Par Emmanuel Commissaire
Publié le 16/10/2020
Mis à jour à 17h39

Jeudi 15 octobre, un ouvrage de Plutarque ayant été la propriété de l’écrivain de Dordogne _ au château de Montaigne… _ a été vendu aux enchères.

Il n’a pas chanté « I will survive », l’hymne des Bleus en 1998. Cela ne se fait pas. Ou alors dans sa tête. Un hôtel des ventes n’est pas un stade de football. Il n’empêche qu’il y a des points communs : la tactique, le suspense, la joie du vainqueur.

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« On laisse partir la salle et on part au dernier moment », dévoile celui qui a eu le dernier mot. Il s’agit d’un intermédiaire, venu spécialement de Paris. Amoureux fou des livres, c’est un expert des plus pointus et, au vu de ce qui s’est passé, jeudi 15 octobre, à Bordeaux, un as de la stratégie. Assis discrètement dans un coin, il a longtemps observé sans rien dire.

Mise à prix : 30 000 euros

Il y avait 85 lots avant d’arriver à l’objet star de cette vente aux enchères, « Les vies des hommes illustres grecs et romains », un ouvrage de Plutarque issu de la bibliothèque de l’écrivain Michel de Montaigne, né _ à Bordeaux, rue de La Rousselle… _ et mort en Dordogne _ en son château de Montaigne _ au XVIe siècle _ bonjour la précision ! _, et portant la signature, ainsi que cinq annotations, de l’auteur des « Essais ».

« On laisse partir la salle et on part au dernier moment »

Après une heure et demie d’achats littéraires oscillant entre 30 et 1 700 euros, pour une œuvre de Francis Bacon _ lequel ? le philosophe ? ou bien le peintre ? _, le commissaire-priseur Éric Lacombe, pince-sans-rire, est passé, si l’on peut dire, aux choses sérieuses : « On va commencer gentiment à 30 000 euros ». Aucune comparaison avec les mises à prix précédant cet « exemplaire qui n’a vraisemblablement pas quitté l’Aquitaine ».

D’entrée ont été offerts 40 000 euros. Par sauts de 5 000 euros, c’est monté jusqu’à 100 000 euros, puis au même rythme jusqu’à 155 000 euros, avec un palier à 170 000. Tout s’était passé _ exclusivement _ par téléphone. Les clients intéressés donnaient à cet instant leurs ordres à distance. Aucun n’était présent _ voilà  _ dans l’hôtel des ventes des Chartrons. Mais d’un coup, d’autres acteurs sont entrés dans le jeu, en particulier deux présents physiquement. « Oh, si près du but… », a murmuré délicatement le maître de cérémonie à 300 000 euros, histoire sans doute de faire repartir ce duel.

Mais après quatre minutes et demie de suspense digne d’une séance de tirs au but, le coup de marteau a retenti : « Adjugé  ! ».

« Le livre redisparaît… »

On n’en saura pas plus. Secret professionnel. Le vainqueur de l’enchère n’opérait pas pour lui-même. « Silence absolu » sur le profil de l’acheteur. Même pas sa nationalité _ même pas…

Très émue à titre personnel, la personne qui _ dans la salle des vente des Chartrons _ a enchéri pour lui pouvait quand même laisser filtrer sa fibre littéraire : « Le livre disparaît. Il a émergé pendant peu de temps. Il redisparaît ». Un tour de magie à 369 000 euros. « C’est un prix juste. C’est beaucoup d’argent, mais c’est ce que ça vaut. »