como una zanahoria delante del caballo. Y eso no es la felicidad« . De hecho, el autor italiano se emplea a fondo en sus imágenes, en las que hay siempre un sentido poso autobiográfico: « El día antes de la felicidad yo era un alpinista que derrapaba en el descenso« , le hace decir al protagonista.

Diálogo en las cumbres

La referencia a la montaña en la anterior cita no es casual. Erri De Luca es un apasionado montañero, que ya ha dejado testimonio en algunos relatos como los que componen « El contrario de uno » (2005) _ « Le Contraire de un » _  y en « Tras la huella de Nives » (2006) _ « Sur la trace de Nives » _, donde se metió en la mochila las reflexiones de la alpinista Nives Meroi (Bérgamo, 1961) _ una de las tres mujeres que han ascendido siete de los catorce ochomiles _, con quien habló de la fascinación del alpinismo, de la aventura, la muerte… el viaje sin fin.

« El terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika »

« En realidad mi escritura tiene poco que ver con mis paseos por el monte. Sí compararía mi relación del monte con la lectura más que con la escritura« , nos cuenta. Hablamos de la naturaleza y es inevitable ver en su cara morena y afilada las huellas de un gran paseo reciente. Sus pequeños y audaces ojos azules se mueven con tranquilidad, charla pausado. « Me gusta ver en la montaña cómo sería el mundo sin nosotros _ dice dibujando un lugar sin habitantes. Allí escasea el hombre y además se acentúa la sensación de estar de pasada, de no habitar. Porque subir una cumbre es como dar un paseo en el desierto.« 

Curiosamente, Erri relaciona esos paseos solitarios con sus lecturas diarias del « Antiguo Testamento » al amanecer. « Entro no como creyente, sino como transeúnte ; y salgo con las mismas. Así hago en la montaña, entro y salgo« .

Terrorismo y revolución

No podemos dejar de preguntarle por la posibilidad de llevar adelante hoy una revolución por las generaciones más jóvenes, hay motivos. Él es rematadamente franco : « Podríais hacer la revolución, pero no queréis« . « El siglo XIX fue un siglo de revoluciones, de insurrecciones del pueblo que cambiaron las relaciones de fuerza entre opresores y oprimidos. Yo provengo de este siglo, donde la Historia aplastó las historias personales y dividió familias, separó pueblos… Fue un siglo muy invasivo« , recuerda.

Es pesimista con nuestras responsabilidades. « Hoy no veo ninguna solidaridad con la insurrección. Cuando nosotros, Occidente, invadimos Irak, Afganistán… no pasa nada, no veo entre los jóvenes la solidaridad con las luchas independentistas armadas de estas culturas islámicas que no quieren que nosotros vayamos a arreglar nada. Todo viene tachado como terrorismo y nadie quiere entender nada, ni oponerse a esa definición« , afirma. Para Erri De Luca, que conoce los relatos de Nápoles, la ciudad más bombardeada de Italia en la Segunda Guerra Mundial, terrorismo es un bombardeo sobre civiles. Por eso dice que « el terrorismo comienza en nuestro siglo con Guernika. »

La suite de cette réflexion, (sur quelques symptômes de maux postmodernes)

en un second volet : 2) « de quelques symptômes des maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher« …

Titus Curiosus, ce 28 avril 2009

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