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Le délicieux et passionnant « Montaigne à contrepied » de Philippe Desan, à l’occasion du départ de celui-ci de la carr!ère universitaire : de lucidissimes aperçus incisifs sur le monde de la recherche et les querelles d’enjeux de carrière des universitaires… Un jeu de fantaisie et érudition jubilatoire !

18sept

Achevant ce matin de bonne heure ma minutieuse seconde lecture _ cf mes précédents articles « «  et « «  cliquer sur ces deux titres afin de les lire…) des 11 et 13 septembre derniers …du passionnant récit de fiction « Montaigne – La Boétie – une ténébreuse affaire » (paru le 28 août dernier aux Éditions Odile Jacob),

je tiens à re-dire ici mon véritable enchantement de cet incisif très détaillé _ en un effectivement très riche, de mille détails absolument passionnants (tant sur Montaigne, sa vie, son œuvre, que sur les contextes compliqués et arcanes à chausse-trappes, de la recherche et des milieux et carrières universitaires) récit hâletant à la lecture de 376 pages _ travail de fiction de Philippe Desan, au moment de prendre sa retraite universitaire _ il quitte, le  14 décembre 2023, son poste de professeur à l’université de Chicago (Illinois) pour jouir, délivré de soucis professionnels permanents, du climat festif des montagnes de Boulder dans le Colorado…

Et au moment même où j’achevai cette seconde lecture, je reçois, ce matin à 7 h 10, un courriel de mon ami B., à B. _ auquel j’avais chaudement recommandé ce livre jubilatoire _, comportant, en fichier-joint, un article d’Hortense Dufourcq intitulé « Montaigne en assassin impuni« , à paraître vendredi prochain dans le supplément littéraire du Monde des Livres :

« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan : Montaigne en assassin impuni

Le spécialiste de la Renaissance française livre un polar historique aussi attachant qu’érudit.

Par Hortense Dufourcq

« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan, éd. Odile Jacob, 384 p.

« Parce que c’était lui ; parce que c’était moi... » Peut-être l’amitié entre Montaigne (1533-1592) et La Boétie (1530-1563) n’est-elle qu’une idée reçue _ de Montaigne lui-même, et exclusivement… _, transmise au fil des siècles au détriment d’une vérité plus sombre. C’est l’hypothèse qu’explore le nouveau livre de Philippe Desan, un roman historique cette fois, une première _ en effet ! _ pour le professeur à l’université de Chicago (Illinois), spécialiste de la Renaissance française et de l’auteur des Essais.

La référence balzacienne  du titre, Montaigne-La Boétie, « une ténébreuse affaire« , ne laisse pas de doute : l’ouvrage emprunte aux codes du roman policier et met en scène un complot criminel, une enquête et l’ébauche d’une mise en accusation _ voilà. Montaigne aurait assassiné _ rien moins ! _ son ami La Boétie, son rival en politique _ au parlement de Bordeaux _ et le mari de sa maîtresse _ Marguerite de Carle (ca. 1517 – 1580), épouse en secondes noces d’Etienne de La Boétie (1530 – 1563). Ce meurtre, resté impuni, aurait toutefois laissé des indices matériels et textuels _ en petit nombre… _ qui auraient traversé les siècles, jusqu’à tomber entre les mains d’un universitaire américain _ Jacques Saint-Maur _ et de sa brillante étudiante _ Diane Osborne _, qui ensemble mettent tout en œuvre _ par leurs recherches matérielles comme  textuelles _ pour faire éclater la vérité.

Cette fiction historique _ voilà _ parvient habilement à conjuguer érudition et frisson _ en effet… Lecteurs profanes ou connaisseurs des Essais y découvriront maintes anecdotes _ superbement détaillées _ sur la vie de Montaigne et ses écrits, mais aussi concernant la conservation matérielle des œuvres _ qui constituent aussi de très précieuses réserves d’indices… A n’en pas douter, le « seiziémiste » s’est servi _ et combien magistralemet !!! _ pour son roman de ses propres recherches. Il brode son intrigue criminelle sur des faits historiques _ parfaitement avérés, eux _ et y joint des éléments de théorie littéraire, laissant entrevoir dans certains passages du récit un état de la recherche – par exemple sur la question de la place des études de genre dans l’analyse des textes anciens, plus importante aux Etats-Unis qu’en France.

Rien, cependant, du ton _ certes… _ d’un essai d’histoire littéraire. La narration se fait souvent _ en permanence, bien plutôt… _ ironique, jouant de la variation des discours direct et indirect, et creuse la psyché de ses personnages comme lors d’un véritable travail _ oui _ d’investigation ou de profiling. Dans une amusante mise en abyme, l’auteur semble d’ailleurs se mettre en scène à travers un double fictionnel, le personnage du professeur français enseignant en Amérique (Jacques Saint-Maur, pour un Philippe Desan né à Saint-Maur-des- Fossés, dans le Val-de-Marne). Adoptant son point de vue et celui de son étudiante, il brosse avec humour _ proprement décapant ! _ des caricatures de grands pontes de la Sorbonne, symboles d’un monde académique et universitaire français attaché plus que tout _ et surtout que la justesse de la vérité ! _ au prestige des figures canoniques de sa littérature.

C’est ce qui ressort de cette stimulante _ et délicieuse, oui ! _ lecture : à son terme, le lecteur partage l’enthousiasme de l’auteur pour ses écrivains fétiches, tout en constatant que la littérature permet parfois une – réjouissante – désacralisation des idoles.

De sa science montaignienne de toute une vie de chercheur infiniment sérieux et méticuleux, Philippe Desan se prend à follement s’amuser ici, en explorant toujours très méticuleusement d’autres questionnements un cran plus iconoclastes _ et en complet à rebours de la doxa montaignienne la mieux établie _,

envisageant carrément une totale mauvaise foi de la part de Montaigne en l’écriture de son livre _ présenté pourtant par l’auteur comme « consubstantiel«  à sa personne… _, et osant mettre en cause la présentation affichée par lui-même de sa quasi-sainte amitié avec La Boétie ;

en total à rebours, par conséquent, des thèses puissantes et admises jusqu’ici comme indélébiles, de son magnifique essai d’ouverture, anti-machiavélien, du Livre III, « De l’utile et de l’honnête«  ;

et nous, lecteurs fidèles de Philippe Desan, à notre tour de nous laisser _ presque… _ prendre à ce parfait jeu d’écriture de cette fantaisie _ solidement entée sur son abyssale érudition… _, jusqu’au vertige, cette fois-ci aussi !

Le vertige du choc déboulonnant d’un Montaigne empoisonneur à l’arsenic de son faux-ami La Boétie…

Mais le livre de Philippe Desan comporte aussi bien de solides vérités sur les démarches nécessairement audacieuses _ ce que je baptise personnellement « imageance«  _ de la recherche…

Chapeau, l’artiste !

Et à suivre…

Ce mercredi 18 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dates de naissance et de décès de la « chère Tante Gachuch » de Maurice Ravel

21sept

Pour faire un point sur mes nouvelles découvertes aux archives d’état-civil de Ciboure et Saint-Jean-de Luz vendredi 20 septembre,

ceci,

soit un courriel adressé à Manuel Cornejo :

mon séjour hier à Saint-Jean-de Luz et Ciboure m’a permis de passer _ avec profit ! _ un peu de temps aux archives municipales de ces deux cités _ procéder à partir des données documentaires (même sérieuses) du web comporte des limites : elles demeurent lacunaires. Et la recherche est infinie.
Voici pour commencer _ d’autres documents bien intéressants aussi suivront ! _ de quoi rectifier les erreurs (de paresse de recherche) d’un bon auteur,
à propos de Gachucha Billac, la « chère grand-tante » maternelle de Maurice Ravel
(demi-sœur de sa grand-mère Sabine Delouart, née elle aussi à Ciboure, le 11 mars 1809 _ de Marie Delouart et d’un père inconnu _),
cet acte de décès (n° 76) d' »Engrâce Billac, décédée le 17 décembre, rue Gambetta, 41, (83 ans), célibataire« ,
en date du 17 juin 1902, à onze heures du matin :
L’an 1902, et le dix-sept décembre à onze heures du matin,
Par devant nous Dominique Larrea, maire, Officier de l’État Civil de la ville de Saint-Jean-de-Luz, département des Basses-Pyrénées, sont comparus en notre Mairie, Charles Gaudin, capitaine au long cours, âgé de vingt-sept ans, et Pierre Gaudin, employé, âgé de vingt-quatre ans, domiciliés en cette ville, voisins _ sic _ de la défunte,
lesquels nous ont déclaré que ce jour, à quatre heures du matin, Engrâce Billac, domestique, célibataire, âgée de quatre-vingt-trois ans, née à Ciboure _ le 15 mai 1824 _, domiciliée en cette ville, fille de feu Jacques Billac _ âgé de 52 ans à la naissance d’Engrâce, marin _ et de feue Marie Delouart, son épouse _ 35 ans, à la naissance d’Engrâce, poissarde _,
est décédée à la rue Gambetta, numéro quarante et un,
ainsi que nous nous en sommes assuré, et ont les déclarants
signé avec nous le présent Acte de Décès après qu’il leur en a été fait lecture.
Ont donc déclaré à la mairie de Saint-Jean-de-Luz le décès de Gachucha Billac
Charles Gaudin, capitaine au long cours, âgé de 27 ans _ né le 19 novembre 1875, à Saint-Jean-de-Luz, 41 Grand’Rue n° 41 _,
et Pierre Gaudin, employé, âgé de 24 ans _ né le 7 février 1878, à Saint-Jean-de-Luz, 41 Grand’Rue n° 41 _
« voisins de la défunte » _ et beaucoup plus que cela : Engrâce-Gachucha avait pris la place la plus active à leur éducation quotidienne. Ils tenaient donc beaucoup, beaucoup à elle…
Suivront deux photos _ de simple confirmation des faits déjà reconnus ; cf mon article du 15 juillet dernier : _ de l’acte de naissance (à Ciboure, le 15 mai 1824) de Gracieuse Billac.
C’est la confusion _ d’où a-t-elle bien pu surgir ? Qu’est ce qui a donc pu la susciter ?.. _ par ce bon auteur de cette « Tante Gachuch » Billac avec la « Tante Bibi » des Bibal
qui a entraîné vos affectations à Gachoucha Billac, aux pages 764, 1250 et 1646 de votre magnifique Correspondance,
de ce qui revenait en réalité à Bernardine Bibal (née à Saint-Jean-de-Luz le 22 août 1855 ; je n’ai _ hélas _ pas pensé à rechercher aux archives municipales de Saint-Jean le document établissant la date de son décès ! _ ce que j’ai fait un mois plus tard, le 25 octobre suivant : Bernadine Bibal, célibataire, est décédée à Saint-Jean-de-Luz en son domicile, 5 Place Maréchal Foch, le 28 février 1943, à l’âge de 86 ans _)…
Un simple calcul d’âge, et, d’abord, une vérification des dates de naissance et de décès de ces deux personnes, Gracieuse Billac et Bernardine Bibal,
auraient permis d’éviter cette ridicule confusion _ que j’ai déjà relevée ; mais maintenant je dispose de la date effective (et significative de tout ce qui nous manque en fait de documents de la présence de Maurice Ravel à Saint-Jean-de-Luz et Ciboure avant 1901) du décès de Gachucha, le 17 décembre 1902 _ ; développée hélas dans le livre de cet auteur un peu trop négligent sur ses sources (et leur vérification)…

Compiler ne dispense pas de chercher aussi vraiment un peu et de penser à vérifier…
Ce serait plus sérieux pour un travail aspirant à faire référence scientifique !
Précisions en forme de commentaire :
La première de ces 2 mentions par Maurice Ravel de Gachucha Billac, en une lettre à Jane Gaudin, en date du 16 octobre 1902 _ page 82 _,

date de 2 mois et 1 jour avant le décès de Gracieuse Billac, le 17 décembre 1902.
Jusqu’ici, nulle mention de ce décès _ et de ce qu’a pu en ressentir Maurice Ravel : mais tant de lettres ont disparu ! ou nous échappent !.. _ n’a été retrouvée dans la Correspondance conservée de Maurice Ravel
_ Madame Lenoir m’a répété hier qu’en un accès de rage une personne de sa parenté a (ou aurait) détruit (est-ce possible ???) toutes les lettres de Ravel que cette personne, qui en avait la détention après héritage) avait conservées en sa possession… Quelle terrible (et si absurde !) perte pour la connaissance !

La seconde _ et dernière _ de ces deux mentions du nom de Gachucha Billac dans la Correspondance conservée et connue de Maurice Ravel 
est très postérieure à ce décès _ du 17 décembre 1902 _, puisqu’elle se trouve dans une lettre adressée à Marie Gaudin, en date du 20 septembre 1916 _ pages 537-538 _ :
son occasion est une dysenterie survenue à Saint-Dizier provoquée par des melons,
ces melons qu’affectionnait tout particulièrement la chère tante Gachucha : « J’ai voulu réaliser le vœu de ma pauvre tante Gachucha, qui souhaitait mourir d’une indigestion de melon. Je m’en suis fourré pendant trois jours avec accompagnement de tomates crues, le tout additionné d’eau contaminée. Me voici depuis 5 jours couché dans ma chambre, avec la perspective d’être transporté à l’hôpital « …
Maurice s’est alors souvenu avec émotion de sa grand-tante et de son goût immodéré des melons…
Les élucubrations d’E. sur les « 64 ans » (« Gachoucha resta ensuite au service de ce couple Gaudin pendant soixante-quatre ans« , lit-on page 30 du livre d’E.) _ d’où peut donc sortir un tel nombre ? La référence n’en est bien sûr pas donnée…que Gachucha aurait passés au service des Gaudin (Annette Bibal _ née le 28 avril 1845, Grand’Rue n°21 à Saint-Jean-de -Luz  _ et Edmond Gaudin _ né le 17 novembre 1844, Rue Neuve n° 38, à Saint-Jean-de-Luz _ se sont mariés le 27 janvier 1875
_ et si avant ce mariage Bibal-Gaudin de 1875, cela avait été au service des parents d’Annette Bibal (soit Pierre Bibal, né le 5 septembre 1806, rue Saint-Jacques n° 24, à Saint-Jean-de-Luz ; et Victoire Dupous, née le 9 juin 1822, rue Saint-Jean, n°4, à Saint-Jean-de-Luz) qui s’étaient mariés, eux, le 26 avril 1843), et pas des Gaudin… que Gachucha Billac aurait pu être domestique, à Saint-Jean-de-Luz _)
manquent du plus élémentaire bon sens : 1875 + 64 = 1939 ! _ et 1843 + 64 = 1907 ; ce n’est toujours pas cohérent…
Gachucha Billac, née à Ciboure le 15 mai 1824, aurait atteint en 1939 l’âge beaucoup plus que canonique de 115 ans…
Alors que Bernardine Bibal, née à Saint-Jean-de-Luz le 22 août 1855, était de 31 ans plus jeune que Gachucha Billac
_ pour rappel, cf mon article du 1er juin dernier :  ; et celui du 12 juillet : … C’est pas à pas que l’enquête progresse.
Enfin, si l’on retranche 64 ans (de situation de domestique) des 83 ans de vie de Gachucha Billac (1902 – 64 = 1838),
il se trouve que le résultat de 1838
implique que la cibourienne Gachucha Billac aurait été domestique dès l’âge de 14 ans, en 1838,
des luziens Gaudin-Bibal (mariés à Saint-Jean-de-Luz le 27 janvier 1875) ;
ou plutôt des luziens Bibal-Dupous (mariés le 26 avril 1843) ;
et même, plus en amont encore, des luziens Dupous-Benoît _ les parents de Victoire Dupous (9 juin 1822 – 16 juin 1903), soient Baptiste Dupous (Béhobie, 26 juin 1800 – Saint-Jean-de-Luz, Grand’Rue n° 41, 11 avril 1865) et Françoise Benoît (Saint-Jean-de-Luz, 2 octobre 1786 – Saint-Jean-de-Luz, Grand’Rue n° 20, 13 septembre 1855) _, qui se sont mariés, eux, le 17 septembre 1821, à Saint-Jean-de-Luz !
La recherche, comme la publication, exigent un peu plus de sérieux !
Suivront maintenant d’autres précisions documentées : sur les Hiriart…
Ce samedi 21 septembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sur le réel et le sérieux : le « point » de Paul Krugman sur l’enjeu de l’élection du 4 novembre aux Etats-Unis

02nov

Sur l’article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness » dans l’édition du New-York Times du 26 octobre dernier…

Pour poursuivre la réflexion sur ce qu’il en est du « réel »,

ainsi que du « sérieux » _ quant à la recherche (élémentaire !) de la vérité sur ce « réel », face aux « marchands » d’illusions (et croyances) en tous genres (et ça se bouscule au portillon !), et autres camelots et bateleurs d’estrades (politiques) _

et/ou,

en conséquence de quoi,

de l’élémentaire honnêteté intellectuelle

(des chercheurs, conseilleurs, discoureurs, etc… jusqu’à tout un chacun : vous et moi…),

en une société (civile) dominée _ depuis voilà plus de trente ans, maintenant : cela commence à faire un peu long

(cf mon précédent article : « de la crise et du naufrage intellectuel à l’ère de la rapacité _ suite : les palais de l' »âge d’or » à Long Island« , d’après un très bel article, déjà, de Paul Krugman, dans le New-York Times, le 20 octobre 2002) _,

par les « marchands »

et autres « camelots politiques » (style Thatcher et Reagan),

appuyés sur l’idéologie pseudo compétente d’idéologues _ stipendiés _ du genre d’un Milton Freedman (« prix Nobel d’Economie » en 1976 :

né le 31 juillet 1912 à New York et décédé le 16 novembre 2006 à San Francisco, Milton Freedman est « généralement » considéré comme l’un des économistes les plus « influents » de ce XXe siècle _ qui est peut-être en train de s’achever ces mois d’octobre et novembre 2008 (et pas le 11 septembre 2001 !)…

Titulaire du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » _ voilà, en fait, l’expression juste ! _ de l’année 1976, Milton Freedman a été un ardent défenseur du « libéralisme », à moins que ce ne soit, plutôt, et en fait, de l' »ultralibéralisme » :

sur cette dernière nuance-ci (« libéralisme« / »ultralibéralisme« ),

on peut se reporter à l’excellente contribution _ elle aussi _ d’hier, dans le numéro du Monde daté du 2 novembre, de Michel Rocard, interrogé par Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout, sur la « crise financière » : « la crise sonne le glas de l’ultra-libéralisme« ),

voici,

ici et maintenant,

un magnifique article

_ d' »actualité politique », d’abord, simplement, et modestement : l’élection aura lieu le 4 novembre ! _,

intitulé « Desperately Seeking Seriousness«  dans l’édition du New-York Times du 26 octobre,

par le tout récent

_ le vent venant de tourner ; et les girouettes de suivre : pardon de permettre l’impression de qualifier l’honorable jury suédois de « girouette : on pourrait dire, plus noblement (à la Hegel, et selon son souci « réaliste » de la « wirklichkeit« ), « zeitgeist » : « esprit (ou « air« ) du temps » : mais est-ce bien différent ?  _

par le tout récent « prix Nobel d’Économie »

(ou plutôt « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel« ),

Paul Krugman ;

pour ceux qui lisent l’espagnol,

l’édition d’El Pais d’aujourd’hui, 2 novembre, en propose une traduction en castillan _ « En busca desesperada de la seriedad » _, par María Luisa Rodríguez Tapia.

Je n’en ai pas (encore : hélas !) trouvé une édition en « traduction en français »

_ ce que je me permettrai d’interpréter, et sans trop de « mauvais esprit » (j’espère…), comme un certain « retard »(hélas), de la France (ou des Français), dans le défi (et urgence !) de mieux comprendre (et mieux agir dans _ ou sur) le monde d’aujourd’hui… ;

un « retard » qui donne « à penser », lui aussi…

Voici cet excellent article de Paul Krugman « Desperately Seeking Seriousness« 

en version originale,

puis en traduction en castillan ;

et je me permettrai de « mettre en gras » ce qui me paraît le plus significatif

_ ainsi que de truffer (un peu) l’article original de quelques commentaires (parfois un peu « philosophiques » : avec des références aux œuvres de Platon, Machiavel, ou Freud…), en vert _,

comme modeste contribution d’un « simple » _ dans tous les sens du terme _ « curieux »,

à la recherche un peu « désespérée » _ à son modeste niveau _ d’un peu mieux comprendre « sérieusement » le « réel« ,

ou le monde,

afin d’un peu mieux, très simplement, « s’y orienter »

(comme en complément bien « empirique » à la préoccupation d’un Emmanuel Kant, en 1786, de préciser quelque réponse à la question « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?« …

D’abord, dans la version originale, sous la _ vraiment excellente ! _ plume de Paul Krugman :

October 26, 2008
Paul Krugman : Desperately Seeking Seriousness _ quel beau (car juste !) titre !

« Maybe the polls and the conventional wisdom are all wrong… But right now the election looks like a … solid victory, maybe even a landslide, for Barack Obama…

Yet just six weeks ago the presidential race seemed close, with Mr. McCain if anything a bit ahead. The turning point was the middle of September, coinciding precisely with the sudden intensification of the financial crisis… But why has the growing financial and economic crisis worked so overwhelmingly to the Democrats’ advantage? …

I’d like to believe _ car c’est un peu trop beau pour être « vraiment vrai » : d’où ce conditionnel (« j’aimerais croire »  : « croire » au sens, ici, de « supposer »…) lucide ! _ that the bad news convinced _ et c’est bien de cela en effet qu’il s’agit : « convaincre » ; et non pas « persuader«  (= faire « passionnellement croire ») : là-dessus, relire inlassablement « Gorgias » de Platon ; ou/et les si justes pédagogiquement « Propos » (sur l’éducation, les pouvoirs, le bonheur, etc…) d’Alain _ many Americans, once and for all, that the right’s economic ideas are wrong and progressive ideas are right. And there’s certainly something to that…

But I suspect that the main reason for the dramatic swing in the polls is something less concrete… As the economic scene has darkened, I’d argue, Americans have rediscovered the virtue of seriousness _ « the virtue of seriousness » : voilà l’expression décisive ! Celle qui m’a incité à rédiger cet article… And this has worked to Mr. Obama’s advantage, because his opponent has run a deeply unserious campaign.

Think about the themes of the McCain campaign… Mr. McCain reminds us, again and again, that he’s a maverick _ but what does that mean ? His maverickness _ en français : « être un franc-tireur » _ seems to be defined as a free-floating personality trait, rather than being tied to any specific objections… to the way the country has been run for the last eight years.

Conversely, he has attacked Mr. Obama as a “celebrity”, but without any specific explanation of what’s wrong with that…

And the selection of Sarah Palin… clearly had nothing to do with what she knew, or the positions she’d taken _ it was about who she was, or seemed to be _ et le modèle n’a été que trop exportable outre-Atlantique, hélas !!! Americans were supposed to identify with a « hockey mom » who was just like them _ comme si l’identification était un argument de choix pertinent d’un dirigeant politique ! C’est baigner là dans la pensée magique (cf Lucien Lévy-Bruhl : « Primitifs » ; « Esquisse d’une théorie générale de la magie » de Marcel Mauss ; et Claude Lévi-Strauss : « La Pensée sauvage« )…

In a way, you can’t blame Mr. McCain for campaigning on trivia _ after all, it’s worked in the past. Most notably, President Bush got within hanging-chads-and-butterfly-ballot range of the White House only because much of the news media, rather than focusing on the candidates’ policy proposals, focused on their personas : Mr. Bush was an amiable guy you’d like to have a beer with, Al Gore was a stiff know-it-all, and never mind all that hard stuff about taxes and Social Security. And let’s face it: six weeks ago Mr. McCain’s focus on trivia seemed to be paying off handsomely.

But that was before the prospect of a second Great Depression concentrated the public’s mind.

The Obama campaign has hardly been fluff-free _ in its early stages it was full of vague uplift. But the Barack Obama voters see now is cool, calm, intellectual and knowledgeable, able to talk coherently about the financial crisis in a way Mr. McCain can’t _ ou l’épreuve du réel… And when the world seems to be falling apart, you don’t turn to a guy you’d like to have a beer with, you turn to someone who might actually know how to fix the situation _ soit Socrate (et Platon) versus Gorgias, Polos et Calliclès, in « Gorgias » ! et encore Socrate (et Platon) versus Thrasymaque et le point de vue rapporté par Glaucon, dans « la République« , toujours de Platon…

The McCain campaign’s response to its falling chances of victory has been telling : rather than trying to make the case that Mr. McCain really is better qualified to deal with the economic crisis, the campaign has been doing all it can to trivialize things again. « Mr. Obama consorts with ’60s radicals ! He’s a socialist ! He doesn’t love America ! » Judging from the polls, it doesn’t seem to be working.

Will the nation’s new demand for seriousness last ? Maybe not _ remember how 9/11 (2002) was supposed to end the focus on trivialities ? For now, however, voters seem to be focused on real issues. And that’s bad for Mr. McCain and conservatives… : right now, to paraphrase Rob Corddry, reality has a clear liberal bias

_ c’est le « réel », en ses « apparitions », qui change ;

les « réalistes » (= « pragmatiques ») sont bien forcés

(par l’avantage, provisoire _ sur la scène sociale, économique et politique ; ainsi qu’idéologique ! _, du « principe de réalité » sur le « principe de plaisir« 

_ cf Freud dans « Au-delà du principe de plaisir« , en 1920, publié in « Essais de psychanalyse«  : un très grand livre ! _

de s’y « adapter » (machiavéliennement, si j’ose dire ;

à moins que ce ne soit « machiavéliquement », seulement ; en revenir au « Prince« )

si peu que ce soit,

du moins pour un moment, le temps que le temps tourne à nouveau, et soit, de nouveau, plus propice à leurs manœuvres peu, honnêtes (ou intègres)…

Et dans sa traduction en castillan, par Maria Luisa Rodríguez Tapia, dans el Pais de ce 2 novembre :

« En busca desesperada de la seriedad »

Paul Krugman 02/11/2008

Es posible que todos los sondeos y opiniones generalizadas se equivoquen, y que John McCain, inesperadamente, gane. Ahora bien, en estos momentos da la impresión de que el triunfo demócrata es inevitable : una victoria sólida, tal vez incluso aplastante, de Barack Obama ; gran aumento del número de escaños demócratas en el Senado, tal vez incluso suficientes para darles una mayoría a prueba de bloqueos parlamentarios, y también un amplio avance demócrata en la Cámara de Representantes.

Hace sólo seis semanas los resultados parecían ajustados e incluso levemente favorables a McCain. El momento decisivo de la campaña se vivió a mediados de septiembre, coincidiendo con la repentina intensificación de la crisis financiera tras la bancarrota de Lehman Brothers. Pero ¿ por qué la crisis económica y financiera ha beneficiado de una forma tan abrumadora a los demócratas ?

Con todo el tiempo que he dedicado a presentar argumentos contra el dogma económico conservador, me gustaría creer que la mala situación convenció a muchos estadounidenses, por fin, de que las ideas económicas de la derecha son erróneas y las ideas progresistas son las acertadas. Y no cabe duda de que hay algo de eso. Hoy, cuando incluso el propio Alan Greenspan reconoce que se equivocó al creer que el sector financiero podía autorregularse, la retórica reaganesca sobre la magia del mercado y los males de la intervención del Gobierno resulta ridícula.

Además, McCain parece asombrosamente incapaz de hablar sobre economía como si fuera un asunto serio. Ha tratado de responsabilizar de la crisis a su culpable favorito, las asignaciones presupuestarias especiales del Congreso, una afirmación que deja atónitos a los economistas. Inmediatamente después de la quiebra de Lehman, McCain declaró: « Los cimientos de nuestra economía son sólidos« , por lo visto sin saber que estaba repitiendo casi al pie de la letra lo que dijo Herbert Hoover después de la crisis de 1929.

No obstante, sospecho que la razón fundamental del espectacular giro en las encuestas es algo menos concreto y más etéreo que el hecho de que los acontecimientos hayan desacreditado al fundamentalismo del libre mercado. En mi opinión, a medida que la situación económica ha ido oscureciéndose, los estadounidenses han redescubierto la virtud de la seriedad. Y eso ha beneficiado a Obama, porque su rival ha llevado a cabo una campaña tremendamente poco seria.

Piensen en los temas que han centrado la campaña de McCain hasta ahora. McCain nos recuerda, una y otra vez, que es un heterodoxo, pero ¿qué significa eso? Su heterodoxia parece definirse como un rasgo independiente de su personalidad, no vinculado a ninguna objeción concreta contra la manera de gobernar el país durante los últimos ocho años.

Por otro lado, ha criticado a Obama diciendo que es un « famoso », pero sin explicar en concreto qué tiene eso de malo; se da por supuesto que las estrellas de Hollywood tienen que caernos mal.

Y es evidente que la elección de Sarah Palin como candidata republicana a la vicepresidencia no tuvo nada que ver con sus conocimientos ni sus posturas; fue por lo que era, o lo que parecía ser. Se suponía que los estadounidenses debían identificarse con una hockey mom parecida a ellos.

En cierto sentido, es comprensible que McCain haga campaña apoyándose en nimiedades; al fin y al cabo, en otras ocasiones ha funcionado. El caso más notable fue el del presidente Bush, que si logró colocarse a un paso de la Casa Blanca y que todo dependiera de una cuestión de papeletas mariposa y perforaciones mal hechas fue sólo porque gran parte de los medios, en vez de prestar atención a las propuestas políticas de los candidatos, se centraron en sus personalidades: Bush era un tipo simpático con el que uno podía tomarse una cerveza, mientras que Al Gore era un tieso sabelotodo; y eso era lo importante, no ese lío de los impuestos y la Seguridad Social. Y seamos francos: hace seis semanas parecía que la atención de McCain a las nimiedades estaba dándole buenos resultados.

Pero eso era antes de que la perspectiva de una segunda Gran Depresión captara la atención de la gente.

La campaña de Obama no ha estado tampoco libre de tonterías; en sus primeras fases estaba llena de un vago optimismo. Pero el Barack Obama que ven los votantes hoy es un hombre sereno, tranquilo, intelectual y enterado, capaz de hablar sobre la crisis financiera con una coherencia que McCain no tiene. Y, cuando parece que el mundo se viene abajo, uno no recurre a un tipo con el que le gustaría tomarse una cerveza, sino a alguien que quizá sepa realmente cómo arreglar la situación.

La reacción de la campaña de McCain al ver que disminuyen sus posibilidades de victoria ha sido significativa: en vez de argumentar que McCain está más preparado para hacer frente a la crisis económica ha hecho todo lo posible para volver a frivolizar las cosas. ¡Obama se junta con radicales de los años sesenta! ¡Es un socialista! ¡No ama a Estados Unidos! A juzgar por las encuestas, no parece que esté sirviendo de nada.

¿Persistirá la nueva exigencia de seriedad del país? Quizá no; ¿se acuerdan de que se suponía que con el 11-S iban a acabarse las frivolidades? Pero, de momento, parece que los votantes sí están interesados por los temas que de verdad son importantes. Y eso es malo para McCain y para los conservadores en general: en estos momentos, para parafrasear al cómico Rob Corddry, la realidad es claramente progresista. –

© 2008 New York Times News Service. Traducción de María Luisa Rodríguez Tapia.

De quoi réfléchir un minimum, sur le « sérieux » des compétences réelles,

face à la légéreté des « convictions », des « croyances », du poids de la « crédulité » aussi…

Même si,

tant Paul Krugman, dans son article du New-York Times du 26 octobre,

que Michel Rocard, dans son entretien avec Françoise Fressoz et Laetitia Van Eeckhout du Monde de ce 2 novembre,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité immédiate ou directe, à court terme

_ le « contexte » (du « présent » historique) jouant, aussi, beaucoup pour donner du poids et de l' »autorité » à leur « parole » et à leur « intervention » (et « focalisation » pertinente)

auprès de ceux qui

_ en masse, grégairement, le plus souvent (ils préfèrent « copier-coller » des opinions qu’ils croient majoritaires) _

veulent si peu (ou si mal) entendre, et comprendre _ ;

même si tant Paul Krugman que Michel Rocard, donc,

sont loin d’être naïfs sur l’efficacité

de leur « action » _ de sagacité _ de « désembrouillage » de la complexité du « réel », déjà, même

(et des « faits » à « établir » : avec validité objective) ;

et de « désembrouillage » des idéologies « intéressées » et bien peu objectives, elles,

qui ajoutent leur « confusion » (subjective et passionnelle ; quand ce n’est pas, même, de parfaite « mauvaise foi ») aux brouillages

(et brouillards, déjà) de ce « réel » lui-même ;

et si il appartient à chacun, _ comme « honnête homme«  _ à son niveau, à sa place, et hic et nunc, « en situation« , dirait un Sartre (cf ses « Situations« ),

de sempiternellement inlassablement,

avec « vaillance » _ c’est un « travail » de l’esprit à l’œuvre ! _ et avec « courage« 

_ les deux « vertus » que Kant met en avant dans son indispensable et toujours d’extrême actualité et urgence, « Qu’est-ce-que les Lumières ? » _ pour lui, c’était en Prusse, à Koenigsberg, et en 1784, déjà… _

et si il appartient à chacun

de faire effort si peu que ce soit,

en commençant par (bien) écouter, (bien) s’informer

(à bonnes, et plurielles, sources : en « débats » ouverts, « libres » : c’est-à-dire exigeants quant à l’effort de « vérité », au-delà des « intérêts », économiques, surtout, qui s’affrontent ;

qu’il en ait, ce « chacun », claire conscience, ou pas,

c’est-à-dire une conscience embrumée, ou brouillée)

pour _ toujours essayer, chacun, de mieux _ « comprendre »...

Même si,

tant Paul Krugman

que Michel Rocard, donc,
demeurent, forcément, circonspects

sur les capacités d’un (isolé) article,

et, plus généralement, de leur action

_ chacun des deux à son niveau, et dans sa sphère (d’influence) _ ;

sur les capacités

de « convaincre » les décideurs, les pouvoirs,

ainsi que les individus, et, au-delà de leur individualité séparée, les peuples

_ ou du moins leurs « majorités » politiques (en démocratie !),

à la veille des élections présidentielles américaines de ce mardi 4 novembre : après-demain ! _ ;

soit de « convaincre »,

en raison (et pas « en affects » populistes),

tout un chacun,

de changer d’attitude

tant de l’entendement que de la volonté, en action,

au profit d’un « réalisme de la vérité

et de la justice »…

Où commence la naïveté ? où commence l' »utopie » ?

Où se trouve le vrai « réalisme » ?

Sur ce point, afin d’un peu mieux le « penser », je me permettrai de « renvoyer » à ce grand livre

qu’est « L’Institution imaginaire de la société« , en 1975,

de Cornelius Castoriadis (1922, Constantinople, ou Istamboul _ comme on voudra _ – 1997, Paris)…

Bref,

de quoi réfléchir ;

et agir,

quant à notre « crise »…


Titus Curiosus, ce 2 novembre 2008

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