Posts Tagged ‘respect

La grâce (et l’intelligence) « Jaroussky » en un merveilleux récital de « Mélodies françaises », de Jules Massenet à Reynaldo Hahn _ un hymne à la civilisation de la civilité

25fév

Je ne vais pas être objectif,

autant que j’annonce tout de suite et sans ambages la couleur

_ car je place (on ne peut plus « personnellement » : j’en demande bien pardon !) au pinacle de mon goût musical « personnel », donc, la mélodie française… cf mon article du 11 octobre, à propos de l’excellent (ravissant !) récital de Susan Graham : « Un Frisson français » (chez Onyx) ; « Un bouquet de “glamour” musical _ et autres _ pour “temps de crise”…  » _,

le récital de mélodies françaises (disons « fin-de-siècle« ) que vient nous offrir Philippe Jaroussky

avec un CD de « Mélodies françaises » _ c’est le sous-titre de ce CD, auquel on aurait bien fait de s’en tenir ! _

est une merveille de réalisation,

grâce à l’interprétation d’enchanteresse probité poétique et musicale

_ et il faut du génie pour pareille justesse dans le rendu avec autant de « naturel » de l’infinitésimal du camaïeu des plus infimes nuances, et toutes (et chacune) « à leur place » !.. :

tout « devant », ainsi « à sa place », mobile et émouvante,

par un travail formidablement patient et inspiré, exigeant, face à l’œuvre qu’il faut « donner » « telle quelle », en quelque sorte,

c’est-à-dire telle que cette œuvre sourd, sub specie æternitatis, du génie de l’artiste créateur à l’instant béni des Dieux de son « invention-naissance » par l’artiste-auteur-compositeur-créateur de l’œuvre ;

par un travail, donc, de fourmi, titanesque et minutieux tout à la fois, de « mise en place » des interprètes

dont n’est devenue, à l’instant de cette interprétation le plus possible « en toute simplicité » offerte ;

dont n’est devenue plus perceptible la moindre trace du plus petit effort qu’il a pourtant bien fallu fournir, essayer, donner, pour y atteindre et s’y hausser !) ;

tout (de l’œuvre « donnée) devant, ainsi, donc,

glisser et couler de source, avec la grâce heureuse, et bientôt, à l’instant même, c’est à dire immédiatement, partagée par nous, récepteurs de ce « don » de l’œuvre ainsi interprétée (et captée _ par l’ingénierie sonore ; et reçue par nous _ les auditeurs-récepteurs, auxquelles cette œuvre ainsi interprétée est « donnée ») ;

avec la grâce heureuse, donc,

de l’évidence sereine de la sensation (æsthesis), indissolublement poétique et musicale, ici, comblée ;

car tel est bien son miracle, sa « grâce », en effet… _,

grâce à l’interprétation d’enchanteresse probité poétique et musicale

de Philippe Jaroussky, contre-ténor _ qu’on n’attendait peut-être pas, bien à tort !, dans pareil répertoire : pour tout dire, je ne goûte pas particulièrement l’aigü de son timbre (!) dans le répertoire baroque;

à moins que ce ne soient des « volutes » (d’ornements de la ligne musicale) peut-être un peu trop maniéristes, ou maniérées :

est-ce affaire d’œuvres (non françaises, ou de style « français », en l’occurrence) ? est-ce affaire de rôles ? est-ce affaire de choix stylistiques de chefs (d’opéras _ haendeliens ? ; ou de cantates _ italiennes ?..) ; voire de directeurs artistiques ? ou même de conseillers (moins avisés qu’ici)… ;

en tout cas, ici, pour l’heure _ en ces magnifiques « mélodies françaises » « fin-de-siècle » -ci _,

le goût de Philippe Jaroussky frôle la perfection… _

et Jérôme Ducros, au piano ;

plus les (brefs) amicaux renforts

_ en guest-stars : mais la mélodie est un art on ne peut plus convivial d’écoutes réciproques, à commencer par les écoutes mutuelles (= « l’entente », au sens premier et propre ! enchanteresse alors !) des interprètes entre eux, comme en toute musique « de chambre », laquelle est le B-A BA de LA musique !.. ne jamais le perdre de vue (ni d’ouïe !) _

du violon de Renaud Capuçon (pour « Violons dans le soir » de Camille Saint-Saëns, sur un poème d’Anna de Noailles) ; du violoncelle de Gautier Capuçon (pour « Elégie » de Jules Massenet, sur un poème de Pierre Lorys) ; et de la flûte d’Emmanuel Pahud (pour « Viens, une flûte invisible soupire« , d’André Caplet, sur un poème de Victor Hugo).

Le CD est officiellement, et plutôt malencontreusement à mon goût (car trop « accrocheusement ») titré : « Opium«  _ en référence à ce sous-titre de la mélodie (fort belle !) bien mieux titrée, elle, « Tournoiement« , de Camille Saint-Saëns (sur un poème d’Armand Renaud, en 1870…) _

comme s’il s’agissait _ vulgairement _ de la promotion commerciale de quelque « parfum » aux pouvoirs possiblement envoûtants (= aphrodisiaques) : mais non ! il s’agit seulement de délicates et subtilement raffinées « mélodies françaises » à écouter avec sérénité et tendresse sur sa platine !

alors que l’interprétation (magnifique de lisibilité et d’impact : quelle intelligence de la sensibilité !) de Philippe Jaroussky est aux antipodes du moindre mauvais goût, aguicheur, appuyé, affriolant,

l’interprète s’en tenant, présente-t-il lui-même très sobrement au début du livret du CD (page 5), à ceci :

« J’ai choisi volontairement la prononciation la plus proche possible de la voix parlée actuelle _ sans trop d' »r » roulés, par exemple… ; on pourra comparer avec une version antérieure d’« A Chloris«  filmée, sur You Tube… : telle un brouillon…  _, afin que les mots résonnent de la façon la plus naturelle _ un terme qu’il nous faudra commenter ! _ dans l’imaginaire _ « fantaisie » est le mot que prononce Théophile de Viau, le poète, dans « A Chloris » (en post-scriptum, pour le plaisir, je donne l’intégralité de ces « stances »)… _ des auditeurs, en essayant d’écarter tout « affect » ou « surinterprétation«  _ en effet ! tant de la part du chanteur ; que de l’auditeur !!! _ ;

avec cette reconnaissante _qu’il en soit chaleureusement remercié ! _ précision, encore :

« Je tiens à remercier tout particulièrement Frédéric Faye qui m’a permis, par ses conseils tout au long de cet enregistrement, d’aller dans cette _ fort heureuse ! cf la version antérieure d’« A Chloris«  sur You Tube _ direction »  _ on ne peut plus judicieuse, en effet : l’art français proscrivant absolument (comme une horreur qui le saccage et, sans nul remède hélas le détruit !) de présenter si peu que ce soit à sa réception

_ et ce point constitue aussi une donnée fondamentale de la chose : cet art (du chant français), tout comme celui (= frère !) de la conversation, étant tout entier tourné vers l’interlocuteur, qu’il s’agit d’abord, et avec le plus grand tact, de respecter et servir ; et jamais de séduire, acheter, emporter, berner, violer _

l’art français proscrivant absolument de présenter à sa réception

la moindre prise que ce soit au plus léger début de plus petit soupçon _ mortel pour l’interprétation ! comme pour la réception de l’auditeur !!! _ de surcharge ou de boursouflure !!! 

Sur les vingt quatre mélodies composant le merveilleux bouquet de ce récital, « Opium« , donc,

dix-sept d’entre elles ont été composées et publiées _ les indications du livret n’étant pas tout à fait complètes à cet égard, c’est dommage… _ entre 188o, pour « Nell » (sur un poème de Leconte de Lisle), et « Automne » (sur un poème d’Armand Silvestre), de Gabriel Fauré, et « Les Papillons » (sur un poème de Théophile Gautier), d’Ernest Chausson ;

et 1901 , pour « Les Donneurs de sérénade » (sur un poème de Verlaine : « Mandoline« , le quinzième du recueil « Les Fêtes galantes« ), de Gabriel Dupont ;

en amont de ce moment (1880- 1901 : si fécond pour ce genre si quintessentiellement « français »), trois mélodies de 1869-70 :

« Elégie » (sur un poème de Pierre Lorys) et « Nuit d’Espagne » ( sur un poème de Louis Gallet) _ tout spécialement merveilleuses, les deux !!! _, de Jules Massenet, en 1869 ;

et « Tournoiement » (avec pour sous-titre « Songe d’opium » : sur un poème d’Armand Renaud), de Camille Saint-Saëns _ tout aussi éblouissante ! _, en 1870 ;

et, en aval, quatre mélodies, entre 1907 et 1914 , et une dernière en 1924 :

en 1907, « Violons dans le soir » (sur un poème d’Anna de Noailles), du même Camille Saint-Saëns (1835-1921) ; l’immortelle « A Chloris » (sur un poème, donc, tellement beau, de Théophile de Viau, de 1621), en 1913,

et l’exquise « L’Heure exquise » (sur un poème de Verlaine, « La lune blanche…« , le sixième du recueil « La Bonne chanson« ), du magnifique Reynaldo Hahn (1875-1947), en 1914 ;

et enfin, exception un peu plus tardive de ce somptueux « bouquet », en 1924, « Sonnet » (sur le sonnet « Ha ! Bel Accueil, que ta douce parole…« , du « Premier Livre des Amours« , de Pierre de Ronsard) de Paul Dukas..

On comprend que Philippe Jaroussky ait tenu à ne pas se priver, ni nous non plus, de ces sept mélodies-là : extraordinaires, en effet !

Et alors que son récital fait l’impasse _ j’ose espérer que c’est pour les réserver à un futur récital ! _ sur ces chefs d’œuvre que sont les mélodies de Henri Duparc, de Maurice Ravel _ ainsi que, même si plus tardives, de celles de Francis Poulenc…

Le choix des mélodies de ce récital-ci par Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros est extrêmement judicieux, en son « unité », autour des deux dernières décennies du XIXème siècle principalement :

un moment « fin-de-siècle », si l’on veut, mais brillant des feux mordorés et chatoyants d’une France qui affirme avec sérénité (et sans hystérie) son génie, son âme et son esprit, dans ses Arts aussi : la France de la république (et des Lois) de Jules Ferry, se remettant, avec son élégance « essentielle (depuis François Ier au moins, et Joachim du Bellay : « France, mère des Arts, des Armes et des Lois…« , dans « Les Regrets« , à un retour de Rome…), de l’humiliation de la défaite par les Armes de 1870…

Personnellement, je ne partage pas du tout ! la thèse d’un goût dominant, sinon généralisé, voire uniforme, pour un certain décadentisme _ à la Huysmans (ou à la Des Esseintes) de « A rebours« , en 1884 _ que pense décrypter, dans la plupart de ces œuvres-là, le livrettiste de ce CD, Christophe Ghristi.


Si l’art français se démarque, certes, du goût germanique pour « la terre« , les brouillard
bien épais de chemins ne menant nulle part (« Holzwege« ) au cœur des forêts et vers les cimes de montagne, ce n’est pas pour autant un art de l’artifice et de « la chaleur _ vénéneuse _ des serres » (page 5 du livret) _ telle celle, superbe par ailleurs, de la demeure haussmannienne des Saccard, donnant sur le Parc Monceau, dans « La Curée » de Zola (en 1872 : une critique au vitriol des miasmes du second empire, qui vient juste de s’écrouler, d’un bloc, à Sedan, à la capitulation de Bazaine, le 27 octobre 1870)…

L’art français, éminemment civil (avec urbanité !) et civilisé, est celui d’une nature peignée : celle des jardins de Le Nôtre (si bien dits « à la française« , même s’ils sont aussi originaires des académies italiennes _ cf l’excellent « La France italienne _ XVI-XVIIèmes siècles » de l’historien Jean-François Dubost, aux Éditions Aubier-Montaigne, en 1998 _), et des « Fêtes galantes » de Watteau, auxquelles se réfère Verlaine, et qui inspirent, en effet, nos musiciens, ici Reynaldo Hahn (en 1892) et Gabriel Dupont (en 1901)…

C’est un Art de la ville et « urbain » _ en la polysémie du terme _ qui tient (toujours) compte des autres (= des personnes), des perspectives humaines, en la fantaisie et la grâce de ses alignements ; et qui n’a pas beaucoup de penchant ou d’attrait pour les vertiges du sauvage (« the wilderness« )…

Ce récital-ci, de Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros, est ainsi

selon _ et là je retiens la remarque du livrettiste, page 6 _ non « pas la couleur (mais) rien que la nuance« , ainsi que « le recommandait Verlaine ;

et Hahn lui obéit : son « Offrande«  _ « Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches… » _ ou « l’Heure exquise«  _ les deux mélodies d’après les poèmes de « La Bonne chanson« _ dédaignent les grands gestes et les éclats _ en effet _

pour une silencieuse intimité » _ oui ! celle des Couperin, par exemple… _ ;


ou selon cette autre « recommandation« , toujours d’après Verlaine, mais cette fois in « 
Les Fêtes galantes«  :

« chanter « Très crâne et avec élégance » »

Voilà ! Tout est ainsi résumé

Parmi mes découvertes singulières parmi les mélodies de ce programme,

je tiens à signaler celle de Cécile Chaminade (1857 – 1944), auteur d’un dynamique _ « et de la plus exquise excentricité » : en effet ! _ « Sombrero« , ainsi que d’un « Mignonne, allons voir si la rose« , d’après Ronsard, tout plein de « charme« , en 1894 : tout un esprit du temps nous est ainsi exquisément _ le mot revient, décidément _ rendu…

Bref, un must que ce CD « Opium _ Mélodies françaises », par Philippe Jaroussky et Jérôme Ducros

_ CD Virgin Classics 50999 216621 2 6 _,

afin de pénétrer toujours mieux (cf la série de mes articles antérieurs sur ce même « sujet » _ accessibles en remontant par la case « Archives »)

 _ et avec ravissement, tant l’esprit et l’âme (ainsi que tous les sens ; mais avec le filtre, toujours, de la civilité et de l’urbanité : sans y déroger jamais !) sont à la perfection « servis » ! _,

afin de pénétrer toujours mieux

le si beau goût (musical) français ;

quand son « art » (français, donc) de la civilisation

reçoit, ces derniers temps-ci,

d’un peu vilaines pichenettes et assez grossiers (vulgaires) accrocs…

D’où la mise en exergue d’un « hymne à la civilité »

_ quand la musique (du chant) adoucit (vraiment) les mœurs…

Titus Curiosus, ce 25 février 2009


Post-scriptum :

« A Chloris« , stances, en 1621,

de Théophile de Viau (Clairac, entre mars et mai 1586 – Paris, 25 septembre 1626) :

S’il est vrai, Cloris, que tu m’aimes,

Mais j’entends que tu m’aimes bien,

Je ne crois point que les rois mêmes

Aient un heur comme le mien.

Que la mort serait importune

De venir changer ma fortune

A la félicité des dieux !

Tout ce qu’on dit de l’ambroisie

Ne touche point ma fantaisie

Au prix des grâces de tes yeux.


Sur mon âme, il m’est impossible

De passer un jour sans te voir

Qu’avec un tourment plus sensible

Qu’un damné n’en saurait avoir.

Le sort qui menaça ma vie

Quand les cruautés de l’envie

Me firent éloigner du Roi

M’exposant à tes yeux en proie,

Me donna beaucoup plus de joie

Qu’il ne m’avait donné d’effroi.


Que je me plus dans ma misère!

Que j’aimai mon bannissement!

Mes ennemis ne valent guère

De me traiter si doucement.

Cloris, prions que leur malice

Fasse bien durer mon supplice.

Je ne veux point partir d’ici

Quoique mon innocence endure ;

Pourvu que ton amour me dure

Que mon exil me dure aussi.


Je jure l’amour et sa flamme

Que les doux regards de Cloris

Me font déjà trembler dans l’âme

Quand on me parle de Paris:

Insensé, je commence à craindre

Que mon Prince me va contraindre

A souffrir que je sois remis.

Vous qui le mîtes en colère,

Si vous l’empêchez de le faire

Vous n’êtes plus mes ennemis:


Toi qui si vivement pourchasses

Les remèdes de mon retour,

Prends bien garde quoi que tu fasses,

De ne point fâcher mon amour.

Arrête un peu, rien ne me presse,

Ton soin vaut moins que ta paresse,

Me bien servir c’est m’affliger;

Je ne crains que ta diligence,

Et prépare de la vengeance

A qui tâche de m’obliger.

In « Après m’avoir fait tant mourir« , Œuvres choisies de Théophile de Viau,

dans l’édition de Jean-Pierre Chauveau, en septembre 2002, dans la collection Poésie/Gallimard,

pages 64 à 67…

Conversation _ de fond _ avec un philosophe : sans cesse (se) demander « Qu’est ce donc, vraiment, que l’homme ? » Pas un « moyen », mais un sujet ; un (se) construire _ avec d’autres _, pas un utiliser, jeter, détruire

18nov

Petites _ ou élémentaires, basiques (et vraies) _ conversations

avec un (vrai) philosophe,

Michaël Foessel,

l’auteur de « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« , paru ce mois d’octobre aux Éditions du Seuil,

et de l’article « Néolibéralisme versus libéralisme ? » dans le numéro (11) de novembre de la Revue Esprit :”Dans la tourmente (1). Aux sources de la crise financière« .

A l’envoi de mon article (du 11 novembre) sur ce blog-ci, « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« ,

Michaël Foessel a l’amabilité de me répondre, très sobrement, ceci :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Article sur « La Privation de l’intime »
Date : 14 novembre 2008 14:37:08 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Merci beaucoup d’avoir rédigé cet article. Il est à la fois juste et original, mettant parfaitement en lumière les points saillants du livre.

Très cordialement
 »

Michaël Foessel

Je lui réponds alors _ moins sobrement _ ceci :

De :   Titus Curiosus

Objet : Article

Date : 14 novembre 2008 17:31:18 HNEC
À :   Michaël Foessel

« Je suis ravi que ma « proposition de lecture » de « La Privation de l’intime«  ne vous choque pas trop :
c’est un « essai » de lecture et de « compte-rendu » à la fois se voulant assez objectif,
et exprimant aussi un regard, un point de vue _ le mien _ sur votre travail…


Hier soir, au repas qui a suivi la conférence de Bernard Sève sur Montaigne,
pour la Société de philosophie de Bordeaux,
et que Céline Spector et moi-même avons « introduite », « présentée » à la librairie La Machine à Lire,
la conversation (en petit comité) fut très agréable et stimulante (la crise, Obama, le PS, etc…)…
Et nous avons aussi un peu parlé de votre travail…

Je me réjouis de l »actualité » particulière des questions que vous soulevez ;
même si ce sont des questions de fond et de longue haleine…


J’aimerais tant croire que le 4 novembre
« l’espoir vient de changer de camp depuis 30 ans« 
,
ainsi que commençait Laurent Joffrin son éditorial de Libé le 6 novembre…

Pour curiosité, si vous avez du temps _ je suis prolixe, hélas _,
voici l’article sur la conférence de Bernard Sève que j’ai « mitonné » de bon matin,
avant de partir pour 9h 30 à un colloque (sur « la Grande Guerre« ) à Agen, dont je suis de retour à l’instant…
« Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »
Titus Curiosus

Puis :

De :   Titus Curiosus

Objet : Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 15 novembre 2008 17:33:49 HNEC
À :   Michaël Foessel

Cher Michaël,

La librairie Mollat m’a prévenu immédiatement de leur réception du numéro de novembre d’Esprit.

Et je viens de lire vos 2 articles.
Je me permets d’y réagir immédiatement :

au fond, il me semble qu’une priorité pourrait être de faire le point sur les diverses anthropologies possibles
_ y compris, la prise en compte de l’hypothèse de sa radicale absurdité (dans un total artificialisme), d’une part _ il faudrait ici relire « L’Anti-nature » de Clément Rosset, toujours assez fin… ;

et y compris, d’autre part, envisager la position kantienne (et le caractère en partie subordonné de tout « état de fait » vis-à-vis des « impératifs » de l' »exigence rationnelle de droit »…

En tout cas,
réfléchir à une sorte de statut de l’anthropologie…

Nous ne sommes guère loin de la 4ème _ et LA fondamentale ! _ question kantienne : « Qu’est-ce que l’homme ?« 

En tout cas,

la connaissance « historique » des théories empiristes, ainsi que des théories du pragmatisme,

paraît bien utile
pour s’éclairer face,

sinon aux impasses (version pessimiste),

du moins aux (relatifs) changement de mains, de donnes, de jeu,
des divers pouvoirs (et forces) sur le terrain aujourd’hui : version plus optimiste, qui me séduit de prime abord…
Mais je n’y ai pas assez réfléchi.


Voilà quelques pistes que mes ignorances et mon questionnement, par rapport à ma propre culture (avec ses trous) philosophique, me permettent d’esquisser.
Vous semblez beaucoup plus avancé, ne serait-ce que par le terreau des échanges philosophiques que vous pouvez avoir à Paris (ou ailleurs, comme aux Etats-Unis, par exemple ; ou en Allemagne…)…

Merci pour votre grande clarté d’explication.

Comprendre notre présent, l’aménager autant que, à notre échelle, et au milieu d’autres, nous le pouvons,
me paraît une proposition d’action dynamisante…
Et c’est ce dont nous avons maintenant besoin.


Yes, we can ; en France et en Europe aussi…

Bien à vous,

Titus Curiosus

Sa réponse, magnifique de sobriété :

De :   Michaël Foessel

Objet : re: Penser le moment pour mieux fonder l’agir
Date : 17 novembre 2008 17:12:45 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Vous avez raison, c’est bien le statut de l’anthropologie qui est en jeu, et la question de son rapport aux normes.

Ce que j’ai essayé de montrer dans l’article d’Esprit est qu’il faut s’abstenir autant que possible de toute anthropologie normative dès lors que l’on s’occupe de politique.

Une leçon qui est celle de Kant,

mais aussi finalement celle de Montaigne dont vous a parlé Bernard Sève pour qui j’ai beaucoup d’admiration.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler à Bordeaux.

Très cordialement »
Michaël Foessel

Soit l’incessant tranquille et inquiet souci philosophique :


« en _ perpétuel _ éveil« , dirait Bernard Sève

après, et d’après, notre cher Montaigne, en son indispensable « Montaigne. Des règles pour l’esprit » ;

mais aussi la leçon cent fois remise sur le tapis (pédagogique de ses « Propos« )

d’Alain ;

ainsi que de la cohorte défilante, un par un, de tous les philosophes, au fond :

à quoi (nous) « appellent »-ils donc, ceux-ci, les philosophes authentiques,

sinon à « enfin penser »

« de frais »,

et « à nouveaux frais »

_ d’un esprit sans cesse à « r-éveiller » de sa torpeur,

si dangereusement assoupissante ?.. _ ;

« enfin penser » « de frais » le réel

en vérité ?!..


Soit,

je reprends mot à mot les termes mêmes de mon titre pour cet article-ci :

conversation de fond :

sans cesse se demander : « Qu’est-ce donc, vraiment, que l’homme ?« 

Pas rien qu’un moyen, qu’un objet,

pas seulement rien qu’un outil (dans les échanges de services) ;


et jamais, en tout cas, une marchandise

_ ni, a fortiori, de la « chair à canons » _ ;


mais toujours aussi un sujet,

avec un visage ;

un sujet à (se) construire, lui, avec toute l’amplitude d’une riche palette de rapports et liens

_ affectifs (ou « intimes ») _

avec d’autres sujets (et non pas « objets ») ;

en sa liberté, à « se forger » : même si elle n’est certes pas « de fer » !!! _ ;

en _ et par _ tout un art

(et pas une technique ! a fortiori mécanique !)

de ce (se) construire ;

à rebours d’un réducteur _ purement instrumental ! _ « utiliser » ;

et « jeter » et « détruire », comme un rebut et une ordure, après « usage » _ bien « propret » ! _ strictement utilitaire (de l’utilitarisme…)… 

Titus Curiosus, ce 18 novembre 2008

la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie

11nov

Sur « La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments« 

(paru ce mois d’octobre 2008, aux Éditions du Seuil »),

par Michaël Foessel :

un passionnant _ et urgentissime ! _ essai indissolublement existentiel et politique _ quant au devenir de la « démocratie » _,

quand se répandent insidieusement par toute la société et le « sociétal »

les menées ravageuses d’un nihilisme « pipolisé » radical ;

même si ce « pipolisé »-là

_ je veux dire celui des « leaders », pas celui de ceux qui, hélas, et en foule, « se clonant », les imitent _,

n’est pas à prendre, tout de même, davantage que comme un indice,

anecdotique, si l’on préfère, voire un symptôme,

du niveau d' »abaissement », « corruption », « pourrissement », « décadence » vilaine _ « se généralisant » à toute allure, eux et elles _

de la « civilisation »…

Ce très bel essai de Michaël Foessel, je le lis, aussi, personnellement, comme une (bien) instructive mise en perspective de l’Histoire

_ à l’aune de rapports existentiels majeurs, c’est-à-dire ces « liens » d' »affection, d’amour, de désir » qui nous « attachent » fondamentalement, et pas seulement circonstanciellement et à l’occasion, selon une opportunité « intéressée », à d' »autres » _ sujets d’eux-mêmes _ qui ne nous sont ni de simples « moyens » (achetables et jetables) de plaisir d’un instant, ni de simples « instruments » d’un moment, d’une « étape » de quelque « plan » un peu finaud et « rationalisé » « de carrière »,

c’est-à-dire fondamentaux pour ce qu’il en est du caractère encore ou toujours « humain », ou pas, de « l’Homme » (« nul n’est une île » !) :

_ les Grecs (la flamme inintimidable de la vérité-justice de Socrate versus l’habileté rhétorique,  manigancière et marchande, des Sophistes _ cf « Gorgias » de Platon ; ainsi que l’institution-fondation de l’Académie par ce dernier),

_ la Renaissance (les succès galopants de la « technicisation » polymorphe, de Machiavel _ et l’analyse du « machiavélique » in « Le Prince » _ à Galilée ; et bientôt au « fort utile » de Descartes, enthousiaste à « trouver une (philosophie) pratique » nous permettant de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature« , à l’arrivée du « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences« …),

_ les Lumières (Kant, sur la dignité _ impayable ! _ de la personne ; et l’analyse de la hiérarchie des moyens et des fins…),

_ le moment hégélien (la belle analyse par Hegel des rapports de tension de la société civile et de l’Etat),

_ ainsi qu’aujourd’hui (par exemple, cette « expérience médiatique« , en ouverture, à la première phrase de l' »Introduction » du livre, page 7 : « la captation du débat politique par les communiquants

a atteint une sorte de paroxysme comique

le jour où le président de la République a choisi Disneyland

pour porter à la connaissance du public

sa nouvelle relation amoureuse » :

qu’on se rassure _ ou se désespère, c’est selon l’angle de perspective… _ cependant,

l’enjeu et l’analyse _ civilisationnels _ de « La Privation de l’intime » sont d’une tout autre amplitude de portée que ce simple ordre du « pipol » !..)…

Ce très bel essai de Michaël Foessel, donc,

je le lis, aussi, personnellement, comme une (bien) instructive mise en perspective de l’Histoire

de la « civilisation des mœurs »,

à partir _ c’est là le fil d’Ariane que j’y perçois _ de manipulations

_ technicistes et techniciennes (et notamment « politiciennes », par le fait)

_ « des mœurs », donc

_ on relira, ici, « La Civilisation des mœurs » de Norbert Elias ;

ainsi que, de ce même Elias : « La Dynamique de l’Occident« , « La Société des individus » et « La Société de cour » ; et même, pour préciser encore un peu plus ou mieux les enjeux on ne peut plus « politiques » de tout cela, sur l’œuvre même d’Elias : « Norbert Elias : la civilisation et l’Etat« , de Florence Delmotte, un essai paru aux Éditions de l’Université de Bruxelles, en août 2007 _,

aujourd’hui ;

à l’occasion d’attaques _ maintenant _ d’une violence (existentielle) inouïe (et radicale)

contre « l’intime »

_ lequel, « intime », renvoie, essentiellement et crucialement, « à des liens

affectifs, amoureux, désirants

où le sujet prend le risque de se perdre » _ de notre « exister »

de « sujets« , donc,

pas encore (tout à fait) « in-humains » (sur une pente bien savonneuse, ou/et pas mal savonnée, cependant : à quelles branches « se raccrocher », dans pareille chute vertigineuse ?..)

_ pour reprendre aussi encore le concept (de « non-inhumain« ) proposé par Bernard Stiegler dans son (important) « Prendre soin _ de la jeunesse et des générations » _ ;

à l’occasion d’attaques

qui vont jusqu’à « pulvériser »

_ réduire en miettes, en poudre, en poussière (= à rien !) ;

et avec notre propre blanc-seing, souvent, qui plus est !

extorqué par une anesthésie en voie impériale et marchandisée d’expansion… _ ;

jusqu’à pulvériser, donc _ avec pour résultat la « privation » !!! par suppression ! annihilation !.. _,

ce qui assurait le sens charnel

et esthétique de rien moins que, carrément, l' »exister » !

Par « esthétique« , je veux dire

tout ce qui sensiblement « vient _ encore _ donner sens », tant direction que forme et dynamique, souffle et ampleur, vie riche et élargie,

à notre « sensibilité » se métamorphosant :

« sensibilité » plus ou moins bien _ à divers degrés _ campée

sur ses jambes ;

plus ou moins bien entée _ à diverse profondeur de racines _

dans son corps ;

et plus ou moins bien ouverte _ à divers degrés, encore _

au réel physique (charnu et qualitativement opulant) de la corporéité et de l’âme,

dans le rapport fondamental (de tension intense : « affective, amoureuse, désirante« , dit Michaël Foessel : oui !)

de soi à « l’autre » et aux « autres », dans leur particularité et diversité, voire singularité, dans les meilleurs des cas _ sinon, « un clou chasse l’autre », tout, tel un clou, n’étant plus qu’interchangeable et équivalent (ou le nihilisme du « jetable ») ;

ainsi que dans le lien fondamental « avec »

_ et pas séparément (et encore moins « instrumentalement ») _ ;

« avec »

« l’autre » et « les autres » :

tant, du moins, que demeurent (encore !..), ici, en ces fragiles et inquiets habitacles corporels, des « personnes »,

avec un vrai corps, et une vraie âme

_ indissolublement mêlés et unis, il faut le relever _ ;

au contraire d’ectoplasmes fantômatiques

et de jouets pornographiques (sex toys, ou autres instrumentalisations…) !

Bref,

« dans quelle mesure l’amour est-il un sentiment politique?«  demande Michaël Foessel… « La démocratie doit-elle être sensible pour demeurer _ ou devenir mieux, ou « vraiment » : « demeurer » me paraissant trop seulement « défensif »… _ démocratique ?« 

Dans cette perspective là, « l’intime _ en tant que « liens n’existant que soustraits au regard social et à son jugement » _ peut-il figurer au rang d’idéal commun ?« …

Le danger que pointe Michaël Foessel est celui de « la confusion des liens à l’autre avec les propriétés _ au sens de ce qui appartient à un « propriétaire », qui peut l’acheter, ou le vendre, l’aliéner à un autre _ du Moi « 

_ soit le processus même du « devenir privé« ,

ou « privatisation« ,

de « l’intime« 

En effet, « l’intime n’est pas le privé« ,

car « il renvoie à des liens affectifs, amoureux, désirants,

où le sujet prend le risque de se perdre« 

_ au-delà de tout calcul (d’intérêt, rentabilité, profit) ; et avec « générosité » :

éperdument, dirais-je…

Et c’est en cela que « la démocratie elle-même se trouve fragilisée par (le) dévoiement » de l’intime _ indique Michaël Foessel en présentation-ouverture de son essai, page 8 de son « Introduction« .

La « mise en scène politique des sentiments » résulte de ce que « la légitimité

_ de fait, sinon de droit, si j’ose le dire ainsi, aussi paradoxalement ! _,

se joue aussi dans leur capacité à apparaître comme des représentations crédibles de ce que nous sommes

_ par exemple des « buveurs de bière« , dans le cas d’un George W. Bush, à ce que lui-même se fait (ou faisait !) fort d’afficher _

ou aimerions être«  (page 8 :

d’où l’aura pseudo glamoureuse des « peoples » ; à l’instar de ce que la « pauvre bergère » peut fantasmer à propos de l’image du « prince charmant »…) :

par un processus de projection ou introjection fantasmatique,

analogue à bien des processus de séduction (à l’achat) du marketing publicitaire…

Michaël Foessel note, page 10 : « L’idée de représentation _ démocratique _ perd beaucoup à être ainsi assimilée _ par le citoyen-électeur _ à celle de ressemblance« …


L’analyse de « l’intime«  que mène Michaël Foessel, est magnifique :

« En employant plus volontiers la forme adjectivale (« l’intime » et non « l’intimité »), nous désignons un lien, et non une chose, un  rapport _ dynamique : une tension vers, un élan , un envol (en direction d’un autre) _ plutôt qu’un espace clos _ de « propriété privée ».

La conviction qui anime ce choix est que l’on n’est jamais seul dans l’intime, mais que l’on s’y retrouve au sein d’une société d’élus« .

Avec cette définition-ci :

« L’intime désigne l’ensemble des liens qu’un individu décide de retrancher de l’espace social des échanges pour s’en préserver ; et élaborer son expérience à l’abri des regards _ de tiers.

Il résulte donc d’un acte par lequel le sujet décide _ plus ou moins sciemment, consciemment et délibérément _ de soustraire une part de lui-même du domaine de la visibilité commune » :

avec pudeur, et délicatesse (de liberté)

et selon toute une gamme de « dénudation » de soi, et/ou de l’autre, excluant, bien sûr, la moindre vulgarité.

Pour ma part, j’en trouve une très belle et forte analyse parente dans le très beau chapitre « De l’ami » de la première partie de l’« Ainsi parlait Zarathoustra _ un livre pour tous et pour personne » de Nietzsche…

ou, encore, dans le chapitre « De la chasteté » : sur la pureté de cœur et d’âme (et de corps, aussi)…

Mais _ je reprends la lecture de Michaël Foessel _

« 1) la possibilité de l’intime suppose _ et nécessite très concrètement _ que certaines conditions politiques

_ de droit, de légalité ; ou légalisation ; et sans avoir à rendre de comptes (publics) de ce vécu de « l’intime » ! _

soient remplies« , page 13 _ seulement dans « la modernité« , précise-t-il :

d’où une nécessaire et très juste mise en perspective historique, de sa part, ainsi que je l’ai annoncé plus haut

Et « 2) l’intime (…) apparait _ aussi _ comme une réserve _ avec « retenue » de soi, et sur soi, le premier _ ;

comme une réserve critique _ donc _  qui permet de remettre en cause les déficiences de l’ordre établi. (…) Il enveloppe une série d’expériences

_ distinctes des normes (établies ou pratiquées) communes, ou majoritaires : expériences « personnelles » particulières, voire absolument singulières ; ou minoritaires _

qui interdisent l’adhésion pure et simple _ a fortiori aveugle et fanatique _ au système de valeurs promu par la société en place« , page 14.

D’où la nécessité impérative de distinguer « entre l’intime et le privé« , page 14.

Et « s’il y a _ maintenant _ « privation » de l’intime,

elle procède de sa « privatisation », c’est-à-dire de sa réduction au statut d’une performance subjective » _ de la part de « la raison instrumentale«  :

« l’intime, qui devrait impliquer _ dans sa conception légitime _ un décentrement de soi,

est interprété abusivement comme une possession« , page 15 : l’analyse est d’une parfaite justesse !

« L’intime se perd _ pulvérisé ! _ d’être offert aux regards de tous« , page 16 : dans la pose et la fausseté de l’inauthenticité…

« Pour exister, l’intime

_ j’avais écrit « l’amour » ! l’intime en représente une forme privilégiée, mais non exclusive… _

doit échapper aux regards

_ de tiers ;

sur les regards de l’intimité, nous pouvons peut-être nous référer aux analyses d’Emmanuel Lévinas (dont Michaël Foessel cite, page 93, un passage d' »Entre nous – essais sur le penser-à-l’autre« …

: c’est une manière de signifier qu’il _ « l’intime«  _ est soustrait à la compétence sociale«  et exclut l’exhibitionnisme (la pose) autant que le voyeurisme (prédateur) ; et les transactions marchandes… A la place de l’ouverture du désir et de sa générosité (à l’autre), il n’y a plus que le cynisme du calcul d’intérêts de l’ego ; ou la perversité lubrique du sadisme _

Avec cette conséquence-ci :

« On peut précisément juger _ certes ! _ des « amours » _ les guillemets ici s’imposent ! _ que les politiques

et leurs communicants

imposent à notre attention, 

puisqu’elles sont exhibées

pour convaincre _ ou persuader, plutôt (= faire croire) _ l’opinion

de « l’humanité » _ « commune », d’un certain côté, seulement : celui des « buveurs de bière » envisagés plus haut _

de leurs protagonistes« 

_ storytellisés, en quelque sorte…

(…) « La « pipolisation » _ et pulvérisation, en fait !.. (dans le titre de mon article) _ de l’intime » fait que celui-ci « se trouve relégué au rang de valeur monnayable sur le marché de la concurrence sondagière.«  Voilà pour ce caractère anecdotique du « pipol » ; et le cancer de l’inauthentique généralisé…

Michaël Foessel précisant on ne plus justement, pages 16-17, à propos des analyses de son essai :

« Dans les pages qui suivent, les mises en scène de soi des politiciens serviront de fil conducteur ; mais il est clair qu’elles manifestent bien autre chose que l’idiosyncrasie narcissique de quelques hommes _ et femmes _  publics contemporains _ certes ! Elles expriment,

sinon une incapacité à aimer,

du moins une impuissance _ de beaucoup ; pas seulement du cercle des « peoples »… _ à représenter l’intime hors de toute colonisation par la marchandise« 

_ et le modèle (technicien :

« mécanicien », à la Descartes : « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature« )

de l’instrumentalisation : jusque de soi et des autres…

En conséquence de quoi, « cette impuissance n’est pas le seul fait des politiciens fascinés par le monde _ et « modèle » en terme de succès d’approbation (et d’identification fantasmatique) _ du show-biz,

elle est caractéristique de l’idéal _ obscène ! _ de transparence _ fausse _ qui règne aujourd’hui presque sans partage.« 

Avec la conséquence, encore, d’« ironiser » _ en « bouffonnant«  _ sur « l’intime« …

Et, à la clé, ce constat politique : « la fragilisation réciproque de l’intimité et du lien démocratique est le signe d’une vulnérabilité commune«  aggravée, page 18…

On admirera la précision de finesse et la pertinence des commentaires, par l’auteur, de plusieurs livres importants passionnants (sans ménager, non plus, ses « critiques ») :

sans ordre (sinon celui d’apparition dans le livre), je relève, notamment :

de Hannah Arendt, « La Condition de l’homme moderne » (paru en traduction française aux Éditions Calmann-Lévy en 1961) ;

de Richard Sennett, « Les Tyrannies de l’intimité » (paru en traduction française aux Éditions du Seuil en 1979) ;

d’Anthony Giddens

_ dont la lecture m’a été recommandée naguère par Bernard Stiegler, à propos de mon propre questionnement sur « la rencontre » _,

« La Transformation de l’intimité _ Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes » (paru en français aux Éditions Hachette Littératures en 2004) ;

de Roland Barthes, les toujours si lumineux « Fragments d’un discours amoureux » (aux Éditions du Seuil, en 1977) ;

de Hegel, l’ultime « Cours de philosophie du droit » de 1831, dans l’édition et traduction de Jean-François Kervégan, des « Principes de la philosophie du droit » (parus aux PUF en 2003) ;

d’Erwing Goffman, l’inusable « Mise en scène de la vie quotidienne » (parue en traduction française aux Éditions de Minuit en 1973) _ je m’y suis référé dans mon essai « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise » _ ;

une magnifique (!!!) analyse _ en « Intermède », aux pages 99 à 106 _ de l' »Adolphe » de Benjamin Constant, en 1816 ;

de Wendy Brown, « Les habits neufs de la politique mondiale _ Néolibéralisme et néoconservatisme« , édités aux Prairies ordinaires en 2007 _ et d’une actualité brûlante ! au moins depuis ce 4 novembre aux États-Unis ainsi que, d’un coup, tout le reste du monde (en « crise ») !… _ ;

d’Axel Honneth, « La lutte pour la reconnaissance » (paru en traduction française aux Éditions du Cerf en 2000) et « La Société du mépris » (aux Éditions de La Découverte en 2007) ;

etc…

Bref,

« La Privation de l’intime_ mises en scène politiques des sentiments » de Michaël Foessel est un livre d’urgence

de salubrité publique démocratique :

la faillite de la dérégulation (« ultra-libérale ») des marchés,

et la désactivation écervelée de l’État,

rendent,

dans l’aval du tissu se déchirant de plus en plus violemment des relations sociales, aussi,

un correctif,

tant politique qu’existentiel,

urgemment nécessaire ;

pour ne rien dire de l’état _ pénible _ des « rapports-à-l’autre » « personnels »

et de la confiance (ou « crédit »), en crise quasi généralisée,

maintenant…

La paix,

la paix civile, comme la paix internationale,

et encore la paix entre les personnes particulières,

est une construction patiente et intelligente des cœurs

_ et sans relâchements _ ,

nous apprend le grand Spinoza,

en son « Traité politique« …

Elle n’a pas besoin, pour exister, d’un pouvoir _ de type « Big Brother » (de « 1984« ) _ de « tout surveiller » et encore moins « tout contrôler » : « totalitaire », même soft ;

elle repose d’abord sur de la confiance,

au quotidien des mœurs (ou de la « sittlichkeit« , selon l’analyse hégelienne) ;

ainsi qu’une part non négligeable de tolérance assumée,

et de discrétion (« retenue »)

à l’égard de l’intimité des personnes ;

depuis l’avènement de la modernité,

ainsi que de pacifications collectives successives, et si difficiles à forger, de la part des personnes :

dont un excellent exemple (de « modernité ») nous est confié par l’écriture « libre » de Montaigne, s’y livrant, en ses « Essais« …

Titus Curiosus, ce 11 novembre 2008

Photographie : Sans Titre, © Bernard Plossu

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur