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L’incontournable Cidrerie Camino Berri de Biriatou, de la famille Beloqui, vient de fermer ses portes : vive émotion et bien chaleureux remerciements !

23déc

C’est hier matin, lors de ma lecture matinale des journaux, dont Sud-Ouest _ et tout spécialement la page de Saint-Jean-de-Luz _ qu’est venue se rappeler à moi la triste nouvelle dont j’avais appris cet été, à la Cidrerie, la prochaine échéance, de cessation, ce mois de décembre 2023…

Car à chacune de mes venues à Saint-Jean-de-Luz je n’aurais pour rien au monde manqué de venir _ pour midi tapante… _ déjeuner _ succulemment ! _ à la Cidrerie de Biriatou ; dont le menu ouvrier, quel que soit le jour, m’a continuellement ravi _ sa garbure constamment délicieuse, son merlu (!), et aussi son extraordinaire boudin maison, le fameux tripotx ! ; en plus de ce merveilleux cidre basque, le sagarno, dont je raffole…

Et auquel j’ai mené mon épouse, ma mère, mes filles et mes gendres et petits enfants, mes amis…

Il faut dire que les sœurs Beloqui Denise _ celle qui officiait en salle ; née en 1964 _ et Anne-Marie _ celle qui officiait aux fourneaux ; née en 1960 ; et en 2013 j’avais pu, un bon moment, avant que ne débute le service, discuter avec elles deux de leur cousin Michel, dont j’avais récemment appris le décès survenu en février 2002 : au moment où je souhaitais fêter mon départ à la retraite en réubissant ceux de mes anciens élèves qui m’avaient le plus vivement marqué ; et j’avais enseigné à Bayonne les années scolaires 1971-72 (au lycée René Cassin) et 1973-74 (au lycée technique, rue Paul Bert)… _ étaient rien moins que les cousines germaines du meilleur élève_ d’une intelligence d’une finesse sans pareille, alliée à une parfaite modestie… _ que j’ai eu en 42 ans de carrière de professeur de philosophie :

Michel Beloqui (Biriatou, 13 février 1956 – Anglet, 21 février 2002), que j’avais eu comme élève l’année scolaire 1973 – 1974 au Lycée Technique de la rue Paul Bert, dans le Petit Bayonne…

J’avais mis un 19 à son premier devoir, début octobre ; et ensuite 20 à chaque fois…

Et je n’ai jamais oublié le regard intensivement attentif de Michel Beloqui…

Il y a quelques années, après avoir appris son histoire, sa vie professionnelle et son abrupt décès _ en 2002 _,  j’ai eu la joie de remettre à son fils aîné Vincent _ né en septembre 1980, et désormais ingénieur en chef du contrôle de la navigation aérienne à l’aérodrome de Bordeaux-Mérignac _ la copie originale de ce tout premier devoir _ de douze pages ! _ que Michel Beloqui m’avait gentiment autorisé de conserver ; et que parfois, à l’occasion, il m’arrivait de lire à certaines de mes classes, comme un exemple lumineux de justissime raisonnement…

Et il se trouve que la maison des parents de Michel Beloqui _ Jean-Louis Beloqui (Biriatou, 15 juin 1928 – Biriatou, 10 octobre 1990) et son épouse Jeanne (Ainhoa, 6 janvier 1930 – Hendaye, 3 décembre 2020) _, se situe en vis-à-vis, juste de l’autre côté de la cour sur laquelle donne le restaurant de la Cidrerie de Camino Berri.

Et c’est ainsi, à une occasion, lors de vacances scolaires, que j’ai pu échanger un moment avec le jeune frère de Michel, Daniel Beloqui _ né, lui, en 1965 ; et qui termine sa carrière d’enseignant à la direction des fonctions professionnelles et technologiques d’un important lycée de l’agglomération lyonnaise… _ au moment où il sortait de chez lui à Biriatou…

Voilà pour le contexte de ma fréquentation heureuse de la Cidrerie de Camino Berri des deux sœurs Beloqui.

Pays basque : à Biriatou, l’incontournable cidrerie Camino Berri ferme ses portes

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Pays basque : à Biriatou, l’incontournable cidrerie Camino Berri ferme ses portes

Anne-Marie et Denise raccrochent leurs tabliers et remercient leurs clients. © Crédit photo : É. A.
Par Édith Anselme
Publié le 21/12/2023 à 15h53.
Mis à jour le 21/12/2023 à 16h09.
Adieu belles daurades à l’ail et côtes de bœuf savoureuses ! Les dernières gouttes de cidre seront bues, ce vendredi 22 décembre, avec nostalgie _ oui ! _ à la cidrerie Camino Berri, de la famille Belloqui _ Beloqui, avec un seul L… _, au bord de la route qui mène de Biriatou à Urrugne _ ou bien d’Urrugne à Béhobie, pour qui vient de Ciboure et Saint-Jean-de-Luz…

La nouvelle _ connue (et redoutée) dès cet été _ a provoqué un souffle de nostalgie et de regrets _ très vifs _ chez les habitués _ dont j’étais _ de la cidrerie Camino Berri, qui affluent pour déguster encore une fois le menu traditionnel _ celui du jour : toujours parfait ! _, boire la dernière goutte de cidre _ merveilleux !!! _ et surtout embrasser Denise _ dans la salle _ et Anne-Marie _ à la cuisine _, deux des cinq sœurs Beloqui _ avec Marie-Hélène, Yvette, les deux aînées, et la benjamine, sont le prénom m’échappe. Leur frère aîné, Émile (né à Biriatou le 22 mai 1951), est décédé d’un AVC à la mi-temps d’un match de rugby le 2 février 1977, à l’âge de 25 ans… De près ou de loin, toutes ont perpétué la tradition de l’établissement créé par leurs grands-parents _ François et Maria Beloqui.

Elles racontent volontiers la belle histoire d’une famille soudée et travailleuse : « Notre grand-père François _ Francisco-Maria Beloqui Artola, fils d’Ygnacio Beloqui et Hilaria Artola _ est né à Fontarabie en 1885 _ plus précisément le 10 octobre 1884  _, notre grand-mère Maria est née en 1888 à Lezo _ en Guipuzcoa, une petite cité limitrophe de Pasajes de San Juan. Un jour _ de 1922, très probablement si je me fie aux lieux et dates de naissance d’au moins 12 de leurs 14 enfants… : ce jour de 1922, Francisco, le père, avait 37 ans, et Maria, la mère, 34 ans ; et au moins 7 de leurs enfants étaient nés à Lezo (Manuela, le 13 septembre 1908 ; Luisa-Ignaria, le 4 janvier 1910 ; Jose-Francisco, le 18 juin 1912 ; Juan-Jose, le 30 juillet 1913 ; Jesusa-Consuelo, le 10 juin 1915 ; Juana-Josefa, le 19 mars 1919 ; et Martin, le 11 novembre 1921 )… _, ils décident de franchir la Bidassoa et de s’installer à Camino Berri, sur la commune de Biriatou _ où leurs sont nés encore 5 autres enfants : Ignace, le 15 mars 1923 ; Antoine, le 2 novembre 1924 ; Joseph-Manuel, le 1er novembre 1916 ; Jean-Louis, le 15 juin 1928 ; et Jean-Marie, le 19 janvier 1932. Et leur père, François Beloqui, a obtenu la nationalité française le 1er juillet 1930. Ils proposent un casse-croûte accompagné de cidre aux pêcheurs de Ciboure et aux ouvriers qui se distraient avec un jeu de Toka. »

« L’autoroute n’existait pas »

En contrebas de la maison, des pommiers, des vaches, un potager. « Nos parents _ Joseph-Manuel Beloqui (Biriatou, 1er novembre 1926 – Biriatou, 1er juin 1991) et son épouse Marie-Thérèse Soroeta (Urrugne, 19 décembre 1931 – Biriatou, 11 mai 2022) _ ont pris la suite en proposant toujours le casse-croûte, puis un menu ouvrier _ formidable ! Ils organisaient aussi des méchouis et ont proposé des côtes de bœuf et de la daurade. À l’époque, l’autoroute n’existait pas, les camions s’arrêtaient chez nous _ et cela a bien sûr continué… Dans le hangar, des barriques en bois contenaient le cidre de nos pommes _ voilà ! _ et s’il en manquait, ils le commandaient en Normandie. »

« Nous avons eu une belle jeunesse _ Anne-Marie est née en 1960, et Denise en 1964 _, même si on a beaucoup travaillé. On ne regrette pas, le travail était dur, mais on était heureux »

Cinq filles _  Marie-Hélène, Yvette, Anne-Marie, Denise et Valérie _ et un fils _ Émile (Biriatou, 22 mai 1951 – Biriatou, 2 janvier 1977 ; décédé d’un AVC à la mi-temps d’un match de rugby…) _ naissent _ à Manuel et Maïté Beloqui _, qui donnent un coup de main après l’école, au champ, mais aussi au pressoir. « La fabrication était traditionnelle, on pressait à la main et un jour la tige a percé le plancher ! », sourit Anne-Marie. « Au décès de notre père _ Manuel _ en 1991 _ le 1er juin : il avait 64 ans _, nos deux maris, Étienne _ Echegaray _ et Pierrot _ Ibarburu  _, ont repris la fabrication du cidre, l’entretien des pommiers, le ramassage des pommes ».

Maria, la grand-mère, a eu 14 enfants_ dont Manuelle (née à Lezo le 13 septembre 1908 et décédée à Urrugne le 22 janvier 2000), Luisa-Ignaria (née à Lezo le 4 janvier 1910 et décédée à Ustaritz le 13 septembre 1997), Joseph-François (né à Lezo le 18 juin 1912 et décédé à Urrugne le 31 juillet 1995), Juan-Jose (né à Lezo le 30 juilet 1913 et décédé à Saint-André-de-Cubzac le 4 juin 1996), Jesusa-Consuelo (née à Lezo le 10 juin 1915 et décédée à Hendaye le 23 avril 2002), Juana-Josefa (née à Lezo le 19 mars 1919 et décédée à Bordeaux le 21 septembre 2005) et Martin (né à Lezo le 11 novembre 1921 et décédé à Guâ, Ardèche, au combat, le 18 mars 1945), tous donc nés à Lezo, avant 1922 ; puis, nés à Biriatou, après 1922 : Ignace (né à Biriatou le 15 mars  1923 et décédé à Preignac le 2 mars 1979), Antoine (né à Biriatou le 2 novembre 1924 et décédé à Bayonne le 21 mai 1985), Joseph-Manuel (né à Biriatou le 1er novembre 1926 et décédé à Biriatou le 1er juin 1991), Jean-Louis (né à Biriatou le 15 juin 1928 et décédé à Biriatou le 10 octobre 1990) et Jean-Marie (né à Biriatou le 19 janvier 1932 et décédén lors d’un accident de voiture à Saint-Martin-d’Oney, dans les Landes, le 7 décembre 1987)… _  et a créé avec son mari François la cidrerie.

« La période des tripotx »


En 1997, les filles reprennent le restaurant. « Nous avons poursuivi la fabrication du cidre à la main, de la récolte au pressoir jusqu’à la mise en bouteille, puis nous avons acquis un pressoir électrique et avons ouvert le txotx en 2012. » Pour l’accompagner, les sœurs proposent un menu cidrerie _ magnifique de saveur et de générosité. Anne-Marie et Denise se souviennent aussi de la période des tripotx. « Le mois de novembre était intense. Nous les fabriquions et les proposions au restaurant, mais aussi à emporter, notamment pour les fêtes de Biriatou _ à la saint-Martin, le 6 novembre _ : plus de 600 tripotx à cuisiner. »

Parmi les cinq filles Beloqui, certaines  _ outre Anne-Marie et Denise _ avaient un autre métier, mais « tout le monde aidait dans la bonne humeur ! Finalement, nous avons eu une belle jeunesse, même si on a beaucoup travaillé. On ne regrette pas, le travail était dur,  mais on était heureux. Nous remercions tous nos fidèles clients. »

C’est nous qui les remercions, et très chaleureusement…

Une cidrerie absolument unique !

Et hélas irremplaçable.

Ce samedi 23 décembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’ambivalence sidérante des repas de fêtes de famille, un aperçu anthropologique lucide de Frédéric Regard…

19déc

Voici un très intéressant article de Frédéric Segard, paru ce 19 décembre dans le journal Sud-Ouest :

Pourquoi les repas de famille nous attirent-ils autant qu’ils nous effraient  ?

Cet article publié par Sud-Ouest comporte aussi 4 brèves vidéos d’extraits des films suivants :
Blow-up (film de Michelangelo Antonioni, en 1966)
Avalon (de Barry Levinson, en 1990)
The Celebration (de Thomas Vinterberg, en 1998)
Un Conte de Noël (d’Arnaud Desplechin, en 2008)

Pourquoi les repas de famille nous attirent-ils autant qu’ils nous effraient  ?

Pourquoi les repas de famille nous attirent-ils autant qu’ils nous effraient ?
À l’abri du besoin, Norman Rockwell, entre 1941 et 1945. © Crédit photo : Musée Norman Rockwell

Par Frédéric Regard, Professeur de littérature anglaise, Sorbonne Université

Publié le 19/12/2021 à 12h50
Alors que les repas de fêtes de fin d’année approchent à grands pas, retour sur cette fascination des repas partagés…

Cet article a été initialement publié sur The Conversation.

L’histoire du cinéma, de la peinture, de la littérature, fourmille de scènes de table. On songe au Repas de noce de Brueghel l’Ancien, aux innombrables « cènes » représentant le dernier repas du Christ, à ces tableaux emblématiques de la nation américaine que sont The First Thanksgiving de JLG Ferris, ou Freedom from Want de Norman Rockwell (« À l’abri du besoin »). Shakespeare nous invite au banquet de La Mégère apprivoisée, Fitzgerald nous convie aux fêtes de Gatsby, Virginia Woolf nous fait saliver sur un bœuf en daube dans La Promenade au phare.

Certains auteurs mettent la préparation du repas au cœur du récit, comme Karen Blixen avec Le Festin de Babette, immortalisé au cinéma. Nombreux sont les acteurs qui trouvèrent la consécration dans des films où Thanksgiving jouait un rôle majeur : Al Pacino dans Parfum de femme, Sandra Bullock dans L’Éveil d’un champion, Sigourney Weaver dans La Tempête de glace, Adam Sandler dans Drôle de monde. Notre mémoire collective est nourrie de scènes devenues mythiques, tirées de Barry Lyndon de Kubrick, du Parrain de Coppola, des Incorruptibles de Brian de Palma.
Le repas partagé ne saurait se concevoir seulement comme l’occasion d’ingérer une source d’énergie. La table signifie toujours plus qu’elle-même _ voilà ! _ ; c’est une figure : elle est métonymique d’un contexte (la richesse de l’hôte, une période de crise), métaphorique d’une attitude (le raffinement, la générosité, l’avarice), symbolique d’une situation (Noël, la nation, le mariage, la rencontre amoureuse).

Mais quelle est la nature exacte de cette trouble fascination que les artistes éprouvent pour le repas partagé ? Pourquoi ressentons-nous, nous-mêmes, une telle excitation _ voilà ! _ à prendre part à un repas de famille, et à en voir une représentation ?

Un premier élément de réponse relève de l’évidence : si nous tenons tant à voir ou à vivre un tel spectacle, c’est que ce que nous mangeons, comment nous le mangeons, avec qui nous le mangeons, où et quand nous le mangeons, structure l’histoire même de l’humanité : les « arts de la table », si l’on peut dire, sont des opérateurs de sociabilité _ oui _ , qui nous rappellent que nous sommes cet animal qui prépare sa nourriture, qui la partage, et qui en parle. Or, l’union sacrée qui semble devoir émerger de ces moments privilégiés peut aussi être mise à mal.

Un révélateur de dysfonctionnements

Dans le film Avalon, de Barry Levinson, un repas de famille organisé pour Thanksgiving tourne au drame. Le père donne le coup d’envoi du découpage de la dinde quand son frère arrivé en retard s’écrie indigné : « You cut the turkey ! » (« Tu as découpé la dinde ! »). Dans La Bûche de Danièle Thompson, ou dans Un Conte de Noël d’Arnaud Desplechin, le repas de Noël est l’occasion de raviver les plaies, de faire sortir les fantômes des placards familiaux _ oui. Parmi les scènes culte de tels dysfonctionnements, on se souviendra de celle du gigot dans Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet, de celle du ragoût dans Que la bête meure de Claude Chabrol, de celle du repas de notables dans Coup de tête de Jean‑Jacques Annaud.

En vérité, il ne saurait y avoir de récit d’un repas collectif sans que le fantasme de l’unité familiale ou sociale ne menace de voler en éclats _ voilà. Qu’un étranger s’invite, qu’un membre de la famille revienne d’une longue absence, que l’un des convives dise des horreurs, que quelque chose cloche dans une recette ou dans une attitude, qu’un invité ne mange pas, et tout l’ordonnancement symbolique de la fête en sera ébranlé.

Les repas collectifs sont hautement problématiques, dangereux, imprévisibles : caché au milieu des plats circule comme un pharmakon, une énergie agissant comme remède et poison tout à la fois _ oui.

D’où l’immense succès, marqué par les multiples adaptations théâtrales, du film Festen de Thomas Vinterberg, dans lequel cette précarité de l’harmonie familiale est placée au cœur même de la représentation, puisque le fils profite du repas de fête pour dénoncer la pédophilie du père. Le poison est le plus violent lorsque les tabous fondamentaux s’effondrent _ en effet. C’est encore le cas dans Les Incorruptibles, où Al Capone (Robert de Niro) défonce le crâne de l’un des convives à coups de batte de base-ball, dans Hannibal, de Riddley Scott, où le maître de cérémonie (Anthony Hopkins) se délecte du cerveau de l’un des invités.

Inceste, meurtre, cannibalisme, autant d’interdits majeurs, qui se retrouvent subitement dans l’assiette, visibles, étalés, offerts à la dégustation du spectateur, en une monstrueuse abrogation des lois fondamentales du lien social _ voilà. Monstrueuse, parce que la transgression des tabous qui crève soudain l’écran coïncide avec le moment le plus symbolique de la vie des hommes : ce moment du partage de la bête sacrifiée (la dinde, par exemple) comme gage de l’alliance sacrée de la communauté _ oui.

Rituel et sacrifice

Quelques apports théoriques seraient utiles à une analyse approfondie des scènes évoquées ci-dessus : Lévi-Strauss sur le « triangle culinaire » (le cru, le cuit, le pourri) _ de ses Mythologiques _, où s’affirme une parfaite homologie entre cuisine et langage ; la quatrième partie de Totem et tabou, où Freud diagnostique la permanence de la structure sacrificielle, comme souvenir inconscient et répétition symbolique de la mise à mort du père de la horde et de sa dévoration par les fils.

Le sacrifice rituel, dont le repas collectif garderait la trace, serait à interpréter comme une mise à mort non criminelle, où se liraient tout à la fois l’aveu du meurtre originel et son rachat _ on pourrait joindre à ces références anthropologiques le travail de René Girard sur Le Bouc-émissaire

On comprend dès lors que la représentation comme l’expérience du repas partagé sont surtout une opération sémiotique qui subordonne l’acte de manger à la mise en scène d’un événement : la table fera advenir soit l’harmonie soit la discorde _ oui. Il peut arriver que le rituel ne fonctionne pas : que les codes ne soient pas respectés (découper la dinde avant que tous ne soient arrivés, insulter l’hôte, l’assassiner), que le convive ne mange pas (l’anorexique), qu’un étranger se mette à table sans y avoir été invité (le parasite, le revenant), qu’un « trouble-fête » déballe son sac (le secret de famille).

Quand l’art se met à table

Sans écarter ces références bien connues, c’est un essai plus confidentiel que nous proposons de relire. Dans son étude sur « l’ivresse des Grecs » _ L’Invention de la littérature : de l’ivresse grecque au livre latin _, Florence Dupont rappelle que l’épopée grecque était chantée lors d’un banquet sacrificiel, d’un symposium, dont la fonction était, par la circulation conjointe des mots et des mets, de renouer la relation des hommes avec la Mémoire divine du monde. Telle aurait été la fonction de la littérature : faire advenir une parole sans auteur, diluée dans l’oralité circulant entre les hommes. Littérature vivante donc, mise en bouche sur un mode poétique, éphémère, proche du moment musical.

Ce type de littérature se distinguerait dès lors de ce que nous nommons aujourd’hui la « littérature », devenue une aventure solitaire et personnelle. Le symposium permettait l’éclatement du principe d’individuation ; la littérature moderne témoigne d’une culture identitaire _ voilà. En faisant jouer le symposium grec contre la cena romaine, le banquet rituel contre la table gastronomique, Dupont analyse la dégradation culturelle qui aurait marqué l’histoire des repas partagés tout autant que celle de la littérature.

On peut penser que les représentations artistiques du repas partagé nous parlent au plus haut point précisément parce qu’elles mettent en scène ces origines du banquet _ oui… Un film comme Un conte de Noël montre bien comment les liens familiaux s’écartèlent entre don de soi inconditionnel et haines individuelles recuites _ voilà. Les arts jouent sur cette tension qui les fait osciller entre des régimes qui favorisent soit le collectif soit l’individuel. Or, cette tension perceptible dans les représentations ne serait-elle aussi comme une mise en abyme de la relation tendue qui lie l’artiste à l’institution ? L’auteur (dramaturge, romancier, peintre, metteur en scène) est celui qui participe et ne participe pas au banquet, se conduisant lui-même comme un hôte parfait, mais aussi, et en même temps, soit comme un parasite (celui qui s’assoit à table sans y être invité), soit comme un spectre (celui qui sort des coulisses pour révéler ce que les convives n’ont jamais voulu savoir) _ c’est très intéressant.
De quoi bien méditer
en ces veilles de retrouvailles familiales…
Ce dimanche 19 décembre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Louis Ducos du Hauron (Langon, 1837 – Agen, 1920), un cadet de Gascogne inventeur (à Lectoure, en 1868) de la « photographie de couleurs »

04déc

À la recherche d’un peu plus de précisions sur le parcours _ d’abord géographique _ d’inventeur

de Louis Ducos du Hauron (Langon, 1837 – Agen, 1920),

je suis tombé sur un très remarquable site _ agenais _

des Amis de Louis Ducos du Hauron « inventeur de la photographie couleur« ,

très justement intitulé « Un Inventeur majeur de la photographie » ;

et comportant une passionnante série de 11 très détaillés articles…

Je les liste ici,

en commençant par les 7 articles concernant la biographie personnelle de Louis Ducos du Hauron :

_ Introduction

_ Sa jeunesse dans le Sud-Ouest

_ Sa période algéroise

_ Sa période parisienne

_ Sa retraite à Agen

_ Succès et déconvenues

_ Épilogue

Puis 4 autres articles se focalisant plus spécialement sur ses inventions :

_ La photo avant Louis Ducos du Hauron

_ Louis Ducos du Hauron et la photographie couleur

_ Le cinéma et Louis Ducos du Hauron

_ Louis Ducos du Hauron : ses autres inventions

Ainsi qu’une douzième intéressante rubrique

à propos des actualités de cette association des Amis de Louis Ducos du Hauron :

_ Actualités de l’Association

Soit une mine de renseignements extrêmement précieux,

et magnifiquement agrémentés d’une merveilleuse série de photographies documentaires,

dont _ surtout ! _ de nombreuses splendides photographies originales en couleurs de Louis Ducos du Hauron lui-même !!!

Bien sûr,

c’est au parcours _ de Langon à Agen, en passant par Libourne, Agen,  Tonneins, Auch et Agen : au fil des affectations de son père Jérôme, fonctionnaire aux Contributions indirectes, jusqu’à la mort de celui-ci, à Auch, le 14 octobre 1863 ; puis, ensuite, au fil des affectations de son frère Alcide, magistrat : à Agen, en 1864, Lectoure, en 1866, puis à nouveau Agen en 1869… _ de ce cadet de Gascogne qu’est Louis Ducos du Hauron _ né à Langon (Gironde) le 8 décembre 1837 et décédé à Agen (Lot-et-Garonne) le 31 août 1920 ; demeuré célibataire _,

que je me suis d’abord intéressé ;

ainsi qu’à celui des membres de sa famille _ de Gironde, du Lot-et-Garonne et du Gers, principalement _,

son frère aîné Alcide _ né à Coutras (en Gironde) le 29 juin 1830, et décédé à Savigny-sur-Orge le 13 mai 1909 ; le 11 septembre 1864, au Temple-sur-Lot (Lot-et-Garonne), Alcide avait épousé Marie-Césarine de Fourcauld, née en cette ville le 3 février 1841 _, auquel toute sa vie Louis est demeuré attaché _ Alcide, magistrat, a officié comme juge suppléant à Agen en 1864, puis à Lectoure (Gers), en 1866, puis à nouveau à Agen en 1869, comme juge au tribunal de première instance ; avant sa nomination de conseiller à la cour d’appel d’Alger à partir de 1881 ; son épouse et ses 4 enfants ne le rejoindront  à Alger qu’en 1883 ; et son frère encore un an plus tard, en 1884… _,

sa sœur cadette Berthe _ née à Libourne (en Gironde) le 23 janvier 1842, et épouse de Fabien Onézime de Bercegol à Agen : le couple aura au moins un fils, Raymond Camille Marie, né à Lamothe-Landerron, en Gironde, le 4 février 1869… _,

et d’abord, bien sûr, ses parents :

Jérôme Ducos du Hauron _ né à Bordeaux le 6 juin 1799 et décédé à Auch le 14 octobre 1863 _

et son épouse Marguerite Boivin _ née à Coutras le 6 octobre 1807 et décédée à Clermont-Ferrand le 19 janvier 1874 ; probablement d’ascendance agenaise par son père, Guy Boivin (né en 1769, et décédé à Coutras le 28 août 1847), qui avait épousé la coutrassienne Marie-Euphémie Deluze-Létang (Coutras, 1775 – Coutras, 1836) _ ; qui se sont mariés à Coutras le 21 juin 1829.

Jérôme Ducos du Hauron _ dit « Amédée«  _ est le fils de Jean-Marie Ducos du Hauron né à Nogaro (Gers) en 1778 et décédé à Tonneins (Lot-et-Garonne) en 1853 _ et son épouse _ le mariage a eu lieu à Bordeaux, le 10 août 1797 _ Marie de Montalembert _ née au Penne d’Agenais (Lot-et-Garonne) en 1780 _ ;

et son épouse Marie Boivin est la fille de Guy Boivin _ né en 1769 et décédé à Coutras le 28 août 1847, issu d’une famille de l’Agenais _, et Marie-Euphémie Deluze-Létang _ née à Coutras vers 1775 et décédée à Coutras en 1836 ; fille du député du Tiers-État Pierre Deluze-Létang, né à Coutras le 24 mars 1734, notaire, et décédé à Coutras le 31 juillet 1800, et de son épouse Marie-Thérèse de Lamarzelle, née vers 1747, et décédée à Coutras le 11 décembre 1799 (le mariage de Pierre Deluze-Létang et Marie Thérèse Lamarzelle avait eu lieu le 1er avril 1767 à Bourg-sur-Gironde (en Gironde). 

Voilà pour résumer les origines familiales (en Gironde, Lot-et-Garonne, Gers), ainsi que le parcours géographique de Louis Ducos de Hauron dans le Sud-Ouest,

avant que Louis rejoigne _ un an après sa belle sœur Marie-Césarine et ses enfants, demeurés eux aussi, depuis 1881, à Agen, jusqu’en 1883 _ son frère aîné Alcide à Alger en 1884 ; où Louis séjournera auprès de son frère jusqu’à ce que dernier rejoignant la France, et Paris, en 1896, Louis continue de vivre auprès de lui _ Alcide décédant à Savigny-sur-Orge le 13 mai 1909 _ainsi que, à partir du 13 mai 1909, de sa veuve Marie-Césarine, qui décèdera après Louis aussi, à Agen, au mois de mai 1923.

C’était au mois d’août 1914 que Louis Ducos du Hauron et sa belle sœur Marie-Césarine, née de Fourcauld, avaient quitté le domicile du 14 de la rue des Rossays, à Savigny-sur-Orge, pour rejoindre d’abord la propriété familiale des de Fourcauld au Temple-sur-Lot ; avant de s’installer, en 1920, à Agen, au 58 de la rue Lamouroux, où Louis décèdera le 31 août 1920. 

Ce vendredi 4 décembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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