Posts Tagged ‘tension

Et en suivant l’exploration de la tension des pôles d’attraction des domiciliations, l’essai d’une chronologie roussillonnaise des de Swarte, autour de l’Esparrou (des Sauvy et Rendu)…

04juin

Mon projet présent concerne l’éclairage de la tension des 2 pôles d’attraction

pour certains des membres de la famille des de Swarte-Rendu :

l’attraction du pôle périgourdin du Domaine de La Meynie, à Trélissac (Dordogne), depuis son acquisition par Alain de Swarte en 1956 ;

et l’attraction du pôle roussillonnais de L’Esparrou, à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), depuis l’élévation du château, en 1889, suite à l’acquisition du Domaine, par Joseph Sauvy, en 1875…

Ainsi que la place qu’y tient la chronologie des événements familiaux les affectant,

à tenter d’établir le plus précisément possible...

La difficulté de la tâche tient à la relative pauvreté des données disponibles concernant le parcours de celle qui m’apparaît comme le centre polarisateur des attractions roussillonnaises, Bertille de Swarte,

dont j’ignore même le lieu _ Trélissac ? _, ainsi que la date _ et même seulement l’année _ de naissance.

Je suppose seulement que cette date de naissance de celle qui occupe la seconde place de la fratrie des 4 enfants d’Alain de Swarte et son épouse Geneviève Rendu-Sauvy _ après Thibault, et avant Béatrice et Eymeric de Swarte _,

se situe entre la date du 3 mars 1955 _ naissance de Thibault _, et la date du 29 mars 1962 _ naissance de Béatrice de Swarte _ : entre 1956 et 1961, par conséquent… 

Mais avant d’en venir là, je désire prendre en compte deux dates, et plus encore deux événements, qui me paraissent importants, voire essentiels, en cette chronologie de ce qui m’apparaîtt comme une attraction roussillonnaise de presque tous les membres de la famille de Swarte, du moins la parenté la plus proche d’Alain de Swarte (Hazebrouck, 3 janvier 1926 – Agnonac, 26 décembre 2009) :

je veux dire, d’une part, le repère que constitue, dans cette chronologie « roussillonnaise« , le décès à Prades (Pyrénées-Orientales), le 3 août 1990, de Pierre de Swarte (Vieux-Berquin, 10 décembre 1898 – Prades, 3 août 1990) _ alors que son épouse, Suzanne Martin de Ramefort (Gennes, Maine-et-Loire, 16 janvier 1902, Agonac 15 août 1997), est décédée, sept ans plus tard, en Dordogne, à Agonac…

et d’autre part, et surtout, le décès à Canet-en-Roussillon, le 30 juin 1994, de la grand-mère maternelle _ côté Rendu et Sauvy _ d’Alain de Swarte :

Marie-Thérèse Sauvy (Perpignan, 1er mai 1896 – Canet-en-Roussillon, 30 juin 1994), l’héritière du Domaine et du château de l’Esparrou.

Si le côté de Trélissac, et du Domaine de La Meynie,

c’est d’abord Alain de Swarte,

le côté de Canet-en-Roussillon, et du Domaine (et château) de L’Esparrou,

c’est d’abord Marie-Thérèse Sauvy, épouse Rendu.

Recherche bien sûr à suivre,

Ce vendredi 4 juin 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Jouir de la merveilleuse finesse de détail de la « Betulia liberata » telle que vient nous l’offrir, au CD, Christophe Rousset…

10oct

En écoutant avec toute l’attention requise le double CD Aparté A235 de la Betulia liberata de Mozart

que vient nous proposer ce mois d’octobre Christophe Rousset

_ cf mon article d’hier  _,

on ne sait ce qu’il faut admirer le plus,

de ce chef d’œuvre trop méconnu encore d’un Mozart de 15 ans ;

ou de l’interprétation magnifique qu’en donnent Christophe Rousset, à la tête de son orchestre Les Talens Lyriques,

le chœur Accentus,

et les chanteurs solistes de cette Betulia liberata,

que sont Sandrine Piau (Aminta), Amanda Forsythe (Cabri & Carmi) _ sopranos _, Teresa Iervolino (Giuditta) _ mezzo-soprano _, Pablo Bemsch (Ozia) et Nahuel Di Pierro (Achior) _ ténors.

Le genre de l’oratorio

créé, à Rome, par Giacomo Carissimi (Marino, 18 avril 1605 – Rome, 12 janvier 1674),

s’est déployé superbement, en particulier dans l’Italie des XVIIe et XVIIIe siècles

_ l’oratorio (dépourvu de mise en scène) permettait, aussi, aux amateurs passionnés d’opéra de suppléer à celui-ci, interdit de représentation durant la période du carême….

Et il est tout naturel que le jeune Mozart se soit vu proposer, le 13 mars 1771 _ et cela pour la toute première fois de sa jeune carrière de compositeur _, à Padoue,

de s’adonner à la composition d’un oratorio…

Ce qui est assez stupéfiant, est le degré de perfection auquel a d’emblée atteint le jeune homme Mozart

dès ce coup d’essai ;

et qui vient nous enchanter aujourd’hui dans ce merveilleux double CD dans la réalisation de Christophe Rousset…

L’article Conversion de Jean-Charles Hoffelé, auquel je renvoyais hier,

soulignait parfaitement la parfaite tension dramatique que le génie dramaturgique _ bien reconnu _ de Mozart _ en toute sa musique _ a donné à son oratorio ;

et que Christophe Rousset a su parfaitement insuffler à son interprétation _ et ses interprètes _

telle que captée ici au disque.

Et les incarnations des chanteurs sont, en effet, elles aussi, très intenses :

on admire tout particulièrement l’art et le timbre de voix de cette somptueuse mezzo qu’est Teresa Iervolino,

en la radieuse Giuditta ;

mais aussi les deux magnifiques ténors que sont

Pablo Bemsch, en Ozia _ un rôle-clé et quasiment omniprésent : une superbe performance !.. _

et Nahuel Di Pierro, en Achior, à la très remarquable présence impérieuse… 

Voilà donc un apport de grand choix à la discographie mozartienne.

Ce samedi 10 octobre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

Comparer les interprétations au disque des Pièces de clavecin de François Couperin : au plaisir de la Tribune des Critiques de disques de France-Musique…

08oct

François Couperin (1668 – 1733) est un des compositeurs _ si subtils _ parmi les plus difficiles qui soient.

Aussi attendais-je avec un plaisir amusé

la souvent très intéressante Tribune des Critiques de Disques, de France-Musique,

de ce dimanche, 

consacrée aux Pièces de clavecin de François Couperin,

même si je n’apprécie pas nécessairement

ni le choix des interprétations,

ni le choix des critiques invités,

de son présent producteur-animateur _ souvent partial, et pas du côté qui me sied… _,

Jérémie Rousseau.


Celui-ci avait choisi trois de ces brèves Pièces de clavecin,

et des plus justement parmi les plus célèbres :

Les Barricades mystérieuses,

Le Tic-toc-choc, ou les Maillotins,

et le Dodo, ou l’amour au berceau,

chaque fois sous les doigts de six clavecinistes différents :

Scott Ross, Blandine Verlet, Christophe Rousset, Frédérick Haas, Skip Sempé et Noëlle Spieth ;

Noëlle Spieth, Christophe Rousset, Olivier Fortin, Blandine Rannou, Olivier Beaumont et Blandine Verlet ;

Frédérick Haas, Noëlle Spieth, Skip Sempé, Gustav Leonhardt, Scott Ross et Christophe Rousset.

Épreuve redoutable

pour tous les auditeurs _ et d’abord pour les critiques-journalistes invités _

ayant à affiner la tension qualitative de leur écoute,

en vue d’un jugement circonstancié,

c’est-à dire le mieux argumenté _ et justifié ! _ possible,

à propos d’un compositeur

au goût si exigeant et complexe,

en son étourdissant _ et éblouissant d’enchantement ! _ naturel de simplicité…

Et ce fut la braise sous la glace torride

de Gustav Leonhardt

qui l’emporta.

Bonne écoute,

à votre tour !

Vous allez assurément vous régaler !!!

Ce lundi 8 octobre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

 

 

Merveilleuse musique et merveilleuse interprétation ! Le CD Shostakovich (Piano Quintet + String Quartet n° 3) du Quatuor Belcea & Piotr Anderszewski

14avr

Qu’il est bon d’être magnifiquement subjugué dès les premières notes des premières mesures de musique par un CD de musique !

Eh bien, c’est l’expérience d’un tel transport que je viens de vivre dès les premières mesures du premier mouvement (Prelude, Lento) du Quintette avec piano en sol mineur de Dimitri Chostakovitch, par le Quatuor Belcea et Piotr Anderszewski au piano (le CD Alpha 360).

Une œuvre composée en 1940, et qui valut au compositeur un franc succès, tant auprès du régime (et de Staline), que du public. Ce mouvement, Prélude (de 4′ 46″) , fait d’ailleurs couple avec la Fugue, Adagio, du mouvement qui suit (de 11′ 34″), où tout se ralentit encore et se tend…

Le livret, sous la plume de Clemens Matuschek, est excellent,

à faire apparaître le profond double jeu des deux œuvres de ce disque,

le Quintette de 1940 _ l’URSS n’est pas encore en guerre, et jouit de sa reconquête de la partie orientale de la Pologne, en tant que bénéfice sien du partage avec le Reich nazi de la malheureuse Pologne, à la suite du pacte Molotov-Ribbentrop d’août 1939, qui permit à Hitler d’avoir les mains libres pour attaquer à l’Ouest… _,

et le Quatuor à cordes n° 3, de 1946, de Dmitri Shostakovich (1906 – 1975), par le QuatuorBelcea et le pianiste Piotr Andreszewski (CD Alpha 360).

L’appréciation du très lucide _ lui aussi _ collègue compositeur Prokofiev (1891 – 1953) est citée :

« Je connais des gens qui ont employé les moyens les plus désespérés pour composer une fugue tant soit peu originale. ILs n’y sont que rarement arrivés. Mais la fugue de Chostakovich contient une quantité de choses nouvelles« …

L’interprétation est, elle aussi, magistrale ;

celle du pianiste,

celle des cordes aussi,

d’une clarté confondante ;

et avec énormément de sous-entendus les plus ambigus possibles…

Une citation _ de l’altiste Krzysztof Chorzelski _  avance, à propos de l’Intermezzo, Lento _ à nouveau, d’une incroyable tension dans l’étirement grinçant d’une insupportable douceur ! _, du quatrième mouvement :

« On a presque l’impression que c’est la dernière issue, une fuite dans la construction d’une fausse idylle. Une atmosphère comme celle du roman de Boulgakov, Le Maître et Marguerite… »

Pour conclure, superbement ce livret :

« Pour Dimitri Chostakovitch, le grand succès remporté par cette œuvre eut d’ailleurs, outre sa réhabilitation sociale _ après la terrible déchéance consécutive à la rage de Staline face à l’opéra Lady Macbeth de Mzensk, en 1936 _, un autre effet secondaire agréable, comme il le révéla _ avec infiniment d’humour (grinçant, ici encore) _ à un de ses amis :

« Sais-tu pourquoi j’ai ajouté une partie de piano au quatuor ? Pour la jouer moi-même et avoir ainsi une raison de voyager pour donner des concerts dans différentes villes et villages. Cela me permettra aussi de voir le vaste monde ! » »…

Un disque superbe de bout en bout !

Ce samedi 14 avril 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Entre mélancolie (de l’Histoire) et jubilation de l’admiration envers l’amour de la liberté et la vie, le sublime (et très probe) travail d’enquête d’Ivan Jablonka sur l' »Histoire des grands parents que je n’ai pas eus »

09avr

C’est éperdu d’admiration _ et de reconnaissance envers l’historien passionnément rigoureux d’une génération de pourchassés (de 1930 à 1945 : comme délinquants communistes, comme immigrés illégaux et sans-papiers, et enfin comme Juifs…) _ que le lecteur que je suis se retrouve à l’issue de sa troisième lecture _ toujours plus attentive _ d’Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, d’Ivan Jablonka, aux Éditions du Seuil ;

avec, aussi et en sus, le plaisir de l’impact de son intervention d’historien _ qui sait confier l’ampleur de sa recherche et la rigueur de ses analyses à une écriture vibrante, celle de son enquête méthodique, sans jamais se laisser aller à la dérive d’une imagination qui dévierait du souci de la stricte vérité (historique), sans cesse à démontrer et mettre à l’épreuve de ce qui infirmerait les hypothèses avancées : « il faut tout à la fois assumer ses incertitudes comme faisant partie d’un récit plein et entier, et repousser les facilités de l’imagination, même si elle remplit merveilleusement les blancs« , écrit l’auteur, page 265 _ à propos des liens entre histoire et littérature, à l’Escale du livre, dimanche il y a huit jours, le 29 avril dernier : un grand souffle (et de parfaite probité ! en toute modestie et même humilité, mais passionnés) en la présentation magnifiquement claire et percutante de ce qui dans son travail et son écriture se tisse entre histoire et littérature (entendue à l’exception de toute fiction, en son cas).

Sur ces liens entre travail de l’historien et souffle poétique,

on se reportera déjà avec profit et joie à son maître-article du 30 octobre 2007, à propos du déjà exemplaire, en sa singularité, et prodigieux de force ! Les Disparus de Daniel Mendelsohn _ une enquête-modèle ?.. _, sur le site de laviedesidees.fr : Comment raconter la Shoah

J’en distingue ici ces lignes :

« Le frottement entre l’histoire et la littérature, entre le témoignage, l’archive et le roman, fait jaillir comme une étincelle _ fécondissime ! _ la part d’inventivité _ fruit du génie à l’œuvre ; loin des calculs d’intérêt et plans de carrière ! _ qu’il y a dans toute tentative historienne et même dans toute recherche de vérité _ oui ! L’histoire n’est certes pas un artifice littéraire, une fiction verbale ; il n’en reste pas moins que, sans le grain de folie qui la fait lever _ voilà : le levain du génie de la curiosité inspirée ; la générosité d’une passion plus que vraie : vitale ! _, la vérité _ sinon inerte… _ reste invisible » ;

ainsi que la remarque de conclusion :

« Dans son étude History and Memory after Auschwitz, Dominick LaCapra affirme que l’important n’est pas de se souvenir, mais de se souvenir de manière pertinente _ et non selon des clichés ! Le danger est que la mémoire alterne entre répétition nostalgique et agitation superficielle, pour finalement transformer l’absence entêtante des victimes en présence _ = héroïsation ou/et hagiographie _ sanctifiée et honorée ; d’où la nécessité de ne jamais disjoindre le savoir, l’éthique et l’esthétique _ voilà ! Après lui, Mendelsohn nous montre qu’à l’étouffant « devoir de mémoire » _ seriné pour bien des motifs idéologiques : frelatés et mensongers ! _, il faut substituer la liberté créatrice du ressouvenir » _ fervent et maîtrisé…


C’est à ce bilan tout en camaïeu de demi-teintes précises-là

que nous confronte avec une émotion contrôlée mais contagieuse par sa parfaite vérité

_ « il est vain d’opposer scientificité et engagement, faits extérieurs et passion de celui qui les consigne, histoire et art de conter, car l’émotion ne provient pas du pathos ou de l’accumulation des superlatifs : elle jaillit de notre tension vers la vérité. Elle est la pierre de touche d’une littérature qui satisfait aux exigences de la méthode « , écrit l’auteur page 363 de cette Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus  : on ne saurait mieux dire ! _,

Ivan Jablonka en ses sublimes _ de justesse d’émotion vraie et d’analyse probe _ remarques de conclusion de son « enquête«  _ car tel est le sous-titre revendiqué et splendidement assumé de son livre, dans le droit-fil de la décision de démarche d’Hérodote… : l’amplitude des contextualisations et des références pertinemment convoquées et appliquées rend très admiratif ! _,

quand il déclare, page 363,

après ses ultimes _ diverses : toutes et chacune passées au plus précis et rigoureux des tamis du plausible et du quasi impossible : soient les denses et terribles pages 323 à 363 du dernier chapitre, « De l’autre côté du monde«  : sur ce qui a pu advenir (ou pas) de Matès et Idesa Jablonka à Auschwitz _ hypothèses à la recherche ce qui est advenu de facto à son grand-père Matès et à sa grand-mère Idesa à Auschwitz, en leur provisoire et à plus ou moins court terme _ jours ? mois ? années : 1943 ? 1944 ? _ survie, après avoir été débarqués « du convoi n° 49 » (en provenance de Drancy) sur la rampe le 4 mars 1943, « au crépuscule, disons vers 17 heures en cette fin d’hiver polonais«  (page 335) ; tout cela se lisant avec rien moins qu’une « une terreur sacrée«  (l’expression se lit à la page 291) :

« Voilà. Ma recherche touche à sa fin.

Au matin j’accueille tout le monde _ son épouse et ses filles _ à la table du petit déjeuner, les yeux brûlants, hagards. Mon enquête _ de rien moins que cinq années _ ne m’a pas apporté la paix. Je suis capable de regarder en face leur vie et leur mort _ telles qu’approchées au plus près possible par le travail infatigable de la recherche (et ses richissimes contextualisations : l’auteur a tout lu ! et décrypté !) ; mais celui-ci bute aussi sur quelques terriblement fâcheux points-aveugles (!) qui résistent… _, mais je resterai toujours ce petit garçon

_ rédigeant, se souvient-il, un « testament à l’âge de sept ans et demi« , en juin 1981, dans lequel il évoquait ses grands-parents comme des « dieux tutélaires«  « adorés qui veilleront sur moi » :

« je penserai à vous toute ma vie. Même quand ma vie à mon tour sera finie, mes enfants vous auront connus. Même leurs enfants vous connaîtront quand je serai dans la tombe. Pour moi, vous serez mes dieux, mes dieux adorés qui veilleront sur moi, que sur moi. Je penserai : mes dieux me couvrent, je peux rester dans l’enfer ou dans le paradis« , avait-il indiqué à l’ouverture de son livre, pages 9 et 10. Se demandant alors : « vocation d’historien ou résignation d’enfant écrasé par le devoir de transmission, maillon d’une chaîne de morts ?« 

Et à la veille, rétrospectivement, d’entreprendre l’enquête qui allait prendre les cinq années allant de 2007 à 2011, l’auteur se demandait, page 10 : « Ai-je encore la force de porter _ tel Énée, Anchise (cf « je suis historien comme Énée quittant Troie en flammes avec son père sur les épaules« , page 364) _ ces êtres dont je suis la projection dans le temps? Ne puis-je nourrir leur vie _ si vilainement trop vite oblitérée _ de la mienne _ d’historien au travail _, plutôt que de mourir sans cesse _ mélancoliquement _ de leur mort ?«  Le défi, n’était-il pas, alors (page 10 toujours) cette « folie que de vouloir retracer _ et en la seule vérité de la probe recherche méthodique historienne _ la vie d’inconnus à partir de rien ! Vivants, ils étaient déjà invisibles ; et l’Histoire les a pulvérisés« 

Mais il se trouve aussi que, toujours page 10 en suivant, « ces poussières du siècle ne reposent pas dans quelque urne _ scellée et parfaitement privée _ du temple familial ; elles sont _ bel et bien _ en suspension dans l’air _ qui nous est commun _, elles voyagent _ partout _ au gré des vents, s’humectent à l’écume des vagues, paillettent les toits de la ville, piquent notre œil et repartent sous un avatar quelconque, pétale, comète ou libellule, tout ce qui est léger et fugace.« 

C’est-à-dire surtout que « ces anonymes, ce ne sont pas les miens, ce sont les nôtres » !

Il est donc urgent, avant l’effacement définitif, de retrouver _ et apprendre à décrypter et interpréter _ les _ moindres _ traces, les empreintes de vie qu’ils ont laissées, preuves involontaires de leur passage dans le monde« .

Ce qui permet à l’auteur de conclure ainsi l’ouverture de son « enquête« , page 11 :

« Conçue à la fois comme une biographie familiale _ par sa focalisation ; mais sans exclusive, car le projecteur orienté sur eux est mis aussi sur toute une génération de pourchassés ! _, une œuvre de justice _ de réparation morale ! _ et un prolongement de mon travail d’historien,

ma recherche commence » : c’était donc en 2007…  _

mais je resterai toujours ce petit garçon _ de sept ans et demi, en 1981,

je reprends l’élan de la phrase de la page 363 _

couché dans sa tombe, avec les dieux qui le veillent.

Leur mort coule dans mes veines, non comme un poison, mais comme ma vie même.

Pour mes filles _ soit la génération qui vient maintenant (celle des arrière-petits enfants : les filles d’Ivan Jablonka vont encore à l’école maternelle) _, je rêve d’autre chose : proclamer la dignité d’un homme et d’une femme dont la mort est une borne, pas un destin. Pour moi, c’est trop tard !

Même si en ce qu’il qualifie de son « échec » ici

_ « je n’éprouve aucune satisfaction. Je ne sais rien _ d’objectivement assuré, au-delà d’indices, cependant, de témoignages rigoureusement décryptés ! tels ceux, évidemment si précieux, de la cousine Annette (et ce qu’elle a recueilli du boucher de la rue des Maronites, Szloma Niremberg, revenu d’Auschwitz…) et ceux de l’autre cousine Maria et de sa fille Sarah, de retour d’Auschwitz, ces deux dernières-ci aussi ! _ de leur mort _ à Auschwitz _ et pas grand chose de leur vie« , écrit-il au final de l’enquête, et du chapitre d’Auschwitz, page 364. Ils sont bourrelier et couturière, révolutionnaires du Yiddishland, persécutés pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils font _ pas seulement en Pologne, dans la France de la IIIe République, et en celle de Vichy, puis par les Nazis _, jusqu’à la fin tragique de leur existence ; je suis un chercheur parisien, social-démocrate, presque un bourgeois. Mon franco-judaïsme assimilé contre leur judéo-bolchévisme flamboyant. Nous n’avons aucune langue en commun« 

Et pis encore, en suivant : « Ce n’est pas seulement pour cela que je suis condamné à rester extérieur à leur vie. Il suffit de se prendre soi-même en exemple pour sentir le caractère dérisoire de mon pari : la somme de nos actes ne révèle pas ce que nous sommes, et quelques actes épars ne révèlent rien du tout.

Après avoir brassé, réuni, comparé, recousu, je ne sais rien.

Ma seule consolation, c’est que je ne pouvais _ en historien qui décrypte des traces _ faire mieux«  _,

même si en ce qu’il qualifie de son « échec » d’historien,

émerge une formidable admiration et leçon de courage et de vie, c’est-à-dire de liberté

envers et contre tout,

de la part de ses grands-parents pourchassés _ comme militants communistes, puis immigrés illégaux sans-papiers, et enfin Juifs… _, comme de ceux qui les ont aidés et accueillis _ à commencer par l’ouvrier anarchiste breton (de Fougères) Constant Couanault et son épouse Annette, la cousine (venue, elle, de Maloryta, en Biélorussie) _ :

« Je distingue les miens _ écrit aussi (et peut-être surtout) Ivan Jablonka pages 365-366-367 ; et c’est cela qui anime le plus fort l’historien, à contresens de sa pente personnelle mélancolique… _ parce qu’ils symbolisent toute une génération.

Parce qu’ils sont plus grands qu’eux-mêmes.

Au nom de quoi ? Une marche du shtetl vers l’Occident ? Une tragédie vécue entre Staline et Hitler ? Un amour brisé par la Shoah ? Vie et mort d’un homme du Sonderkommando ? Biographie de mes grands-parents ?

Les mots _ jusque ceux du scientifique et historien, en l’occurrence _ sont mensongers. A peine prononcés, ils trahissent le foisonnement des êtres _ magnifique expression _, bafouent leur liberté.

Quand je dis « Juifs », je referme sur mes grands-parents la chape identitaire que, toute leur vie, ils ont voulu faire sauter pour embrasser l’universel » : voilà ! nous touchons ici le fond de leur histoire de personnes !

C’est cette conquête on ne peut mieux concrète de la liberté qui les a, comme personnes singulières, animés, même s’ils ont été, tellement trop jeunes, en leur course éperdue de par l’Europe et le monde (vers l’Argentine ?), pris dans la nasse et fauchés (jusqu’à Auschwitz), avec et comme d’autres qu’eux, par d’autres forces de l’Histoire…

Mais « nul renoncement _ voilà ! _ n’entache leur vie semée d’échecs. Leur rage d’émancipation les porte _ sans cesse et en dépit de tout : jusqu’à la capture dernière, 17 passage d’Eupatoria et Drancy, puis la mort injustement reçue, à Auschwitz _ au-delà d’eux-mêmes « 

_ et en comparaison, ajoute leur petit-fils, né, lui, à la fin de 1973 : « ma révolte à moi, bien faible révolte en vérité, se dresse contre l’oubli et le silence, contre l’ordre des choses, l’indifférence, la banalité«  : ce n’est pas (non plus) rien !..

Et « ils sont désormais rendus _ par la justesse de ce livre _ à leur jaillissement natif, au débordement _ que tant, ici, là, et encore ailleurs, avaient cherché à étouffer _ : des êtres irréductiblement, démesurément faits pour la vie«  _ qui se construit, se déploie et se crée… Voilà un essentiel, filial comme historiographique, hommage !

« Au moment de la séparation _ d’avec eux, qu’est le terme de ce livre pour celui qui est encore en train de l’écrire, fin 2011 _,

je voudrais leur dire que je les aime,

que je pense à eux souvent _ ils sont devenus désormais tellement plus présents ! _,

que j’admire leur vie telle qu’ils l’ont vécue,

leur liberté telle qu’ils l’ont brandie _ voilà ! _,

que j’éprouve de la gratitude à leur égard parce que ma vie en France, dans un pays en paix, libre et riche, c’est à eux que je la dois _ même s’ils ne voyaient peut-être pas les choses ainsi.

Je voudrais

_ en ce dialogue avec les morts ; cf mon article du 27 mars 2011 sur le livre de ce titre, Dialogue avec les morts, de Jean Clair : Face à l’énigme du devenir (poïétiquement) soi, l’intensément troublant « Dialogue avec les morts » (et la beauté !) de Jean Clair : comprendre son parcours d’amoureux d’oeuvres vraies _

qu’ils sachent que j’aurais aimé les connaître, trouver leur accent bizarre, leurs cadeaux un peu décalés, leurs histoires merveilleuses.

Je voudrais leur raconter aussi la suite : leurs enfants _ Suzanne (Sorè), née le 22 janvier 1939, et Marcel (Moyshelè), né le 29 avril 1940 _ ont été naturalisés après la guerre et leurs trois petits-enfants _ ma cousine, mon frère et moi _ ont fait de bonnes études, par lesquelles la République a montré un autre visage que celui qu’ils ont connu. »

Alors, à la question (qu’Ivan Jablonka se pose lors d’une journée complète passée par lui sur le site d’Auschwitz, page 344) : « Mais eux, où sont-ils ?« ,

et puisqu' »il faut bien qu’ils soient quelque part, puisqu’ils ne sont ni sur la terre ni au ciel« ,

l’auteur (et petit-fils) répond ceci, page 344 :

« Ils sont en caractères d’imprimerie dans le Mémorial de Klarsfeld,

en lettres d’or sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah,

en langage informatique dans les bases de données de Yad Vashem.

Tamara, la fille de Henya _ (1917-1996) la plus jeune de la fratrie de Matès Jablonka _, a gentiment fait graver leurs noms sur la tombe de sa mère, comme s’ils étaient là, dans le cimetière-cactée de Hadera chauffé à blanc par le soleil israélien.

Ils sont _ aussi et surtout désormais _ dans ce livre que je mûris,

alors que, sur le pré d’herbe verte _ d’Auschwitz-Birkenau _, la minute de silence s’écoule« , se disait lors de cette minute-là leur petit-fils et historien...

...

De fait, on découvre et comprend bien, en méditant sur ce livre, que (pages 163-164)

« la distinction entre nos histoires de famille et ce qu’on voudrait appeler l’Histoire, avec sa pompeuse majuscule,

n’a aucun sens.

C’est rigoureusement la même chose _ cf aussi l’article-entretien avec Michelle Perrot et Alain Corbin : « Silences et murmures de l’Histoire » ; ou encore ce livre-maître de micro-histoire d’Alain Corbin : Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot _ sur les traces d’un inconnu (1798-1876) _,

il n’y a pas, d’un côté, les grands de ce monde, avec leurs sceptres et leurs interventions télévisées, et, de l’autre, le ressac de la vie quotidienne, les colères et les espoirs sans lendemain, les larmes anonymes, les inconnus dont le nom rouille au bas d’un monument aux morts ou dans quelque cimetière de campagne.

Il n’y a qu’une seule liberté,

une seule finitude,

une seule tragédie

_ humaine et inhumaine _

qui fait du passé _ tout à la fois _ notre plus grande richesse et la vasque de poison dans laquelle notre cœur baigne.

Faire de l’histoire,

c’est prêter l’oreille à la palpitation du silence,

c’est tenter de substituer à l’angoisse, intense au point de se suffire à elle-même,

le respect triste et doux qu’inspire l’humaine _ et commune : universelle _ condition.

Voilà mon travail« ,

en concluait Ivan Jablonka, page 164, au sein du chapitre « Les Sans-Papiers juifs de ma famille« …

Les grands livres , comme les grandes œuvres, sont trans-genres : par la puissance et la grâce tout à la fois _ c’est là la vertu du style ! _ de la singularité de l’objet qu’ils s’essaient à cerner, faire apparaître, figurer, et éclairer et connaître et pleinement ressentir, aussi, et enfin, en une singulière, elle aussi, aisthesis.

A cette catégorie singulière (rare !) -là

_ avec, par exemple, Les Disparus de Daniel Mendelsohn, et, dans la fiction, Liquidation d’Imre Kertész ou Zone de Mathias Enard, ou en musique l’œuvre génialissime, d’après la guerre, de Lucien Durosoir _

appartient cet immense livre si riche _ il m’évoque, à l’échelle des vies de Matès et Idesa Jablonka, la richesse des témoignages réunis par Saul Friedländer dans Les Années d’extermination _,

si fort, si juste et si bouleversant,

et plus nécessaire aujourd’hui que jamais pour reconnaître (et accepter) ce qu’est l’humanité (libre) vraie,

qu’est cette Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus d’Ivan Jablonka, aux Éditions du Seuil…

Au moment de conclure,

je m’aperçois que je n’ai quasiment rien dit des prodiges de rigueur et de fécondité _ admirables : non, la moisson n’est pas vaine !!! _ de cette enquête : dans les archives, comme sur le terrain, et à la recherche de témoins, directs ou indirects, et témoignages

Les efforts d’établissement des faits, comme ceux d’interprétation des indices, ou de comparaisons avec des témoignages similaires dans des situations comparables, sont absolument passionnants !

Tant pour les chapitres de la vie en Pologne, à Parczew (« Jean Petit-Pommier« , pages 13 à 53, « Révolutionnaires professionnels », pages 55 à 93, et « Un antisémitisme plus « civilisé »« , pages 95 à 126), que ceux de la déjà difficile vie à Paris sous la IIIe République finissante (« Les sans-papiers juifs de ma famille« , pages 127 à 168 et « Automne 1939 : les étrangers s’engagent« , pages 169 à 213), que pour la vie sous Vichy (« Le dentiste providentiel« , pages 215 à 263 et « Un bloc d’humanité vraie« , pages 265 à 295), qui se clôt sur l’essai _ passionnant ! _ de reconstitution (par recueil méthodique et patient d’indices et de témoignages) de la capture, 17 Passage d’Eupatoria, à Ménilmontant, le « 25 février 1943, tôt dans la matinée, à l’heure des éboueurs et des laitiers » (page 265).

Après le chapitre reconstituant l’existence des enfants, Suzanne et Marcel, à Luitré, en Île-et-Vilaine, chez un couple de retraités, les Courtoux, de mai 1943 à novembre 1944 (dans le chapitre « A l’abri d’une haie de thuyas« , pages 297 à 321),

l’ultime chapitre « De l’autre côté du monde« , pages 323 à 369, s’efforce d’établir le plus précisément possible, et en interprétant avec le maximum de rigueur l’ensemble des moindres indices et témoignages recueillis, rassemblés et confrontés, ce que furent les circonstances de la fin de vie et de la mort et d’Idesa et de Matès Jablonka à Auschwitz :

Matès ayant très probablement _ selon (ou grâce à) la conjonction établie de trois indices (ou « éléments de preuve« , dit Ivan Jablonka page 325) rapportés et interprétés, selon la plus rigoureuse méthode historiographique, pages 325 à 333 : sans doute le climax de toute cette enquête ! _ survécu un certain temps en tant que « croquemort« , c’est-à-dire membre du Sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau : ce qui est rapporté et confronté à l’ensemble des témoignages accessibles à ce jour dans ces livres parmi les plus terribles du XXe siècle que sont Des voix dans la nuit _ la résistance juive à Auschwitz, de Ber Mark (Plon, 1982) et le collectif Des voix sous la cendre _ Manuscrits des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau (Mémorial de la Shoah-Calmann-Lévy, 2005, sous la direction de Georges Bensoussan)…

Le travail _ et tension (sans le moindre pathos) du récit _ d’Ivan Jablonka est tout particulièrement ici _ faut-il le souligner ? _ lumineux…

Sur le concept d’enquête, et sa magnifique fécondité,

je renvoie à trois de mes articles précédents :

celui, récent, du 22 février 2012, à propos du livre de Florent Brayard Auschwitz, enquête sur un complot nazi :

Le travail au scalpel de Florent Brayard sur les modalités du mensonge nazi à propos du meurtre systématique des Juifs de l’Ouest : le passionnant « Auschwitz, enquête sur un complot nazi » ;

et ceux, plus en amont _ à l’ouverture même de mon blog en juillet 2008 _ des 16 et 17 juillet 2008, à propos du livre (-enquête aussi !) de Jean-Marie Borzeix, Jeudi saint, à propos d’une rafle oubliée, au pays de Bugeat, en Haute-Corrèze, non loin de Tarnac, la semaine de Pâques, en 1944 : 

Ombres dans le paysage : pays, histoire (et filiation) _ « étude critique »

et lacunes dans l’Histoire

Titus Curiosus, ce 9 avril 2010

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur