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travail philosophique et exploitation des philosophèmes : la probité intensive de Thomas Bénatouïl dans sa conférence sur les usages modernes et contemporains du « stoïcisme »

11nov

C’est un Thomas Bénatouïl vif, inspiré, très précis et on ne peut mieux passionnant, avec une probité magnifiquement « intensive« , qui a fait le « point«  hier soir, en sa conférence « Peut-on encore être stoïcien ? A propos de la philosophie comme pratique«  _ et à partir de la publication récente de son « Les Stoïciens III _ Musonius, Épictète, Marc-Aurèle«  _ dans les salons Albert-Mollat, sur l’éventail des usages (et mésusages) des philosophies du passé, en général _ et de « philosophèmes » issus du stoïcisme impérial, en particulier… _ qui sont faits aujourd’hui ; et cela non pas en historien des idées (fut-ce en « historien du présent« …), ni en sociologue, voire médiologue, mais bien en philosophe et historien de la philosophie : en acte.


On sent bien, qu’ayant pas mal réfléchi _ c’est, bien sûr, un euphémisme… _ tout particulièrement à ce qu’est la « pratique » (ainsi qu’à son statut même eu égard à ses fondement théoriques _ ou ontologiques ; au delà même de la partie « physique«  de cette philosophie et de sa tradition héritée)… _ dans une philosophie telle que le stoïcisme, et dans les œuvres transmises jusqu’à nous de trois philosophes, Musonius, Épictète, Marc-Aurèle, que nous classons dans la catégorie rassembleuse du « stoïcisme impérial » ou « stoïcisme tardif«  _ cf aussi son travail développé : « Faire usage : la pratique du stoïcisme«  _, Thomas Bénatouïl s’inquiète, en philosophe et en historien de la philosophie, donc, des usages que d’autres que lui font, ou ont fait, de ce statut de la « pratique » en une telle philosophie (stoïcienne), ou dans la parole ou l’écriture de tels philosophes (stoïciens) ; et de dangers d’abus, en pareille occurrence, ou de syncrétisme, ou d’éclectisme…

Tel m’a semblé en effet être l’enjeu peut-être principal de son intervention hier soir ; et selon un souci le plus éminent de la probité du penser…


Un premier volet de sa réflexion porte sur son rapport (de philosophe sans cesse en recherche _ il y a ainsi grand plaisir à l’écouter « reprendre«  et affiner magnifiquement à plusieurs reprises son propre cheminement de chercheur _) à l’œuvre incontestablement marquante, ces trente dernières années _ « Exercices spirituels et philosophie antique » (en 2002) et surtout « Qu’est-ce que la philosophie antique ? » (en 1995) dont cite à plusieurs reprises certains passages très précis Thomas Bénatouïl _ d’un Pierre Hadot :

ce qui l’amène à s’interroger sur le statut du concept même d' »exercice spirituel » que manie Pierre Hadot

_ concept emprunté à des auteurs d’un (ou deux) siècle(s) qui reli(sen)t pas mal ces Stoïciens-là : je veux dire un François de Sales (1567-1622 : auteur de l’« Introduction à la vie dévote« , des « Entretiens spirituels« ), que cite Thomas Bénatouïl ; ou un Ignace de Loyola (1491-1556 : auteur des « Exercices spirituels« , dont la première publication eut lieu, à Rome, en 1548)… _ ;

ainsi qu’aux conditions de ses usages eu égard aux fondements proprement ontologiques des théories envisagées : un point incontournable du « stoïcisme » !


Mais en s’inquiétant d’amalgames éclectiques ou syncrétiques en contradiction (violente ! alors…) avec les thèses que soutiennent les philosophes stoïciens en cause _ textes ainsi un peu trop « délicatement«  « sollicités«  précieusement cités à l’appui.

Un second volet de sa réflexion porte sur l’œuvre (assez virtuose) d’un Michel Onfray _ notamment dans sa « Contre-histoire de la philosophie _ les sagesses antiques« 


Et un troisième sur la « mode » présente et ne cessant de s »amplifier«  (régulièrement relayée par les « marronniers » des medias) de « conseils pratiques«  _ cf, ainsi, peut-être, jusqu’à l’actuelle « vogue«  (internationale) du « care«  (mais tel n’est pas l’avis de Thomas Bénatouïl)… _ de ce qui se propose comme « sagesse » (du « vivre« ) à l’égard de tout un chacun, constituant un marché de l’édition en direction d’un lectorat assez « en appétit«  _ quand s’effritent, sinon s’effondreraient, les chiffres de vente du secteur des sciences humaines de certaines librairies ; pas la librairie Mollat, toutefois…

Les usages d’emprunts (« pratiques« ) au stoïcisme impérial semblent cependant mieux autorisés _ bien davantage en respect de leurs fondements théoriques ! _, selon Thomas Bénatouïl, chez certains philosophes mieux reconnus : non seulement dans les cas, relativement bien identifiés, analysés et commentés ici, d’un Montaigne _ en ses « Essais » _ ou d’un Descartes _ en son « Discours de la méthode » _, mais encore dans celui plus discret, sinon « secret« , d’un Shaftesbury _ l’auteur de la « Lettre sur l’enthousiasme« , en des pensées gardées soigneusement impubliées, non « affichées », invisibles, secrètes : les « Exercices« , traduits par Laurent Jaffro (aux Éditions Aubier, en 1993) _ ; ou d’un Nietzsche _ en ses « Considérations intempestives«  (II, 5)…

Thomas Bénatouïl aurait pu aussi analyser l’usage que fait Michel Foucault de certaines philosophèmes issus du stoïcisme : mais ce sera pour une autre fois _ promet-il à la fin…

Chez ces divers philosophes-là, cependant, il estime que les usages faits _ ou encore la considération proposée et pleinement assumée de leur « pratique«  _ de certains de ces principes (ou, aussi, « philosophèmes« ) stoïciens, ne sont, ces fois bien spécifiées-là, ni de l’ordre du syncrétisme, ni de celui de l’éclectisme, ni non plus de celui de l’amalgame ; mais qu’ils demeurent fidèles à la lettre et à l’esprit (de la pratique et de la théorie, tout uniment !) de tout le stoïcisme…

Ce qui n’a pas été sans évoquer en moi certaines pratiques chinoises (de discrétion et silence _ y compris d’écriture _, telles celles d’un Tchouang-Tseu (ou Zhuangzi) _ qu’ont pu étudier un François Jullien (cf, par exemple : « Chemin faisant, connaître la Chine, relancer la philosophie« ) ou un Jean-François Billeter (« Etudes sur Tchouang-Tseu« )…


Titus Curiosus, ce 11 novembre 2009

Post-scriptum :

Ayant soumis ce « compte-rendu » de conférence _ à écouter (67′), elle… _ à son (brillant et probe) auteur,

voici ce que celui-ci me répond ce matin, à propos de ma remarque sur le care :

De :   Thomas Benatouil

Objet : Rép : Article sur la conférence à Bordeaux hier soir
Date : 12 novembre 2009 08:56:45 HNEC
À :   Titus Curiosus

« Merci pour ce compte-rendu très fidèle. J’aurais effectivement bien aimé parler de Foucault, j’avais prévu de le faire, mais j’ai passé trop de temps sur Hadot. Mon seul doute sur ton compte-rendu concerne ton allusion au « care » comme faisant partie de la mode de la philosophie comme manière de vivre : tu ne me l’attribues pas bien sûr, elle est en vert. Je n’avais pas pensé à cela. Il me semble que les théories du care, quoi qu’on en pense, ne se réduisent pas à cette mode _ dont acte ! _ et n’ont pas le même soubassement théorique (ou plutôt la même absence de soubassement théorique). »


Ma réponse par retour de courriel :

Merci de ta réponse.

Je nuancerai donc l’expression de « mon » appréciation à propos du « care« .
Cette « sollicitude » peut être le symptôme
_ extra-philosophique dans certains de ses « usages » ?.. : cela, je l’ajoute maintenant… _ d’un « monde » avec inflation d’indifférence et de mépris…

Nos collègues bordelais Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc
ont abordé ces questions dans « Le Sexe de la sollicitude »
et « L’Invisibilité sociale« …

Je ne crois pas avoir écrit d’article sur mon blog
sur le livre de Guillaume (d’une belle écriture ! j’ai apprécié ce travail ! _ et je lui ai écrit !) ; ce livre porte surtout sur la cécité (et la surdité) sociale(s)…
Mais j’ai écrit un article _ le 26 novembre 2008 : « Pour prolonger la conférence d’hier soir de Fabienne Brugère : penser la sollicitude et l’intime« _ sur celui de Fabienne.
Je te l’adresserai quand je serai revenu chez moi _ je t’écris maintenant entre deux heures de cours…

Les échanges consécutifs aux conférences

_ lors des repas conviviaux de notre « Société de Philosophie de Bordeaux«  _

me sont personnellement très précieux.

Titus

Ce que le philosopher aujourd’hui peut apprendre du philosopher des Stoïciens tardifs : Thomas Bénatouïl mardi prochain à la Librairie Mollat pour la seconde conférence de la saison 2009-2010 de la Société de Philosophie de Bordeaux

07nov

Mardi prochain, 10 novembre, les Salons Albert-Mollat de la rue Vital-Carles recevront Thomas Bénatouïl sur le sujet, passionnant, de « Peut-on encore être stoïcien ? A propos de la philosophie comme pratique« …

« Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à Épictète et Marc Aurèle ? Après avoir présenté la spécificité des deux représentants les plus connus du stoïcisme par rapport aux autres philosophes de l’Antiquité, la conférence examinera dans quelle mesure leur conception pratique de la philosophie est toujours pertinente. Le retour actuel de la « philosophie comme manière de vivre » est-il fidèle au stoïcisme impérial ? et philosophiquement intéressant ? Thomas Bénatouïl donnera plusieurs raisons d’en douter _ ah ! ah ! _ et suggèrera une autre manière _ voilà… _ de faire usage du stoïcisme » _ passionnant !..

Nul doute que les travaux récents de Thomas Bénatouïl, « Les Stoïciens III _ Musonius, Épictète, Marc-Aurèle« , comme « Faire usage : la pratique du stoïcisme« , vont nous permettre, en cette occurrence et opportunité _ à ne pas laisser passer… _ de mieux nous _ chacun… _ confronter, grâce aux interrogations que cette conférence ne va pas manquer de susciter et provoquer, même _ on ne peut plus directement ! malicieusement même, peut-être… _, à ce que peut être (ou ne peut pas être : nous l’apprendrons surtout alors !..) l’activité de « philosopher » aujourd’hui, en regard (ou pas) à l’activité de « philosopher » des Stoïciens tardifs, et les plus célèbres (dont soient les écrits même nous ont été conservés et transmis _ c’est le cas du « Journal » personnel : « pour lui-même » ! de l’empereur Marc-Aurèle _ ; soient les pratiques, les conversations _ ou « entretiens« , voire « dialogues« … ; ou discours, ou simples paroles, sinon « leçons« _ nous ont été d’une quelconque façon, parfois tant bien que mal, « rapportés » par d’autres : disciples, élèves, admirateurs ou fidèles _ dans le cas d’Epictète ou de Musonius… La tradition philosophique faisant, à côté (et en plus) des chaos et violences de l’Histoire (peu avare à ces égards), ses « tris« …

Probablement Thomas Bénatouïl évoquera-t-il, au moins, les pistes tracées ces derniers temps, quant au sens même du « philosopher » lui-même dans les diverses Antiquités (gréco-latines, pour commencer…), par Pierre Hadot : auteur des « Exercices spirituels et philosophie antique » et d' »Apprendre à philosopher dans l’Antiquité » et « Introduction aux Pensées de Marc-Aurèle : la Citadelle intérieure » ; cf aussi ses entretiens « La Philosophie comme manière de vivre« , avec Jeannie Carlier et Arnold Ira Davidson…

Voici une appétissante et fort judicieuse présentation des travaux de Thomas Bénatouïl accessible sur le site des Agendas de Mollat.com :

Mardi 10 Novembre 2009 à 18h00 : Thomas Bénatouïl

Les derniers stoïciens…


Image manquante

Épictète (50-130) et Marc Aurèle (121-180) sont les derniers, mais les mieux connus, des Stoïciens de l’Antiquité _ avec Sénèque (vers 4 av. J.-C. – 65 apr. J.-C.)… Né vers 300 avant Jésus-Christ, le stoïcisme, fondé par Zénon de Kition à Chypre, a dominé la scène intellectuelle grecque puis romaine, influencé les idées sociales et politiques durant cinq siècles _ donnée factuelle à apprécier… Son enseignement repose sur une tripartition de la philosophie en physique, éthique et logique. Mais les ouvrages de la grande majorité des auteurs stoïciens ont été _ hélas _ perdus : on ne les connaît que par ce que d’autres auteurs rapportent _ voilà _ d’eux. Pour Épictète et Marc Aurèle, qui ont vécu aux Ier et IIe siècles après Jésus-Christ, leur pensée a été préservée _ jusqu’à nous _ grâce à des disciples _ oui _ qui ont mis par écrit leur enseignement (pour Épictète et Musonius) ou conservé (pour Marc Aurèle) le « journal philosophique » qu’il tenait et qui constitue l’une des œuvres littéraires et intellectuelles les plus singulières _ oui ! _ de l’histoire, non seulement parce que son auteur était l’empereur de Rome, mais aussi par son style _ admirable ! _ et son approche _ bousculante _ de la philosophie.

Le stoïcisme impérial est souvent réduit _ par la « tradition«  ou l’enseignement le plus courant _ soit à un résumé des premiers stoïciens _ seulement... _ ; soit à une philosophie purement éthique, qui aurait délaissé toute spéculation logique et cosmologique. En réalité, ces stoïciens-là se concentrent _ c’est une « focalisation » ! _ sur la dimension pratique et pédagogique de la philosophie _ voilà ! un besoin s’en faisant alors urgemment « sentir« Ils se demandent ce que signifie concrètement « être stoïcien » : s’agit-il seulement d’adhérer à certaines thèses ? S’agit-il aussi de les appliquer ? Comment les mettre en œuvre dans notre vie quotidienne ? Rares sont les philosophes, même dans l’Antiquité _ qu’en pense un Pierre Hadot ?.. _, qui traitent sérieusement des questions d’intendance intellectuelles !

Si Épictète et Marc Aurèle ne négligent pas les démonstrations des principes, ils montrent qu’elles ne suffisent pas. Et cela ne concerne pas seulement l’éthique. Comprendre la physique suppose de voir le monde à travers _ aussi _ ses principes. Maîtriser la logique exige d’appliquer ses règles, quel que soit le sujet _ cela menant forcément très loin… Ce dernier stoïcisme a influencé discrètement, mais de manière décisive, des auteurs aussi divers que Montaigne, Spinoza, Shaftesbury, Kant, Nietzsche, Deleuze ou Foucault _ voici des ouvertures passionnantes !..

Thomas Bénatouïl est maître de conférences à l’université de Nancy, spécialiste de philosophie antique, en particulier du stoïcisme. Il a publié « Le Scepticisme » (G-F, collection « Corpus« , 1997), « Matrix, machine philosophique » (2003, avec Alain Badiou, Élie During, Patrick Maniglier, David Rabouin et Jean-Pierre Zarader), « Faire usage : la pratique du stoïcisme » (2006) et « Les Stoïciens III _ Musonius, Epictète, Marc-Aurèle » (paru le 15 septembre 2009).

A mardi !

Ne manquez pas une « rencontre » passionnante : quand un (jeune) philosophe au travail vient jusqu’à vous

vous présenter l’état présent de sa recherche _ probe, exigeante, et on ne peut plus concrète par ses nécessaires « applications » pratiques !!!

Au fait,

quelle saveur a donc le « vivre » sans le « philosopher » ?..

Titus Curiosus, ce 7 novembre 2009

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